DES |i| ERREURS DEVOILEES | II! 1 PHYSICIENS MODERNES V\ I DANS L'EXPLICATION DES PHÉNOMÈNES , Bic. ! f m i I I f PARIS. I î CHEZ DUFART , LIBRAIRE , QUAI VOLTAIRE , N" 19. | ! i83i. ! I I I >'m-m-" ET LA XITATIOX. Avec deux planches de Figures. • L'erreur en passant de plume en plume finit par devenir une vérité : et si après un ou deux siècles , un homme de bonne foi s'avise de la relever , on lui oppose l'autorité de vingt écrivaios qai se sont copiés l'un fautre , comme si un suffrage répété vingt fois, pouvait compter pour vingt sull'rages. • JociML DES DïBiTS , du 27 .Yoi'«mAre iSi;). !)«@>*Q PARIS . CHEZ DLFART, LIBRAIRE, QUAI VOLTAIRE, N» 19. i83i. Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/erreursdvoilOOth PRÉFACE. L'niPRESsiox de cet ouvrage allait être terminée , lorsqu'un ami me communiqua le bel ouvrage de M. le comte de Maistre, intitulé Les Soirées de Saint-Pétersbourg j dans lesquelles on remarque le discours suivant que l'Auteur met dans la bouche d'un sénateur russe , qui l'adresse à un second interlocuteur. ... « Plus d'une fois , dit ce sénateur , il m'est » arrivé , en matière de physique ou d'histoire » naturelle , d'être choqué , sans trop savoir pour- » quoi, par de certaines opinions accréditées, que » j'ai eu le plaisir ensuite de voir attaquées , et en » même temps tournées en ridicule par des hom- » mes profondément versés dans ces mêmes scien- » ces , dont je me pique peu Croyez-vous qu'il )) faille être l'égal de Descartes pour avoir droit de » se moquer de ses tourbillons ? Si l'on vient me » raconter que cette planète que nous habitons » n'est qu'une éclaboussure du soleil , enlevée , il )j y a quelques millions d'années , par une comète » extravagante courant dans l'espace , ou que les » animaux se font comme des maisons, en mettant w ceci à côté de cela , ou que toutes les couches vj pr:éface. » de notre globe ne sont que le résultat fortuit » d'une précipitation chimique , et cent autres » belles choses de ce genre qu'on a débitées dans )) notre siècle ; faut-il donc avoir beaucoup lu , » beaucoup réfléchi ; faut-il être de quatre ou cinq » académies pour sentir l'extravagance de ces théo- » ries ? Je vais plus loin ; je crois que dans les » questions mêmes qui tiennent aux sciences exac- V) tes , ou qui paraissent reposer entièrement sur » l'expérience , cette règle de la conscience intel- « lectuelle n'est pas à beaucoup près nulle pour » ceux qui ne sont point initiés à ces sortes de » connaissances ; ce qui m'a conduit à douter de « plusieurs qui passent généralement pour certai- » nés. L'explication des marées par l'attraction » luné-solaire , la décomposition et la recomposition » de l'eau, d'autres théories encore que je pourrais » vous citei* et qui passent aujourd'hui pour des » dogmes , refusent absolument d'entrer dans mon » esprit , et je me sens invinciblement porté à » croire qu'un homme de bonne foi viendra quel- )) que jour nous apprendre que nous étions dans » l'erreur sur ces grands objets. » D'après ce passage très - remarquable , j'espère que plusieurs de mes lecteurs trouveront moins mauvais que je m'élève contre certaines théories qui dominent dans l'empire des sciences. Mais ce n'est pas seulement cet auteur illustre qui trouve défectueux nos systèmes scientifiques , l'ingénieux PRÉFACE. VIJ Bernardin de Saint-Pierre tient à peu près un pareil langage ; et même le bonhomme Mercier crut de- voir aussi les combattre l'an VIII au Lycée répu- blicain ; mais comme il n'avait point fait un ample moisson d'argumens et de découvertes pour sou- tenir son attaque , il quitta honteusement la lice , déconcerté par quelques niais sarcasmes qu'on lança contre lui, « en se contentant, dit le Journal » du Commerce du 4 germinal an VIII , d'en ap- y> peler du genre humain endormi par la secte des » géomètres et des astronomes , au genre humain » ét^eillé à la voix des vrais contemplateurs de cet » univers. » Les détracteurs du vrai et les preneurs des fausses théories pullulent dans le monde , parce qu'ils y trouvent leur compte , c'est-à-dire , la gloire et la richesse : aussi s'élèvent-ils fortement contre tout individu zélé pour la vérité qui vien- drait les convaincre d'erreur. A les entendre il ne faut plus songer à de nouvelles découvertes ; tout est fait, tout est connu; et c'est ce que, depuis plus de quarante ans , j'entends retentir à mes oreilles ; et plusieurs ont été assourdis , comme moi , de ces discours. Lisez le Journal des Débats du 10 février 1819, et vous y verrez, Que le chevalier de G** se plaint de ce qu'il n'a pas pu introduire en France une découverte en astronomie qu'il venait de faire. « Quand j'ai écrit , dit-il , on » ne m'a pas répondu ; quand j'ai présenté mes Vllj PREFACE. )> planisphères à ce sujet , on les a à peine regar- » dés , et l'on m'a répondu qu'on a décoiwert tout » ce qu'on pouvait découvrir en astronomie. * » Or , c'est ce qu'ont fait ou font encore le plus grand nombre de nos savans modernes. Pressés d'être portés sur les ailes de la renommée , ils ne se mettent pas en peine de méditer longuement sur les systèmes qu'ils ont vu préconiser dans l'école et de les considérer sous toutes leurs faces pour mieux les connaître et en découvrir le côté vrai ou le côté défectueux ; mais croyant sur la foi du maître , et trouvant un canevas tout fait par Newton et d'autres savans qui les avaien* précédés, ils s'efforcent de travailler, comme en courant , sur ce modèle , et de le broder à qui mieux mieux d'un tissu de calculs et de termes algébriques , s'imaginant que leur œuvre merveil- leuse et sublime bravera impunément la faux du temps qui renverse tout. Mais qu'ont-ils gagné ? Pendant qu'ils s'enorgueillissent de leurs pompeux * Quelles tristes réflexions fait naître un pareille réponse ! Mais celte dure réponse aurait-elle été adressée à un auteur qui aurait ofTert un petit brin dencens aux systèmes ncwtoniuus ? Non , la trompette sonore de la renommée aurait proclamé son nom dans l'Europe savante ; car pour plaire aux coripliées de la science , il ne faut que tournoyer autour des théories accréditées , et déposer aux pieds de ces espèces d'idoles son tribut d'une adoration Traie ou simulée: bienheureux surtout ceux qui peuvent les couronner de quelques blucts scientifiques pour les faire paraître plus belles! PREFACE. IX travaux , ne voilà-t-il pas que nos chers voisins les Anglais , au. lieu de leur rendre des actions de grâces pour avoir porté Newton jusqu'aux nues et avoir fiait triompher ses systèmes , ne cessent de les accuser d'avoir pillé effrontément toutes les idées de leur compatriote. Beau salaire pour avoir trop servilement exalté ce génie certainement éminent, mais non infaillible , parce qu'il était homme ! Ce bourdonnement , Tout est connu , qu'on en- tend fréquemment dans l'empire des sciences , a dû être mortel pour plus d'un génie. Quant à moi, que de fois ne m'a-t-il pas fait suspendre mes mé- ditations pour m'envelopper nonchalamment du lourd manteau d'une ignorance volontaire qui , humainement parlant , aurait été pour moi un bien précieux ! Mais après de très-longues pauses , comme pour me laisser reprendre haleine , un cri intérieur qui s'était fait entendre à moi dès l'âge de douze ans , et que j'avais aussitôt repoussé , parce que je sentais mon incapacité qui était trop réelle , ce cri , dis-je , après de longs et fréquens intervalles , ranimant mon assoupissement ou ma paresse , me forçait de travailler malgré moi-même ; et j'étais alors comme un homme qu'on aurait condamné à arriver , par des marches forcées , dans une région lointaine, et auquel pour ne pas l'exté- nuer afin qu'il pût subir sa peine , on accorderait de temps en temps quelque repos. C'est ainsi que mon ouvrage que j'ai failli brûler plus d'une fois, X PRÉFACE. s'est acheminé bien ou mal jusqu'à sa fm ; et parce que je suis peu jaloux de mes propres idées , je l'abandonne , sans souci et sans inquiétude , à sa bonne ou à sa mauvaise fortune , le regardant comme un enfant revèche dont l'éducation a été longue , pénible et onéreuse , sans pouvoir en espérer jamais ni satisfaction ni dédommagement. 5E5H5HEiH5H5H5E555E5E5H5B5E5E5H ERREURS DÉVOILÉES DES PHYSICIENS MODEIIJNES. AVANT-PROPOS. « Il n'y a pas d'opinion erronée, extraordinaire » et même absurde, qui ne puisse se glisser dans » l'esprit des philosophes les plus profonds et des » génies les plus sublimes. » Ces paroles surpren- dront sans doute quelque classe de lecteurs, niais qu'ils cessent de s'étonner; car elles ne sont pas de moi, mais du célèbre Euler , à l'occasion de Newton , par rapport à son hypothèse de l'émission de la lumière , et que Fourcroy , dans son ouvrage intitulé, Sjstètne des connaissances chimiques (^i) , applique également aux deux illustres chimistes Schéelle et Bergman, et même, par l'énoncé de sa phrase, à tous les philosophes sans restriction. Or, si Fourcroy, dont on ne saurait récuser en ce point le jugement , puisqu'il était lui-même philosophe, reconnaît, d'après le grand géomètre Euler, que le grand Newton lui-même et tous (i) Tome I. pag. i3i , n" ii. 2 ERREUR DÉVOILÉES ceux qui se décorent du manteau de la philo- sophie , sont capables d'enfanter des opinions absurdes, on ne devra pas trouver étrange qu'après plus de quarante ans de réflexions, et m'appuyant sur les expériences des savans modernes , je vienne démontrer que presque toutes les hypothèses que ceux-ci ont émises, sont erronées. Quoique je sois fermement persuadé que mon travail pourra paraître quelque jour utile , je m'attends bien cependant qu il excitera de vives réclamations de la part de quelques savans qui pourraient croire au-dessous d'eux d admettre des vérités opposées aux systèmes qu'ils ont adoptés avec enthousiasme en entrant dans la carrière des sciences. Ceux même qtii ne lisent que pour leur amusement , et qui ne sauraient peser dans une balance impartiale , les hypothèses modernes pour en démêler le faux et le vrai , diront qu'il vaut mieux les recevoir sur la foi d'autrui , et qu'une preuve de leur bonté et de leur exactitude , comme le préfend un journaliste, c'est que les universités et les académies les ont adoptées, et qu'elles sont enseignées et défendues par les professeurs de toute l'Europe. Ceux qui donneraient pour preuve de la bonté d'un svstème physique, chimique ou astronomi- que, cet assentiment universel des savans et des académies , auraient oublié que les sciences aban- données par la Divinité aux disputes des hommes, ne marchent qu'à pas lents, et ne sont jamais stables; surtout ils ignoreraient ce qui se passa dans le siècle qui vit naître la philosophie de Descartes. Alors le péripatétisme étendait son empire sur l'Europe entière, et tous les savans de ce temps-là prenaient , pour le sublime de la science , un système ridicule de physique , qu'on n'oserait pas reproduire aujourd'hui , et qui était DES PinjSir.IEÎN-S jrODRRNFS. "^ alors embelli de leur horreur du vide , de leurs formes substantielles, de leur sympathie et anti- pathie ; enfin d'un nombre infini de qualités occultes et d'idées creuses qui faisaient l'ornement de-leurs thèses et de leurs réponses. Mais à peine la physique de Descartes se montra-t-elle dans le monde savant, qu'universités, académies, pro- fesseurs , tout se déchaîna contre elle et la pro- scrivit. Le ci-devant Parlement de Paris allait même rendre un arrêt foudroyant contre elle , lorsqu'il en fut détourné par une plaisanterie que publia Boileau Despréaux. Mais où l'orage exerça le plus sa furie , ce fut chez des républicains , chez des protestans , dans une terre qu'on regar- dait comme l'asyle de la liberté , en Hollande enfin, où le médecin Régius , qui avait entrepris d'enseigner cette doctrine, fut déféré aux tribu- naux; et, pour ne pas perdre sa chaire de pro- fesseur à l'université d'Utrecht , fut contraint de se soumettre à une sentence publique qui lui ordonna de ne plus enseigner les opinions de Descartes, de s'en tenir aux anciennes hypothè- ses , et de ne plus attaquer les formes substan- tielles et tout l'attirail de ce qu'on appelait la science d'x4.ristote. (f ) Les scènes qui se passaient en Hollande ne sont qu'un des chapitres de l'histoire du cœur humain qui dans tous les temps montre tant de répugnance à reconnaître qu'il s'est trompé. Cependant les savans sont hommes , et tout homme abandonné à ses propres forces est sujet à errer. On peut bien s'être trompé dans un premier aperçu, dans un premier ouvrage, mais doit-on persister dans son erreur? Non, je pense au contraire qu'il est glorieux alors de revenir sur ses pas , au lieu de (i) Voyez Faulian , Diction, de physique, art. Deseartet. 4 r.RREURS DÉVOILÉES s'obstiner à marcher dans de faux sentiers; et c'est là une maxime que je suivrai constamment en abandonnant comme erronées celles des opi- nions que j'aurais émises avant ce jour et qui ne seraient pas conformes à ce que je publie dans ce traité ; car ce qui a rapport aux sciences a besoin d'être long- temps médité et corrigé. J\\ B. Ceux qui voudraient pour leur honneur que les sciences fussent stables , seront fâchés peut-être de voir dans mon ouvrage plus d'une innovation; mais, pour les apaiser, je leur dirai avec un député , « Eh , qu'est-ce donc en fait de » sciences que l'esprit d innovation , si ce n'est V l'esprit des découvertes? m DFS PHYSICIENS MODERNES. LIVRE PPiEMIER. DE LA. MATIERE EN GENERAL Diversité d'opinions entre les Physiciens ou les Chimistes touchant les élémens. JLjes philosophes modernes n'ont pas été plus d'accord entre eux que l'avaient été les anciens, sur le nombre et la nature de ce qu'on a appelé élément. Parmi ces derniers , les uns n'admettaient qu'un élément, les autres en reconnaissaient qua- tre. Parmi les modernes, Paracelse prétendit qu'il y avait cinq principes de la matière; Becker les réduisit à deux : la terre, et l'eau ; mais il divisa la terre en trois espèces, la terre mercurielle, la terre vitrifiable, et la terre inflammable, à laquelle Stahl donna dans la suite le nom de phlogistique. Enfin , par ses nombreux travaux , ce dernier chi- miste crut devoir reconnaître trois élémens : le feu , la terre, et Peau. L'air se trouva donc exclu du nombre des élémens, et il l'eût été long-temps sans doute , si Hyles ne lui eût fait jouer le plus grand rôle dans les phénomènes chimiques , en prenant pour du véritable air certains produits aériformes qu'il retirait de ses analyses. Les travaux de Haies engagèrent les physiciens de revenir à l'opinion d'Empédocle qui reconnais- sait quatre élémens; mais tandis qu'ils croyaient posséder la vraie science des corps, Lavoisier et ses collaborateurs, s'imaginant avoir réellement 6 ERREURS DÉVOILÉES décomposé Tair et Feau dans leurs belles expé- riences, trouvèrent fort étonnant qu'on donnât le nom de principe ou d'élément à des matières qui se décomposaient ainsi ; et ils prétendirent qu'on ne devait donner ces noms qu"à celles qu'on retrouvait toujours les mêmes. De là ils conclurent qu'il ne pouvait y avoir que deux élémens, le feu et la terre. Les assertions qui leur firent prendre cette conclusion, quoique vraies dans un sens , doivent cependant passer pour erronées. Car si d'un coté l'on doit refuser le nom de principe à tout ce qui semble se décomposer, comme l'eau , il faut avouer alors qu'il n'y a point d'élément; puisqu'il n'est aucune matière qui ne put absolument souffrir cette décomposition ap- parente. D'un autre coté , si ce même nom de principe doit être donné aux corps dont les mo- lécules se retrouvent les mêmes, soit dans l'igni- tion, soit dans l'analyse; on peut dire qu'il y aura autant d'élémens que de corps non mélangés : car, pour nous servir de l'exemple de l'eau , on retrouve tout aussi bien la molécule aqueuse dans Fignition du gazhydrogène, de Fesprit-de-vin,etc. qu'on reconnaît, dans la réduction d'un oxide , la molécule métallique. L'une et l'autre repren- nent, dans ces deux circonstances, leur atmo- sphère naturelle en quittant celle qu'ils avaient auparavant : et il en est de même de tous les au- tres corps; car toutes les molécides, composant les substances ou les corps, sont environnées d'une petite atmosphère, comme je le dirai bientôt. Voilà dans quelle versatilité d'opinionsont flotté, depuis Thaïes jusqu'à La voisier, les physiciens et les chimistes au sujet des élémens. Enfin ce n'a plus été à deux , mais à plusieurs substances, qu'on a accordé ce dernier nom ; car les chimistes qui ont succédé à Lavoisier ont cru reconnaître plus de cinquante élémens. DES PHYSICIENS MODERNES. 7 L'incertitude des savans tant anciens que mo- dernes au sujet de la nature de ces prétendus principes est aussi grande que la élé celle qui concerne leur nombre. Aristote, parmi les anciens, composait les quatre élémens d'Empédocle d une matière homogène. Epicure, dans ses rêves extra- vagans , enfante ses atomes et leur attribue les plus bizarres figures. Selon lui , quelques-uns de ces atomes ne sachant aller droit , mais déviant un peu , s'accrochent par un concours fortuit , et au lieu que dans ce cas , ils n'auraient dû constituer qu'un mélange informe, tel qu'un monceau de sable, cependant, suivant ce philosophe, ils for- ment ce bel univers dont nous admirons et Tordre et la magnificence. Epicure n'est pas le seul qui ait débité de semblables sottises; plusieurs philo- sophes , même parmi les modernes, ont partagé avec lui le triste honneur d'avoir produit des idées aussi insensées. Descartes, dans ces derniers siècles, ne recon- naissait qu'un principe dont les molécules dures et cubiques mises en mouvement par la puissance divine formèrent trois élémens; et de ceux-ci, par l'effet des tourbillons qu'il avait imaginés , déri- vèrent tous les corps célestes , l'air et la terre que nous habitons. Certes ce n'est point-la ce que ce savant a écrit de plus sensé. Avec bien moins de raison encore, Leibnitz , par ses mouades qu'il donnait pour des èires simples, dépourvus de jjarties , inélendus , indivisdjles , non figurés , c'est-à-dire immatériels, prétendait expliquer le mécanisme de cet univers; comme si la réunion d'une quantité infinie dètres immatériels pouvait constituer une seule molécule matérielle. Quoique plus habiles que leurs devanciers, les chimistes de l'école de Lavoisier, sans se livrer à des spéculations si élevées, n'ont pas laissé de 8 ERBKUnS DivoiLÉes croire qu'aucun corps qui tombe sous nos sens n'est un être simple; mais que ceux qu'on appelle élémens sont formés par des principes d'une ténuité et d'une inaltérabilité beaucoup plus gran- des ; ce qui revient à l'idée que Newton se formait de la matière. Dans ce dédale d'opinions, où est la vérité? L'erreur est partout, le vrai nulle part. En effet il est impossible que ces contradictions n'existent, tant qu'on s'obstinera à regarder la matière comme le produit de certains principes qui ne sont qu'imaginaires. Car si par élémens on entend quelques substances premières qui aient servi à la production de' cet univers, on peut assurer que dans ce cas il n'y a point d'élémens ; parce que les espèces de matières qui le composent ont toutes été créées distinctement par l'Auteur de la nature à l'instant de la création, et sont tout aussi simples les unes que les autres, s'il ne faut con- sidérer que la molécule propre des différens corps. Ainsi le mot élément ne devrait jamais être syno- nyme de celui àe principe ^ mais désigner en gé- néral les grandes masses de la matière. Des Molécules-bases constituant les élémens ou les divers corps de cet univers. Les physiciens ne divisent point la matière de la même manière que les chimistes de nos jours. Ceux-ci n'ont égard qu'à une sorte de décompo- sition à laquelle paraissent assujettis tous les corps; tandis que les autres la considèrent , cette matière , par rapport aux grandes masses qu'elle forme dans la nature. Comme cette dernière division me paraît la ])lus naturelle et surtout la plus appropriée au but que je me propose, je la suivrai dans le cours de cet ouvrage, sans toutefois trop m'y astreindre ; parce que mon dessein n'est que PKS i>nvsif.iK.\s AroDrR:s'KS. 9 de faire quelques observations critiques sur les systèmes admis, et d'expliquer d'une manière, qui me paraît plus vraie, différens phénomènes. En faisant jaillir du néant la matière, Dieu donna à ses diverses molécules des propriétés variées suivant les desseins de son infinie sagesse. Il divisa cette matière en deux principalessortes, les molécules-bases , et les molécules-atmosphériques. Les premières devaient former les éléuiens ou les différentes classes des corps qui composent cet univers ; et les dernières furent destinées à servir d'atmosphère aux molécules de ces élémens. 11 y a quatre élémens ou quatre principales classes de corps, 1 éther dans lequel est compris l'air que nous respirons, puis la lumière , l'eau, et la terre. Les trois premiers élémens sont les plus sim- ples, c'est-à-dire qu'ils n'ont chacun qu'une même espèce de molécules, tandis que la terre ou le quatrième élément est composé de plusieurs es- pèces toutes particulières. L'éther ou l'air est fluide et élastique dans sou état le plus simple , mais il a quelques variétés , soit concrètes, soit liquides. La lumière n'est jamais sous forme concrète. Dans son état le plus naturel , elle est répandue dans les pores de tous les corps; avec cette diffé- rence qu'elle forme des lignes droites et contiguës dans lair ou 1 éther, de même que dans toutes les substances transparentes; et des ligues inter- rompues dans les autres corps. Cet élément forme trois principales variétés distinctes : la première est la lumière dont nous venons de parler, la seconde est le fluide électri- que, et la troisième est cette matière lumineuse qui couvre la surface du soleil et des étoiles , et qui, placée dans les vers-iuisans et aulies auiujaux TO ERREURS DEVOILEES phosphorescens, ainsi que dans quelques (îiamans défectueux, les fait briller dans l'obscurité. L'eau, de quelque manière qu'elle se modifie, n'a aussi qu'une même espèce de molécules. Dans son état le plus ordinaire , elle est ou liquide , comme l'eau des rivières et des fontaines, ou^plus ou moins concrète, telle qu'elle se montre dans la glace et dans la neige. Dans ces trois états il est facile de la reconnaître; mais elle subit tant de métamorphoses , qu'elle échappe souvent à la perspicacité des physiciens et des chimistes, qui ne la soupçonnent pas quelquefois où elle se trouve véritablement. Le quatrième élément n'est pas aussi simple que les trois premiers , mais il est composé de molécules de différentes espèces qui ont toutes des qualités distinctes. Cet élément contient tous les corps qui constituent la charpente du globe terrestre. Ses principales espèces sont la terre proprement dite, la silice , le marbre et la craie, l'argile, les terres alcalines, les métaux et autres substances qu'il est inutile de citer ici. Ces diffé- rentes espèces ne conservent pas toujours leurs principales propriétés, mais elles les abandonnent et les reprennent ou naturellement ou forcément au gré des physiciens et des chimistes. La manière dont j'ai subdivisé les trois premiers élèmens est , ce me semble, tout-à-fait nouvelle, mais naturelle. Des Particules-atmosphériques , ou des Particules composant les petites Atmosphères des Molé- cules-bases. L\ seconde sorte de matière que Dieu créa en formant l'univers, se divise en deux différentes espèces qui devaient jouer le plus grand rôle dans la nature créée, en concourant d'une ma- DES PHYSICIENS MODEREES. I I nière tonte particulière à la production d'une infinité de phénomènes. Ces deux espèces sont l'oxigène, et le calorique ou l'ignigène. Stahl avait nommé phlogistique , cet ignigène , sans en dé- montrer Texisteuce d une manière certaine. Les corpuscules de ces deux espèces sont ronds et matériels comme ceux de toutes les autres sub- stances corporelles; mais beaucoup plus petits , puisqu'ils devaient composer l'enveloppe ou Tat- raosphère de toutes les molécules des autres corps , sans en excepter la lumière. Or toute espèce de molécules est entourée de ces particules que j'ap- pellerai atmosphériques pour les distinguer des molécules quelles enveloppent, et je nommerai ces dernières la base ou les molécules-bases. Les bases peuvent avoir plus ou moins de ces particules atmosphériques. Celles qui sont dans l'état de gaz en ont le plus, et celles des substances pulvérulentes en ont le moins. Ces deux sortes de particules forment , tantôt lune , tantôt l'autre , l'atmosphère ou l'enveloppe de ces bases ; et souvent elles concourent ensemble à sa formation dans des proportions plus ou moins variées. C'est dans ces deux matières que réside proprement l'attraction moléculaire ; car les bases n'exercent entre elles ce qu'on appelle affinité et dureté que par l'intermédiaire de ces corpuscules atmosphé- riques. Sans ceux-ci elles demeureraient conti- nuellement isolées et sans action. Mais cette attraction sera-t-elle toujours la même? Son, elle varie du plus au moins suivant la quantité de ces corpuscules qui environnent la base, ensuiteselon les diverses substances et les différentes combi- naisons qu'ils forment avec elles; mais cette vertu attractive est la plus forte dans la partie inférieure de cette atmosphère, et la plus faible dans la supérieure; et elle diminue à proportion de ce 12 ERREURS DÉVOILÉfS que le nombre de ses couches augmente ; comme si dans chaque combinaison que ces corpuscules forment avec leur base, il n'existait qu'un certain degré de force qui dut se partager entre les diffé- rentes couches. C'est ce qui est cause que les vastes atmosphères des molécules, composant les gaz, tiennent si peu à leurs bases, et que leur décomposition est si rapide. Quoique l'attraction entre les bases n'ait lieu que par l'intermédiaire des petites atmosphères dont nous parlons , cependant les bases attirent les corpuscules atmosphériques comme elles eu sont attirées , puisqu'il n'existe aucune base sans une atmosphère plus ou monis étendue. Les bases ne quittent jamais leur atmosphère que pour en prendre une autre dune espèce différente qui leur convienne. Elles quitteront , par exemple, l'oxigène pour l'iguigène; ce dernier pour l'oxigène, et lun et l'autre pour l'atmosphère composée de ces deux matières, et réciproquement. Avec quelques modifications , l'oxigène ou les particules oxigènes sont le principe des acides , les particules ignigènes celui des alcalis. Nous verrons cela plus en détail ailleurs. Les particules ignigènes forment l'atmosphère ordinaire de la molécule de lumière ou de la lumineuse, celle des molécules des métaux non oxidés, du diamant, du charbon , de l'hydrogène, ainsi que des autres corps combustibles qui néan- moins retiennent presque toujours quelques par- ticules d'oxigène; ce qui est la cause du résidu charbonneux qu'ils laissent quelquefois après leur combustion. L'oxigène ou les particules oxigènes constituent seules latmosphère des molécules de l'eau dans l'état de pureté, ainsi que l'atmosphère des mo- lécules de la matière lumineuse des versluisans, du soleil et des étoiles. DES "PHYSICIENS MOÏ>EK^'ES. l3 Le mélange de Tignigène et de l'oxigène , dans des proportions variées suivant les substances , compose l'atmosphère des molécules de l'air, de la matière éthérée , de la lumineuse électrique , du marbre et de la craie, du liquide appelé éther, des parfums et des baumes, des sels et oxides , de tous les acides et alcalis, enfin de plusieurs autres substances qu'il serait trop long d'énu- mérer ici. Dans l'atmosphère mixte, c'est tantôt l'ignigène qui domine, et tantôt l'oxigène. Souvent le pre- mier adhère plus faiblement à la base, et quelque- fois c'est le dernier. On peut obtenir séparément l'atmosphère oxigène , lorsqu'elle abandonne ses bases : l'atmosphère mixte ne se rend sensible qu'en passant d'un corps vers im autre, ou quand elle forme le gaz oxide carbonique ou le gaz oxide de carbone ; et l'ignigène isole est absorbé par les molécules de lumière qui occupent les pores des corps. Enfin la réunion de l'oxigène et de l'ignigène autour d'une base constituera ou des fluides ou des solides , qui posséderont des pro- priétés diverses selon que l'ignigène ou l'oxigène y dominera et v adhérera avec plus on moins de force. 1^1 tendance que les particules oxigènes ont à se réunir dans certains cas pour former des globules , prouve que toutes les particules atmo- sphériques exercent entre elles une attraction sensible ; et cette réunion en globule , comme dans le gaz oxigène , est démontrée par l'élasticité de ce gaz qui ne pourrait se comprimer ni se dilater, si ses bases n'avaient aucune atmosphère. Le dégagement de l'ignigène produit de la chaleur ou du calorique proprement dit , et qui n'est autre chose que la sensation produite par l'ignigène mis en liberté. La vertu attractive des bases pour l'ignigène et l4 ERREURS DÉVOILÉES l'oxigène , et de ceux-ci pour ces bases et pour leurs propres particules , n'est qu'une qualité d'emprunt ; puisqu'on voit la même base si in- différente pour telle et telle atmosphère , et qu'elle quitte tantôt 1 ignigène pour l'oxigène, et celui-ci pour l'iguigène; enfin l'un et l'autre pour l'atmo- sphère composée de ces deux matières; et cette dernière atmosphère pour l'oxigène ou Tigni- gène purs. Cette attraction si variée qui produit tant de phénomènes si compliqués et qui reviennent tou- jours les mêmes , lorsque les circonstances sont semblables , sera-t-elle l'effet du hasard ? Non , car elle suit , pour ainsi dire, un but et un des- sein dans toutes ses modifications; et par-là elle montre qu'elle obéit fidellement aux lois que lui a imposées la puissance infinie qui l'a créée , et dont elle ne peut jamais s'écarter. L'attraction qui se manifeste entre ces particu- les atmosphériques , et entre celles-ci et leurs bases , produit tous les phénomènes de la com- pacité des corps. C'est par elle que le diamant a une si grande dureté et qu'il est si difficile à fondre , que les métaux fondus se durcissent en se refroidissant , que l'eau se convertit en glace, que les rochers composent des masses si solides. Ces mêmes petites atmosphères font élever les liquides dans les tubes capillaires (i), jusqu'à ce que la gravité de la colonne fluide soit en équi- libre avec la force attractive des molécules du tube et du liquide. De là , l'élévation de cette colonne sera moindre , si le diamètre du tuyau (l) Ce que je vais dire des phénomènes des tubes capillaires, qui jusqu'à présent ont été très-mal eipliqués, n'est qu'un faible extrait d'un article assez étendu, rédigé à ce sujet, et que j'ai re- tranché, ainsi que plusieurs autres, pour rendre mon ouvrage moins volumineux. DES PHYSICIENS MODERNES. l5 capillaire est plus grand. De même, si l'attraction entre les petites atmosphères est moins puissante, le diamètre du tube restant le même, la longueur de la colonne sera plus petite. C'est ainsi que l'alcohol, plus léger que l'eau, s'élève cependant moins que ce dernier liquide , parce que son en- veloppe atmosphérique, tenant moins aux bases, n'a pas autant d'énergie. S'il n'existait nulle at- traction entre le tube et le liquide , celui-ci ne , pourrait pas s'élever , puisqu'il ne trouverait aucun point d'appui; et voilà pourquoi le mercure ne peut dépasser le niveau. Enfin toutes les mo- lécules de la surface intérieure des tuyaux capil- laires, tangentes du liquide, concourent à produire cet effet attractif, conjointement avec les molécules de la circonférence du cylindre fluide , et cet effet a lieu dans le vide comme dans l'air libre , parce que le vide n'anéantit pas les petites atmosphères. C'est encore par l'attraction de ces atmosphères, que l'eau mouille presque tous les corps, au lieu que, par une raison contraire, le vif argent ne laisse aucune trace après lui : enfin puisque l'eau ne s'unit presque point aux matières grasses , ce liquide ne doit point monter dans un tube for- tement enduit de suif à l'intérieur. La répulsion provient de même des atmosphè- res, et c'est lorsqu'elles ne peuvent point se mêler ensemble; alors elles font effort pour se fuir ré- ciproquement et se mettre au large (i). Cela arrive (i) Les expériences suivantes pourront donner quelque idée du mécanisme de l'attraction et de la répuUion moléculaires. Si Tou fait flotter sur une assiette de favr-nce, remplie d'une eau pure et limpide, un disque très-mince de m-tal de la grandeur d'une pièce de lo ou de 20 sous, et en même temps un disque épais de liège de la même largeur; ils paraîtront chacun en- tourés d'une vraie atmosphère formée par le liquide sur lequel ils surnag-^nt. Or si on pousse ces deux disques l'un contre l'autre , ils se fuiront rapidement, et leurs atmosphères se iG ERREURS DÉVOILÉES entre certaines substances , telles que l'huile et l'eau , mais principalement entre les molécules de la lumière et les opaques de tous les corps ; car, dans tous les corps, même les plus simples, il y a toujours deux substances tres-distinctes , les molécules propres du corps, et celles de la lumière, qui occupent les interstices que laissent toutes les opaques dans leur agrégation. Le Créa- teur V a posté ces lumineuses, pour donner, dans certains cas , le mouvement à la matière. Dans leur état ordinaire, ces molécules de lumière ont pour enveloppe l'ignigèue qu'elles peuvent aban- donner partiellement dans quelques circonstan- ces. La pression , le froid surtout leur en font perdre luie partie ; mais cette atmosphère aug- mente dans les cas opposés. Tant que Tignigène entoure les molécules de lumière, il semble n'être pas de la même nature que celui qui environne quelquefois les opaques ; car l'almosphére des opaques et celle des lumineuses ne peuvent point s'unir ensemble ; et pour se conserver intactes , elles se repoussent et se replient même lors du choc. La même matière peut donc produire des effets opposés, mais c'est principalement lorsque la manière d'adhérer à la base n'est pas la même; replieront , lors du choc , comme un ressort , sans pouvoir se confondre ; parce quelles nont pas la même forme. Si l'on fait flotter ensuite un autre disque méiallique, et qu'on l'approche lentement du premier jusqu'à la proximité de leurs atmosphères, on les verra se réunir rapidement. Il en serait de même d'un autre disque de liège, si on lamenait près de son sem'slable, parce que leurs atmosphères seraient uniformes. Si l'on ne pouvait pas faire surnager les disques de métal , il n'y aurait qu'à les rendre un peu concaves. Enfin si l'on fait attention au mouvement de ces disques lorsqu'ils s'unissent , l'on remarquera que ce mouvement s'accélère à j)ropnrfion qu'ils se rapprochent; ce qui prouve que leur attraction est plus énergique vers les couches inférieures de ces atmosphères que vers les supérieures. i>ES piiTsicniNS Mor.ERrir.s. r^ *ce qui cniise une différence dans la nalure des atmospluVes , d où procède le phénomène de la répulsion. En effet , dans les opaques , la plus grande attraction existe vers la molécule-base ; dans les lumineuses, au contraire, vers le même point , se trouve la moindre force attractive ; mais celte force augmente un peu avec le nom- bre des couches atmosphériques de la molécule de lumière; tandis que dans un pareil cas cette même puissance diminue dans les opaques. La différence qui existe entre les propriétés de ces diverses atmosphères, produit un écart parmi les opaques des corps , lequel est plus ou moins considérable suivant la grosseur des bases, l'éten- due de leurs enveloppes, et surtout selon leur force attractive à l'égard de leurs particules at- mospliéi-iques. Si cette dernière force l'emporte sur la force répulsive de la lumineuse, le corps restera ou deviendra compacte et dur, sans pou- voir se liquéfier; et cet état sera permanent tant que l'atmosphère de l'opaque n'acquerra pas plus d'étendue. Si elle devient plus grande , cet écart; sera plus considérable et le corps se changera en liquide ou en gaz. Dans ces derniers cas, la lumi- neuse augmente à proportion son atmosphère aux dépens des autres lumineuses qui l'environ- nent ; et cela produit du froid : comme elle la voit diminuer, si elle perd de ses couches atmos- phériques , ce qui cause de la chaleur. Effective- ment les opaques , lâchant une portion de leur enveloppe, leur attraction augmente ; elles s'uni- ront donc plus intimement en resserrant les po- res, et par conséquent en pressant l'atmosphère des lumineuses , laquelle seia ainsi expulsée en partie. Mais le contraire arrivera si ces opaques prennent un plus grand nombre de ces particules atmosphériques. Clés effets sont même récipro- 2 l8 ERREURS DÉVOILÉES. ques et auront toujours lieu , excepté dans des cas rares et tout particuliers , produits par cer- taines manipulations et par un froid artificiel , comme dans l'eau oxigénée. Ainsi Topaque pourra étendre son atmosphère, si celle de la kiraineuse devient plus considérable , comme dans Tévapo- ralion de Teau; et elle perdra une partie de cette atmosphère , si la molécule de lumière se dé- pouille partiellement de la sienne, ainsi que cela a lieu dans la congélation : mais pour produire ces divers phénomènes, il faut que l'atmosphère de l'opaque soit susceptible de ces changeraens. Entre létat des corps durs et celui des gaz, il y a plusieurs nuances qui donnent aussi nais- sance aux phénomènes de la mollesse et de la liquidité. Ainsi une très - grande atmosphère , comme nous venons de le dire , fait passer les corps à l'état gazeux ; mais si cette grande atmos- phère se rétrécit un peu , ces corps seront réduits à l'état de vapeurs ; si elle perd encore de son amplitude , ils deviennent liquides ; et ensuite mous, si la perte qu'ils font de leurs particules atmosphériques est plus considérable. Enfin , ils seront durs, s ils sont réduits encore à une moin- dre atmosphère ; et s'ils viennent à perdre une partie de cette dernière , comme dans la trempe, ils deviennent cassans , ils tombent ensuite en poudre comme dans la calcination , ou paraisssent efflorescens , si cette atmosphère diminue dans lin plus grand rapport. jMais c'est ici le dernier état des corps relativement aux atmosphères; car les bases n'en peuvent être entièrement séparées. Ce qu'on appelle affinité en chimie dépend , comme on a dû le pressentir, du jeu des atmo- sphères des diverses molécules de matière. Si ces atmosphères sont de la même espèce pour toutes les bases, ou qu'elles aient entre elles quelque DBS PIIYSICIEJIS MODERWFS. If) analogie, elles se mêleront. Elles se repousseront au contraire et demeureront séparées , si elles sont dissemblables ou si elles ne peuvent point s'unir. Si de deux substances qu'on rapproclie l'une de l'autre , l'une est un acide et l'autre un alcali , ou celui-ci abandonnera soit totalement soit partiellement l'ignigène qu'il possède, pour prendre en totalité ou en partie l'atmosphère de l'acide , ou ces deux substances feront un échange partiel de leurs corpuscules atmosphériques ; l'alcali donnant à l'acide une partie de son igni- gène , et l'acide cédant à l'alcali une portion de son oxigène , et par ce moyen les deux atmosphères seront en tout semblables. Alors il résultera un corps neutre , c'est-à-dire un corps qui n'aura plus les propriétés de ces deux substances avant qu'elles fussent unies , puisque l'enveloppe atmo- sphérique de leurs molécules ne sera pas la même. Enfin il surviendrait de nouvelles combinaisons, si l'on ajoutait une troisième ou une quatrième substance qui eût encore l'ignigène ou l'oxigène dans une proportion capable de leur former une atmosphère qui pût avoir quelque affinité avec l'enveloppe atmosphérique d'une des deux pre- mières substances. L'élasticité des corps flexibles dépend d'abord de cette répulsion que nous venons de reconnaî- tre entre les atmosphères des lumineuses et des opaques , et ensuite de l'attraction que ces opa- ques exercent entre elles. Donc pour qu'un corps soit flexible , il faut que ses molécules aient une atmosphère ni trop grande ni trop petite. Trop grande, elle ne serait pas assez vigoureuse pour retenir les opaques d'une lame qu'on plie , et les ramener à leur première place; or, c'est l'état d'un corps mou, comme le plomb ; trop petite, le moindre mouvement ferait dépasser à ces opa- 20 ERREURS DÉVOILEtS qiies la sphère de leur activité , et la lame se diviserait ; ce qui est le cas de la cassure, comme dans Tacier trop trempé. Ainsi outre la répulsion qui, dans la partie concave de la lame qu'on plie , se manifeste entre les atmosphères des opa- ques et celles des lumineuses , puisqu'elles se compriment mutuellement en se rapprochant , il existe encore dans la partie convexe, une action attractive entre les opaques, laquelle doit être très -énergique pour les empêcher de se dis- joindre. L'élasticité des corps non flexibles , comme une boule d'ivoire , provient aussi du jeu des petites atmosphères. Je laisse tomber une pareille boule sur une table de marbre, ni l'ivoire ni le marbre ire se compriment comme on l'a cru faussement jusqu'à présent ; puisque cette boule lie pourrait point s'applatir par une force de pression supérieure à celle de ce choc. Ce sont les petites atmosphères des opaques et des lumi- neuses , soit de l'air ambiant , soit du marbre et de la boule d'ivoire, et même de ces trois corps ensemble , qui , comprimées dans le choc , se rétablissent promptement, et repoussent le corps le plus mobile avec une force d'autant plus con- sidérable, que la gravité et la masse de ce dernier corps seront moindres. Ainsi pour qu'une balle de fer pût bondir comme ces petites boules de pierre ou de marbre qui servent aux amusemens de l'enfance, il faudrait que la puissance qui la lancerait contre uq plan dur, fût d'autant plus grande que sa grosseur et sa pesanteur spécifique le seraient davantage. Voilà pourquoi un boulet qui ne bondirait point si on le jetait simplement avec la main, fait de terribles ricochets lorsqu'il est poussé par la poudre, dont la force l'emporte de beau(>oup sur la densité et le volimie du boulet: DES PHYSICIENS MODERNES. 2f Les ricochets que font encore ces cailloux plats qu'on lance obliquement sur l'eau , sont dus aussi à l'élaslicilé des petites atmosphères réciproques. Dans le cas où la ligne du choc serait perpen- diculaire au plan, il n'y aurait plus d'élasticité, si ce plan ou le corps choquant étaient mous ; parce que cet état anéantirait toute l'action des petites atmosphères. En effet, les molécules comprimées, en se portant vers le centre de l'un ou de l'autre, resteraient dans la nouvelle situation qu'elles auraient prise ; ce qui détruirait toute réaction ou force répulsive. Souvent les bases, comme nous l'avons vu, font un troc de leurs atmosphères ; mais très- souvent aussi la base qui a l'atmosphère la plus considérable la partage avec celle qui en a une înoindre, et si c'est un liquide il perd sa fluidité, tandis que le mélange devient mou. C'est ce qui arrive dans l'union de l'eau avec l'alumine, et du même liquide avec la farine. Quelquefois aussi une des bases ou solide oii liquide ou gazeuse laisse échapper une partie de l'ignigène qu'elle possède, pour s emparer d'une portion de l'oxigène d'un liquide; comme on le voit dans le mélange de l'eau avec la chaux ou avec d'autres substances. Enfin de deux corps qui sont dans l'état de gaz, l'un ne lâchera qu'une partie de son atmosphère, et cette partie est tou- jours l'ignigène quand il se produit de la chaleur; tandis que l'autre l'abandonnera tout entière pour partager la portion que l'autre aura con- servée. Mais comme dans ce cas , la quantité des corpuscules qui formeront la nouvelle atmosphère de ces deux corps unis , ne sera pas celle qui est nécessaire pour les rendre ou gazeuses ou liquides, le nouveau composé deviendra solide. On en a particulièrement un exemple dans la combinaison 22 ERREURS DÉVOILÉES du chlore ou gaz acide muriatique avec le gaz ammoniac, dont les bases, en se réunissant, donnent lien à la formation d'un sel; et ce phé- nomène devient une preuve bien sensible, qu'un corps solide exige moins de particules atmosphé- riques qu'nne matière gazeuse ou même liquide. Cet échange des atmosphères a encore lieu dans l'alliage des métaux qui , par-là , acquièrent de nouvelles propriétés et surtout une plus grande dureté , si l'un des deux corps laisse perdre une portion de son atmosphère qu'il remplace aux dépens de l'atmosphère de l'autre corps. On le voit dans l'alliage de l'or avec le cuivre. Quelques autres métaux en fourniraient aussi de semblables exemples. Cette soustraction , cet échange et ce mélange des petites atmosphères dans différentes propor- tions , se remarquent principalement dans la formation , combinaison et précipitation des sels de quelque espèce qu'ils soient, lesquels prennent plusieurs qualités variées suivant les atmosphères dont les bases s'entourent, ou qu'elles partagent avec quelques autres bases qui n'avaient pas la même enveloppe. Il arrive encore que la substance, dont on veut retirer l'oxigène , se trouve isolée, c'est-à-dire qu elle n'a auprès d'elle aucun corps qui puisse remplacer l'atmosphère qu'elle abandonne; mais alors l'ignigène qui se dégage des matières en ignition dans le fourneau et qui traverse le vaisseau contenant cette substance vient à son secours. Cet ignigène qui filtre à travers les pores des vaisseaux par le moyen des lumineuses qui le soutirent, se fixe aussi dans certains corps que l'on distille, et forme avec eux de nouveaux pro- duits. Or les chimistes modernes n'ayant pas tenu compte de cet ignigène qui afflue , ont dû se DES PHYSICIENS MODERNES. 23 tromper souvent dans la suppulalioii d'une analyse. Enfin comment Tacide fluorique gazeux ou liquide exerce-t-il une action puissante sur le verre et le corrode-t-il? C'est par le moyen des petites atmosphères, comme on doit s'en douter. Mais est-ce l'acide fluorique qui dépouille la mo- lécule du verre? Non; c'est celle-ci qui enlève peu à peu à cette substance acide une certaine quantité de particules atmosphériques qui font alors passer ses molécules de l'état solide à celui de liquide. Pourquoi la terre doit-elle être labourée et puis échauffée par les rayons du soleil , si le cultivateur veut voir sortir de son sein des mois- sons abondantes qui l'enrichissent? C'est que la molécule de la terre végétative dont l'atmosphère est mixte , pouvant prendre plus ou moins d'ig- nigène et d'oxigène, et modifier par-là son atmo- sphère , il faut que les rayons du soleil l'échaul- fent pour lui aider à reprendre la portion d'igni- gène que le froid, les pluies et la végétation lui avaient enlevée , et qu'elle avait remplacée par l'oxigéne. La terre ainsi préparée peut, au moyen de la chaleur , céder à la molécule aqueuse qui la pénètre l'ignigène dont celle-ci a besoin pour s'élever et s'unir à la semence que l'homme a confiée à cette terre ; et puis se changer en bois, feuilles , fleurs et fruits. Le changement de couleur dans une teinture végétale par les acides ou les alcalis, dépend du changement partiel de ces particules atmosphéri- ques. Le dégagement de ces particules qui , dans le boire et le manger, se portent sur les nerfs de la langue , est la cause de la saveur des sub- stances. Il en est de même de la sensation dou- loureuse qu'on éprouve , lorsqu'une plaie est ll\ ERREURS DÉVOILÉES exposée à l'air. Tous les médicamens ainsi que les poisons n'opèrent égalemenl que par le moyen des atmosphères dont les propriétés difterent selon la nature de ces substances. L'évaporatiou et la combustion dépendent en- core du raéeanisnie des atmosphères. Dans léva- poration la plus ordinaire , lorsque la chaleur du toyer ou du soleil a déterminé la molécule de l'eau à se charger d'une plus grande atmosphère, c'est d'abord Tignigène qui lui en fournit la ma- tière. Une petite partie se place entre les oxigènes de l'aqueuse dont elle expulse quelques particules. De là le goût d'cmpyreume que retient une eau ' distillée et sa plus grande légèreté , puisque les particules ignigènes sont moins grosses , et ont par conséquent moins de pesanteur que les pre- mières. De là aussi la nécessité d'enlever à cette eau cet ignigène étranger, et de lui rendre l'oxi- gène qu'elle a perdu, si l'on veut lui rendre sa première saveur. La déliquescence provient de ce que le corps salin, en enlevant aux aqueuses qui flottent dans l'air, une partie de leur atmosphère, les force par ce moyen de s'unir à sa substance ; et ce corps perd sa solidité , parce que l'atmosphère de ses molécules devient plus étendue qu'au- paravant. L'efflorescence a une cause toute contraire, (-'e sont les molécules aqueuses répandues dans le corps salin qui, en s'évaporant, lui enlèvent la portion d'atmosphère qui le rendait solide. Ainsi c'est cette perte qui le rend pulvérulent. Si l'évaporatiou de ces aqueuses avait lieu dans ime masse molle, ce corps deviendrait d'abord solide, comme on le voit dans la pâte qu'on fait cuire, puis friable, si la cuisson était troj) long- temps prolongée. Il en serait de même de certaines DES PHYSECIEA'S MODERNES. 23 .substances qui perdraient une partie de leur atmosphère; de molles elles deviendraient com- pactes et puis friables ; on le voit dans la résine: et de liquides, elles passeraient à l'état de mol- lesse , comme on peut Tobserver à l'égard du miel. La combustion est, d'une part, le dégagement de l'ignigène du corps qui brûle; et de l autre , la fixation de l'oxigène dans la même substance. Les anciens chimistes n'ont connu que le premier fait , et les modernes n'ont admis que le second; et par-là leur explication de la combustion est devenue fautive. Stahl avait désigné sous le nom de phlogistique ce que je nomme ignigéne, et ceux qui suivaient la doctrine de cet homme célèbre croyaient que les molécules de ce feu élémentaire étaient logées dans les molécules des corps , comme dans de petites enveloppes , où elles étaient comprimées ainsi qu'un ressort bandé. L'expansion de ce feu produisait la combustion ; et le mouvement oc- casioné par la force expansive des premières molécules , entrant en déflagration , causait la rupture des particules voisines qui laissaient échapper à leur tour le feu qu'elles recelaient. Cette commotion , se communiquant ensuite de proche en proche, embrasait toute la masse. Le feu ou l'ignigène n'entourait donc point la molé- cule inflammable , mais il était contenu dans cette molécule, et l'air n'avait d'autre emploi que celui de réagir contre le feu, en concentrant son action dans un espace plus étroit par l'obstacle qu'il présentait à sa dissipation. Le calorique , qui se rendait sensible pendant la combustion , avait donné à ces anciens chimistes l'idée de ce feu élémentaire; mais ils n'avaient pas pensé que l'air pouvait concourir de son coté 26 ERREURS DÉVOILÉES à la production de ce phénomène. Au contraire les chimistes modernes, s'apercevant que Toxigène de lair se fixait dans les corps au moment de la combustion , et ne pouvant recueillir dans des vaisseaux fermés ce phlogistique , comme ils y rassemblaient l'oxigène , prirent le parti de nier l'existence de cette première substance , et de faire dépendre tont le phénomène de la combus- tion , de la fixation de la matière oxigène. Ce n'était donc plus le corps inflammable qui aban- donnait alors le phlogistique ; mais l'oxigène ré- pandu dans l'atmosphère laissait , selon eux , échapper, en se fixant dans ce corps, la lumière et le calorique qui le retenaient dans l'état gazeux. Les chimistes modernes croyaient cette expli- cation d'autant plus plausible, qu'ils voyaient que, dans la calcination des métaux, ces sub- stances acquéraient plus de poids par la fixation de l'oxigène. Cette augmentation de poids ne doit pas surprendre, parce que la molécule oxigène étant plus grosse que celle de l'ignigène , a par conséquent plus de pesanteur spécifique que cette dernière substance. La respiration provient de l'échange partiel que font entre elles , malgré la membrane qui les sépare , les molécules du sang et celles de Fair. Le sang abandonne à l'air une partie de lignigène qu'il possède , et l'air lui donne à son tour beau- coup de son oxigène. Si la molécule du sang n'avait que l'oxigène , il n'y aurait plus de respiration. La digestion s'effectue encore par le troc que les alimens et les sucs de l'estomac font d'une portion de leurs atmosphères. De là cette chaleur interne que l'on sent quand on a bu un verre de bon vin ou quelque liqueur forte. Enfin , le princi])e rafraîchissant est l'oxigène, et l'échauffant DES PHYSICIENS ^lODIiRINES. 1"] l'ignigène. De leur mélange , dans de certaines proportions , dérive le principe nourrissant et salubre. Il n'est pas nécessaire que le corps qui brûle n'ait que l'ignigène , car il peut avoir aussi des molécules oxigènes entremêlées avec l'ignigène, mais en moindre quantité. Ainsi l'ignigène domine toujours dans les substances combustibles, mais jamais l'oxigène; et ce qu'il faut observer encore, c'est que moins l'ignigène des corps combustibles tiendra à sa base , plus ces corps entreront promptement en combustion. Dans la combustion , la molécule de l'air , en lâchant une portion de son oxigène , s'empare d'une partie de l'ignigène que le corps combus- tible abandonne. C'est pour cela que de l'air renfermé sous une clocle de verre, et dans lequel on a fait brûler quelque substance, ne peut plus Servir à la combustion ; et c'est encore par la même raison qu'il se vicie si promptement par la respiration. Il est bon de remarquer encore ici que , par l'effet du dégagement partiel des particules atmo- sphériques , les bois éclatent , les rochers humides se fendent dans le temps des frimats ; que l'eau qui se réduit en glace a une force étonnante , et que la poudre à canon et les autres poudres in- flammables ont tant d'énergie en s'enflammant. Ce sont donc les gaz formés au milieu de ces substances qui , par l'action puissante de leur élasticité due au mécanisme des petites atmo- sphères , produisent ces terribles phénomènes. Les métaux se contractent par le froid, qui leur fait perdre une portion de l'atmosphère de leurs molécules ; au lieu qu'ils se dilatent lorsque la chaleur augmente l'étendue de cette même atmosphère. aS ERREURS Dl'.VOILÉES Nota. J'ai cm devoir m'étendre un peu snr Te mécanisme de ces petites atmosphères, parce que le sujet en est tout neuf, que personne ne l'a traité, et niéme que personne ne l'a imaginé, du moins dans sa totalité, D'ailleurs, j'ai pensé que le lecteur serait bien aise d'avoir sous les yeux le tableau d'un grand nombre de phénomènes qui dépendent de ce mécanisme; mais je dois prévenir que j'en ai omis plusieurs pour ne point paraître trop prolixe. Faux aperçus des Sa^'aiis au sujet des petites -atmosphères. Long-temps après avoir découvert l'existence des petites atmosphères qui entourent les molé- cules de toutes les substances matérielles , je fus étonné de voir dans le Dictionnaire de physique de Paulian, à l'article Haies, que ce dernier phy- sicien avait déjà soupçonné que l'air ou plutôt la matière gazeuse qui se manifestait lors de ses expériences chimiques, était dans les corps en un état de solidité et de fixité à l'instar d'un ciment. C'était là vraiment une bonne idée, et il paraîtra étonnant que Haies n'ait pas su lui donner un plus grand développement ; car quoiqu'il parlât de ciment, il restait à démontrer comment le ciment unissait les corps ; et l'on a déjà dû s'apercevoir que cette union provient de la force attractive que les particules atmosphériques exercent sur les molécules bases , et celles-ci sur ces particu- les. Haies ne pensa donc jamais au mécanisme de ces petites atmosphères. Quelques Cartésiens saisissant sans doute l'idée de Haies , et convaincus enfin du néant de l'im- pulsion et de la matière subtile de Descartes ; mais ne pouvant admettre l'attraction émise par Newton, laquelle leur paraissait chimérique, en- DES PIIYSICIÏÏXS MOnERNrS. ^i^ séignèrent , ainsi que le dit Sigorgne dans ses Institutions newioniennes , page 38o , que les phénomènes de la cohérence « partent d'un prin- cipe interne et [)ropre aux corps mêmes ; mais que cette force intérieure n'est qu'une atmos- phère qui pénètre la substance de ces corps et se répand autour de leur surface ; que ces atmos- phères invisibles se mêlent dès qu'elles se tou- chent, et forcent par-là les corps quelles enve- loppent de s'apj)rocher. » Ce passage de l'ouvrage de Sigorgne ine surprit plus que ne l'avait fait l'idée de Haies, et je crus que ces Cartésiens avaient enfin trouvé ce qui m'avait coiité tant de temps et de peine : mais ayant con- tinué ma lecture, je vis que leur opinion n'était que hasardée, qu'ils ne l'avaient pas même bien conçue ; puisque au lieu de donner ces atmos- phères à toutes les molécules des cor[)s , et de les faire servira expliquer encore la fluidité , la mo- lesse , l'élasticité et autres phénomènes qui y ont quelque rapport, ils ne les avaient admises que pour la seule cohérence ; sans se douter aucune- ment que ces atmosphères n'étaient pas toutes de la même sorte , et qu'il y avait deux différentes espèces de particules atmosphériques ; que ces atmosphères pouvaient augmenter el diminuer, et même passer d'une molécule à une autre, sui- vant les circonstances. D'ailleurs pour donner plus de poids à leur opinion , il leur eût fallu démontrer encore, comme je me propose de le faire , que notre atmosphère était la cause de la descente des graves — Aussi les Nev toniens com- battirent-ils vivement l'assertion de ces Carté- siens. « Car, disait Sigorgne qui écrivait en faveur du système de Newton , que peuvent produire ces atmosphères si elles sont en repos ? Loin de se mêler, ne doivent- elles pas se repousser avec 3o ERREURS DjiVOILÉES une force proportionnée à l'énergie de leur mou- vement ? Quelle pourrait d'ailleurs être leur ori- gine ? Comment ne se dissiperaient- elles pas à Tair, lorsqu'il est agité, ou à la chaleur du feu dont le propre est de tout évaporer ? Pourquoi leur mouvement ne s'épuise-t-il pas à la longue , et n'est-il pas, s'il subsiste, le principe de leur des- truction , l'existence du vide étant surtout cons- tatée ? » (i) Aucun Newtonien n'a démenti ces paroles de Sigorgne , tous l'avouent au contraire ; et ce qui est singulier , c'est qu'en voulant nier l'existence de ces atmosphères qui déposent contre eux, ils prouvent en même temps , mais malgré eux , la fausseté de leur hypothèse du vide. Effectivement si , comme le dit Sigorgne , une atmosphère quelconque ne peut exister dans le vide avec quelque mouvement, comment l'atmos- phère terrestre, qui est si élastique et qui fait des efforts continuels pour se mettre en liberté , ne s'est -elle pas dissipée par l'effet de sa rotation journalière et rapide ? Donc si cette atmosphère reste adhérente à notre globe, le vide réel n'existe pas. La conséquence est simple et à la portée de tous les esprits ; et l'on peut encore se convain- cre , comme il est facile de le démontrer , que les Newtoniens ont souvent pris le change à l'é»- gard des phénomènes. Car sachant que les atmos- phères homogènes d'un corps éleclrisé se repous- sent mutuellement , ce qui n'a lieu cependant que jusqu'à un certain point , ils ont imaginé qu'il en arriverait de même à l'égard de toutes les atmosphères : mais cela est contredit par le phénomène des petites aiguilles qui flottent sur une eau limpide et qui se réunissent avec leurs (i) Voy. aussi Sigaud.Élem. de physique, "inédit. toin.I. p-4ï< PES PHYSICIENS MODERNES. 3f semblables par le moyen des atmosphères qui les entourent et que leur forme ce liquide ; les- quelles sont manifestement sensibles. JSota. Les atmosphères qui enveloppent les molécules -bases des corps ne sont pas de la même espèce que celle qui entoure la terre. Les premières sont produites par des particules aux- quelles Dieu a donné la propriété d'attirer les molécnles-bases etde s'attirer elles-mêmes, comme nous l'avons dit ; et l'autre n'a été formée que par la contraction de l'éther refoulé sur lui-même par le déploiement de la /nasse terrestre comme nous le verrons bientôt ; de là il s'ensuit que la pression de l'air a lieu de bas en haut et non de haut en bas comme le croient les Newtoniens. Or d'après cette différence essentielle entre ces atmosphères , celles des molécules-bases ne sau- raient s'évanouir dans le vide , taudis que celle de la terre provenant d'une pression se dissipe- rait dans l'espace , si le vide absolu y existait , parce qu'étant très-élastique il n'y aurait aucune matière capable de la retenir en résistant à cette pression. De la Figure des Molécules élémentaires. La prodigieuse variété que l'on observe dans les divers individus d'une même espèce a fait dire aux physiciens , que dans toute la nature il n'existait pas deux molécules parfaitement sem- blables. Ils se fondent principalement sur l'ob- servation qu'on a faite plus d'une fois, que parmi les feuilles d'un arbre , qui paraissent avoir tou- tes la même figure , on n'en trouverait pas deux tout-à-fait uniformes. Quoique cela soit vrai , on n'en doit pas conclure que les molécules élé- mentaires d'une même espèce soient dissembla- bles ; car celles-ci peuvent être réellement égales, 32 ERREURS Dl VOILÉES et former cependant des agrégés qui différeront entre eux ; parce que le plus ou le moins de molécules qui entreront dans la formation de ces agrégés , doit nécessairement causer quelques variétés dans leurs figures. La seule dissemblance qui existe dans la forme de toutes les molécules de la matière, consiste dans leur grosseur. Cette grosseur est différente dans chaque élément et dans chaque sorte de corps simples ; mais elle a la même dimension dans toutes les molécules d'un même élément , d'une même substance simple. S il en était autre- ment , le mercure puritié ne serait point partout homogène et également pesant ; un lingot d'or aurait dans son centre une densité différente de celle de ses extrémités ; l'air qu'on va chercher avec un aérostat au-delà des nuages , et l'eau qu'on puiserait au fond d'un gouffre , auraient ïjne pesanteur différente de lair qu'on respire sur la terre, et de l'eau que Ton prendrait à la surface de ce gouffre. Ainsi les mtdécules de l'air ont toutes la même grosseur ; il en faut dire au- tant de l'élément de l'eau , telle que serait celle-ci distillée. Les molécules de la lumière sont égale- ment uniformes. La terre ou la matière dure et compacte de notre globe n'est pas aussi simple que ces trois premiers élémens , puisqu'elle est formée de substances très-variées ; mais chaque espèce, chaque sorte qui la compose, a ses mo- lécules dune même dimension. Les molécules d'un lingot d'or pur n'auront pas une grosseur différente de celle d'un autre lingot de la même qualité. S'il s'y trouve quelque dissemblance dans la pesanteur ou la densité , je parle tou- jours de l'or purifié , cela proviendra ou du res- serrement plus ou moins grand des molécules , ou de la quantité plus ou moins grande de leurs IIES PHYSICIFJNS MODERNFS. 33 particules atmosphériques ; car plusieurs moyens peuvent les en dépouiller partiellement. Ce que nous venons de dire de l'or , il faut l'appliquer aux autres métaux purs , et aux différentes sub- stances salines ou pierreuses. Maintenant quel sera le corps qui aura le plus de densité ou de pesanteur ? Sera-ce celui qui renfermera le plus de particules sous un volume donné , comme on le prétend ? Non , mais celui dont les molécules seront les plus grosses. Et effet , si de plusieurs petites balles de plomb, on forme un cube carré , ce cube ne pèsera jamais autant qu'un cube de même volume qu'on aurait fait tout d'une pièce par la fusion. Ainsi , parmi les corps solides ou liquides , à l'exception des gaz , ceux dont les molécules seront les plus grosses, seront aussi les plus pesans; tels sont le platine , l'or et le mercure. Mais ces molécules pourront- elles se comprimer , faire des vibra- tions? Seront-elles transparentes et percées à jour, comme le prétendent quelques physiciens? Non ; chacune de ces molécules sera opaque , sans pores, non élastique, ni compressible, formant un seul tout , et par conséquent insécable par rapport à nous; parce qu'elle n'est pas le produit de la réunion de plusieurs autres molécules. Donc qu'on joigne ensemble tant qu'on voudra , qu'on combine les mêmes molécules de mille manières , elles ne changeront jamais de forme ni de volume , et ne constitueront jamais plu- sieurs ordres de molécules ; de même que des balles de plomb arrangées de cent façons diffé- rentes ne seront toujours que des balles de plomb. Cette observation pourra convaincre les cher- cheurs de la pierre philosophale , qu'ils poursui- vent une chimère dans la recherche de la trans- mutation des métaux ; puisque s'ils parvenaient 3 34 F.RRKL'RS DÉVOILKES même à trouver le moyen de donner au plomb , au fer ou au cuivre les propriélés de l'or , ils ne pourraient jamais leur en donner la densité ou la pesanteur ; ce qui tromperait manifestement leur attente. J'ai déjà dit que les molécules des corps étaient arrondies ; en voici la preuve. Les savons sont convenus depuis long temps que toutes les sub- stances, même les plus compactes, deviendraient liquides , si l'on pouvait leur appliquer assez de calorique. Or ces corps pourraient-ils entrer en fusion si leurs molécules n'étaient pas globuleu- ses ? Pour se convaincre de cette vérité , qu'on prenne une certaine quantité de petits disques minces de métal , et qu'on les fasse surnager sur une eau limpide : si on les approche les uns des autres , ils se réuniront. Veut -on les séparer? Dans les interstices que les deux premiers rangs de ces disques l^iissent entre eux , qu'on fasse parvenir des aiguilles, ou de petits cylindres de liège humide que l'on tiendra plongés perpendi* culairement dans l'eau. Qu'en résultera -t- il ? la désunion de ces disques. Mais il n'en sera pas de même si l'on se sert de plaques carrées ou trian- gulaires qui ne laisseront pas de pores ; car alors nulle matière ne pouvant y être introduite , elles demeureront unies. Doue si les molécules n'é- taient pas sphériques , les corps qu'elles compo- sent ne pourraient pas être fusibles ni le devenir; puisque, navant point de vacuités ou de pores, elles ne sauraient où loger les molécules de lumière, cause de la fusibilité. Veut-on voir encore que les corps ne pour- raient être comprimés ou applatis par la pression et la percussion , qu'autant que leurs molécules auront cette forme arrondie ? Qu on prenne de petits cubes de liège semblables à des dés à jouer. DES PHYSICIENS MODERNES. ?» > Après avoir été mis dans l'eau , ils s imironl. Si l'on plonge ensuite perpendiculairement dans ce liquide deux pUnclietles qui puissent renfermer ces cubes entre elles , et qu'on les rapproche Tune de l'autre; la pression qu'elles feront éprou- ver à ces cubes ne les divisera pas , et cette masse restera unie. On aurait le même résultat si ces morceaux de liège étaient des carrés longs , ou avaient d'autres figures dont les surfaces laté- rales fussent aplaties. JNlais si à ces cubes on substitue des tranches arrondies , toute la masse s'aplatira jusqu'à ce que la pression ne s'exerce plus que sur une seule rangée. Il en est de même de tous les corps. Pour qu'ils s'aplatissent par la pression ou sous le marteau, pour qu'ils se liqué- fient par le feu ou qu'ils se dissolvent dans les fluides, il faut nécessairement que leurs molécu- les soient sphériques, quelle que soit la figure des corps qu'elles composent par leur réunion. Donc la forme qu'affectent les matières qui cris- tallisent, n'est pas une preuve que leurs parties constituantes aient la même tigure , comme le croient les physiciens. Elle dépend , comme je l'ai déjà dit, des petites atmosphères. Voici quelques expériences qui viennent à l'ap- pui de mon opinion, (f Le muriate de soude dis- » sous dans une solution d'urée , cristallise en » octaèdre, au lieu de prendre la forme cubique » qui lui est propre ; et le muriate d'ammonia- » que , qui cristallise en octaèdre , y prend la » forme cubique. » (r) L'hydro-sulphure de baryte en se précipitant par le refroidissement , paraît sous la forme de cristaux très-variés. « Tantôt ces cristaux sont en (i) Vo-vez Adet, Leçons élément, de chimie, édition de 1804 N» 899. " 36 ERREURS DÉVOILÉES » aiguilles, tantôt en prismes hexaèdres, souvent > en petites lames hexagones brillantes, (i) » Yoilà donc des cristaux qui , dans certaines circonstances , prennent différentes figures. Est- ce que les molécules-bases ont changé de forme? Non , mais ce sont les particules atmosphériques, qui se groupant autour de ces bases , s'arrangent diversement , tantôt suivant la nature des solu- tions qui les contiennent , et tantôt selon le plus ou le moins de temps qu'elles emploient à se réunir ; niais toujours suivant l'ordre établi par la providence de celui qui a créé toutes choses. Les plus grosses de toutes les molécules élé- mentaires des corps sont donc celles du platine , le plus pesant de tous les métaux ; et ensuite celles de l'or. Les plus petites sont celles de l'eau et de l'air , exception faite de la lumière dont les molécules sont beaucoup moindres. Les particu- les atmosphériques, c'est-à-dire celles de l'oxigène et surtout de l'ignigène , surpassent encore en ténuité les lumineuses , de manière que , dans l'échelle de la densité , l'ignigène et le platine occupent les deux extrémités. S'il y a dans les corps autant de vide que le pré- tend surtout l'auteur de la Mécanique céleste. Je dois ici relever une erreur des physiciens et des chimistes modernes qui pensent que très- vraisemblablement il y a dans les corps plus de vide que de plein (aV Cela peut être vrai à légard des éponges, du liège, et de quelqiies autres sub- stances spongieuses; mais cela est certainement faux, si on rapplique aux métaux , cailloux, mar- bres, bois durs, et même aux liquides de toute (i) Voy. Adet , Leçons élém. de cbiœie édit. de 1804 N° 3y5. (a) Voy. Haùy, traité élcni. de jtl;ys ÎS® 7 , 2 et 3 édition. DES PHYSICIENS ."MODERNES. 37 espèce. Nombre d'expériences faites depuis long- temps avec soin auraient dû faire revenir ces savans de leur opinion; car on a tenté plusieurs fois de comprimer l'eau d'une manière très-sen- sible , mais on l'a toujours fait inutilement ; et cette propriété d'être ainsi incompressible , est même , suivant les physiciens , générale pour tous les liquides. Donc si ceux-ci ne sauraient se comprimer très-seiuiblement ^ c'est que par l'effet du contact immédiat, leurs molécules résistent à \a. pression , ne trouvant pas de vides où elles puissent se retirer : ce qui doit faire conclure qu'en général il y a dans les corps beaucoup plus de plein que de vide ; surtout quand on consi- dère que les très-petits pores , formés par la jonc- tion exacte de ces molécules arrondies, contien- nent l'atmosphère de ces mêmes molécules , et la lumineuse entourée de son enveloppe atmos- phérique. Ce que je viens de dire prouve combien s'est trompé l'auteur de la Mécanique céleste, en pen- sant que la porosité des corps était énorme , et supposant qu'il y a dans les corps les plus denses six milliards de fois plus de vide que de plein ; et c'est d'après cette supposition erronée , qu'il prétend expliquer par les lois de la gravitation newtonienne tous les phénomènes de la cristal- lisation des corps, de la capillarité, de la réfrac- tion de la lumière , des combinaisons chimi- ques (ij , tandis que ces phénomènes ne dépen- dent que des petites atmosphères. (i) Voy. Sa Mécanique céleate ; supplément. Voy. aussi le Ma- nuel de phys. pag. 53. 38 ERREURS ntVOlLtES LIVRE SECOND DE L AIR ET DE l'ÉtHER Notions générales. JLj'air est, comme on sait, ce fluide élastique et invisible dans lequel nous vivons, qui entoure notre globe à nue grande hauteur, et qui sert à la respiration , à la combustion , et à la végétation. Ce fluide est le même que l'éther où nagent les corps sidéraux; et il n'en diffère que par sa densité, qui est d'autant plus considérable que ses couches sont plus près de la terre. L'éther ainsi condensé forme l'atmosphère terrestre. Sa condensation provient de son refoulement opéré par la masse de la terre, lorsque jaillissant du néant à la voix de son Créateur , elle prit place dans l'espace occupé déjà par cette matière éthérée et élastique que Dieu venait de créer. J'en parlerai plus am- plement ci-après. L'air ou l'éther est donc le premier des élemens, et, comme celles de toutes les substances , ses molécules sont rondes, d'une même dimension ; toutes massives, sans creux, ni vacuités, et envi- ronnées d'une atmosphère plus grande que celle des liquides , laquelle sert à les tenir dans l'état de fluide élastique par la propriété qu'elle a de ne point se mêler avec l'atmosphère des lumi- neuses qui demeurent fixes dans les interstices laissés par ces molécules réunies. DES PHYSICIENS MODERNES. 3^ L'atmosphère de ces molécules aériennes on élhérées est mixte, c'est-à-dire composée doxigëne et d'ignigène , mais Toxigène s'en sépare , du moins en partie , beaucoup plus facilement que Tignigéne; ce qui est favorable à la respiration , à la combustion, et à d'autres phénomènes qui y ont quelque rapport. Le mélange des lumineuses avec les aériennes ne doit pas empêcher de regarder l'élher comme un corps simple; puisque toutes les substances sont dans le même cas ; c'est-à-dire que dans chacun des pores formés par l'assemblage plus ou moins exact de leurs bases, se trouve toujours une molécule de lumière avec son atmosphère. Quoique quelques savans aient fait mention de l'élher , aucun n'eu a jamais prouvé l'existence d'une manière certaine, et ne s'est imaginé qu'il fîit de la même espèce qtie notre air atmosphé- rique. Newton et ses partisans , quand même ils auraient pu soupçonner cette identité , étaient trop intéressés à la méconnaître; parce qu'un fluide capable de se coèrcer autant que l'air, ne pouvait pas être infiniment rare, et par consé- quent n'était pas compatible avec leur hypothèse de la gravitation universelle. Aussi le géomètre Anglais, quoiqu'il ait fait quelque mention de l'éther, prétend que les espaces célestes que par- courent les planètes et les comètes sont dépourvus de tout fluide matériel , à l'exception cependant de quelques vapeurs très-rares et de quelques rayons de lumière qui, selon lui, ne font que passer ; ce qui a engagé certains Newtoniens a assurer sérieusement, par un étrange abus de calcul, que tout le fluide lumineux qui se trouve entre Saturne et le Soleil ne contient pas autant de matière réelle qu'un pied cubique d'air. Enfin , d'autres Newtoniens ou ont nié totalement l'exis- 4o ERREURS DÉVOILÉES tence de Téther, ou ont soutenu quil était inca- pable d'opposer la moindre résistance à la course rapide des astres qui se meuvent dans Tespace. Ces diverses opinions, dénuées de fondement, sont surtout démenties par les phénomènes C]ui déposent hautement contre l'hypothèse newto- nienne ; car, si l'éther n'existait pas , ou que les espaces célestes fussent tels que le supposent ^Newton et ses partisans, 1 atmosphère terrestre, qui est si expansible, se serait , depuis bien des siècles , disséminée dans ces espaces vides ou presque vides ; et elle ne peut demeurer coërcée autour de notre globe qui la repousse par le déploiement de sa surface , que parce qu'elle est bridée par une matière qui l'empêche de se dissiper. Fausses opinions des PJiilosophes sur Vélasticité de V Air et de VÈther. Les philosophes qui n'ont pas pu s'imaginer que notre atmosphère avait été produite par le refoulement de la matière éthérée , opéré par le déploiement du globe terrestre lors de sa création, n'ont pu de même connaître ni la nature du fluide aérieti , ni la cause de sa grande élasticité , et pour les expliquer ils ont forgé des hypothèses tout-à- fait absurdes. Les uns ont donc cru que l'air était composé de petits flocons semblables à des touffes de coton ou de laine; d'autres soutiennent qne ses particules sont contournées en cerceaux, ou formés en spirale comme des fils d'arclial, des copeaux de bois ou le ressort d'une montre , et que, pour la formation de l'air, il sufflrait de produire des molécules ainsi disposées. Or, disent- ils, c'est à ces sortes de figures que l'air doit son étonnante élasticité. Newton a eu raison de ne pas croire cette contexture des parties, suffisante DES PHYSICIENS MODERNES. l[t pour expliquer cette élasticité; et il a proposé une autre hypothèse qui n est pas plus admissible. II prétend que tous les corps ont un pouvoir tantôt attractif, tantôt répulsif; et que lorsque, par quelque cause , la force attractive de leurs particules est surmontée à un tel point qu'elles cessent d'être dans la sphère d'attraction , alors la force répulsive, commençant d'avoir lieu , les écarte d autant plus les unes des autres , qu'elles avaient plus d'adhérence entre elles; et que c'est de cette manière que se forme un air permanent. Enfin, dans son Traité d'Optique ^ il avance que « comme dans 1 algèbre les quantités négatives :» commencent où les affirmatives disparaissent , » ainsi dans la mécanique la vertu repoussante » doit paraître là où l'attraction vient à cesser ; » que cela suit de la production de l'air et des » vapeurs; et que c'est en conséquence de cette » même puissance repoussante que les mouches » marchent sur l'eau sans se mouiller les pieds, » etc. » Pour peu qu'on fasse usage du sens com- mun , on concevra que ces raisonnemens de Newton sont indignes d'un génie d'une si grande célébrité. Il est vrai que quelques-uns de ses admirateurs disent, pour l'excuser, que ce savant n'a point donné ses Questions d'Optique comme des assertions, mais comme des doutes. Soit : mais n'aurait-il pas mieux fait de supprimer ces rêves philosophiques ? x\insi aurait-il empêché que des géomètres renommés les prissent pour des vérités, par l'habitude qu'ils ont de jurer à tout propos et hors de propos par le nom de ce grand homme. Ce que j'ai déjà dit, démontre combien sont erronées ces diverses ojtinions sur la figure des molécules de l'air et sur son élasticité surprenante. Ces molécules ne sont ni des cerceaux , ni des 4Î ERREURS DEVOÏLLES spirales, ni agglomérées comme des flocons de laine; mais elles sont arrondies de même que celles de tons les corps, tcnit d'une pièce, et entourées d'une atmosphère très- étendue. C'est cette très-grande atmosphère qui, conjointement avec celle des lumineuses sises dans les pores ou les vides que laissent des molécules arrondies et réunies, est la cause de la grande élasticité de l'air; car on a vu précédemment que plus les molécules d'une substance possédaient de couches atmosphériques, moins ces nudécules avaient de force attractive pour leurs semblables, et moins elles pouvaient résister à la force répidsive des molécules de lumière qui existent dans leurs pores, et dont l'atmosphère s'agrandit communé- ment à proportion que celles des opaques aug- mente. De sorte que si les corps les plus compac- tes, les métaux , par exemple, pouvaient prendre une atmosphère permanente proportionnée à la grosseur de leurs molécules à linslar de celle de l'air, ils deviendraient fluides élastiques comme celui-ci ; et de même, si les molécules aériennes abandonnnient une grande portion de leurs par- ticules atmosphériques, elles passeraient à l'état fluide , et enfin à l'état mon , et puis solide , selon quelles en perdraient davantage; parce que l'at- raosphere moléculaire , en se réduisant jusqu'à un certain point, voit augmenter sa puissance attractive pour sa semblable et pour la base qu'elle enveloppe; mais en deçà, la substance n'est plus que friable ou pulvérulente. Or, c'est ainsi que les mf)lécules de l'air, par le changement accidentel de leur enveloppe atmosphérique opéré dans diverses combinaisons toutes naturelles, se chan- gent quelquefois en des produits qui ne paraissent presque plus de la même nature. Puisque la matière élhérée est de la même espèce DES' PHYSICIEINS MODERIN'ES. 4^ que notre air dont elle est nécessairement la con- tinuation , il s'ensuit que tout ce que nous venons de dire de l'air s'applique naturellement à rélher. Cependant Newtoîi croit que, si l'élher existe, il doit être sept cent mille fois plus rare que l'air que nous respirons. Mais qui n'aperçoit point que ce calcul est hyperbolique? En effet, si la matière élhérée est d'une telle rareté, comment peut- elle cocrcer notre atmosphère qui est si élastique et qui fait des efforts continuels pour s'étendre et se dissiper? Ou plutôt, comment cette matière si subtile a-t-elle pu se condenser autant que notre fluide atmosphérique par le développement de la masse de notre globe , qui n'a que trois mille lieues de diamètre? C'est là une difHcidté qiie les Newtoniens n'ont pas prévue et qu'ils ne résoudront jamais , même en suppo- sant leur matière subtile, qui leur sert, dans le besoin , pour expliquer certains phénomènes dont ils ne peuvent rendre raison. Nos chimistes modernes se sont encore imaginé que notre atmosphère provenait des exhalaisons du globe terrestre; comme si des vapeurs qu'ils ont reconnues pour méphitiques et incapables de prolonger la vie, pouvaient servir à la combustion et à la respiration. Comment ontils pu enfanter une telle erreur? par une fausse analogie. Ils ont vu que dans leurs expériences chimiques il se produisait une certaine quantité de fluide élasti- que d'espèces différentes. Donc, sans autre ré- flexion , ils ont dit : Puisque le globe terrestre exhale fréquemment de tels fluides qui s'élèvent, tout l'air qui s'étend au-dessus de nos tètes doit être le produit de ces fluides. En pensant ainsi , ils ont fait comme un homme qui , voyant le limon d'un étang se mêler , dans une tempête , avec les ondes , s'imaginerait que ce limon a 44 ERREURS DEVOILEES produit Teau de l'étang. Certainement cet homnve raisonnerait fort mal, puisque la bourbe ne de- meure pas toujours confondue avec l'eau , et que tôt ou tard elle s'en sépare. Il en est de même de tous les fluides élastiques que notre globe exhale: ils ive sont pas permanens dans notre atmosphère; mais ils se décomposent dans différentes circon- stances. Donc ils ne peuvent point former une atmosphère qui reste toujours la même. D'ailleurs ces chimistes n'ont pas prévu que dans le cas où notre air atmosphérique devrait son existence à la seule production de ces fluides , il aurait dû être un temps où il n'y avait point d'atmosphère ; donc les premiers hommes qui ont habité la terre ne respiraient pas , quoiqu'ils eussent , comme nous, des poumons pour respirer. De plus, depuis le temps que le monde existe et que la terre produit des exhalaisons, ces vapeurs méphitiques auraient dû s'accumuler dans une proportion effrayante. De là il s'ensuivrait que les hommes de ce siècle ne pourraient, autant que leurs an- cêtres , prolonger leur existence ; et cependant l'histoire dépose que depuis plus de trois mille ans , il n'y a pas de différence dans la durée ordinaire de la vie humaine. Nota. Je reviendrai ailleurs sur d'autres pro- priétés de l'atmosphère terrestre , parce qu'elles me paraissent de la plus grande conséquence. DES VENTS. Explication erronée du Fent d'Est par un célèbre Géomètre. Les physiciens ne sont point d'accord sur l'origine ou la nature des vents. Les uns croient qu'ils doivent leur naissance à l'agitation de l'air, les autres aux changemens qui; par quelque cause DES 1»HYS1CIENS MOtJERlSES. 45 (Sue ce soit , interviennent dans son ressort ou dans sa pesanteur spécifiqne. Ces explications ne sont pas vraisemblables , parce qu'une simple agitation ou un changement de pesanteur et de ressort dans l'air ne pourraient tout au plus causer qu'une bouffée de vent passagère , et non ces courans d'air rapides qui durent quelquefois des semaines entières ; sans parler des vents alizés et généraux qui soufflent continuellement entre ou vers les tropiques. D'autres physiciens ont encore prétendu que les vents étaient produits par l'attraction que les astres exerçaient , selon eux, sur les molécules de l'atmosphère terrestre; et ils ont fait , pour 1« prouver, de longs calculs qui ne signifient rien, puisqu'ils sont fondés sur de pures suppositions. Sans chercher à dévoiler l'origine des vents irréguliers , l'auteur de Y Exposition du système du monde (i) s'est essayé à expliquer la cause du vent périodique qui souffle de l'est vers les tro- piques ; mais cette cause qu'il admet est si erronée, qu'elle ne ferait pas honneur à un écolier de philosophie copernicienne. Ce savant pense donc que le soleil raréfiant par sa chaleur les colonnes d'air qu'il domine , et les élevant au-dessus de leur niveau, celles-ci glissent sur la convexité de l'atmosphère terrestre, et se répandent sur les colonnes situées vers les pôles; tandis qu'un air frais, parti de ces der- nières colonnes, afflue en dessous vers l'équateur pour y remplacer celui qui a été raréfié ; que la vitesse de ce dernier courant vers les tropiques ne pouvant pas égaler celle que la rotation jour- nalière de l'axe terrestre communique à la surface de cette partie de la terre , ainsi qu'aux objets et (i) Tome 2, pag 162 et i63, de ledit de l'an IV. 46 ERÏIEURS Dl'VOILÉES aux spectateurs qui y sont placés, ceux-ci en tournant de Touesl à l'est doivent frapper ce cou- rant d'air inférieur avec l'excès de leur vitesse , et en éprouver , par la réaction , une résistance contraire à leur mouvement de rotation; ce qui, selon ce géomètre , doit leur faire croire qu'ils reçoivent l'impression d'un vent qui vient de l'est. Cette prétendue cause du vent d'est , est non- seulement contredite par les phénomènes jour- liers, mais elle pèche encore ouvertement contre le mouvement de rotation de la terre par laquelle on l'a voulu expliquer; et Ion peut dire ici avec assurance que le géomètre newtonien sommeillait, comme le bon Homère , quand il a imaginé ou admis cette fausse explication du vent d'est. Pour le prouver, je n'ai besoin d autre argument que celui que me fournit la rotation diurne. En effet, lorsqu un anti- copernitien prétend que, si ce mouvement existait , les oiseaux , qui s'élèvent dans l'air , verraient la terre et les forêts fuir sous leurs pieds, et leurs nids et leurs petits entraînés loin d'eux vers l'orient ; que lui répondent les Newtoniens? Que l'atmosphère terrestre qui, de- puis tant de siècles, tient à la terre, tourne avec elle par un mouvement, une impression et une direction commune ( i ); que la terre et son atmo- sphère tournant ainsi avec tout ce qui leur ap- partient ou tout ce qu'elles renferment, tout se passe sur notre globe mobile, comme s'il était en repos; qu'il n'est donc pas étontiant que les oiseaux et tous les corps qui s'élèvent ou qui se meuvent dans l'atmosphère terrestre, continuent d'avoir le même mouvement que la surface de la terre, lors même qu'ils s'en éloignent ou qu'ils la suivent dans son mouvement. Donc un courant (i) Voy. Lalande, abrégé d'astron. u°» 3H7 et 388. DES PUYSICIENS MODERNES. l\^ d'air qui affluerait des pôles, et qui raserait la terre , se trouvant renfermé dans l'atmosphère terrestre, devrait tourner uniformément par une impression comniune, non-seulement avec cette atmosphère , m.iis enrore avec les spectateurs placés sur la surface du globe. Donc ceux ci ne tourneront pas plus vite que ce courant d'air, et ne pourront pas le frapper avec 1 excès de leur vitesse; donc si un vent a sa direction vers l'occi- dent , c est qu'il vient de lest et non des pôles; et l'impression qu'on en reçoit n'est pas imaginaire, comme on le prétend , mais réelle. Enfin , ce vent, affluant des pôles, serait dans le cas d un oiseau qui partirait d'un de ces points pour se rendre directement an point opposé. Qui doutera que cet oiseau , malgré le mouvement de l'axe de la terre, ne pijt aller d'un pôle à l'autre en suivant le même méridien? Cependant dans le système du géomètre dont nous parlons , cela serait im- possible; et le volatile verrait sous lui tous les méridieits, l'un après l'autre, dans l'espace de vingt-quatre heures. Ainsi sans un grand effort de génie on doit concevoir que soit dans l'hypo- thèse de I immobilité de l'axe, soit dans le système de sa rotation, un courant d'air affluant de la région polaire, ne pourra que paraître arriver des pôles, et non de l'est. Pour qu'il en fût autre- ment, il faudrait ou que la terre n'eût point d'atmosphère, ou qu'elle tournât sans entraîner cette atmosphère ; ce qui ne peut pas se supposer. Enfin , si le vent d'est n'était dû qu'à un excès de vitesse qu'aurait la zone de l'équateur sur un courant d'air arrivé des pôles, il s'ensuivrait que dans la région voisine de ces pôles, on ne devrait jamais éprouver de calme; mais qu'on y verrait régner un vent continuel qui se dirigerait vers la zone torride. Or, c'est ce que n'ont pas remarqué 48 ERREURS DÉVOILÉES ni les marins qui se sont avancés vers le nord et vers le sud , ni les académiciens qui allèrent mesurer un degré du méridien vers le cercle polaire. Je ne puis concevoir comment des physiciens, des aslronomes et des géomètres(i) qui n'ignorent pas que l'atmosphère terrestre , tournant avec la terre , entraîne tout ce qu'elle renferme , et que les choses s'y passent comme si elle était immo- bile, ainsi que le dit Lalande, dans son abrégé d'astronomie , aient pu regarder comme vraie , cette explication si fautive du vent d'est , qui donnerait gain de cause à ceux qui nient la rota- tion de l'axe de la terre. Ne serait-ce point qu'en général certains géomètres ne savent réfléchir que sur des nombres , et que les physiciens se laissent trop aisément éblouir par l'éclat d'une grande renommée? Cause générale des Vents. — Explication du Vent d'Est. Mais quelle est donc l'origine des vents? C'est, comme je l'ai déjà dit , l'oxigène dégagé plus ou moins abondamment des vapeurs élastiques ré- pandues dans l'atmosphère, et qui dans l'état de gaz naissant , se joint aux molécules aériennes , qui devenues alors plus pesantes que l'air ambiant par une plus grande condensation momentanée de leurs particules aériennes, descendent dans les basses régions de cette atmosphère, comme un fleuve paisible , si ce dégagement s'opère avec lenteur; ou se précipitent comme un torrent im- pétueux, si ce même dégagement est très-rapide. (i) Entre autres. Libes, Traité complet et élém. de physique, tome 3, pag. 337 ^^ '^ ^* édition; et Francœur,Uranograpbie, 3« édition, pag. 3 G, DES PHYSICIENS MOOERNFS. 49 Enfin , le calme de l'air doit succédeî à ces mouvemens, dès que les vapeurs cessent de four- nir de l'oxigène; et cet oxigène surabondant est bientôt absorbé par l'effet naturel d'une évapora- tion continuelle. Cette plus grande densité des aériennes par un-e accumulation de particules oxigènes , est analogue à celle de l'eau oxigénée que les travaux de M. Thenard nous ont fait connaître. Par di- verses mani[)ulalions et par un froid factice, les molécules de cette eau s'entourent d'une plus grande quantité d'oxigène, qui, se condensant autour des bases , leur donne plus de pesanteur qu'auparavant; parce que dans un même volume, elles contiennent plus de particules atmosphéri- ques condensées que dans leur état ordinaire. Par ce froid, la tension de cette eau devient très- faible , parce que les lumineuses qui sont dans ses pores et qui sont la vraie cause de cette ten- sion , n'y ont que très-peu de particules atmo- sphériques ignigènes, remplacées par les oxigènes qui se groupent autour des aqueuses. Il en est de même des aériennes dont nous parlons; car par le dégagement de l'oxigène des vapeurs , il y a diminution de tension de la part des lumineuses de l'air par la perle qu'elles fout alors d'une portion de leur ignigène qui se dissipe promp- temeut dans l'espace. Celles-ci ne peuvent donc empêcher les aériennes de s'approprier un peu ph:s d'oxigène , dont la quantité sera d'autant plus grande que le dégagement de cet ignigène sera plus rapide , et d'acquérir par-là plus de pesanteur, ce qui les forcera à se précipiter vers la terre. Sans cette plus faible tension des lumi- neuses, les aériennes, par cette accumulation de particules atmosphériques, deviendraient au con- traire plus légères et plus élastiques; parce que 4 5o ERREURS DÉVOILÉES plus dilatées, elles occuperaient une plus grande étendue, et qu'il y aurait moins de bases dans nn même espace. Enfin, le moins ou le plus d'oxigène que l'aérienne aura ajouté à celui qu'elle possédait (iéja , nous fait éprouver, même pen- dant les chaleurs de Tété, cette sensation agréable dans le premier cas, et incommode dans le se- cond ; parce que, dans l'un , il n'y a d'oxigène que ce qui convient à la consommation que nous pouvons en faire, et que, dans l'autre, il y en a beaucoup trop. On conçoit que parmi les vents dont je parle, je ne compte pas ceux qui seraient produits seu- lement par un ébranlement passager de l'air, tel que le font éprouver une violente détonation , un soufflet mis en mouvement, l'agitation d'un drapeau , et de mille corps semblables. Ces sortes de vents ne sont que fortuits et passent vite : ils ne sont ni périodiques ni permanens , surtout comme ceux qui soufflent vers les tropiques. Ces derniers, et tous les vents proprement dits , ne doivent donc pas être assimilés aux ondulations d'une eau agitée, comme quelques physiciens l'ont cru ; mais à l'écoulement d'une source qui, d'un lieu élevé, s'élance vers la plaine. Ils doivent donc leur existence , de même que celle-ci , à une vraie matière qui s'échappe du lieu où elle était retenue captive. Il est incontestable que les aqueuses, dans leur état le plus naturel , ou telles qu'elles existent à la surface des eaux solides ou liquides , peuvent ajouter à leur propre atmosphère une plus grande quantité d'oxigène , sans rien perdre de celui qu'elles possédaient dans le moment actuel. Dans ce cas le calorique toujours plus ou moins répandu dans les pores de l'air, se joignant à ces aqueuses, les excite à étendre , de concert avec lui , leur DES PHYSICIENS MODERNES. ,'j I enveloppe atmosphérique aux dépens de celle des aériennes inférieures. Alors, plus légères que ces dernières , ces aqueuses s'élèvent jusqu'à ce qu'elles soient eu équilibre avec lair environnant. Elles demeureraient ainsi suspendues, si létat du ca- lorique n'y changeait pas , ou s'il n'affluait point de nouveaux produits des évaporations ; mais ces évaporations se renouvelant sans cesse , ces aqueuses accumulées sont forcées de s'étendre à droite et à gauche , ou sont soulevées dans une région plus haute. Si la partie de l'atmosphère qu'elles atteignent dans ces deux cas a une moin- dre température que celle qu'elle viennent de quitter, elles se condenseront à proportion que cette température sera plus basse ; et par cela même elles perdront une certaine quantité des particules atmosphériques qu'elles possédaient auparavant. Car si, dans leur état ordinaire, ces aqueuses prennent de l'oxigène pour se changer en fluide élastique , elles doivent abandonner cet oxigène en reprenant leur état fluide : ce à quoi les physiciens n'ont point fait attention jusqu'à présent. Maintenant que le froid soit plus vif ou la condensation plus forte, elles parcourront ra- pidement un cercle inverse à celui qu'elles avaient suivi en devenant fluide élastique; parce que leur atmosphère plus étendue tient moins à ses bases. Et voilà comment, dans un ciel serein, on voit de petits nuages se former fout-à-coup , puis s'étendre rapidement, et répandre bientôt sur la surface terrestre ces souffles dévastateurs qui la bouleversent, et ces torrens d eau qui l'inondent. Ainsi les vents sont toujours dus à la portion des particules atmosphériques qu'abandonnent les aqueuses , lorsqu'elles sont sur le point de re- prendre leur état le plus naturel ; et c'est ce qu'on observe toutes les fois qu'un déluge de pluie ou de 52 ERREURS DEVOILEES. grèlemenace;carce déluge est toujours précédé par un vent furieux qui en est comme lavant-coureur, et qui est d'autant plus véhément que la pluie ou la grêle sera plus abondante. Mais si le dégage- ment dont je parle se faisait plus lentement et en moindre quantité, on n'aurait plus qu'une pluie bénigne qui féconderait la terre sans la dévaster. Peut-être sera t-on bien aise de trouver ici la description d'un tornados ou tourbillon observé par Golberry près de Sierra-Léone, laquelle prou- vera ce que je viens de dire : a Le ciel, d'abord, était pur, l'air calme et » d'une pesanteur accablante. Bientôt un petit » nuage se montre dans les plus hautes régions » de l'atmosphère. Sa forme est ronde, et son » diamètre apparent est de 5 à 6 pieds. Peu à peu 3) l'air s'agite et circulairement. Les feuilles , les » herbes, sont élevées de quelques pieds au-dessus )) de la terre, et tournent avec l'air. Le nuage » paraît s'agrandir et descendre. 11 s'épaissit , et )) bientôt il couvre une grande partie de 1 horizon. « Alors le tourbillon augmente; sa vitesse s'accé- » 1ère , et il devient d'une violence effrayante. y> Des arbres sont rompus , d'autres déracinés. » Des maisons sont enlevées; les vaisseaux, mouillés 3) aux environs , sont jetés les uns sur les autres ; 35 et, après une durée de quinze minutes, ce tor- 3) nados se termine par une averse. »(ij Ainsi le dégagement de l'oxigène précède tou- jours les pluies; et les vents qui en procèdent ne deviennent violens que lorsque ce dégage- ment est rapide et abondant, et que les pluies sont par cela même considérables; ce qui peut faire connaître que ces vents ne sont point dus à de grands courans d'air , qui se porteraient (0 Voyez Tableaux d.s Vents, etc par Roinme,tom. I. p. 38 1. DES PUYSICIENS 3I0UERNES. 55 avec une extrême rapidité dans de prétendus vides, formés dans l'atmosphère par de grandes préci- pitations d'eau , comme le dit M. Romme(i) : car alors le cours de ces vents devrait suivre celui de la pluie ; ce qui n'est pas, puisqu'au contraire la pluie suit toujours la direction des vents. Enfin , ces vents ne deviennent tourbillons qu'autant que les vapeurs élastiques et les nuages lâchent rapi- dement et à la fois leur oxigène de plusieurs points distincts; ce qui fait queces torrens aériens, en se rencontrant , se croisent et se combattent mutuellement. Quant à cet état de malaise ou de pesanteur accablante , éprouvé par Golberry avant la naissance de l'orage, il provenait et de Figni- gène qui s'était détaché des aqueuses, et de celui que les lumineuses avaient abandonné, comme nous l'avons dit, et qui s'était disséminé rapide- ment dans les couches inférieures de notre atmo- sphère ; ce qui rendait l'air moins propre à la respiration. Si dans le temps que les vapeurs élastiques redevenues visibles sous la forme de nuages , tendent à une continuelle décomposition , elles trouvent sur leur passage un air qui leur rende les particules atmosphériques qu'elles viennent de perdre, elles dilateront alors leur atmosphère, et reprendront leur état élastique ; et voilà pour- quoi l'on voit souvent des nuages disparaître dans les airs sans laisser aucune trace; surtout quand cette action est encore aidée par la chaleur que répand le soleil; et c'est ce qui arrive principa- lement aux brouillards qui se dissipent à la faveur d'un beau jour. Revenons maintenant au vent d'est qui se fait sentir entre les tropiques, et nous nous convain-i (i) Tableaux des Vents , etc. tom. I p. 38o. 54 ERREURS DÉVOILÉES crons de plus eu plus que ce vent n'est pas dû à une simple apparence ; surtout lorsque nous sau- rons que ce vent alise se partage en deux branches dont l'une participe du nord-est , et l'autre du sud-est; et que vers la lisière de chacune de ces branches, mais en dehors, règne un autre vent permanent d'ouest. On ne peut pas douter qu'au-dessus de la zone que le soleil parcourt journellement , et qui peut s'étendre jusqu'à deux ou trois degrés, tant au nord qu'au sud, l'évaporation ne soit très-considérable, et beaucoup plus abondante que partout ailleurs. Cette évaporation forme bientôt dans l'atmosphère une masse de vapeurs élastiques qui, arrivées dans une région où elles ne peuvent plus s'élever, et où elles s'accumulent continuellement, sont obli- gées de s'épancher à droite et à gauche , comme un fleuve qui, s'élevant entre deux digues, aurait bientôt franchi ses bords. L'espace qu elles em- brassent s'étend d'environ 2 5 degrés de chaque côté de la route que parcourt le soleil. Ces vapeurs se trouvant donc dans une zone moins chaude que la première, puisqu'elle ne reçoit plus si perpendiculairement les rayons du soleil , doivent se resserrer; parce que les molé- cules de lumière qui sont dans les pores de ces vapeurs et qui tiennent les aqueuses écartées , perdant alors une portion de l'ignigène qui com- pose leurs atmosphères , leur permettent de se rapprocher. Or , nous avons vu que l'eau ne pouvait se changer en fluide élastique , et par conséquent se dilater considérablement, qu'autant que ses molécules s'appropriaient plus de parti- cules oxigènes ; donc elles doivent s'en dessaisir à proportion qu'elles se condensent. Cet oxigène ainsi dégagé abondamment de chaque côte de la route du soleil , et fluant sans DES PIIÏSICIENS MODEREES. 55 cesse du haut en bas, en s'unissant aux molécules aériennes, comme je l'ai dit ci devant , forme, soit vers le sud , soit vers le nord, un torrent d'air qui, avant d'arriver dans la région inférieure de notre atmosphère, se partage en deux courans qui divergent et se dirigent, l'un vers l'est et l'autre vers l'ouest (i). 11 y a donc quatre courans de fluide élastique pour fournir loxigène que consomme une immense évaporation, savoir, deux intérieurs et deux extérieurs. Les deux intérieurs ne peuvent que se rapprochei' insensiblement de la ligne où se fait la plus grande évaporation , et par ce moyen , l'un doit être nord-est et l'autre sud-est. Cette direction oblique est cause que le mouvement de ces deux courans est neutralisé en quelque sorte, là où ils se rencontrent. Il faut donc qu'il existe entre eux un espaee assez vaste, séjour des calmes qui ne peut être troublé qu'au- tant que l'un de ces deux courans serait surchargé momentanément d'une plus grande quantité d'oxi- gène , ou qu'au-dessus de cet espace il se trouve- rait de ces vapeurs élastiques qui , par l'effet d'une atmosphère trop étendue, tendent rapidement à la décomposition ; et alors il en résulterait des vents variables, des tourbillons, des orages, des pluies; mais qui ne seront qu'accidentels ou passa- gers , parce que la cause n'en est pas permanente ; (0 ladépeadararaent de cet oxi^ene ainsi dégagé, il en flue aussi sur la route même du soleil du s in de quelques-unes de ces aqueuses évaporées qui , sollicitées par les rayons solaires à s'emparer d'une plus grande portion d'ignigène , ne peuvent le faire sans perdre quelques-unes de leurs particules osigènes. Mais cette dernière quantité n'étant pas assez abondante , et d'ailleurs étant contrariée dans sa d.-scente par une immense évaporation qui ralentit sa chute, ne peut former le plus souvent qu'une pluie insensible d'oxig»no et non un courant fort et permanent. 56 ERREURS DÉVOrLÉF.S et cVst ce que les marins ont éprouvé en effet entre ces vents du nord-est et du sud-est. Il est inutile de s'étendre beaucoup sur les deux courans extérieurs qui longent ces derniers vents, mais en sens contraire, u Un certain intervalle les M en sépare de même ^ et on trouve des calmes w fréquens dans l'étendue de cet espace qui varie, » lorsque certaines circonstances influent sur l'état » de l'atmosphère. (i). » Cependant comme ces vents est et ouest se côtoient en sens opposé , il est naturel que le fluide qui les compose , cher- chant à s'étendre, converge aussi un peu vers leur limite jusqu'au point de réunion ; ce qui forme une transition naturelle d'un de ces deux vents à celui qui l'avoisine; excepté que cet ordre ne soit dérangé par quelques changemens survenus dans l'air. Aussi « on a remarqué, qu'en passant de la » région d'un alisé dans celle des vents opposés, » le vent tourne graduellement, si lalisé dépend j) beaucoup de l'est, et les vaisseaux se portent )) alors dans les parages des vents variables, sans » éprouver des intervalles de calme. » (2) Ces vents de nord-est et de sud-est, ainsi que ceux de nord-ouest et de sud-ouest, dépendent tellement du soleil, comme nous l'avons vu , qu'ils se rapprochent du nord , de même que les inter- valles qui les séparent , quand le soleil s'avance vers le tropique du Cancer; et qu'ils retournent vers le sud , lorsque cet astre rebrousse chemin vers le tropique du Capricorne. On peut voir sur cela ce que ditM.Ch.Romme dans son livre intitulé Tableaux des vents , des J7iarées , etc. , au chap. des glands inouvemens de V atmosphère ^ où l'on trouvera un précis de faits précieux dont j'ai fait (i) Voyez Tableaux des Vents, etc par Ronime.tom. I p. 298. (2) Ibid. DKS l*HYSICIENS MODERNES. S^ quelquefois usage, quoique nous différions essen- tiellement sur la cause de ces phénomènes. Lorsque des obstacles, tels que les présentent les montagnes d'une grande élévation , arrêtent le cours inférieur des alises, alors les vents généraux d'ouest, qui les côtoient à contre-sens en dehors des tropiques, se dilatent, se détournent de leur route, et se portant en partie dans l'intervalle où ces alises cessent de souffler , les remplacent pour fournir aux eaux de la mer, qui sont dans cette région , les particules atmosphériques nécessaires à leur évaporation. Cette déviation commence d'autant plus loin de ces obstacles, que ceux-ci ont plus de hauteur. C'est ainsi que « près des » côtes de l'ouest de l'Amérique sud , dans la » bande torride australe , au delà de la haute )•> chaîne des ^Éndes , le cours du vent alise ne M commence à se faire sentir qu'à une distance y> de i5o ou -200 lieues de ces rivages, et que » dans l'espace intermédiaire les vents soufflent » constamment entre l'ouest et le sud; » excepté que le gissement des côtes ne change encore leur marche; tandis que sur toutes celles du Mexique et de la nouvelle Espagne où les Andes ont une moindre hauteur, l'alise reprend déjà son cours ordinaire à une distance de 70 ou 80 lieues de ces côtes; et dans cet espace, aussi intermédiaire, ou en deçà, les vents dominans soufflent de la partie de l'ouest, (i) Des Moussons. Ce que j'ai dit plus haut du changement de position des alises et des vents généraux , tantôt vers le nord , tantôt vers le sud , et ce que je viens (i) Voyez Romme, Tableaux des Vents, etc. tome I. pages 3oi et 3o2. 58 ERREURS DivOILiES de dire de l'inflexion de quelques-uns de ces vents, suivant lobstacle quis'opposeà la direction des premiers, doit faire connaître non-seulement la cause des moussons , mais encore celle de l'irrégularité qu'on observe dans leurs cours , selon les parages et les golfes ou vastes canaux de mer qui se rencontrent sur leur route. Car dans ces golfes et ces canaux , l'évaporation étant plus abondante que sur terre , et ayant besoin d'une plus grande quantité d'oxigène, les vents généraux ou alises qui passent dans leur voisinage, s'y portent de préférence ; surtout quand des ob- stacles ferment le passage à celui qui devrait y souffler naturellement dans une autre direction. Ces moussons dépendant ainsi des vents géné- raux et alises qui dépendent eux-mêmes du soleil , ne doivent pas souffler du même rumb toute l'année; mais avoir comme eux une marche pé- riodique et différentes directions , tantôt vers le nord , tantôt vers le sud ; et de plus un temps de calme et quelquefois d'orage doit faire la transition naturelle d'une mousson à une autre , comme il sépare un vent général d'ouest d'un alise d'est. En effet , pour mieux faire comprendre le mé- canisme de ces moussons, on peut comparer les vents précédens à plusieurs rivières dont les unes couleraient d'occident à l'orient , et les autres d'orient à l'occident , et dont les lits séparés par une plage sèche , se mouvraient avec elle , soit vers le sud , soit vers le nord. Si dans leur dépla- cement , après avoir coulé au travers des plaines, ces rivières rencontraient tantôt des collines ou des montagnes, et tantôt de vastes terreins spon- gieux qui absorberaient une portion de leurs eaux, n'est-il pas évident que, ne pouvant avoir alors un cours direct, elles seraient d'abord obli- gées de se détourner , et puis de s'écouler en DES 1»HYS1C1EKS M0DER:NES. Bçf partie vers les terreins vides ou spongieux? Mais ces rivières paraîlraient-elles fluer toujours cha- cune dans le même endroit et dans le même sens? Non ; puisque l'une venant de l'orient et l'autre de l'occident, et leurs lits étant mobiles, elles passeraient alternativement, de même que l'espace qui les sépare , d'un lieu dans un autre , tantôt plus au sud , tantôt plus au nord, avec un cours opposé. C'est ainsi que, dans les Indes orientales, la mousson , qui souffle aujourd'hui d'un côté , paraîtra venir six mois après du côté opposé , et qu'un certain calme de plusieurs jours suivra ou précédera ce changement , qui ne pourra être troublé que par quelque dérangement survenu dans l'atmosphère; et qu'enfin des terreins élevés, des golfes, de vastes bras de mer, des rives plus ou moins siruieuses, qui se rencontreront sur le passage des moussons, plieront encore leur mar- che naturelle , et causeront des changemens variés quoique périodiques. JSota. C'est ce changement alternatif dans la direction des vents qui est cause que les vaisseaux peuvent venir facilement des Indes en Europe pendant notre hiver , et qu'ils ne le peuvent que très-difficilement dans notre été ; parce que, dans le premier cas c'est le vent d'est qui , les pous- sant , leur fait doubler sans péril le Cap de Bonne- Espérance; et que, dans le second, le vent d'ouest, venant au devant d'eux, les empêche de franchir le même passage. Au contraire, dans notre été les vaisseaux qui vont d'Europe aux Indes dou- blent ce Cap aisément, parce qu'ils sont favorisés par le vent d'ouest, et qu'ils ne le sauraient dou- bler sans danger dans notre hiver ; parce que dans celte dernière saison le vent d'ouest est trop éloigné de ce même Cap qui est alors dans la direction du vent d'est. C'est encore à ces chan- 66 ERREURS DÉVOILÉES gemens qui arrivent dans le cours de ces fleuves aériens, que Ton doit le courant de la mer des Indes, lequel après avoir doublé le Cap de Bonne- Espérance, court à l'est dans Tocéan Indien pen- dant notre été , et puis se porte à l'ouest dans notre hiver ; ce qui augmente encore pour les vaisseaux la difficulté du passage de ce Cap, selon la saison qui règne quand on veut le franchir. Des Brises et des Trombes. Les brises sont des vents périodiques qui le jour soufflent de la mer vers les terres , et la nuit des terres vers la mer ; ce qui a lieu prin- cipalement dans les l)ays chauds , et même dans notre climat durant Tété ; excepté que des vents plus forts ne les surmontent ou ne les détournent de leur cours. Ces brises sont encore dues au dégagement de l'oxigène des vapeurs élastiques pendant le règne d'un beau jour ; car elles n'ont plus lieu par une saison pluvieuse. Les trombes qui se montrent assez ordinaire- ment durant les grandes chaleurs et après un long calme , sont dues à des nuages amoncelés qui se décomposent rapidement et dans plusieurs parties distinctes. De cette décomposition préci- pitée naissent ces vents impétueux qui , se dé- chaînant à la fois , lancent l'eau et la grêle de tous côtés ; et qui se mêlant ensemble , forment ces tourbillons terribles qui traînent après eux la plus affreuse désolation. Nota. J'aurais encore beaucoup à dire sur les brises et les trombes, mais, pour abréger, je le passe sous silence. DES PHYSICIENS MODERNES. 6t LIVRE TROISIÈME. DE LA. LUMIÈRE. ISotion générale de la Lumière. — Opinions con- tradictoires des philosophes. — iSature et origine de la Lumière. — Dieu emploie deux paroles successives pour la former. — Pourquoi? LiA lumière, abstraction faite de celle du soleil et des étoiles, est cette matière qui, le premier jour de la création, devint lumière à la voix de son Créateur ; et qui communiquant avec un corps éclairé , nous fait distinguer les formes et les couleurs des objets qui nous environnent. Elle est répandue dans tout l'univers , et contenue dans les pores de l'éther , de 1 air , des liquides et de tous les autres corps trauspareus et opaques. Nous avalons donc à tout instant cette matière avec l'air que nous respirons, avec les substances qui nous serventd'aliment ;et quoiqu'elle nousentoure de tous côtés, et qu'elle aide à la vision, elle ne peut pas être aperçue , tant qu'elle est isolée ; c'est-à-dire tant quelle ne constitue que des files droites ou interrompues dans les corps qui la contiennent, Pour être visible , il faut que ses molécules s'arrangent en globules ; et c'est ainsi quelle se montre dans les astres qui brillent par eux-mêmes , dans la flamme des corps en igni- tion , dans ceux qui sont incandescens , dans l'étincelle électrique, dans les diamans lumineux , 62 ERREURS DÉVOILÉES dans les matières phosphorescentes, et enfin dans les vers luisans et autres insectes semblables. Les molécules de la lumière sont , ainsi que celles de toutes les autres substances, rondes, polies, sans creux , compactes, inflexibles et for- mées d'une seule pièce, et non de plusieurs par- ties. Ces molécules sont enveloppées d'une petite atmosphère qui , dans son état le plus naturel , est toute ignigène , et qui tend à se conserver expansible sans pouvoir se mêler avec celle des autres corps. C'est par ce moyen que l'air et tous les produits aériformes sont si fluides et si élasti- ques , que les liquides de toute espèce conservent leur fluidité , et que les corps denses élastiques ont tant de flexibilité. Les molécules de la lumière forment des files plus ou moins sinueuses dans tous les corps opa- ques, et des files droites dans ceux qui étant dia- phanes, sont ou compactes ou fluides. Cela a déjà été reconnu par les partisans de Descartes ; et comme l'étendue de l'atmosphère de ces lumi- neuses est susceptible de plus ou de moins , elle augmente par le chaud qui lui communique une plus grande quantité de particules ignigènes ; et elle diminue par le froid qui lui en soutire une partie : mais en général cette atmosphère est moindre dans les corps denses , et plus grande dans ceux qui sont liquides , et surtout dans les fluides élastiques. J'ai déjà dit que l'ignigène composant l'atmo- sphère des lumineuses invisibles répandues dans l'élher , dans notre air atmosphérique et dans toutes les substances terrestres , constituait le calorique. De là il s'ensuit que si les molécules aériennes, contenues dans un lieti quelconque, venaient à être anéanties , ou simplement expul- sées subitement de leur place , et qu'il ne restât DES PHYSICIENS MODERNES. 63 que les lumineuses , celles-ci, en se réunissant à l'aide de leurs atmosphères, formeraient un globe de feu capable de consumer entièrement , par Tignigène qu'il contiendrait , tout ce qui serait renfermé dans ce lieu. C'est peut -être par un moyen analogue qu'arrivera à la fin des temps la conflagration du monde , car Dieu qui a tout fait et dont le pouvoir est sans bornes , peut réunir ces lumineuses en masses plus ou moins consi- dérables, dont la chaleur énorme déterminera la décomposition de tous les corps de l'univers. Après ce préambule , voyons comment la lu- mière intellectuelle de nos philosophes pourra expliquer la lumière matérielle répandue dans tout l'espace. Xous trouverons ici , comme ail- leurs , que malgré tous les efforts de leur imagi- nation , ils n'ont presque toujours enfanté que des erreurs ou des chimères. Il est incontestable que les savans n'ont jamais été et ne sont pas encore d'accord ni sur la nature de la lumière , ni de quelle manière elle nous éclaire. Descartes dans son roman de la créa- tion fi) , suppose que Dieu ayant créé une cer- taine quantité de matière , la divisa en parties dures et cubiques , étroitement appliquées l'une contre l'autre, et auxquelles il communiqua deux mouvemens différens. Par ce moyen , ces parties cubiques eurent leur angles rompus par le frot- tement , et furent transformées en globules ; et ces globules constituèrent une matière très-déliée qui, répandue partout , frappe partout nos yeux, et à laquelle Descartes donne le nom de lumière; tandis que les éclats les plus massifs de ces angles (l) Quoique ce roman philosophique de Descar'es ait été re- fonda et embelli par l'illustre Buffon , cène sera jamais qu'un roman lidicule et absurde. 64 ERREURS DÉVOILÉES rompus devinrent la matière des corps opaques , et les plus déliés composèrent le soleil , les étoi- les , et même la terre et les planètes. Or cette matière globuleuse ne servait à la vision que parce que poussée par le soleil , elle pressait nos yeux à peu près comme un bâton poussé par un bout presse à l'instant l'autre bout. La seule idée qui soit vraie dans ce rêve philo- sophique , c'est que la matière qui sert à la vision est répandue dans tout l'espace. Gassendi , contemporain de Descartes , avait déjà enseigné qu'il en était des corps lumineux comme des corps odoriférans , et que les pre- miers envoyaient de leur sein des corpuscules capables de faire impression sur les organes de la vue. Huyghens qui vint après ces deux savans , ne voulut ni pression , ni émission , et supposant des ondulations dans la lumière , il s'imagina qu'elle se transmettait dans une certaine matière éthérée à peu près de la même manière que les physi- ciens croient que le son se communique par l'intermédiaire de l'air , qu'il distinguait de celte matière éthérée , infiniment plus subtile et plus agitée , selon lui , que notre fluide atmosphéri- que, (i) ^ Newton , en s'emparant, sans doute, des idées de Gassendi, « prétendit que la liimière provenait » d'un écoulement des particules propres du » corps lumineux que celui-ci lançait sans cesse » de tous côtés par un effet de l'agitation conti- » nuelle que lui-même éprouvait. » Quoique l'opinion de Newton ait été adoptée (i) Je montrerai bientôt que le son n'est pa* produit par lair proprement dit , mais par les seules molécule» de lumière qui sont dans les pores de l'air et des autres substances. r>ES PHTSICIEXS MOnEHNES. f) 5' par un grand nombre de physiciens et daslrono- mes modernes , elle n'est pas moins erronée ; et si Ton doit admirer les superbes expériences qu il a faites sur la lumière , et qu'à cet égard on lui doive de grands éloges , on ne peut voir qu'avec regret que dans les explications qu'il a données des phénomènes lumineux , il se soit montré presque toujours opposé à la vérité. Ce géomètre et ses partisans, pour faire passer son hypothèse de la lumière, sont obligés de s'é- tayer des suppositions les plus invraisemblables. En effet , comme les rayons de la lumière , qui seraient envoyés par les astres, sous mille direc- tions différentes , se nuiraient mutuellement et ne pourraient continuer leur cours , l'anglais Smith a supposé que les distances qui existent entre les molécules de la lumière, étaient incom- parablement plus grandes que les diamètres de ces molécules ; et qu'ainsi l'obstacle que des ra- yons opposeraient à d'autres rayons devient sen- siblement nul , si l'on conçoit que le rapport entre les diamètres et les distances est presque infini, (i) Cette supposition gratuite et absurde est fondée sur l'hypothèse du vide newtonien ; mais j'ai dé- montré ailleurs que , l'éther remplissant tout l'espace, le vide n'existait pas ; et comme dans chaque pore de l'éther se trouve toujours une molécule de lumière , qui n'est séparée de sa semblable que par les atmosphères respectives, il s'ensuit que le rapport entre leurs distances et leurs diamètres ne peut pas être infini. Or comme cet infini est imaginaire, il est évident que des rayons lancés par les astres se feraient mutuelle-. (i) Voy. Haùy, Elém. de physiq. 2.« édit. n.' 844 et 3.' édit. n.** 1000. 66 ERREURS DÉVOILÉES ment obstacle , et qu'ils devraient être réduits à l'état de repos depuis bien des siècles. Donc le monde depuis long-temps aurait été plongé dans la nuit la plus obscure, si la lumière n'eût éclairé que par émission, (i) Il est singulier que Newton à qui les livres de Moyse étaient familiers , se soit imaginé que toute la lumière résidait uniquement dans le soleil et les étoiles ; car s'il eût réfléchi attentivement sur le premier chapitre de la Genèse, il aurait reconnu qu'il existait une matière lumineuse indépendante de celle de ces corps étincelans. En effet, le législateur des Hébreux n'annonce- t-il pas positivement que la lumière parut le pre- mier jour de la création , tandis qu'il n'assigne que le quatrième jour pour 1 époque de la forma- tion du soleil et des autres astres ? Donc la lu- mière , proprement dite , avait été créée avant que ces corps jaillissent dans l'espace; donc elle ne doit pas être confondue avec la matière brillante des corps sidéraux, quoique de la même espèce quant aux molécules-bases. D'ailleurs , dans l'hypothèse que la lumière ne consisterait qu'en celle qui émanerait des astres , comment Newton et ses disciples pourraient-ils expliquer le phénomène de la flamme des corps qui brûlent ou qui se décomposent spontanément avec fracas? Est-ce que les rayons du soleil ou des étoiles viennent s'accumuler subitement dans ces substances pour produire la flamme? Non, puis- qu'au lieu de recevoir, elles exhalent de leur sein, suivant leur volume , des jets ou des lorrens de lumière, en perdant continuellement jusqu'à leur (l) C'est sans doute en commentant l'opinion de Smith, que lilluitre auteur de la Mécaniqne céleste a cru qu'il y avait dans les corps, même les plus dens'^s. six milliards de fois plus de vide que de plein. DES PIIYSICII-NS MOnERNFS. G'J «atière décomposition. La lumière était donc cachée dans ces substances avant qu'elles se con- sumassent, et cette lumière ne pouvait pas être celle du soleil. Or il suffit que quelque portion de lumière ne dérive point des corps sidéraux , pour faire regarder comme fabuleuse toute hypo- thèse fondée sur un écoulement du fluide lumi- neux de ces astres; quand même on n'aurait rien de mieux à lui opposer. D'après ce que je viens de dire , on sent bien que la lumière ne voyage pas , qu'elle n'est pas lancée par les astres; mais qu'elle est répandue dans tout l'univers , puisque dans tout l'univers il y a des molécules sphériques entourées de leurs atmosphères ; et que ces molécules , dans leur réunion , laissent de petits vides occupés par les corpuscules de lumière. Ceux-ci forment donc dans l'éther qui est si diaphane, des files dont nn des bouts est adhérent aux corps lumineux , et l'autre aboutit à nos yeux et aux divers corps de la nature. La lumière ne parvient donc pas d'une émission , mais elle se manifeste seulement par communication ; c'est-à-dire qu'une file de molé- cules de lumière , éclairée par une de ses extré- mités, transmet, en peu d'instatis, au côté opposé, la clarté reçue, sans qu'il y ait ni transport, ni pression , ni aucun mouvement oscillatoire , comme je le prouverai en traitant du son. Mais , dira-t-on peut-être, par quel mécanisme se fait donc cette communication si rapide? Je l'ignore, et c'est ici que la science rencontre une barrière qu'elle ne saurait franchir, et qui prouve la vérité de cette excellente pensée de Bernardin de Saint- Pierre , que Vultimatum des connaissances humai- nes est la volonté divine, (i; Et réellement quel (i) Voy. Études de la Nature. 68 ERREURS DÉVOILÉES est l'être raisonnable qui pourra comprendre pa^r quel mécanisme une longue file de molécules est capable de transmettre, à l'une de ses extrémité», rimage d'un objet lumineux qui confine avec l'autre; surtout lorsque ces molécules sont encore entourées dune atmosphère qui les couvre comme un voile. C'est là vraiment un mystère physique que toute la sagacité humaine ne saura jamais pénétrer. Et serait-ce une illusion de croire que Dieu en soumettant à nos regards tant de mer- veilles incompréhensibles, ait voulu accoutumer les mortels aux mystères, encore plus iucompré- hensibles , de sa divinité ? Ne paraît-il pas même qu'il a ordonné à ces prodiges de crier d'une voix forte , que les mortels ne devaient point songer à sonder la profondeur de sou essence divine , puisqu'ils ne peuvent pas même se rendre raison de ces phénomènes qui tombent sous leur sens? Ah ! que ces considérations doivent bien tranquil- liser l'ame simple et fidèle 1 Mais pour que la molécule de lumière trans- mette ainsi la clarté reçue, aura-t-elle des pores? sera-t-elle percée à jour ? Non. Cette molécule forme un tout unique , aussi solide et aussi dense que les opaques. En effet , elle a été elle-même une opaque dans le premier instant de la création. Transportons - nous en esprit au moment où Dieu créa la matière. Il la forma avec la même élasticité , la même densité , et les mêmes pro- priétés qu'elle a maintenant , excepté que les molécules qui remplissent ses pores, et qui étaient nécessaires pour donner à l'éther et à 1 air leur élasticité , n'éclairaient pas. (ij Ces molécules (i) Nota. Voilà pourquoi la sainte Ecriture dit qu'alors les té- nèbres couvraient la face de l'abime. En ^ffet , quand même le soleil et toutes les étoiles auraient paru dans ce temps-là , leur DES PHYSICIENS BIODERNES. 6^ n'^étaienl donc pas distinguées des autres par leur transparence ; mais elles leur étaient semblables par leur opacité. Elles étaient donc denses et compactes comme elles. Mais Dieu , se proposant de produire un témoin de ses merveilles, qui put l'admirer , l'aimer et le connaître , parla à cette substance opaque qui était dans les pores de toute la matière qu'il avait créée , et lui ordonna de devenir lumière; afin que non - seulement elle embellit de mille couleurs la demeure qu'il pré- parait à rhomme, mais qu'elle lui servît encore à contempler, à travers la vaste étendue des cieux, toute la grandeur de la puissance de son créateur. La lumière fut donc ainsi faite : une seule parole tira d'abord du néant la matière qui la compose, mais qui était alors obscure; une seconde parole changea en lumière cette matière opaque. En employant ainsi deux opérations successives à la formation de cette matière lumineuse, Dieu avait sans doute un grand dessein. Il voulait prouver au monde que ses ouvrages n'étaient point Teffet d'une fatalité aveugle , mais la production d'une sagesse admirable qui faisait tout , comme il lui plaisait , et dans le temps qu'il lui plaisait. Mais pour montrer aussi qu'il n'avait besoin que d'un seul acte de sa volonté pour donner à la matière toute la beauté qui devait l'embellir , il fit jaillir dans l'espace ces grands corps de lumière , qui brillent dans le firmament des cieux , et dont la matière lumineuse, qui, comme un océan, en- toure leur noyau terreux , ne fut pas prise aux dépens de celle qui existait déjà, mais tirée aussi clarté ne se serait pas communiquée dans l'espace , qui aurait continué d'être plongé dans la plus profonde obscurité; parce que la matière qui devait constituer la lumière proprement dite , n'avait pas encore reçu la propriété de servir de véhicule à la splendeur de ces corps lumineux. ^O" ERREURS DÉVOILÉES du néant ; tout de même que la lune et les pla- nètes qui sont opaques, n'ont pas été formées de la terre et encore moins de Télher. mais faites de rien ainsi que notre globe, (i) Si le hasard avait présidé à la formation de la lumière , elle n'aurait eu nécessairement qu'une seule manière d'exister. Mais Dieu voulant prou- ver qu'elle était l'ouvrage de sa toute-puissance , lui a donné, comme à toutes les autres parties de la matière , plusieurs propriétés très-distinctes et même quelquefois opposées entre elles. En effet, tantôt la molécule de lumière est lumineuse ou éclairante, et tantôt elle ne peut pas être distin- guée de la plus profonde obscurité. Dans tel cas elle nous peint exactement les objets qui nous environnent, et dans tel autre son crajon fidèle ne peut pas les dessiner. Enfin elle est tour-à-tour lumineuse et obscure. Ces qualités opposées sem- blent au premier coup d'œil impliquer contra- diction ; mais c'est en cela même qu'éclate la prévoyance du souverain Ouvrier , et toute la grandeur du bienfait qu'il a accordé aux humains. Si les files des molécules de lumière étaient lumi- neuses par elles-mêmes , leur ensemble formerait un océan de clarté qui blesserait nos regards , et nous empêcherait de distinguer aucun objet. Mais Dieu , voulant que la lumière éclairât non- seulement Thomme dans ses travaux, mais encore qu'elle lui servît de voile quand il voudrait se (i) Nota, l.a sainte Ecriture , dans un récit simple, clair , lumi- neux et composé de peu de paroles , nous enseigne plus de véri- tés sur le principe des choses, que n'ont pu le faire , depuis des siècles , tous les pliysiciens , astronomes et géomètres philoso- phes, même avec l'appareil imposant de l'a'gèbre et des mathé- matiques ; sciences qui n'ont pas su encore leur faire entrevoir ce que c'était que la lumière; mais qui, par compensation, leur ont fait enfanter péniblement tant d hypothèses absurdes ou insensée» sur 1 origine du monde. DES PHYSICIENS MODEREES. 'J l délasser dans les bras du sommeil et jouir d'un doux repos , a tempéré cet éclat qui n'aurait pas été proportionné à la faiblesse liumaine, en refu- sant à ces files de luire par elles-mêmes. Elles n'ont donc que la propriété de transmettre la clarté ou les couleurs reçues , mais d'une manière si fidèle, qu'elles ne confondront point les rayons dont elles sont le véhicule ; qu'elles n'altéreront point les nuances , mais qu'elles les feront passer au-delà pour en peindre la vraie image. Leurs molécules peuvent donc être à-la-fois illuminées ou colorées en plusieurs endroits de leur circon- férence pour former autant de rayons, en laissant toutefois dans l'obscurité les parties intermédiai- res. De là vient qu'un rayon de lumière peut tra- verser de part en part une grotte obscure sans éclairer son intérieur; et quun rayon , qui vient de 1 orient, poursuit sa route vers l'occident; tan- dis qu'un autre, qui arrive du midi, peut tendre vers le nord, en passant par la même molécule, sans qu'un rayon puisse nuire à l'autre. Par rayon, je n'entends pas ici proprement un corps , mais la manière dont la file des molécules de lumière peut être éclairée. Ces molécules de lumière seront-elles toujours obscures quand elles ne communiqueront pas avec un corps lumineux ? Point du tout. Elles deviendront brillantes et éclairées , sans inter- médiaire , lorsque leurs bases se toucheront et qu'elles s'arrangeront autour d'une autre lumi- neuse pour composer un globule dont celle-ci formera le noyau. Dans leur état le plus ordinaire , ces lumineu- ses ne peuvent adhérer les unes aux autres que par l'extrémité de leurs atmosphères ; parce que celles-ci , tendant à conserver leur expansibilité , ne sauraient se réunir entièrement. ]Mais s'il afflue 7^ ERREURS «ÉVOrLÉÊS sur ces molécules de lumière une plus grande quantité de corpuscules ignigènes que n'exigent les pores où elles sont placées , ce qui arrive égale- ment quand elles recouvrent momentanément la liberté dans la décomposition d'une substance enflammée ; alors les couches de l'atmosphère des lumineuses, se condensant à l'instar de celle des opaques des corps liquides non diaphanes , s'attirent et s'unissent dans ce moment. C'est donc à l'instant de cette union parfaite que paraît la flamme d'un corps qui brûle; mais celte union et cette clarté ne dureront qu'autant que ces lumi- neuses continueront de recevoir de nouvel ieni- gène qui puisse conserver , dans cet état de den- sité , les diverses couches de leur atmosphère ; car si celle-ci cesse de recevoir , il faut qu'elle perde. Et véritablement toutes les molécules de lumière qui occupent les pores de l'air et des corps environnans, ainsi que les opaques de plu- sieurs substances, tendent à enlever cet ignigène surabondant , jusqu'à parfait équilibre : les mé- taux sont surtout dans ce cas, ce qui est cause qu'ils s'échauffent plus facilement , même au soleil , que les autres substances. La flamme est donc un composé des lumineu- ses qui se sont unies ensemble pour former des globules plus ou moins gros et plus ou moins parfaits. Voilà pourquoi la flamme ne se divise point , lors même que le vent qu'on excite lui fait changer de position. Elle tend à s'élever, parce que les lumineuses, comme plus petites, sont moins pesantes que les molécules de l'air atmosphérique. Sa hauteur est renfermée dans de certaines bornes, parce que ces lumineuses sont obligées de se séparer, en perdant rapidement la quantité surabondante de l'ignigène qui leur donnait une qualité attractive. Enfln la flamme DES PHYSICIENS MODERNES. ']S n'adhère au corps qui brûle , que par les lumi- neuses qui sortent du corps enflammé , et qui remplacent celles qui, en s'élevant, se sont sépa- rées comme nous venous de le dire. La flamme se peint aussi de plusieurs couleurs suivant la quantité et la disposition des lumineu- ses autour de celle qui doit former le noyau ; mais le blanc vif résulte du plus grand nombre et de la réunion la plus intime. L'attraction existante entre les molécules de lumière qui composent la flamme a lieu égale- ment à l'égard des lumineuses d'un corps incan- descent; tels sont les charbons, les métaux et les autres substances quand elles sont embrasées ; mais ici le phénomène a une marche presque opposée. Ce ne sont plus des lumineuses qui , mises en liberté , se réunissent ; au contraire , celles qui sont dans les pores du corps qu'on sou- met à l'action du feu, demeurent fixes, et se for- mant alors une atmosphère plus étendue et plus comprimée aux dépens de la substance inflamma- ble qui se décompose, attirent les lumineuses de celle-ci ou de Tair ambiant, pour constituer dans ces mêmes pores un globule plus ou moins par- fait ; et de sa parfaite sphéricité naîtra un éclat vif comme celui de la flamme la plus éclatante. Tant que les lumineuses conserveront leur atmo- sphère empruntée, cet éclat subsistera; mais il s'anéantira si celle-ci revient à son état ordinaire. Car les lumineuses qui composent ce globule étincelant , venant à perdre l'ignigène surabon- dant , seront repoussées par l'atmosphère des opaques , en même temps qu'elles reprendront leur première élasticité , et se soulevant comme de petits ballons , s'éloigneront de la lumineuse qui les a attirées. Par- là ce brillant globule se désunira et son éclat disparaîtra. Or c'est ce qui 74 ERREURS DÉVOILÉES arrive en peu de temps aux métaux , et surtout aux autres corps qu'où fait chauffer jusqu'à Tiu- caudesceuce , et auxquels on soustrait ensuite l'ignigène. Si !e bois et le charbon embrasés pa- raissent faire une exception à cette règle, c'est que leurs opaques en s'oxidant ou se réduisant en cendres, fournissent aux lumineuses de celles qui sont au-dessous , l'ignigène dont elles ont besoin pour demeurer unies. Si celte oxidation cesse d'avoir lieu , ou si elle se ralentit, les molé- cules de lumière groupées se désuniront par la raison que nous avons dite , et le charbon ou le bois s'éteindra. Au reste la couleur rou£:e du char- bon ou des métaux pénétrés de feu, indique que l'agrégation des lumineuses y est moins parfaite que dans la flamme et lincandescence. On a souvent lieu de remarquer que certaines substances brûlent plus facilement et plus promp- tement que d'autres. Et pourquoi? C'est que l'ig- nigène qui entoure les opaques de ces corps com- bustibles, adhère moins à ses bases; et que celles- ci ont alors plus de tendance à lâcher cet ignigène pour prendre l'oxigène de l'air; tandis qu'à l'égard des métaux et autres substances qui ont une forte attraction pour leurs particules atmosphériques, on a tant de peine à les brûler ou à les décompo- ser en les soumettant au feu d'un fourneau. Par le parfait équilibre dont j'ai parlé précé- demment , il ne faut pas entendre une égale quan- tité de particules atmosphériques répandues au- tour de toutes les lumineuses, mais celle qui leur est nécessaire pour occuper le poste où elles se trouvent. Les bases des corps diaphanes , lorsque ceux-ci sont colorés, perdent un peu de leur force répul- sive par rapport aux lumineuses , à proportion que leur couleur est plus obscure, c'est-à-dire , à DES PHYSICIENS MODERNES. ']5 proportion qu'elle descend du ronge au violet et surtout au noir. Or cela facilite à ces opaques le moyen de se rapprocher davantage les unes des des autres, et de resserrer leurs pores pour former des corps de plus en plus opaques , quoique conser- vant même l'état liquide s'ils en sont susceptibles. En effet, c'est ce qui rend l'encre si peu diaphane; parce que ses opaques , étant moins repoussées par les lumineuses , se sont un peu rapprochées entre elles , de manière que chacune de leurs rangées se trouve à peu près vis-à-vis une rangée de ces lumineuses ; et cette disposition , inter- rompant les files de ces dernières , les empêche de transmettre au-delà la clarté reçue et par con- séquent l'image des objets. Mais ce fluide devien- drait transparent , si l'atmosphère de ses bases , changeant de forme , d'étendue ou de nature , permettait aux lumineuses de former des files non interrompues. Ce que je dirai bientôt du son et de la trans- parence prouvera de plus en plus que la lumière ne parvient jusqu'à nous ni par émission , ni par pression , ni par vibration, ni par ondulations. Fausses notions des Chimistes modernes sur la Lumière. On ne peut se dissimuler que , malgré leurs brillantes expériences par lesquelles ils dévelop- paient tant de chaleur et de clarté , les chimistes modernes n'ont pas mieux connu que les physi- ciens et les astronomes la nature de la lumière et du calorique. D abord on les voit en suspens entre l'opinion de Newton qui fait venir la lumière du soleil et des étoiles, et celle d'Euler qui la fait consister dans l'ébranlement ou les vibrations d'un certain fluide rare qu'il place dans 1 espace, et auquel la célérité du mouvement de ces astres 7^ ERREURS DÉVOILÉES communiquerait une extrême rapidilé ; ensuite Monge , dont Fourcroy préconise l'iiypothèse , supposa que « le calorique et la lumière sont pour » ainsi dire deux états ou deux modifications du » même corps, le feu lui-même. » D'après cette hypothèse fort à peu près la même que celle enseignée par Nollet dans la section première de sa quinzième Leçon , « le feu se dégagera et se » montrera comme chaleur quand il sera chassé « doucement ou lentement des corps dans la com- M position desquels il entrait ; il brillera comme » lumière, quand il sortira brusquement des com- M posés , quand il s'élancera très-comprimé de » leur sein , quand il aura reçu un mouvement » accéléré. » Ainsi « le calorique pourra devenir lumière , » et la lumière calorique réciproquement ; il )) suffira pour cela que le premier prenne plus M de rapidité dans son mouvement , et que la >j seconde se ralentisse, (r) Les chimistes n'avaient d'abord regardé cette opinion de Monge que comme une simple hypo- thèse ; mais bientôt ils ont fini par la recevoir comme une vérité certaine ; car suivant eux , « tous les faits de physique et de chimie se réu- ^> nissent aujourd'hui pour prouver que la lumière » et le calorique ne sont qu'un même corps dans » leur état de combinaison surtout. » (2) Ce sera donc par un mouvement plus ou moins rapide qu'une substance pourra devenir calorique ou lumière? Mais comment a-t-on pu imaginer une si fausse hypothèse? C'est, disent quelques physiciens qui se traînent servilement sur les pas des chimistes modernes, c'est parce que certams (0 Voyez Système des connaissaaces chimiques, tom. I. ii°' 24 et a5 , pag. i'i%. (î) Ibid. pag 142 , u» 7. DES PHYSICIENS MODERNES. 77 corps lumineux échauffent , et que d'autres ne font qu'éclairer. On voit bien ici clairement que les uns et les autres ignorent absolument la nature de la lumière et du calorique, puisqu'ils ne savent pas encore que la lumière, toujours la même, se comporte néanmoins différemment selon l'atmosphère dont ses molécules sont entourées , et qui est tantôt toute iguigène , tantôt toute oxigène, et tantôt enfin mélangée d oxigène et d'ignigène; ce qui forme tiois principales variétés d'une même sub- stance dont les bases ne changent pas. Ainsi l'on voit que le calorique ne saurait devenir lumière, ni celle-ci calorique. Pour que l'état de chaleur ait lieu , il faut que l'ignigène , qu'on nomme calorique, s'échappe des bases qui le retiennent. Vient-on à comprimer un gaz quelconque, par exemple, on rapproche par ce moyen ses molécules-bases, et par consé- quent l'on rétrécit les pores qu'elles forment par leur réunion. Or, j'ai déjà dit que dans chacuQ de ces pores , ainsi que dans tous les pores des autres substances, il existait une molécule de lumière qui, pouvant augmenter ou diminuer son atmosphère ignigène , devenait de cette ma- nière le canal ou le véhicule naturel du calorique. Donc, par le rétrécissement de ces pores, les molécules de lumière ne pouvant conserver toute l'amplitude de leur atmosphère, sont forcées d'en lâcher une portion plus ou moins grande qui , en se portant successivement sur les corps voisins , leur communique, si elle est assez sensible, ce qu'on appelle chaleur : mais comme ces lumi- neuses restent encore isolées dans leurs postes , il n'y a pas de lumière ostensible. Il en arrive de même quand on écrouit des métaux : on resserre leurs pores , on chasse une partie de l'atmosphère 78 ERREURS DÉVOILÉES ignigène des molécules de lumière qui y résident, et l'on produit ainsi de la chaleur sans lumière ; car on doit se rappeler que j'ai démontré que les molécules de lumière ne devenaient éclai- rantes que lorsqu'elles se rassemblaient autour d'une molécule de la même espèce pour former des globules plus ou moins parfaits. La clarté et la chaleur se manifestent à la fois quand les gaz ou autres substances en se décom- posant laissent momentanément en liberté, non- seulement les molécules de lumière qui, se réu- nissant, comme je viens de le dire, deviennent visibles; mais encore l'ignigène qui forme leur propre atmosphère ; lequel se portant en partie sur les corps environnans, élève leur température, ou procure leur combustion et leur fusion , s'ils en sont susceptibles. Voilà comment la lumière peut être accompa- gnée de chaleur; mais ce n'est plus de même lorsque les molécules de celte lumière ostensible n'ont pour atmosphère que l'oxigène, et que de la part des opaques il n'y a aucun dégagement d'ignigène. C'est ainsi que la matière lumineuse qui brille dans les vers-luisans et autres insectes phosphorescens , ne brûle point l'animal ; car non-seulement l'atmosphère des molécules de cette matière est tout oxigéne , mais de plus elle est fixe à l'instar de celle des opaques des autres substan- ces. On conçoit bien que ces lumineuses avaient auparavant l'ignigène pour enveloppe atmosphé- rique, et qu'elles l'ont quitté pour l'oxigène dans l'animalisation ; et qu'enfin , comme dans toute substance concrète ou liquide, il se trouve aussi dans leurs pores une lumineuse à atmosphère ignigène ; ce qui est particulier à toute matière lumineuse par elle-même qui n'aurait pas une atmosphère ignigène. DES PHYSICIENS MODERNES. 79 La lumière renfermée dans certains diamans lumineux, s'il en existe de semblables, appartient à la variété dont nous venons de parler; parce qu'elle a aussi l'atmosphère oxigéne. Or, cette dernière atmosphère ne saurait les rendre brûlans. Il en est de même de la matière brillante du soleil et des étoiles; elle n'est point chaude par elle- même : elle ne peut donc ni échauffer, ni brûler le noyau terreux qu'elle recouvre, parce qu'elle n'a aussi que l'oxigène pour l'enveloppe de ses bases. Mais , dira-t-on , le soleil échauffe et brûle ici -bas. Oui, mais c'est que disposant, par sa très-grande clarté , les lumineuses des substances, et souvent les bases de ces mêmes substances sur lesquelles il se réfléchit, à s'approprier plus de particules ignigènes qu'elles n'en ont dans leur état naturel , il élève de cette manière leur tem- pérature ; et quelquefois de telle sorte que ces substances, si elles sont combustibles, finissent par s'embraser en faisant troc, en dernier lieu, de leur ignigène , soit naturel, soit acquis, pour l'oxigène; mais cela ne veut pas dire que la ma- tière lumineuse du soleil et des étoiles, soit elle- même brûlante comme celle d'un volcan. La matière électrique , dans l'état de repos, ou d'un cours non interrompu , ne manifeste pas plus de chaleur que celles des vers phosphorescens ; parce qu'elle n'a pas le seul ignigène pour l'en- veloppe de ces bases. En effet, est-elle sédentaire sur un corps, un tube ou un plateau? renfermée dans la bouteille de Leyde ? glisse-t-elle en forme de globule lumineux le long d'un conducteur continu? dans tous ces cas, elle ne doit point faire monter le thermomètre ; parce que l'atmo- sphère de ses bases est fixe dans ce moment, et qu'elle est composée d'oxigène et d'ignigène à la manière de plusieurs substances. Si elle produit 8o ERREURS nÉVOILÉES fUvers effets chimiques sur lés corps , ce n'est qu'en y arrivant en masse considérable , ou en y parvenant au moment qu'elle se réunit en globule; car dans ces deux états d'agglomération , elle leur donne ou leur ravit soit l'oxigène , soit Tignigène, selon qu'elle a plus d'affinité, dans cet instant, avec l'un ou l'autre de ces deux principes atmo- sphériques. Ainsi il est évident, d'après ce que nous venons de dire , que la molécule de lumière , "propre- ment dite , ne peut pas voyager ; puisque dans son état le plus naturel elle occupe les pores de toutes les substances ; qu'elle ne saurait être com- posée de plusieurs rayons joints ensemble , puis- qu'elle forme dans ces pores un tout unique avec son atmosphère ; qu'elle ne consiste pas en cer- taines vibrations , puisqu'elle est nne vraie ma- tière ; et qu'enfin elle ne doit pas être confondue avec le calorique , puisque celui-ci est une autre matière très-distincte , destinée à former son at- mosphère dans son état le plus ordinaire. Ce que je viens de dire me dispense de parler des prétendues ondulations de la lumière , ima- ginées par Huyghens et renouvelées de nos jours par quelques physiciens , pour démontrer par quel moven la lumière parvenait jusqu'à nous. Dans cette hypothèse, par laquelle on prétend expliquer tous les phénomènes, on est obligé de supposer toujours que la chaleur et la lumière sont identiques , ce que nous venons de reconnaître être faux; et d'admettre l'existence d'un prétendu éther, fluide, selon eux, éminemment subtil et élastique , universellement répandu , variant de situation et d'intensité, et n'étant pas toujours en équilibre dans les corps, et surtout distingué de l'air et de la lumière, mais qui, recevant les vibrations de celle ci , les propage de tous cotés DES PHYSICIENS MODKRNES. 8 f par ses ondulations f^i). Ce ne sera donc plus la lumière qui nous éclairera ; l'élher seul exercera cette noble fonction. Mais cet éther sera-t-il celui qui est au-delà de notre atmosphère et qui en est la continuation? Non : c'est un être fantastique imaginé pour rendre raison de ce qu'on ne com- prend pas. Mais quoi! au moyen de ces supposi- tions gratuites tout sera-t-il expliqué, toutes les difficultés sur la lumière et la chaleur résolues? Ou le prétend. Cependant on est forcé d'avouer ensuite ,que « la théorie chimique de la combi- » naison du calorique avec les corps est nécessai- » renient modifiée dans ce système , puisque ce » n'est plus l'accumulation , mais seulement les » mouvemens du fluide éthéré qui produisent la » chaleur, foi) » Mais, ajoute-ton, est-ce là une raison pour rejeter cette hypothèse? Hé non , sans doute, si elle plaît à ces physiciens, et qu'elle leur procure l'agréable satisfaction de briller par des calculs fondés sur des causes et un éther imaginaires? Cela ne suffit-il pas? Car qu'importe le vrai, diront certains philosophes, si l'on peut se rendre célèbre avec des notions erronées ? De la Transparence et de l'Opacité. J'ai déjà démontré que toutes les molécules propres des corps étaient opaques ; qu'étant arron- dies, elles laissaient dans leur réunion de petits vides ou pores toujours occupés par une molé- cule de lumière ; que celte dernière molécule était seule diaphane, c'est-à-dire qu'étant éclairée, elle communiquait , au côté opposé , la clarté reçue, sans qu'il y eût ni pression, ni ondula- tions, ni vibrations, ni émission. Or, lorsque (•) Voyez le Mannel de Physique, qui est comme le répertoire des opinions pliviiques qui dominent le plus en ce moment. {%) Voyez le Manuel de Physique, pag. i65. 6 Sa ERREORS DÉVOILÉKS ces pores sont droits et disposés en tous sens, les lumineuses qui y sont logées forment aussi des files droites qui , n'étant point interrompues , transmettent, à l'œil l'action des corps ou lumi- neux ou éclairés. De là la transparence. Mais lorsque les pores d'un corps ne corres- pondant plus les uns aux autres, les lumineuses n'y composent plus que des files plus ou moins obliques , le corps a de l'opacité , parce que ses molécules constituantes, qui sont réellement opa- ques , se trouvant fréquemment vis-à-vis de ces lumineuses, celles-ci, quoique illuminées, ne peuvent plus transmettre leur clarté à leurs sem- blables qui sont au-delà, parce que ces opaques leur opposent une barrière impénétrable ; et l'opacité de ce corps sera d'autant plus grande , que l'union de ses molécules constituantes sera plus parfaite. Pour expliquer le phénomène de la transpa- rence. Newton, et ceux qui suivent sa doctrine, n'ont émis que des opinions dont la fausseté se décèle elle-même. En effet, comme la clarté est transmise dans toutes les directions possibles , par un corps trans- parent , tel que le verre, ils prétendent que les distances entre les molécules d'un tel corps sont incomparablement plus grandes que leurs épais- seursfi); et voilà pourquoi ils avancent que les molécules des corps ne se touchent point par un contact immédiat. On voit bien ici que nos phy- siciens ne prennent pas la peine de digérer leurs idées ; car si les distances entre ces molécules (i I Voytz Haùy, Traité élémentaire de physique, u"" H99 de la a*édif.,t-t to57 df la 3* Le Dième auteur rapporte, ij°'8'jet86, mêmes édit. , uue idic de l'auleiiide la Mécanique céiesl«; laquelle consis'e à supponi ajx mulécu.'e» des corps ces très- grande» distances. DES PnYSICIE^'S MODERNES. 83 isont telles qu'ils le pensent, et si celles-ci ne se touchent pas immédiatement dans aucune sub- stance, il ne saurait y avoir aucun corps compacte dans la nature; et tous doivent être compressibles comme les fluides élastiques. Mais à ces grandes distances supposées gratui- tement entre les diverses molécules pour expli- quer la transparence , ces physiciens peuvent encore ajouter, d'après Newton, que ces molé- cules sont véritablement transparentes (i) ; c'est- à-dire qu'elles doivent être criblées de pores ; et que par ce moyen elles livreront passage à la lumière qui parvietit sur les corps. Eu effet, pour que des rayons qu'on prétend se mouvoir avec une vitesse incompréhensible, puissent se fraver une route à travers ces molécules, il faut qu'elles soient percées à jour de toutes parts. Mais com- ment ces rayons ne s'embarrasseront-ils pas dans leur course rapide en pénétrant de tous côtés dans ces molécules? C'est une question que les Newto- niens n'ont pas encore résolue. ^lais poursuivons: « Les jDarticules des corps transparens, limpi- » des, et sans couleur, disent-ils encore, sur- » passent en ténuité la pliis petite épaisseur qui » soit capable de réfléchir la lumière, et en con- » séquence les rayons qui pénètrent les molécules » situées à la surface sont transmis. » (i) Mais qui ne voit que quelque petite que soit une particule, elle doit s'opposer au passage d'une (l) « Voici maintenant , dit encore M. Haiiy, n° 996 de la a* édit. , et n° 11 62 de ia 3^, le» conséquences que IS'ewton a déduites de toutes ses observarions relaiivement à la coloration des corps. Les particules de ces corps , même de ceux que nous appelons opaques , sont réellement transparentes. Ce que j'ai déjà dit,denoontre que cette opinion de Newton est une véritable absurdité. La suite fera voir ce qui y a donné lieu, (a) Haùy, même ouvrage, n°' 1009 de la a« édition, et 11 65 de la 3<. 84 EtlREt'RS DEVOILEES autre parlicule , à moins qu'elle ne soit expulsée de sa place. Or , c'est ce que ne prétend pas Newton. Donc si celte particule, étant fixe, la lumineuse passe au-delà malgré l'obstacle opposé, il faut que celle-ci se partage; ce qu'on a déjà vu n'être pas possible , puisqu'elle est indivisible. Ainsi il est facile de s'apercevoir que toutes ces idées systématiques se contredisent , surtout après que le newtonien Smilh a avancé que toute la lumière existante entre Saturne et le Soleil ne contient pas autant de matière qu'un pied cubique d'air ij. Car si cette lumière est si déliée, ses molécules seront nécessairement plus petites que celles des corps transpareiis, comme elles le sont réellement; et par conséquent ces dernières pour- ront toujours réfléchir une molécule de lumière qui les rencontrerait ; à moins que Newton ou ses disciples ne croient que celle-ci peut être tout à la fois plus grosse et plus petite; ce qui serait certainement merveilleux. « Pour qu'un corps soit transparent , il suffit, 5) selon d'autres partisans du géomètre Anglais, 3) que les intervalles qui séparent les molécules » dont ce corps est formé, soient remplis par un » milieu de même force réfringente ou densité ^ » que ces molécules (i) ; et que plus la densité » des molécules d'un corps approche d être égale à >» celle du milieu qui sépare ces molécules , plus le » corps doit être transparent , et conséquemment » que sa transparence serait parfaite , s'il existait » une exacte égalité entre la densité du milieu qui » sépare les molécules d'un corps et celle de ces » mêmes molécules, c est-à-dire ^ si le corps était » homogène et absolument dénué de pores (3). » (i) Voyez Paulian , Diction, de physique, art. Vuide. (%) Voyez Libes,Tr. complet et cK'Oi. de Pbys. , tom. 3, p. JijS. (3) Ihid pag, i/|6, u" i537. DES PHYSICIENS MODEREES. 8') Et ailleurs , ils ne veulent pas que la transparence dépende de la disposition rectiligne des pores d'un corps par lesquels la lumière se puisse com- muniquer; « puisque , disent-ils , des corps très- » durs et trés-denses , tels que le diamant , offrent » un passage libre au fluide lumineux; tandis que » des corps très-poreux, tels que le liège, jouis- » sent du privilège de l'opacité, (i) » C'est pour tout ramener au système de Tattrac- tîon newtonienne, que nos physiciens, qui croi- raient se fourvoyer dans leur route s'ils ne s'ac- crochaient obstinément à la ceinture du savant Anglais, se sont plu à adopter ces fausses expli- cations; mais ils démontrent par-ià qu'ils igno- rent tout-à-fait la nature des substances ; qu'ils ne savent point distinguer entre pores et pores ; c'est-à-dire qu ils ne voient pas que ceux d'une substance criblée de trous, telle que le liège ou l'éponge, proviennent de la séparation réelle de quelques-unes de leurs molécules constituantes; tandis que dans le diamant, les pores inaperçus, parce qu'ils sont ])lus petits que ses molécules propres , ne sont formés que par les vides laissés naturellement par la jonction de ces dernières. C'est donc faussement qu'ils s'imaginent que cette pierre précieuse pourrait devenir obscure, si elle avait des pores; et que plus le corps sera opaque, moins le milieu ou la matière , qui sépare les molé- cules les unes des ajitres , devra avoir de densité ; puisque cette matière est la même pour toutes les substances, solides, liquides ou fluides élastiques; c'est-à-dire la seule molécule de lumière entourée de son atmosphère ignigène, plus ou moins éten- due , suivant la rareté , la densité et la nature des diverses substances. (i) Ibid. pag. i44, n» i5'34. 86 EBRELRS DÉVOILÉES La cause principale de ces fausses explications, c'est qu'on s'obstine à regarder la lumière , non comme fixe dans les corps, mais comme un fluide émanant du soleil , et dont les rayons lancés par cet astre se fraient un passage facile au travers des molécules par l'attraction que celles-ci exerceraient sur eux ; et qu'enfin on n'a jamais pensé que toutes molécules quelconques sont parfaitement arron- dies, et puis jointes ensemble dans les corps so- lides par le moyen de leurs atmosphères , et que ces mêmes molécules laissent, comme je viens de le dire , des porcs imperceptibles , toujours occupés par une molécule de lumière , et disposés en lignes droites dans les corps diaphanes, mais en lignes coupées ou interceptées dans ceux qui sont opaques. La manière dont Newton et ses copistes ont entrevu la transparence est, comme on voit, des plus curieuses; car, selon eux, il faut tantôt que les distances entre les molécules des corps soient incomparablement plus grandes que leurs épais- seurs; tantôt que ces molécules soient réellement transparentes ; ensuite qu'elles surpassent en té- nuité les rayons mêmes de la lumière ; enfin que les intervalles ou les pores qui séparent ces mo- lécules soient remplis par un milieu dont la den- sité approche de celle de ces molécules; et ce milieu consistera en certains merveilleux fluides subtils, plus ou moins denses suivant le besoin, et qu'ils ont inventés à plaisir pour rendre raison de cent phénomènes qui passent la portée de leur génie philosophique. Nota beiie. H convient de donner des preuves de ce que je viens de dire ; car peut-être on ne le croirait pas. a L'existence de ce fluide (subtil), dit M.Brisson , » dans son Dictionnaire raisonné de Physique , DES PHYSICIENS MODEREES. 87 » 26 édit. , article Matière subtile , est avouée par » tous les philosophes : Descartes l'a admis sous » le nom de premier élément... Newton , ce grand M philosophe, qui avait le plus besoin du vide, l'a » cependant admis ; et tout bon physicien doit Vad- » mettre. Il lui a donné le non à'Éther^ et Ta » supposé 700000 fois plus rare et en même temps M 700000 fois plus élastique que Tair que nous » respirons. C'est au moyen de ce fluide qu'on peut V rendre raison d'un grand nombre de phénomènes » qui seraient inexplicables sans lui. » M. Brisson ne parle que d'un seul fluide subtil, mais, suivant le besoin, les physiciens lui don- nent différentes densités , ce qui forme ainsi plusieurs fluides subtils. Aussi , M. Haûy , dans son Traité élémentaire de Physique , n" 997 de la ae édition , et i 1 53 de la 3<' , dit positivement que les pores qui séparent les molécules des corps « renferment différens fluides subtils : » Voilà comment nos savans , pour paraître Bons physi- ciens., admettent des hypothèses absurdes sans presque les examiner et les approfondir! Il me semble superflu de dire que ce qu'on a pris pour divers fluides subtils , n'est d'abord que la molécule de lumière avec son atmosphère contenue dans les pores de tous les corps; puis les atmosphères des molécules propres de ces corps ; et qu'enfin ces atmosphères diverses , n'étant pas toujours uniformes , mais variant par rapport à leur étendue et à leur énergie , étaient la cause d'une foule de phénomènes qu'on ne sait encore comment expliquer; parce qn'on n'a jamais soupçonné l'existence de ces atmosphères et de ces molécules de lumière ainsi placées. On voit encore que si Newton a admis l'éther, ce n'est pas celui dont j'ai fait mention , et qui est la continuation naturelle de notre fluide atmo- sphérique. 88 ERREURS ntNOILÉES Du Son , et de sa transmission. Les Physiciens ont cru jusqu'à présent que Tair était le véritable véhicule du son ; mais les phé- nomènes qu'ils ont mal vus et mal expliqués , prouvent qu'ils se sont encore ici trompés; car le son se propage également à travers plusieurs substances, telles que le bois, la pierre et le fer, où l'on ne saurait soupçonner la présence de l'air. L'eau et les gaz lui livrent aussi le passage. Or si le son peut ainsi se transmettre indépendamment de l'air, ce fluide n'est pas la cause immédiate de la transmission du son. Mais du moins, dans certain cas, ne sera-t-il pas le vrai corps sonore, ainsi que différens fluides élastiques? Non ; ni les molécules propres de l'air , ni celles des corps sonores, ne donnent ni ne transmettent le son. Quelle sera donc cette cause ? les seules molécules de la lumière qui se trouvent dans les pores de toutes les substances. Ce sont ces lumineuses qui résonnent quand on frappe un corps ; ce sont encore ces lumineuses qui transmettent le son de concert avec leur enveloppe atmosphérique. Voici quelques expériences qui viennent à l'ap- pui de ce que je dis ici. Si l'on souffle avec un bon soufflet sur deux tas de bois, dont l'un soit éteint et l'autre bien allumé, on remarquera que ce dernier tas rend seul un son, et que ce son sera encore plus fort si le soufflet est dirigé vers la flamme raènie. Il en sera de même d'une feuille de papier entortillée qu'on secouera dans l'air. Dans son état ordinaire elle sera comme muette, malgré l'air qui l'en- toure et qu'elle frappe ; mais ell^ se fera entendre fortement si elle est enflammée. Le même phéno- mène se renouvellera à légard d'un gros flam- beau allumé , puis éteint , sur lequel on soufflera, DES PllYSlCIIiNS MODERINES. 89 OU qu'on agitera vivement de droite à gauche et de gauche à droite. Dans tons ces cas, on obser- vera que la flamme seule est retentissante. Cette vérité est encore rendue évidente par les effets du fusil ordinaire et du fusil à vent. Celui-ci chasse la balle en silence , et l'autre avec fracas; et pourquoi ? Parce que dans ce dernier cas la flamme accompagne la sortie de la balle , et que les mo- lécules de lumière, qui composent cette flamme, frappent avec force celles qui sont dans les pores de l'air. Enfin l'éclat bruyant de ces globes de feu qui s'élancent d'un nuage électrique ne doit point laisser de doute que ce ne soient les molé- cules de lumière qui sont la vraie cause du son. Les expériences que je vais rapporterprouveront cjue c'est aussi à ces lumineuses que l'on doit la transmission des sons. « Un physicien étant descendu dans une des car- » rières situées au-dessous de Paris , chargea quel- » qu'un de frapper avec un marteau contre une » masse de pierre qui forme le mur d'une des » galeries pratiquées au milieu des carrières. y^ Pendant ce temps il s'éloignait peu à peu du » point où la percussion avait lieu, en appliquant » une oreille contre la masse de pierre ; bientôt il » distingua deux sous, dont l'un était transmis » par la pierre et l'autre par l'air ; mais le premier » arrivait à l'oreille beaucoup plus tôt que l'autre. M Des corps de diverses natures, tels que des » barrières de bois et des suites de barres de fer » disposées sur une longueur plus ou moins con- » sidérable ont donné des résultats analogues, (i) » Dans ces expériences on voit que le son enfilait deux chemins, l'un au travers de l'air, l'autre à travers les corps solides. Or, puisque les physiciens (i) Voy. Haùy, Traité élém. de physique, n'' 479 de la a'cdit. QO ERREURS DÉVOILÉES sont convenus qu'un corps ne saurait faire de vibrations qu'autant que ses parties peuvent se comprimer, il est évident q>ie les molécules pro- pres du bois, du fer, de la pierre et de toute autre substance qui , comme celles-ci , ne seront pas compressibles, ne peuvent point transmettre le son ; puisque adhérant entre elles par des con- tacts immédiats qui les unissent fortement , ces molécules sont incapables de faire des vibrations. Il faut donc que la transmission du son , à travers les corps compactes, soit dû à des parties qui puissent se mouvoir en liberté dans les pores de ces corps; ce qui ne convient qu'aux molécules de la lumière qui, dans les diverses susbtances ne composent pas un tout immobile; et qui, séparées les unes des autres , ne correspondent avec leurs semblables que par l'extrémité de leurs atmosphères. Or, si c'est aux molécules de la lu- mière que Ton doit la transmission des sons dans les corps solides, il est évident qu'elles en seront encore le véhicule dans les substances fluides et liquides. La lumineuse concourt donc avec son atmo- phère à la production du son. Cette atmosphère vient-elle à être frappée, d'une certaine manière, dans quelque point de sa circonférence, le choc passe jusqu'à la molécule de lumière qui fait en- tendre ce qu'on appelle un son. Toutes les lumi- neuses , quelle que soit la nature de leur enve- loppe, sont ainsi sonores; mais celles qui ont l'atmosphère ignigène , peuvent seules produire la variété des sons et les communiquer ; parce qu'il n'y a que cette dernière atmosphère qui ait une élasticité convenable; les autres molécules de lumière, qui n'ont pas une atmosphère sem- blable, ne doivent être considérées que comme des corps solides, mais sonores par eux-raèmes , DES PHYSICIENS MODERNES. r)T et qui choquent la lumineuse ordinaire avec un son qui leur est propre , sans modification. La lumineuse choquée produit donc le son, et son atmosphère igmgéne le transmet. La nature de cette atmosphère facilite ce mécanisme, puis- qu'elle est moins dense vers sa base que vers ses extrémités. Elle peut donc ainsi se condenser vers cette base; et c'est ce qui arrive quand elle reçoit le choc , car alors la lumineuse semble avoir changé de nature. Et véritablement elle cesse d'exercer son action expansive erivers les parties des diverses couches de cette atmosphère, oppo- sées à celles qui ont été choquées ; ce qui est cause que les premières se précipitent sur cette lumineuse pour y adhérer à l'instar de l'atmo- sphère des opaques. 3Liis dans ce même instant, la lumineuse, reprenant son action expansive, repousse ces mêmes couches atmosphériques , et les oblige d'aller choquer, à leur tour, l'atmo- sphère des lumineuses qui sont vis-à-vis, et de répéter ainsi les effets que nous venons de décrire; et comme dans l'origine de tout choc , il y a , pour ainsi dire , un faisceau de lumineuses frap- pées, leur réaction se fait sentir de tous côtés; et voilà pourquoi alors le son s'étend comme des rayons qui aboutiraient du centre à la circon- férence. Nous avons vu que lorsque les atmosphères des opaques étaient en contact, et qu'elles avaient U même configuration ou qu'il existait entre elles quelque analogie, elles se confondaient, et leurs bases s'unissaient, mais il n'en est pas de même des lumineuses. Dans leur état ordinaire , leurs atmosphères, quoiquesemblables, nepeuvent point se mêler ensemble ; parce qu'elles tendent à conser- ver leur expansibilité. Or , c'est cette propriété qu'a J atmosphère de la lumineuse, de se conserver C)1 ERREURS DÉVOILÉES expansible , qui la fait devenir corps vibratoire ; et qui lui permet de frapper, comme un corps solide, les atmosphères des autres himineuses , en leur communiquant à peu près le même degré de force qu'elle a reçu de sa base. Je dis à peu près, parce qu'à cause de l'inertie de la matière,, le second choc ne peut pas avoir autant d'énergie que le premier , et qu'il s'affaiblit insensiblement. De là vient que le son s'éteint après avoir par- couru une certaine distance; et l'on comprend aussi facilement, que le mouvement de ces cou- ches atmosphériques doit empêcher que sa vitesse ne soit aussi rapide que celle de la clarté qui n'est pas l'effet d'une oscillation ni d'un choc. Si à cause de la rareté du milieu , les atmosphè- res des lumineuses ne peuvent pas se choquer, par la raison qu'elles seraient trop écartées , on n entendra plus aucun son; parce qu'il n'}" aura plus de communication entre elles. Si elles com- muniquent faiblement ensemble, le son se pro- pagera , à la vérité , mais sa force diminuera comme la rareté du milieu augmentera. De là, la faiblesse du son au sommet des montagnes éle- vées, et sa diminution et puis sa cessation totale quand on fait le vide dans le récipient de la ma- chine pneumatique. Par la même raison , le son devient plus intense dans un air condensé , et s'accroît encore lorsque la densité de celui-ci res- tant la même, on en augmente la chaleur; puis- que alors les lumineuses, y acquérant plus de particules atmosphériques, leurs atmosphères ré- ciproques sont plus près l'une de l'autre : mais cette condensation reconnaît des bornes. Si l'air devenait aussi dense que l'eau, il serait aussi peu propre que ce liquide à rendre tous les sons ; parce que ces lumineuses auraient moins de cou- ches atmosphériques , et moins d espace pour faire leurs vibrations. DKS PHYSICIENS MODERNES. 9^ Qiroiqii'il faille que les atmosphères des lumi- neuses se touchent pour propaj^er le son, il n'est pas toujours nécessaire que celles-ci soient ran- gées en lignes parfaitement droites, comme dans les substances transparentes. 11 suffit qu'elles communiquent les unes avec les autres par quel- que point de leur circonférence. Ainsi dans une poutre où les lumineuses ne se touchent que de celte dernière manière, le son se transmet facile- ment d'un bout à l'autre comme nous l'avons dit; cependant il y est plus faible, parce que ces atmosphères étant plus gênées ne peuvent vibrer avec autant de force. Il doit avoir aussi plus de vitesse, parce que les molécules des lumineuses étant plus rapprochées, le choc doit être plutôt transmis. Aussi a-t-on reconnu par expérience, que dans la pierre , une poutre et autres corps denses , la propagation du son était bien plus rapide que dans lair. Le métal qui à densité égale sera le plus dur, sera aussi le plus sonore, parce que ses opaques ayant moins de particules atmosphériques, lais- sent à ses lumineuses plus de liberté pour faire leurs vibrations. Et dans ce cas il sera vrai de dire que les atmosphères des opaques contri- buent à la qualité du son et à sa modification. Aussi le plomb , dont les bases ont beaucoup de particules atmosphériques , est-il moins sonore. Je dois prévenir ici une objection spécieuse qu'on pourrait me faire. Si en se portant sur sa lumineuse, l'atmosphère, par son attouchement, fait naître un sou, de même, dira-t-on, la pres- sion d'un corps, d'un gaz, par exemple, devrait exciter des sons , puisque , par cette force com- primante , l'atmosphère de la molécule de lu- mière , en se coërcant , ne peut que toucher la molécule qu'elle entoure. Voilà l'objection : voici la réponse. ()4 ERREURS DEVOILEES Qnand la molécule de lumière est choquée par son atmosphère, l'une et l'autre changent d'éîat ; la première perd momentanément sa force dila- tante, et la seconde son expaiisibilité dans la partie qui a donné ou reçu le choc, et dans celle qui lui est opposée : ce qui rapprochant Tatmosphére de sa lumineuse, permet à cette atmosphère de frap- per celle-ci comme un corps dense qui serait poussé contre un timbre. Mais ce n'est plus de même dans le cas d'une pression quelque forte qu'elle soit ; car la molécule de lumière n'y aban- donne point son action dilatante ou expansive à l'égard de son atmosphère ; et celle-ci conserve également son expansibilité qui l'empêche de heurter sa lumineuse. Il n'y aura donc pas de choc et par conséquent point de son. Si par la pression toutes les particules de celte atmosphère ne peuvent contenir dans les pores du corps con- densé , elles se répandront au dehors par les canaux naturels de l'ignigène , qui sont les pro- pres molécules de lumière que ce corps contient; mais il n'y aura rien de changé dans la constitu- tion particulière de ces lumineuses et de leurs atmosphères, laquelle restera la même. Puisque la molécule de lumière choquée ou choquante rend un son qui se propage , il est évident que si la clarté provenait d'oscillations ou de vibrations , cela formerait un bruyant et tu- multueux concert de sons, depuis le corps lumi- neux d'où émanerait la première vibration ou oscillation jusqu'aux corps qui en recevraient l'impression. ]Mais ce serait bien pis, si, comme le prétend Newton , les molécules de la lumière étaient lancées sans interruption par les corps sidéraux ; car quels sons éclatans ne feraient-ils pas entendre, en arrivant, soit dans notre oeil, soit sur les corps terrestres avec la vitesse qu'on DES PHYSICIENS MODERNES. C):> leur suppose. Le lintamarre qu'ils causeraient étourdirait nos oreilles , comme l'éclat du soleil d'été éblouit nos yeux. Or puisque cela n'a pas lieu, il est incontestable que la clarté ne se com- munique point par vibrations ni oscillations, et surtout par une inconcevable émission. Vitesse du son dans l'air : faux aperçus de quel- ques géomètres à ce sujet. D'après les expériences faites en 1738 par 1 aca- démie des sciences , on a reconnu que le son j)arcourait avec une vitesse uniforme 33^ mètres, c'est-à-dire l'jZ toises par secondes de temps , de manière que, quoique plus faible à une distance plus grande, il franchissait néanmoins des espa- ces égaux en temps égaux. I/on remarqua de plus que la force du son ne causait nul cliangeraent dans sa vitesse. ; 1) Pour montrer leur dextérité dans la science des nombres , des calculateurs ont cherché à déter- miner aussi par l'algèbre la vitesse du son ; mais leur théorie s'est trouvée en défaut , puisque le calcul leur a donné une moindre quantité que celle qu'on avait trouvée par lobservalion. Pour concilier ensemble l'observation et la théorie , l'auteur de la Mécanique céleste imagina que la différence reconnue provenait dune petite quan- tité de chaleur que développaient , suivant lui , les molécules de l'air, qui, dans la propagation du son , devaient éprouver de petites condensa- tions, en faisant leurs oscillations; que celte cha- leur élevant la température des aériennes, aug- mentait leur torce élastique qui accélérait ainsi la vitesse de leur mouvement vibratoire ; que le ' i) Voyez fîaiijr, Traité élém. de phys. n »• 477 de la a.« édit. et Soi) de la 3.* gC) ERREURS DÉVOILÉES débandement ou la dilatation succédant à la coni' pression , la petite chaleur développée était ab- sorbée pour se développer encore , et répéter le même mécanisme jusqu'à l'aiiéantisseroent du son: « D'où l'on voit, (dit M. Haûy qui préconise » cette fausse idée, ) que la propagation du son » doit se faire plus rapidement que dans le cas » d'une température uniforme, (i) » En hasardant cette explication , le géomètre dont je viens de parler, se fondait sur ce qu'une masse d'air condensée développe une portion du calorique qu'elle renferme , et qu'au contraire elle l'absorbe quand elle se dilate ; mais il attri- buait aux molécules propres de l'air ce qui ne convient qu'aux lumineuses contenues dans ses pores : car il ignorait , ainsi que tous les savans l'ignorent encore, que ce ne sont point les aérien- nes, mais les molécules de la lumière qui aban- donnent ce calorique lors de la condensation de l'air. D'ailleurs quand cet air est comprimé , la chaleur, qui se rend alors sensible, en sort cer- tainement et passe dans d'autres corps. Mais où ira ce calorique développé , selon ce géomètre , dans la propagation du son ? Ne faudrait-il pas qu'il y eût dans l'air des parties distinctes qui pussent recevoir et rendre ensuite cette chaleur que la condensation aurait développée dans les files sonores ? Or c'est ce qu'on n'oserait préten- dre, et c'est ce que n'avau pas prévu ce célèbre géomètre en mettant au jour son idée, que sans doute il n'avait pas laissé assez mûrir ; et que toute l'analyse , dont M. Bioi la revêtue ensuite , ne rendra pas plus vraisemblable; car on n'a jamais vu qu'un fluide quelconque augmentât sa tempé- rature et devint plus élastique en lâchant une (i) Voyez Haùy, n.»* 478 de la a.* édit. et 5io de la 3.* DES PHYSICIENS MODERNES. 9-7 portion de son calorique ; c'est au contraire eu ajoutant à celui qu'il contient naturellement. On voit encore ici que ni chimiste , ni physi- cien ne se sont jamais doutés que le son et sa transmission ne provenaient que des molécules de la lumière et de leur enveloppe atmosphéri- que , et non des molécules de Fair. Vitesse du son clans Veau. On n'avait pas encore mesuré la vitesse du son dans Feau ; M. CoUadon s'est chargé de remplir cette lacune par une suite de belles expériences faites à une grande distance sur le lac de Genève, et qu'on trouve consignées dans un mémoire in- séré dans le cahier des Annales de chimie du mois de novembre 182 y. Ce physicien reconnut que la vitesse réelle du son dans Teau était beaucoup plus grande que dans lair , et qu'elle était de 1435 mètres dans une seconde; tandis que d'après les expériences faites en 1738 par l'académie des sciences, cette vitesse n'est dans l'air que de 337 mètres dans le même espace de temps. Il observa encore que la durée d'un son dans l'eau différait notablement de sa durée dans l'air ; et que le bruit d'une cloche , frappée sous le liquide aqueux, ne ressemblait aucunement à celui d'une cloche frappée dans notre fliiide atmosphérique. Enfin qu'au lieu d'un son prolongé on n'enten- dait sous l'eau qu'un bruit net et sec , même à une distance de plusieurs lieues , et qu'on ne pouvait mieux comparer qu'à celui de deux lames de couteaux frappées l'une contre l'autre. Cette belle suite d'expériences dont on trou- vera la description dans le mémoire cité , con- firme admirablement ce que j'ai déjà dit, que Tes' molécules de l'air n'étaient point le véhicule du son ; mais seulement les molécules de la lumière. taient plus fortement la lumière que d autres plus denses , crut pouvoir éluder ces difficultés, en disant que cela prove- nait des parties sulfureuses qui devaient se trou- ver en plus grande quantité dans ces corps plus rares. Mais puisque, suivant lui, la réfraction de la lumière avait pour cause l'attraction, et que d'après son s}stème de la gravitation universelle, cette attraction avait lieu en raison directe des masses, il ne pouvait prétendre, sans être incon- séquent, que la réfraction suivait le nombre des parties sulfureuses et non la densité des corps. Cela est si évident, qu'un physicien, zélé défen- seur du système de la gravitation universelle du 112 ERREURS DEVOILEES géomètre anglais , n'a pas pu s'empêcher d'en faire la remarque, (i) D'ailleurs Newton se trompait également en croyant que tous les corps de la nature avaient plus ou moins de ces parties sulfureuses, puis- qu'on n'en a point encore trouvé dans l'eau et dans plusieurs autres substances. Il est vrai que ses partisans ont substitué le mot hydrogène à celui de sulfureuse ; mais à quoi aboutira ce chan- gement, puisque leau naturelle ne contient point de parties inflammables, comme nous le verrons en son lieu? Je pourrai pousser plus loin ces raisonnemens , mais je les crois inutiles après avoir démontré ail- leurs que les molécules de lumière , dans leur état le plus ordinaire qui est celui de la vision des corps , ne peuvent être attirées par les opa- ques dont les atmosphères diffèrent de celles de ces lumineuses. De la Réflexion de la Lumière. Dans l'article réfraction je n'ai considéré que les cas les plus simples où se trouvent les molé- cules de lumière relativement les unes aux au- tres ; mais elles peuvent occuper bien d'autres positions , selon qu'elles seront opposées aux opaques, soit des corps solides ou liquides, soit des fluides élastiques. De là tous les rayons ne pouvant continuer leur route, quelques-uns sont obligés de se replier et de remonter dans le rai- lieu qui les avait transmis. Si les corps opaques ont la faculté de réfléchir la lumière ou la clarté , et de devenir , par ce moyen , visibles ; tous ne peuvent pas la renvoyer de tous leurs points, vers un même coté, pour (i) Voy. Paulian, Dict. de phys. art. Réfraction delà lumière. DES PHYSrCIENS MODERNES. Il3 présenter un faisceau lumineux, ou pour peindre l'image des objets. Les corps qui possèdent cette propriété sont ceux dont la surface est naturelle- ment unie, telle qu'est celle de l'eau et des liqui- des , ou dont le frottement a fait disparaître l'iné- galité trop sensible de cette surface; car ceux qui V ont conservé toutes les aspérités dont elle est hérissée , ne peuvent qu'éparpiller cette clarté en la réfléchissant selon touies sortes de directions. Aussi n a-ton pas égard à ces derniers corps en parlant de la réflexion de la lumière. On sait qu'il existe deux sortes de réflexion , l'oblique et la perpeuditulaire. Celle-ci est due seulement à l'obstacle qu opposent les opaques du second milieu à la transmission des rayons qui passent par le diamètre des lumineuses du premier milieu. Car lors de la jonction de deux substances diaphanes de différentes densités, les molécules de lumière de l'une ne communiquent pas toujours avec leurs semblables sises dans les pores de l'autre ; mais elles sont souvent et plus ou moins parfaitement interceptées par les opa- ques. Alors les rayons, rencontrant ces barrières, reviennent sur eux-mêmes , et réilluminent les files des lumineuses qui les avaient transmis; car il est bon d'observer que le rayon ou la clarté ne se rend sensible qu'au sortir de la molécule de lumière ou à son retour, s'il rencontre un obsta- cle qui l'oblige de rétrograrler. La réflexion oblique dépend , comme dans la réfraction , des lumineuses déplacées ; et elle transmet de même à notre œil , soit la couleur et la forme des objets, soit la clarté des astres et de tout corps éclairé, situé obliquement par rap- port à nous. J'ai dit H l'article réfraction , que par le dépla- cement des molécules de lumière de l'un des deux 8 Il4 ERREURS DÉVOILÉES • milieux, le rayon, ne pouvant continuer sa route naturelle , était obligé de faire un petit mouve- ment de conversion pour passer par le centre de ces molécules , afin de se porter au-delà. Mais pour exécuter ce mouvement, il faut que ce rayon adhère encore au noyau de la lumineuse. Si, par sa grande inclinaison , il se trouve écarté de ce noyau , il ne peut plus passer par ce centre pour s'y réfracter ; alors arrivé aii point ou une per- pendiculaire , tirée de la surface de l'un de ces deux milieux, irait couper ce point en passant par le centre de la lumineuse repoussée, ce rayon se relève du coté opposé , et il en sort en suivant une ligne qui a la même inclinaison que celle qu'il avait décrite en y entrant ; ce qui démontre que le rayon ne peut point parcourir toute la corde d'une lumineuse ; c'est-à-dire la traverser de part en part obliquement. La réflexion des rayons a lieu tantôt vers la première , tantôt vers la seconde surface des corps transparens. Dans le premier cas, cette réflexion s'effectue uniquement par les molécules de lu- mière situées au-dessus des opaques de ces corps , et repoussées par ces dernières; parce qu'elles ne peuvent s'unir ensemble ; et c'est par ce moyen que lorsque des rayons qui, de l'atmosphère ter- restre , parviennent obliquement sur la surface unie d'une substance diaphane , telle qu'est celle d'une eau limpide et tranquille, d'une glace et de tout autre corps semblable, une partie est ré- fléchie avant d'avoir atteint la surface transpa- rente, comme l'illustre Newton l'a remarqué avec raison , sans en pouvoir deviner la véritable cause. Ces lumineuses repoussées par les opaques du second milieu , servent à la réflexion oblique et perpendiculaire. Je viens de dire comment celle- ci avait lieu ; et à l'égard de l'oblique , elle pro- DES PHYSICIENS MODEREES. IIp vient de ce que le noyau de ces lumineuses est, par la nouvelle position de celles-ci, tellement ■éloigné du rayon incident, que ce dernier, ne louchant] plus à ce noyau , n'en peut-être attiré pour s y réfracter; et ne pouvant non plus par- courir obliquement ces lumineuses , il en est repoussé , comme je l'ai dit précédemment. Or , comme cette réflexion s'effectue au-dessus des opaques des corps poiis ou transparens , il n'est pas étonnant qu'on ait observé que des rayons étaient réfléchis avant d'avoir atteint la première surface de ces corps. D'après ce que je viens de dire , on conçoit que le rayon ne peut passer au delà de la lumineuse, que lorsqu'il la traverse par son diamètre; et qu'au contraire, quand il l'illumine très-obliquement, elle le repousse vers le côté opposé, à l'instar d'un ressort, s'il faut ainsi dire, en lui faisant décrire un angle égal à celui de son incidence. Lorsque la réflexion oblique des rayons a lieu vers la seconde surf;^ce d'un corps transparent , ce n'est qu'à l'égard de ceux qui y ont été réfrac- tés par la première surface. Cette seconde réfle- xion est plus sensible ou plus vive que la pre- mière dans un miroir ; et elle est opérée par les lumineuses placées dans ses pores et tangentes des opaques de l'amalgame métallique. Ces lumi- neuses , étant repoussées par celles-ci , ont pris une telle position , que le rayon transmis oblique- ment à travers le verre ne peut point passer par leur centre. ' Ces deux réflexions opérées , la première par les lumineuses qui sont au-dessus de la surface de la glace, et la seconde par celles de la surface inférieure , sont la cause des deux images que nous présente , du même objet, une glace étamée ; l'une antérieure et faible, l'autre plus vive et plus IlG ERREURS DÉVOILÉES éloignée ; avec cela de particulier , que la première image devient d'autatit plus sensible qu'on re- garde plus obliquement et que l'objet est plus petit. Mais pourquoi celle-ci est-elle moins vive que la postérieure? En voici la raison. Quelque polie que soit une glace, elle conserve cependant toujours quelques aspérités, qui, pour n'être pas sensibles à l'œil, n en sont pas moins réelles, et qu'on peut remarquer à l'aide du mi- croscope. Ces aspérités sont cause que toutes les lumineuses de l'air opposées aux opaqiies de la surface antérieure de la glace , ne sont pas sur une même ligne , et ne peuvent refléchir, toutes éga- lement, la clarté re^ue ; ce qui diminue considé- rablement le nombre des rayons qui doivent transmettre limage de l'objet ; tandis que les lumineuses tangentes des molécules de l'élamage, étant presque toutes repoussées uniformément et dans le même sens, reçoivent et renvoient de la même manière les rayons transmis ; et faisant concourir un plus grand nombre de files lumi- neuses éclairées vers un même point, présentent un faisceau de lumière plus uni qui dessine vive- ment l image de l'objet. Tous les corps polis tels, par exemple, que les marbres et les métaux, réfléchissent l'image de l'objet de la première manière , c'est-à-dire par les limiineuses opposées aux opaques de ces corps; et plus ceux-ci sont susceptibles de recevoir un beau poli, plus ils renvoient avec force ces sortes d'images ; parce qu'alors il y a un plus grand nombre de lumineuses qui coiicourent ensemble à leur transmission ; au lieu que dans les corps non polis, les opaques, occupant diverses posi- tions , sont cause que les lumineuses repoussées ne formeut pas une ligne horizontale unie, par- tout semblable ; et de là il résulte que les rayons DES PIIÏSICIHNS MODEniVES. II7 qui y parviennent , convergent et divergent de mille manières , étant réfléchis vers différens points. On a observé que, lorsque la lumière passe du verre dans l'air ou dans un fluide élastique , les rayons parvenus vers la dernière surface du corps vitreux, au lieu de passer outre, sont tous réflé- chis quand l'angle d'incidence surpasse 4' degrés, tandis que cf si Ton met le verre en contact avec de » l'eau, une grande partie des rayons se trans- » nwîttent à travers ce liquide sous la même in- » cidence qui déterminait une réflexion totale , » lorsque l'air existait à la place de l'eau. »(i) Ni INevvton , ni aucun physicien , n'ont su donner une raison satisfaisante de cette différence ; elle leur a échappé. Cependant elle provient de ce que les lumineuses de la dernière surface du verre, étant fortement repoussées par les lumi- neuses de l'air , rentrent beaucoup en dedans de celte surface , comme il est dit à l'article Réfraction. Or, ce grand enfoncement est cause qu'à partir de l'incidence perpendiculaire , le milieu du rayon qui devait passer par le point qu'occupait primitivement le centre de ces lumi- neuses , avant qu'elles fussent repoussées , se trouve écarté de plus en plus du nouveau point central où elles se sont placées en dernier lieu , et cela à proportion que l'incidence devient plus oblique; de manière qu'au-delà de [\\ degrés d'obliquité, le rayon est tout-à-fait en dehors de ce noyau , et ne peut plus passer par son centre en s'y réfractant pour pénétrer au-delà : il faut donc qu'il s'y réfléchisse, et cette dernière ré- flexion est comme celle que nous avons vu avoir lieu par les lumineuses de l'air qui reposent sur la (i) Haùy, Traité élémentaire de Physique. Jl8 ERREURS DÉVOILÉES surface antérieure du corps vitreux , ou par celles tangentes de Tamalgame métallique d'un miroir. Mais qtiand les lumineuses de la seconde surface du verre confinent avec celles de l'eau ou de l'huile , cet enfoncement n'est plus[si considérable; parce que l'atmosphère des lumineuses de ces deux liquides ayant moins d'étendue que celles desHumineuses de l'air, ont aussi moins de force répulsive. Donc le rayon oblique qui a traversé le corps vitreux, continuant d'adhérer au novau des lumineuses de la seconde surface, s'y réfracte par le mécanisme décrit précédemment. On a observé, ainsi que le dit iM. Brisson dans son Dictionnaire de Physique, article Dioptrique , que le rayon de lumière se réfléchit avec une moindre incidence quand on augmente le vide de la machine pneumatique. On n'a point expliqué ou plutôt on a mal expliqué ce phénomène , qui est cependant bien simple , et qui est la consé- quence naturelle de ce que j'ai dit jusqu'ici de la réfraction et de la réflexion. En effet, lorsqu'on fait le vide, les molécules de lumière, sises dans les pores de l'air qui reste dans le récipient de la machine pneumatique , étendant leur atmo- sphère à proportion que cet air se dilate , aug- mentent aussi leur force répulsive ; et par ce moyen repoussent plus fortement les lumineuses du verre les plus voisines. De là les rayons, qui adhéraient encore au noyau de ces dernières , cessent d'en être tangens , et ne pouvant plus alors en être attirés pour s'y réfracter, sont obligés de se relever et de se réfléchir, comme je l'ai dit. ( Fojez à la fin de cet article l'explication de la figure 5. ) ^ Si les rayons qui arrivent vers la dernière surface du verre, à plus de [\i degrés d'inclinaison , sont tous réfléchis dans l'intérieur de ce corps , sans DES PHYSICIENS MODER!SES. II9 pouvoir passer dans l'air; et si, lorsqu'ils parvien- nent de l'air dans le verre , il y en a toujours plusieurs, quelque obliques qu'ils soient , qui pé- nètrent dans ce corps vitreux, cela ne doit point paraître étonnant , parce qu'à cause de la diffé- rente densité des deux milieux , les files des lu- mineuses de l'air ne sont pas toujours exactement au-dessus de celles du verre; mais elles sont quel- quefois plus à droite ou plus à gauche; ce qui apporte quelque différence dans la manière de transmettre le rayon : et c'est ce qui fait que ce- lui-ci, qui , à une certaine inclinaison, devrait être en dehors du noyau de la lumineuse du verre et se réfléchir, s'en trouve quelquefois tangent et peut s'y réfracter. Enfin il n'y aura point de réfraction sensible là où deux verres se toucheront , parce que d'abord entre ces deux corps il n'y a aucune matière capable de repousser les lumineuses du verre supérieur , comme le font les opaques de notre fluide atmosphérique; et qu'ensuite les lu- mineuses des deux verres ont une atmosphère uniforme. Nollet avait fort bien vu que la lumière n'était réfléchie que lorsqu'elle parvenait sur des globules de son espèce ; mais , comme il croyait faussement que les rayons lumineux , partis d'un astre , ne se rendaient sensibles que par les vibrations qu'il leur supposait, il s'imaginait aussi que cette lu- mière nous était renvoyée des divers corps par de semblables vibrations rendues exactement par les globules réfléchissans. Quoique l'opinion de Nollet ne fût pas exacte- ment vraie , elle était cependant moins inexacte que celle de Newton. Car le savant Anglais ne sachant pas que la clarté ou le rayon n'était qu'une des manières d'exister des molécules de lumière; et le regardant, ce rayon, comme un fluide que I 20 ERREURS ])£VOILL£S les astres lançaient au loin avec une force éton- nanîe, et qui se frayait un passage à travers les corps diaphanes , ne crut pas devoir attribuer le phénomène de la réflexion aux molécules de lu- mière dont il n'avait pas une juste idée; mais seulement aux molécules propres des corps non fluides élastiques, et il la faisait déjicndre, cette réflexion, d'une certaine force réptilsive, répan- due uniformément sur toute la surface de ces corps, et dont l'action s'exerçait à une très-pelile distance, (i) Newton n'avait imaginé celte action à petite distance , que pour pouvoir expliquer comment les ra3"ons étaient en grande partie renvoyés avant d'avoir atteint la surface réfléchissante. D'après ce que j'ai déjà dit , on voit combien son expli- cation est fautive. Outre cette dernière espèce de réflexion , ce géomètre en admettait une autre dans le verre, pour rendre raison de celle qui a lieu vers la seconde surface de ce corps placé dans l'air ou dans le vide, quand 1 inclinaison du rayon excède 4i degrés. 11 supposait donc que cette dernière réflexion était produite par l'attraction qu'exerce- rait sur les rayons de lumière , la seconde surface de ce corps (^2). Alors , suivant lui , ces rayons qui se présentaient sous un certain degré d'obliquité pour pénétrer un milieu plus rare, étant « plus » attirés à une certaine distance par les molécules » situées au-dessus d'eux que par celles qui sont « au dessous w, étaient contraints à infléchir leur mouvement et à repasser dans le verre (3). Il n'est pas nécessaire de dire que celte explication de (a)IIaiiY,Traitr élrm df Physique, jN°*895ef 902 delà a^édif., et IS'°» io53 et 1060 de la 3*. {1) Ibul. N"» 900 de la 2' édit. et io58 de la 3*. (3) Ibidem. DES PHYSICIENS MODERNES. 12 1 Newton , quoique adoptée avec éloge par les physiciens modernes , est tont-à-fait erronée : ce qu'on a déjà vu le prouve suffisamment. On a encore remarqué que lorsque les rayons passent du verre dans le vide, il y en a moins de transmis que lorsque le passage s'effectue dans l'air ; et l'on a été également étonné de cette différence , parce qu'on a cru le vide dépourvu de toute matière; mais cela n'est pas ainsi : car dans un récipient qu'on a prétendu purgé d'air, le vide n'est point parfait; il y existe toujours des opaques et des lumineuses; mais ces diverses molécules v sont seulement en moindre nombre; et par la dilatation des atmosphères des lumineu- ses qui accumulent autour d'elles les particules ignigènes à proportion qu'on fait le vide, toute la capacité du récipient se trouve remplie comme auparavant. Le vide produit par la machine pneumatique ne doit être regardé que comme un air fort dilaté qui a encore des molécules opaques et des molécules de lumière (i); mais s'il y a moins de ces différentes molécules dans le vide, il y aura aussi moins de files des lumineuses ; et par conséquent moins de canaux pour servir de véhicule aux rayons qui sortent du corps vitreux. Donc dans l'incidence perpendiculaire, et même oblique, il y aura moins de rayons transmis. Newton ne s'en est pas toujours tenu aux actions à distance pour y ramener les effets dus à la réflexion et à la réfraction '2^ , il a conjecturé que ces effets pourraient bien dépendre aussi de l'action d'une matière très-subtile répandue dans les corps dia- (i) I\ota. S'il u'existait nas des Inmioeuses dans le prétendu vide de la machii-e pneumatique, il ny aurait plus ni réfraction, ni réflexion. (a) Voy. Haùy, IS' 908 de la 2« édit et 1061 de la 3«. 122 ERREURS DEVOILEES phanes(i); et qui, devant être d'autant plu» dense que le corps serait plus rare , fermerait le passage au rayon qui chercherait à se porter vers les espaces où cette matière subtile aurait moins de densité. Ces manières contradictoires d'expliquer la réflexion et la réfraction de la lumière prouvent que Newton n'avait pas d'idées fixes sur ces phé- nomènes ; et s'il voulait une matière fublile , que ne la cherchait-il dans les lumineuses et leurs petites atmosphères , dont les corpuscules sur- passent en petitesse les molécules propres des corps ? D'ailleurs , je ne sais comment ce géo- mètre a pu croire que cette prétendue matière subtile devait être plus dense dans un fluide élas- tique que dans un corps solide; il me semble qu'il aurait dû conclure tout autrement. Outre ces différentes manières d'expliquer la réflexion , Newton en a imaginé une autre encore plus singulière , et qui lui a été suggérée par cette manie , maintenant si à la mode , d'expliquer les phénomènes physiques par des notions tirées de l'algèbre. Ce savant, pour rendre raison de la réflexion qui, dans certaines circonstances, suc- cède à la réfraction , avance que , comme dans l'algèbre les quantités négatives commencent où finissent les positives , de même , dans les effets physiques dont il s'agit ici , la force répulsive succède immédiatement à la force attractive (2). Divers physiciens trop crédules et sans doute peu méditatifs , ont adopté cette explication de Newton , sans en soupçonner l'absurdité ; mais quelques autres aussi , quoique attachés aux prin- cipes du géomètre Anglais, n'ont pas pu s'empê- ( I ) Haùy , !N°' go3 de la '2* édit. et 1061 de la 3^. (2) Libes, Traité élém, de Pbyjique, tome III, p. 5y ; et Ilaûy, IS'** goa de la a* édit. et 1060 de U i*. DES PHYSICIENS MODERNES. 123 cher de la regarder comme bien peu suffisante , en avouant en même temps que le phénomène de la réflexion restait encore enveloppé d'une grande obscurité (ri. Je me flatte d'avoir répandu quelque clarté sur ces ténèbres de la science, en démontrant que la réflexion et la réfraction dé- pendaient uniquement de la manière dont les rayons pénétraient les lumineuses des corps ré- fringens et réfléchissans. Dans tout ce que j'ai dit de la réfraction et de la réflexion , je n'ai considéré que les surfaces planes; mais cela convient également aux surfaces courbes des corps susceptibles de réfracter ou de réfléchir la lumière. JSote pour l'intelligence de la Réflexion de la lumière , et des Figures 5 et 6 ^ ii et 12. «a, Jig. 5, est la molécule de lumière de la seconde surface du verre , repoussée en dedans par la lumineuse de l'air, qui lui est opposée. bb est sa première position que j'ai ponctuée , et qui est sur la ligne horisontale CH. c est le rayon incident qui, après avoir traversé le corps vitreux, arrive dans la lumineuse aa sous un angle de plus de [\i degrés. Si cette molécule ne s'était pas dérangée, le rayon passerait par le point d qui est son premier point central ; mais ce point s'étant porté en e, à cause du changement de position , le rayon s'en trouve si éloigné qu'il ne peut plus y adhérer , et par conséquent il ne saurait s'y infléchir pour traverser cette lumineuse par son diamètre , par la raison que nous avons dites à l'article Réfraction. Ce rayon arrivé en d qui dans la nouvelle position de cette molécule est distant de son vrai point central actuel e , se (i) Libes, juême ouvrage cité plus haut. 124 r.RREURS DÉVOILÉES trouve arrêté , et ne pouvant parcourir la corde de la lumineuse , il est repoussé du côté opposé et se porte vers le point/.' On voit qu'une plus grande incidence du rayon, telle qu'est^, Técar- terait davantage du point central e, et le ferait parvenir vers h. La nièraey?^. 5 servira pour rendre raison de la réflexion oblique opérée, soit par les lumi- neuses de l'air opposées aux opaques du corps réfléchissant , soit par celles tangentes de l'amal- game métallique du miroir. aa 1 fig' 6 , désigne la première position de la lumineuse ^ , ei bb est sa seconde position dont ce est le noyau. On voit que le rayon d qui le touche y doit se réfracter comme il a été dit ; et que celui qui pourra se réfléchir ne sera qu'en dehors de ce noyau , comme on peut le remar- quer à la ligne ponctuée e , qui représente ce dernier rayon réfléchi vers g. Mais si ce noyau , au lieu de demeurer dans sa deuxième position ce y se porte en/, parce qu'il sera plus fortement repoussé , il arrivera que le rayon d qui ne pou- vait être réfléchi dans la deuxième position de la lumineuse, le sera dans la troisième; et par conséquent son incidence pourra être beaucoup moindre que celle du rayon e , comme il est facile de le voir par X-à figure. Enfin , pour mieux faire comprendre comment les rayons , qui passent du verre pour entrer dans un fluide élastique , sont tous renvoyés quand leur inclinaison surpasse 4 1 degrés , on n'a qu'à prendre pour centre le point d de la/?^. 5 , et faire tourner sur ce point l'extrémité d'une très-petite règle mobile. Si cette règle est sur la ligne mabab^ le rayon dont elle tient la place sera perpendiculaire et passera par le centre de la lumineuse aa qui a quitté sa première position bb dont d était le TIKS PHYSICIEXS MODERJJES. i 2:) Jîoiiit central. Si l'on fait aller celte règle de m en i et en /, le rayon adhérant encore, raais de moins en moins, au noyau de la lumineuse , se réfractera , comme nous l'avons dit. Mais à pro- portion que la règle ira vers c et vers^, elle s'écartera de plus en plus du noyau et cessera enfin d'y adhérer. Or, le rayon qu'elle figure, ne pouvant plus être attiré par ce noyau , changera sa marche et se relèvera en se réfléchissant vers le côté opposé /'ou A, parce qu'il ne saurait dé- crire toute la corde de la lumineuse. ïl'en serait de même si le rayon, au lieu d'aboutir au fond de la molécule de lumière, y?^. ^ et \i ^ parvenait seulement au-dessus de son noyau sans le toucher , comme on le voit en b , Jig- 1 1 , où le rayon va de a en Z» et se relève vers e; tandis que s'il en est tangent en allant de/en J, il est attiré par son point central , et y étant réfracté s'avance vers g. Or , cette réflexion dont nous parlons ici est celle qui a lieu principalement quand le rayon qui vient de l'air ou d'un fluide élastique arrive sur le verre avec une obliquité de plus de l\i degrés, comme on le voit encore, Jig, 3, où le rayon qui de q va dans la lumineuse M y ne pouvant adhérer au noyau de celle-ci à cause de son inclinaison , se relève au point z , au lieu de se diriger vers s ^ et se réfléchit vers ^; quoique dans ce cas même, il y ait, par la raison que j'ai dite ci-devant , plusieurs rayons transmis à travers le verre ; mais qui ne passeront point au-delà, parce qu'ils arriveront trop obliquement dans la lumineuse de la seconde surface, lorsque celle ci sera tangente d'un fluide élastique. iSota bene. Qu'on n'oublie pas que la répulsion qui a lieu entre les molécules de lumière, provient de ce que leurs atmosphères tendent à se conserver expansibles, quoiqu'il existe entre elles une véri- 1^6 ERRECRS DÉVOILÉES table attraction qni ne se manifeste cependant que dans leurs dernières couches ; et voilà pour- quoi les lumineuses les plus mobiles , telles que celles des fluides élastiques, prennent, pour s'unir avec celles qui sont plus fixes dans les corps non polis, prennent , dis-je , les positions diverses que leur commandent ces dernières ; ce qui les empêche de réfléchir la clarté dune manière uniforme. De la double Réfraction. — Phénomènes dépen- dans de cette réfraction. — Explication de ces phénomènes. C'est à Erasme Barlholin que nous devons la pre- mière connaissance de la double réfraction. Ayant regardé par hasard l'image dune ligne au travers d'un cristal d'Islande, il remarqua avec surprise que cette image était double; et emporté par son enthousiasme , il s'imagina que le froid des pays du nord , bien loin d'affaiblir les rayons de la lumière, leur donnait au contraire une nouvelle énergie. Ce cristal est une espèce de spath clair , trans- parent, rhomboïdal , auquel nos chimistes ont donné le nom de carbonate de chaux. Il se trouve principalement en Islande où Ton en rencontre de très-limpides. Cependant cette région nest pas la seule où Ion trouve de ces sortes de cris- taux qui doublent les objets : les autres climats en fournissent également , quoique peut-être en moindre quantité. Huyghens, Newton et quelques autres ont fait des observations toutes particulières sur les phé- nomènes que nous présente le cristal d'Islande , et ils ont remarqué qu'un faisceau de lumière, tombant perpendiculairement sur la base supé- rieure de ce cristal, ne peut pas le parcourir sans DES PHYSICIENS MODERNES. I27 se diviser en deux parties , dont l'une est sur le prolongement du rayon incident, tandis que l'au- tre s'en éloigne. Si l'incidence du faisceau de lumière ou du rayon est oblique à la surface du cristal , il se divisera de même en deux rayons, dont l'un se réfractera en se rapprochant de la perpendicu- laire, et l'autre s'éloignera du précédent. Ainsi le premier de ces deux rayons souffre une réfraction régulière ou ordinaire , et l'autre une réfraction qui paraît irrégulière ou extraordi- naire. Si l'on pose l'un sur l'autre deux morceaux de €e cristal, en sorte que les surfaces de l'un soient exactement parallèles à celles de l'autre , ces ra- yons ne se partageront plus en entrant dans le second cristal ; et ils subiront dans celui-ci , comme dans le premier , l'un une réfraction ordinaire , et Tautre une réfraction extraordi- naire ; et ces phénomènes n'éprouveront aucun changement , quelle que soit 1 inclinaison des sur- faces ; pourvu que leurs plans considérés relati- vement à la réfraction perpendiculaire , conti- nuent d'être exactement parallèles, quand même on laisserait un espace entre les deux mor- ceaux. Lorsque les plans de ces deux cristaux sont perpendiculaires l'un à l'autre, le rayon qui pro- vient de la réfraction ordinaire du premier cris- tal , se réfracte irrégulièrement dans le second , et réciproquement à Tégard de l'autre rayon. « Dans cette supposition, comme dans la précé- » dente , il n'y a que deux rayons ; mais dans tou- » tes les positions renfermées entre ces deux » limites , les rayons provenant de la réfraction » du premier cristal se partagent chacun en deux » autres dans le second ; ce qui produit quatre 128 ERREURS DÉVOILÉES » rayons éraergens ». Libes, Traité élém. de phys. ii,° 1 555. (i ) L'image provenant du rayon ordinaire semble toujours plus enfoncée au-dessous du cristal, que celle de Tautre rayon ; car si Ton regarde au tra- vers d'un de ces rhomboïdes un cercle tracé sur un papier, on rem^irquera que , les deux images de ce cercle anticipant l'une sur l'autre , l'une d'elles parait un peu plus éloignée. Enfin avec deux de ces cristaux superposés et mis sur un papier marqué d'ut> seul point d'encre, on ne voit d'abord que deux images, si les faces homologues des deux cristaux sont respectivement parallèles. Si ensuite on fait tourner lentement le cristal supérieur au-dessus de l'inférieur, on verra paraître deux nouvelles images , d'abord très-fai- bles, et puis un peu plus intenses, tandis que les deux premières images s'affaibliront par degré, et finiront par disparaître avant que le cristal ait fait un quart de révolution. Si l'on continue de le faire tourner , les mêmes effets se présenteront dans un ordre inverse. Si l'on achève la révolu- tion du cristal supérieur, les phénomènes précé- dens reparaîtront en suivant de même une marche rétrograde ; mais parfois avec quelques excep- tions quand le rayon visuel sera très-oblique, et qu'il prendra certaines positions; car alors on ne verra que deux images dans le cas où l'on devrait en voir quatre et réciproquement. Les savans qui ont cherché à expliquer la cause de la double réfraction , l'ont fait chacun à leur manière et d'après les théories qu'ils avaient in- ventées Huyghens qui croyait que la lumière se propa- geait par ondulations , prétendait que le rayon (i) Voyez aussi Paulian, Brisson , Haiiy, etc. DES PHYSICIENS MODERNES. liQ lumineux en traversant un cristal d'Islande , y formait des ondulations de deux figures , dont l'une circulaire donnait naissance à la réfraction ordinaire , et l'autre elliptique produisait la ré- fraction extraordinaire. Newton qui, d'après son système de l'émission de la lumière , s'imaginait que l'attraction exer- cée, suivant lui, par les corps diaphanes sur les molécules de ce prétendu fliiide , était la cause de la réfraction ordinaire, crut qu'il fallait que la réfraction extraordinaire fût produite par une autre force attractive particulière au cristal d'Is- lande ; car on a pu s'apercevoir que ce savant inventait de nouvelles causes selon qu'il en avait besoin. Newton prétend donc que chaque rayon de lu- mière a quatre côtés , deux desquels ont la pro- priété de faire réfracter le rayon d'une manière extraordinaire , lorsque l'un des deux est tourné vers telle partie du cristal d'Islande. D'après ce que j'ai déjà dit, on doit s'être con- vaincu que ces théories, qui se contredisent, sont réellement erronées. D'autres physiciens se sont encore exercés sur cette matière, mais ceux qui ont le plus approché du vrai sont Erasme, Bar- tholin, et La Hire ; celui-ci en concluant d'après ses observations , « que la réfraction des rayons » extraordinaires ou irréguliers devait être assi- » milée à celle des rayons ordinaires , excepté » que le plan auquel elle se rapportait avait une » position différente » ; (i) et l'autre en faisant dépendre le phénomène de la double réfraction de la disposition des pores au travers desquels le rayon de lumière était transmis. En effet , c'est dans les pores des corps que se (i) Vovez Haûy. ï3o ERREURS DÉVOILÉES trouvent les molécules de lumière qui transmet- tent la clarté. Si ces pores sont rangés en lignes droites , comme dans les corps diaphanes ordi- naires , le rayon perpendiculaire ne sera point détourilé de son chemin. Si au contraire ces po- res sont obliques ou inclinés à la surface sur la- quelle tombe le rayon, celui-ci en pénétrant dans les lumineuses, contenues dans ces pores , suivra une route inclinée. Or c est ce qui arrive au rayon qui se partage dans le cristal dislande , et c est ce qui prouve que cette substance cristalline a alternativement plusieurs rangées de pores droits et plusieurs rangées de pores obliques. Les lumi- neuses qui y sont fixes auront donc les mêmes dispositions, et transmettront en conséquence le rayon incident qui n'est pas composé d une seule file de lumineuses éclairées , mais dun grand nombre de files , ce qu'il faut bien remarquer. Donc parmi ces files éclairées et perpendiculaires qui arrivent de l'atmosphère , celles qui parvien- dront sur les pores droits, traverseront le cristal sans se dévier ; et celles qui tomberont sur les pores obliques seront forcées de prendre une direction inclinée et de s'écarter des précéden- tes. Il en sera de même du rayon qui parviendrait obliquement sur le cristal ; la partie de ce rayon qui serait reçue par les pores inclinés paraîtrait toujours éloignée de celle que transmettraient les pores droits. Maintenant que Ton pose l'un sur l'autre deux morceaux de cette substance cristalline ; tant que les rangées droites et obliques du morceau supé- rieur aboutiront aux rangées analogues de l'infé- rieur, l'œil ne verra jamais que deux images. Il en sera de même si les deux cristaux sont telle- ment disposés que les rangées droites de l'un communiquent exactement avec les obliques de DES PHYSICIE.^S jronERXES. i3r l'autre. La seule différence qui existera dans ce cas, c'est que les deux rayons changeront de fonc- tion, c'est-à-dire que le rayon irrégulier, en arri- vant sur les files droites , se dirigera comme un rayon régulier ; et que celui qui était régulier se comportera comme s il était irrégulier, quand il parcourra les files obliques. Pour voir quatre images, il faudra qu'une rangée droite et une rangée oblique des lumineuses du premier mor- ceau coïncident chacune avec deux demi-rangées du second , dont lune soit droite et l'autre obli- que. Alors chacun des deux rayons qui se sont séparés dans le premier cristal et qui ne sont pas réduits à une seule file , tombant sur ces deux rangées , différemment ordonnées , se divise de nouveau ainsi que dans le premier cristal. C'est donc à une sorte de défectuosité que le cristal d'Islande doit la propriété de doubler les objets. Ces rangées dont je parle ne sont pas compo- sées d'une seule, mais de plusieurs lignes de po- res , situées immédiatement les unes à coté des autres. De même un rayon de lumière est formé de plusieurs files de lumineuses éclairées; et le point marqué sur le papier , dont nous avons parlé, aboutit à plusieurs de ces files et de ces lignes , parce qu'en comparaison de la grosseur de ce point , elles sont extrêmement déliées. Or quand il s'est formé deux images par les deux cristaux superposés et qu'on fait tourner lente- ment le cristal supérieur, le rayon qui passe par les rangées de celui-ci se porte peu-à-peu sur d'au- tres rangées du cristal inférieur , distinctes des premières par leur direction. 11 arrive donc que les rangées directes , correspondant insensiblement avec des moitiés des rangées obliques, et les ran- gées obliques avec la moitié des rangées directes, composent deux nouvelles images, qui, d'abord l32 ERREURS DÉVOILÉES faibles , deviennent de plus en plus intenses à proportion que , par le mouvement imprimé au cristal mobile, un plus grand nombre des lignes de ces demi-rangées sont éclairées ; tandis qu'un effet contraire a lieu à l'égard des deux autres images qui s'affaiblissent sensiblement et dispa- raissent tout-à-fait quand les rangées dont elles dépendaient ne communiquent plus avec le ra- yon : et si l'on admet que chaque demi-rangée se compose , par exemple , de dix lignes de pores, l'image aura plus de vivacité quand toutes ces lignes seront illuminées que lorsqu'il n'y en aura que six, et surtout que deux ou qu'une. Les physiciens ont observé que plusieurs au- tres cristaux avaient aussi le pouvoir de doubler les objets, et j'ai reconnu moi-même que certains carreaux de verre défectueux jouissaient de la même propriété. Il y a quelques années qu'occupé à la rédaction de cet article , je considérais par hasard à travers un carreau de mes fenêtres , le- quel avait une espèce de soufflure, un objet éloi- gné dans la rue, et je vis que cet objet paraissait double , étant vu par l'endroit défectueux. J'avais quatre images , quand , au lieu d'un seul , c'étaient deux objets peu écartés que j'observais. Mais si l'écartement était un peu plus considérable , je n'en apercevais que trois. Si cet objet était un cer- cle , un disque ou le bassin d'une balance , je remarquais aisément que les deux images se croi- saient , et l'une était vue , surtout vers le croise- ment , dans une position inférieure à celle de l'autre. En variant la position de l'œil d'une cer- taine manière, je pouvais même apercevoir quatre images d'un seul objet, mais très-peu écartées, et deux desquelles étaient d une teinte pliis légère. Certainement ce sont bien là à peii près les mêmes phénomènes que nous présentent un ou deux DES PHÏ&ICIENS MODERKES. 1 33 cristaux d'Islande. Au reste ce n'est pas là la seule occasion que j'ai eue d'observer cette mul- tiplication d'images au travers d'un carreau de verre. Cela m'est arrivé une seconde fois dans une autre maison que j'habitai dans la suite, et qui avait encore un de ces carreaux défectueux; mais il fallait toujours que les objets fussent assez éloi- gnés pour que le phénomène eût lieu ; parce que la défectuosité de ces carreaux n'était pas tout-à- fait du même genre que celle du cristal d'Islande. Prétendue Polarisation du soi - disant fluide lumineux. Newton a pris un tel ascendant sur l'esprit de la plupart des physiciens modernes , qu'ils met- tent tout en œuvre pour faire prévaloir ses idées, même les plus singulières ; telle est celle qui après avoir aplati de quatre côtés les rayons de la lumière , pour en faire des espèces de prismes quadrangulaires , infiniment déliés , leur donne deu\' sortes de pôles , sur deux desquels le car- bonate de chaux ou cristal dislande exercerait une action toute particulière; action qui, comme je l'ai dit , n'est due qu'à une sorte d'imperfec- tion inhérente à ce cristal , lequel , ayant des pores droits et des pores obliques , ne permet pas à la lumière de le pénétrer d'une manière uniforme. Ce fut pour constater cette prétendue polari- sation de ce qu'on appelle improprement fluide lumineux , que M. Malus entreprit une suite d'ex- périences qui ne prouvent autre chose , sinon que le rayon de lumière , suivant les circonstan- ces, se réfléchit plutôt sous un tel angle que sous un autre. Car toutes ces expériences ne pourront jamais changer les molécules de lumière , bien arrondies et fixes dans les pores de toutes les l34 ERREURS DÉVOILÉES substances , en un vrai fluide isolé dont les mo- lécules seraient carrées , et qui coulerait au tra- vers des corps, tel qu'un fleuve débordé qu'on verrait traverser une forêt qu'il aurait inondée ; car le rayon ou la clarté n'étant qu'une manière d'exister des molécules lumineuses qui occupent tous les pores , ne saurait avoir d'autre mouve- ment que celui des corps qui contiennent ces molécules. Ainsi toutes ces expériences, quoique intéressantes et bien faites , deviennent en quel- que sorte défectueuses , étant appliquées à une fausse théorie. Nota bene. D'après la Notice que M. Arago a fait insérer dans l'Annuaire de cette année sur la prétendue polarisation de la lu- mière , sur ce qu'on nomme ses interférences, et sur les cbangemens de couleur qu'elle subit dans certains cas , on voit qu'il ne connaît pas plus que sts devanciers la nature de la lumière, et les causes toutes simples de sa coloration. Mais ce qu'il y a de singulier, c'est que Newton s'était contenté de donner au rayon quatre pôles , et que M. Arago lui en accorde des milliers. Comme je n'ai ni l'es- pace ni le temps d'entrer ici dans de grands détails , parce que ce n'est qu'au moment qu'on allait mettre sous presse mon dernier article, qu'on m'a communiqué cette Notice, je suis obligé de ren- voyer le lecteur à ce que j'ai déjà dit et à ce que je dirai dans la suite au sujet de la lumière; et si on le lit avec attention , on verra que tous ces phénomènes dont on est ébahi , ne proviennent que de la manière dont la clarté parvient sur les lumineuses renfermées dans les pores des corps. Quant aux interférences , qui exigeraient de ma part un long article , elles dépendent du changement de position latérale des lumineuses de l'air , qui communiquent avec le corps éclairé, lequel empêche qu'elles ne soient éclairées par la même file de lumière qu'auparavant , mais seulement par sa voi- sine. Alors la clarté ne pouvant plus se réfléchir se réfracte dans ces lumineuses en prenant une telle direction qu'elle devient comme perdue pour l'observateur , surtout s il y a au delà de ce corps une matière qui l'absorbe. Ainsi l'endroit qui était éclairé par la réflexion ne peut plus l'être. l)i:S PHYSICIENS MODKRKIiS. l3S LIVRE CINQUIEME. DE LA. LUMIÈRE DECOMPOSEE PAR LE PRISME. Réfutation du Système de ISewton sur les Couleurs, V^uoiQCE l'article des couleurs aille nous dé- montrer de plus en plus que les hypothèses de Newton , si préconisées , sont presque toutes en contradiction avec les phénomènes ; cependant je me plais à avouer que ce savant ne doit pas moins être considéré comme un génie du premier ordre, non-seulement à cause des belles expériences dont il a enrichi la physique , qui , sans ses travaux et ses méditations , ne serait pas sans doute si avancée; mais encore à cause de ses autres con- ceptions qui décèlent toujours un esprit très-su- périeur , lors même qu'elles prêtent le flanc à une juste critique. Dans ses notions sur la lumière, Newton ayant d'abord adopté un faux principe, il fallait néces- sairement que son système des couleurs fût erroné. Car regardant la lumière ou la clarté proprement dite , comme un fluide particulier émané des corps sidéraux , il ne pouvait prévoir que cette clarté ne fut qu'une modification ou une des manières d'exister des molécules de la lumière, qui , jusqu'à ce qu'elles communiquent avec un corps éclairé , demeurent invisibles dans les vides i 36 ERREURS DÉVOILÉES OU les pores que les molécules , toujours globu- leuses des autres substances , forment par leur réunion. De ces fausses idées que le géomètre Anglais s'était formées de la lumière, il s'ensuit que les inductions qu'il avait tirées de ses belles expé- riences sur le prisme , sont fausses elles-mêmes. En effet, comme un faisceau de rayons, introduit par un trou dans une chambre obscure , et pas- sant au travers d'un prisme de verre, se partage en plusieurs rayons , et va peindre , sur le mur opposé, une image coloriée qu'on appelle spectre solaire, et dont les couleurs sont distribuées en cet ordre, le rouge, l'orangé, le jaune, le vert, le bleu , l'indigo et le violet , Newton conclut que la lumière ou la clarté n'était qu'un simple mé- lange de rayons hétérogènes ou de différentes espèces, qui se séparaient en traversant le prisme, et qu'on pouvait réduire à sept principales cou- leurs, telles que je viens de les nommer; tandis qu'au contraire, les molécules de lumière, fixes dans les pores des corps diaphanes, forment des files simples et toutes semblables , et ne se colo- rent que suivant la mesure de clarté qu'elles reçoivent et qu'elles transmettent , comme je le dirai bientôt. Les sept rayons colorés qui composent le spec- tre solaire , se déviant plus ou moins en sortant du prisme , c'est-à-dire ayant différens degrés de réfrangibilité depuis le violet qui est le plus ré- frangible jusqu'au rouge qui Test le moins, New- ton prétendit que leur diverse réfrangibilité pro- venait de leur masse inégale, et qu'ainsi les mo- lécules du rayon rouge étant plus grosses que celles du rayon violet , et ayant plus de force à cause de leur masse , ne pouvaient, aussi facile- ment (pip ces dernières , être détournées de leur DES PHYSICIENS MODERNES. 187 route en traversant le prisme; et ainsi des autres rayons à proportion. Mais ce n'est point là certainement la cause de ce phénomène ; puisque , comme je l'ai déjà dé- montré, les molécules de la lumière, étant toutes semblables, n'ont pas plus de masse les unes que les autres. D'ailleurs , si le rayon violet pouvait être plus facilement dévié de son chemin , en traversant le prisme de verre , parce que ses mo- lécules ne sauraient , à cause de leur moiudre volume , vaincre aussi aisément que le rouge l'obstacle qu'opposerait à son trajet ce corps vi- treux, de même, en parcourant le fluide éthéré répandu dans l'espace , il devrait aussi employer plus de temps que les autres rayons à parvenir depuis le soleil jusqu'à nous. Or, puisque cela n'est point admis par lesNewtoniens, qui soutien- nent au contraire que tous les rayons sont animés de laméme vitesse , il n'est pas difficile de s'aper- cevoir que leurs hypothèses se contredisent mu- tuellement. (1) Au lieu de ces molécules de lumière, qui, fixes dans les pores des corps, sont entourées de leur petite atmosphère, Newton croyait que ces pores étaient occupés par différens fluides élastiques (i) Nota. Pour expliquer certains effets de la réfraction , le» Newtoniens prétendent que le rayon de lumière se meut avec plus de vitesse dans un milieu diaphane dense que dans un plus rare. Donc le rayon violet devrait éprouver plus de résistance dans l'éther, milieu rare, que dans le prisme, milieu dense. Or , puisque dans ce milieu rare qui doit résister davantage , le rayon violet n'est pas demeuré en arrière et ne s'est pas écarté des autres rayons, devra-t-il s'en séparer dans un milieu dense , tel que le verre qui lui fera éprouver moins de résistance? C'est ainsi qu'en comparant ensemble les idées newtoniennes, on voit combien elles sont disparates , et incapables de soutenir un examen sérieux. l38 ERREURS DÉVOILÉES qu'il appelle subtils et auxquels il attribue des fonctions diverses. Pour transmettre le rayon ou lumineux ou co- loré , il n'y a dans les corps diaphanes , selon Newton , d'autres molécules que celles qui con- stituent proprement ces substances. Aussi , pour expliquer la transparence , enseigne-t-il que les particules des corps , même de ceux que nous appelons opaques, sont réellement transparentes, sans excepter les substances métalliques blanches que l'action d'un acide peut, suivant lui, atténuer au point de rendre leurs particules perméables à la lumière (i). Mais puisque, selon Newton, la clarté ou la lumière est un vrai fluide qui se dé- place , ces particules des corps doivent donc être toutes criblées de trous ; car autrement comment concevoir qu'un tel fluide puisse s'y frayer un chemin , si elles sont massives et formées d'une seule pièce. Mais alors les fluides subtils qui les environneraient ne devraient-ils pas pénétrer dans ces ouvertures, et fermant le passage au rayon, empêcher qu'aucun corps ne demeurât diaphane? Ce n'est pas seulement le phénomène de la transparence , mais encore ceux de la réfraction et de la réflexion qui avaient obligé Newton , à faire croire en quelque sorte que les molécules propres des corps étaient toutes criblées de pores: car, suivant lui, la disposition d'un rayon à être réfléchi ou réfracté par telle particule d'un corps, dépend à la fois des deux surfaces de cette parti- cule ; mais de manière que la réflexion et la ré- fraction se font près de la seconde surface (i^. Ainsi le fluide lumineux , selon ce savant , pénètre dans la particule (3) ; ce qui est tout-à-fait erroné. (i) Voyez Haùy, N.«" 996 de la 2.« édit. et 11 5:» de la 3*. (a) Ibidem. IS°' 1002 de la inédit., et 11 58 delà 3*. (^3) Ibidem. DES physicie:ss modernes. i39 Mais , dira-t-on, en parlant des particules des corps, Newton ne prétend pas désigner leurs plus petites molécules, mais celles-ci, séparées par de petits interstices et unies à leurs semblables , constituent, selon ce savant, des molécules du second ordre avec des pores plus grands ; ces dernières, à leur tour, composent des molécules du troisième ordre avec de plus grands pores; et ainsi de suite : ce qui , sans doute , est fort bien inventé , ajoutera-t-on. Oui , fort bien inventé ; mais pour ceux qui ne réfléchissent pas, car cet échafaudage de molécules n'a été dressé que pour pouvoir expliquer de quelque manière que ce soit, comment une couleur est réfléchie, pendant que les autres sont transmises. Aussi Newton , suppose-t-il que les molécules qui réfléchissent le rayon rouge sont les plus épaisses , et que celles qui renvoient le rayon violet sont les plus minces. La fausseté de ces suppositions se décèle elle- même. Car , quoiqu'on en dise, si une molécule était capable de donner passage au rayon rouge, supposé le plus gros des rayons, elle le livrerait également à tous les autres, et par conséquent les corps colorés ne devraient paraître que noirs. Enfin , si le rayon violet n'était réfléchi que parce qu'il ne pourrait pénétrer au travers d'une molé- cule, il est évident que les six autres rayons, auxquels Newton attribue plus de masse, ne pourraient de même s'y frayer un chemin, surtout étant réunis. Donc, dans ce dernier cas, nous ne saurions avoir que des corps blancs. Mais pourquoi enfin l'encre paraît-elle noire? C'est que , suivant le système newtonien , les molécules de cette substance sont très-denses et en même temps assez atténuées; i '. On voit par-là (i) Voyez Haùy, Note de la page 265, fom. II de la 2* édit. ,et page 266 de la 3*. l4o ERREURS DEVOILEES que Newton s'imagine que la densité ou la com- pacité des molécules de matière est inégale dans les divers corps naturels ; tandis que ces molécules arrondies, formées d'une seule pièce, sont toutes également denses, également com- pactes; c'est-à-dire que ne pouvant ni s'aplatir, ni se diviser, parce qu'elles ne sont point com- posées de parties , elles résistent avec la même force à toute pression et percussion ; et qu'elles ne diffèrent de celles d'une autre substance , d'abord que par leur épaisseur ou leur diamètre, et ensuite par leurs propriétés physiques et acci- dentelles qui changent suivant les atmosphères dont elles s'entourent, et selon les combinaisons dont elles font partie. D'après cette fausse idée que la densité des molécules doit être inégale, Newton croit que la trituration et d'autres moyens mécaniques font varier l'épaisseur des particules réfléchissantes. Ce que j'ai déjà dit doit avoir démontré que cela était impossible. Mais , dira-t-on , pourquoi les couleurs que broient les peintres perdent-elles un peu de leur vivacité, si les molécules, qui les composent, ne s'amincissent pas? Pourquoi? C'est que les liquides qui servent à les broyer, se mêlant avec ces cou- leurs, affaiblissent nécessairement leur éclat. Newton voulant encore expliquer comment parmi les rayons de lumière qu'il croit hétérogè- nes, telle espèce était transmise, tandis que telle autre était réfléchie par une lame d'une épaisseur déterminée , suppose très-gratuitement qu'il en est des rayons de la lumière à l'égard des différens corps naturels, comme des corps sonores à l'égard de l'air (i); c'est-à-dire que les rayons excitent (i) Nota. J'ai déjà fait voir que ce n'était pas la molécule aérienne, mais la molécule de lumière qui était sonore. T>ES PHYSICIENS BIObERNES. l4f dans les molécules des corps qui les réfractent ou les réfléchissent , certaines vibrations qui se propagent d'une surface à l'autre ; mais de manière que la vitesse de ces vibrations est plus grande que celle des rayons eux-mêmes , en sorte qu'elles prennent , pour ainsi dire , les devans. Or , comme ces vibrations consistent, suivant lui, dans de petits mouvemens qui ont lieu alternativement en sens contraire; si au moment que le rayon arrive près du contact de la surface réfléchissante ou réfringente , le mouvement de vibration dans lequel il se trouve, conspire avec celui du corps, le rayon sera transmis; et si ce mouvement est opposé à celui du corps , le rayon sera repoussé et réfléchi. Telle est , suivant le géomètre Anglais, la manière dont les mouvemens se combinent , que le rayon est tour-à-tour dans la circonstance qui détermine la réflexion, et dans celle d'où naît la réfraction, fi) Ces idées de Newton sont plus que hasardées , ou plutôt elles sont évidemment fausses ; parce que les molécules des corps ne pouvant se com- primer, ne sauraient faire de vibrations. D'ailleurs, si le rayon était tour-à-tour dans la circonstance qui déterminerait la réflexion , et dans celle d'où naîtrait la réfraction , ce rayon parvenant sans interruption sur une surface devrait passer brus- quement de la réfraction à la réflexion , et de celle-ci à la réfraction ; parce qu'il est de toute impossibilité que le mouvement de vibration d'un corps, étant plus rapide que celui des rayons, soit continuellement en harmonie avec la vitesse de ces rayons. Je terminerai ici ces réflexions , quoique j'eusse encore beaucoup à dire. Peut-être trouvera-t-on (i) Voyez HaùyjN"» loao de la a«édit. et j 176 de la 3«. l42 ERREURS DEVOILEES que je me suis trop appesanti sur les fausses in- ductions que Newton a tirées de ses belles expé- riences du prisme ; mais j'ai pensé que lorsqu'il s'agissait d'attaquer un système si accrédité depuis tant d'années et défendu avec chaleur par le plus grand nombre des physiciens , je ne devais pas épargner les observations critiques pour en dé- montrer la fausseté. D'ailleurs , elles serviront comme d'introduction à ce que je vais dire sur la vraie cause des couleurs. De la Coloration des rayons qui passent par un prisme. Pour bien comprendre comment les rayons se colorent et se réfractent en traversant un prisme de verre , il faut se rappeler ce que j'ai déjà dé- montré , que la clarté n'est ni un fluide, ni une matière; mais uniquement une modification ou une façon d'être des molécules de la lumière , lesquelles j'appelle lumineuses; que cette clarté, communiquée à Tune de ces molécules, ne l'éclairé jamais dans toute son étendue; que lorsque cette clarté qui pénètre dans les lumineuses d'un corps diaphane en forme de cylindre, pour ainsi dire, y parvient perpendiculairement, et que sa ligne centrale passe par leur diamètre , elle est trans- mise au-delà sans déviation , en suivant les files que forment ces molécules dans ce corps trans- parent ; que si la direction de ce cylindre lumi- neux est oblique par rapport à la molécule de lumière , et que néanmoins il adhère encore au noyau de cette molécule , alors comme il est réel- lement attiré par ce noyau , il fait un petit mou- vement de conversion pour passer par ce diamètre, et de ce mouvement nait le phénomène de la réfraction ; que si cette clarté ou ce cylindre illuminé n'est plus tangent de ce noyau , il glisse r>ES PHYSICIENS MODERNES. l45 jusqu'à la rencontre de la perpendiculaire, et là il se relève comme s'il en était repoussé , et comme ne pouvant point parcourir la corde tout entière de la lumineuse. En remontant vers le coté opposé , il suit une ligne inclinée semblable à celle qu'il avait parcourue en entrant dans cette molécule ; et c'est de là que procède la réflexion de la lu- mière. Ces principes bien conçus , il ne sera pas difficile de comprendre le mécanisme de la colo- ration et de la diverse réfrangibilhé des rayons; mais il faut encore observer ici que ce qu'on appelle rayon ou faisceau lumineux dans l'expé- rience du prisme, n'est qu'un très-grand nombre de rayons simples , ou de files des molécules de lumière éclairées. Si ces files communiquaient perpendiculairement ou obliquement avec celles d'une masse de verre non prismatique, telle que serait une glace non étamée , la clarté qu'elles transmettraient passerait au-delà ou se réfléchi- rait selon l'incidence sans se décomposer ni se colorer; parce que les lumineuses de ces corps, situées vers le point, soit d'immersion , soit d'émergence , la recevraient tout entière Mais il n'en est pas de même à l égard des files des lumineuses d'un prisme. Celles-ci ne reçoivent qu'une partie plus ou moins grande de la clarté transmise par les lumineuses du milieu élastique. La forme triangulaire du prisme en est la cause ; car les files de ses lumineuses et de ses opaques ne correspondant pas directement à celle des opaques et des lumineuses de l'air, mais les dé- passant plus ou moins, ne forment plus des lignes continues avec ces dernières : de sorte que l'opa- que du fluide élastique couvre en partie la molécule de lumière, qui, dans ce prisme, se trouve au-dessous, et empêche par-là que celle-ci ne reçoive toute la clarté transmise. Il y a donc l44 ERREURS DÉVOILÉES une partie de cette clarté qui est interceptée, et qui étant plus ou moins considérable, est cause que les premières lumineuses du prisme n'étant pas toutes également illuminées se colorent sui- vant le degré de la clarté reçue ; et communiquent, chacune à toute leur file et ensuite à celle du fluide élastique située vers le point d'émergence, les diverses teintes dont elles se sont embellies, fi) Maintenant partageons idéalement en 8 por- tions la largeur de ce cylindre lumineux dont j'ai parlé ou de cette clarté transmise. Si ces 8 portions parvenaient toutes sur la molécule de lumière du prisme , on aurait une couleur blan- che et éclatante , soit par réfraction , soit par réflexion. Si cette molécule de lumière ne reçoit que 7 portions, elle produira la couleur rouge. Enfin 6 portions donneront l'orangé, 5 le jaune, 4 le vert, 3 le bleu , 2 l'indigo, et r le violet ; et il s'ensuit que la file des lumineuses, qui reçoit et transmet cette dernière couleur, doit être né- cessairement moins éclairée que les autres; et que celle qui donne le rouge vif doit l'être le plus, et ainsi des autres , selon qu'elles remontent du violet au rouge. (2) Les franges irisées qu'on aperçoit autour d'un verre de télescope, et même dans les expériences (i) Nota. Les mêmes effets auraient également lieu, quand ce serait par le côté triangulaire ou par les côtés latéraux du prisme que sortirait le rayon , parce que dans ces divers cas , les lumi- neuses de ce corps vitreux ne correspondent pas exactement avec celles du fluide élastique ou à l'entrée ou à la sortie. (2) Quoique le blanc pur provienne de la totalité de la clarté transmise, composée de huit parties, cependant cette même couleur doit résulter de l'union des sept couleurs données par le prisme et reunies au foyer d'une lentille; parce que la réunion de ces sept clartés différentes donne aux lumineuses qu'elle* éclairent , un éclat qui peut s'assimiler à celui résultant de la clarté non décomposée. DES PHYSICIENS MOHERWES. t ^S de la diffraction de la lumière n'ont pour origine, ainsi que d'autres semblables phénomènes, que celte division de la clarté. Ce que je viens de dire et ce que je dirai parla suite, démontre que le rayon simple ou la lumière d'une seule file , n'est point composé de sept principaux rayons, comme le prétend le géomètre Anglais , ni même seulement de trois rayons , ainsi que le soutiennent quelques chimistes modernes. Quoique le rayon solaire introduit dans la chambre obscure se divise en sept principales couleurs en passant par le prisme , on sent bien que ces couleurs ne peuvent pas se succéder entre elles par un passage subit de manière qu'elles soient bien tranchées; mais qu'il doit exister une espèce de gradation dans leurs nuances , et que celle du rayon orangé, parexemple, doit être plus vive du coté du rayon rouge que du côté du rayon jaune. En effet, les files des lumineuses du prisme ne sont pas toutes également recouvertes par les opaques du fluide élastique; elles le sont de plus €n plus dans chaque file, suivant la direction du rayon et la position ou la forme du prisme- Chaque file sera donc de moins en moins éclairée ; ce qui causera nécessairement une certaine dégradation dans la couleur particulière produite par plus d'une file éclairée. Ainsi dans chaque ravon co- loré , la nuance la plus vive dépend du plus grand degré de clarté relative, passant par la lumineuse qui donne la couleur. Ce que j'ai dit des rayons qui pénètrent au travers d'un disque de verre, peut de même avoir lieu lorsque, passant dans tout autre corps dia- phane, ils sont reçus sur une surface inclinée de différente densité; de manière que les files des lumineuses de cette surface , n'ayant pas une com- munication entière avec celles de ces corps, ne JO iq6 ERREURS DÉVOILÉES peuvent recevoir qu'une portion de la clarté transmise. On a découvert depuis Newton que u la quari- » tité de récartement que subissent les rayons » qui traversent un prisme , varie avec la na- w ture des substances fi) » Cela provient, quoi- qu'on ne s'en doute pas encore , de ce que , sui- vant les diverses matières, les opaques dont est composé le prisme, ont un diamètre phis ou moins grand ou sont moins ou plus rapprochées; ce qui dilatera ou rétrécira les pores dans lesquels sont postées les lumineuses , et par conséquent les tiles de celles-ci seront plus ou moins dilatées, et plus ou moins nombreuses dans le même espace. Or, d'après cela on conçoit facilement quel effet doit s'ensuivre à l'égard, soit de l'écarlement, soit de l'intensité des rayons. ]\ote pour l'explication des couleurs données par le prisme. Afin de se former une idée plus nette du phé- nomène des couleurs données par le prisme , il convient de jeter les yeux sur \^&Jig. 7 , 8 et 9. A ^ fig. 7, est la clarté transmise ou le rayon simple, infiniuient délié, et que néanmoins j'ai continué de dilater considérablement pour en rendre l'explication plus sensible. H est divisé en 8 parties. B est une lumineuse sur laquelle par- viennent ces 8 parties. Dans ce cas, ce rayon sim- ple transmis n'est pas décomposé, et il en résulte une couleur blanche, soit qu'il traverse cette lumineuse obliquement ou perpendiculairement, soit qu'il s'y réfracte ou s'y réfléchisse. Lorsque une opaque C , fig- 8, interceptera 3 parties, par exemple, du même rayon, la molécule de lumière (i) Voyez Haiiy, IS°' loai de la a* f'dit. , et 11 77 de la 3*. DES PHYSICIENS MOPERNES. ll^J D sur laquelle parviendra le rayon , ne recevant plus que 5 parties au lieu de 8, transmettra seu- lement la couleur jaune. Si au contraire l'opaque F ,fig. 9, intercepte 7 portions du rayon , la lu- mineuse E n'étant plus éclairée que par une seule partie de ce rayon simple donnera une couleur très-sombre, c'est-à-dire la couleur violette, et ainsi des autres couleurs suivant le degré de la clarté transmise. Nous verrons bientôt que ces rayons ou clartés dont il manque une ou plusieurs parties, n'ayant plus leur ligne du milieu tangente du centre de la lumineuse sont obligés de s'inflé- chir , pour passer par ce centre. Les lumineuses qui se colorent dans l'expérience du prisme ne reçoivent pas toutes un même de- gré de clarté. Preuve. Newton ayant fait l'obscurité dans la chambre destinée à ses expériences, se servit d'un prisme à travers lequel passait un rayon de lumière qui projetait le spectre solaire sur un papier blanc. Les faces antérieures des deux objectifs de, téles- cope qui lui avaient servi pour d'autres expérien- ces, réfléchissaient, comme un miroir, les rayons renvoyés par ce papier (j). Nevston tenant alors son œil immobile, il n'y ava»t qu'une seule cou- letir qui pût parvenir à cet œil. Mais ayant invité quelqu'un à faire tourner le prisme , soit dans un sens , soit dans un autre, autour de son axe , il vit paraître successivement des suites diverse- ment colorées d'anneaux concentriques, de ma- nière que ceux qui se présentaient simultanément étaient tous d'une même couleur. Les anneaux (1) « L'un des deux objectifs, dit M. Haùy, était plan convese, l'autre légèrement convexe des deux côtés, et Newton posa l'une des faces de celui-ci sur la surface plane dn premier. » l48 ERREURS DÉVOILÉES rouges avaient leurs diamètres sensiblement plus grands que les violets ; et Newton dit qu'il avait un plaisir extrême à voir les anneaux passer tour- à-tour par différens degrés de dilatation et de contraction, à mesure que les couleurs se succé- daient. Il résultait de l'ensemble des observa- tions, que le violet était la couleur qui donnait, en général , les plus petits anneaux , et qii'ensuite les diamètres croissaient graduellement dans l'or- dre où s'offraient les autres couleurs (2;. Mais pourquoi cette différence entre les anneaux formés par les divers rayons colorés? C'est que la clarté qui composait la couleur rouge avait plus d'amplilude que celle qui produisait les autres couleurs ; et si cet effet n'a pas lieu à l'égard du spectre solaire où le rouge est la couleur la plus resserrée et le violet la plus étendue, cela pro- vient de la plus grande réfrangibililé de cette der- nière couleur , qui , en sortant du prisme plus obliquement que la rouge , doit s'éparpiller da- vantage ; et en s'étendant ainsi , gagner au-delà de ce qui lui manque en largeur réelle. Voici une autre preuve incontestable que la lumineuse, qui fait naître le rayon rouge , reçoit un plus grand degré de clarté que celles qui don- nent les autres couleurs. Les savans Physiciens Rochon et Leslie, ainsi -que le célèbre astronome Herschell , ont observé que le rayon rouge échauffait plus que le violet, et que la chaleur transmise par chaque rayon allait toujours en augmentant du violet au rouge. Le résultat des expériences de M. Rochon est remarquable ; car ayant exposé urj thermomètre d'air à l'action des différens rayons colorés , il reconnut que le rapport de chaleur entre le rouge (a) Voyez Haiiy, n."»» 986 de la 2." édit, et ii4a de la 3.« DES PflYSICIEIS'S MODEREES. 1 49 le plus clair et le violet le plus intense était à peu près de 8 à I (i). Ce rapport qui doit être réelle- ment de 7 à I , approche plus près du vrai que celui admis par chacun des deux autres physi- ciens , dont l'un le fait beaucoup trop petit , et l'autre beaucoup trop grand ; et l'on voit ici clai- rement que le rayon rouge ne peut être plus ca- lorifique que les autres rayons, que parce que les molécules de lumière qui le fournissent , re- çoivent et transmettent un plus grand degré de clarté : car il est évident que sept parties de cette clarté doit plus échauffer qu'une seule , et ainsi des autres à proportion. Tout de même qu'un charbon allumé de sept pouces de longueur ré- pand plus de chaleur qu'un charbon d'un seul pouce. Les différens rayons sont plus ou moins réfrangi- bles. Pourquoi ? Lorsque la clarté ou le rayon simple parvient perpendiculairement et en totalité sur une molé- cule de lumière , il passe par le diamètre de celle- ci sans éprouver de réfraction , parce que sa ligne centrale correspond , comme on l'a vu , au centre de celte lumineuse ; muis quand une ou plusieurs portions de cette clarté sont soustraites, la ligne centrale du nouveau rayon, qui se forme après cette soustraction , n'aboutira plus à ce centre ; mais elle en sera éloignée. Or , pour qu'elle y passe, il faudra qu'elle se détourne de sa première directior) en s'y infléchissant ; et cette inflexion devra être nécessairement plus considérable dans le rayon violet que dans le rayon rouge ; parce que la distance entre le centre de la lumineuse et le milieu des différens rayons, augmente comme (i) Voyez Haùy, n.«* 1044 de la a.* édit. et 1200 delà 3.» 1 5o ERREURS DÉVOILÉES. , la largeur du rayon diminue. Ainsi ce n'esl pas à cause d'une qualité intrinsèque que le rayon vio- let est le plus réfrangible, comme le croit Newton; mais parce qu'il est obligé de passer par le centre de la lumineuse beaucoup plus obliquement que les autres rayons. En effet , lorsque Fopaque des files du fluide élastique ou du prisme , intercepte sept portions du rayon simple , la huitième partie qui passe par une des lumineuses de ce prisme pour donner la couleur violette, doit être considérée comme l'ex- trémité de ce rayon simple. Or si un point, situé vers cette extrémité , devait passer par le centre de la lumineuse, son inflexion serait plus grande que celle d'un autre point placé, comme le milieu du rayon rouge, près de la ligne centrale du rayon simple. Note pour démontrer la différente réfrangibilité des rayons colorés. On a vu dans la note précédente, etfig. 8 etc), que le rayon se colore suivant le degré de clarté que reçoit la lumineuse sur laquelle parvient le rayon décomfiosé ou plutôt réduit. La fig. lo a pour objet de démontrer comment les rayons différemmeni colorés sont diversement réfrangi- bles. En effet , le rayon simple JB divisé en 8 parues, a son milieu en «, lorsqu'il n'a pas ea- core subi de réduction. Vers /> est le milieu du nouveau rayon qui se forme quand une opaque D a intercepté 3 parties du rnyon simple. Ce nouveau rayon qui se trouve ainsi composé de 5 parties transmises et qui produit la couleur jaune, [voyez fi g. 8), n'a donc plus son milieu en a , fg. lo , mais en h. Or , si de ce milieu on tirait une droite , celte ligne ne pourrait plus passer par le centre de la lumineuse qui doit la DES PHYSICIENS MODERNES. l5l première recevoir le nouveau rayon, mais elle en serait réellement éloignée. Donc , pour qu'elle puisse passer par ce centre, il faut nécessairement qu'elle s infléchisse un peu. Ainsi au lieu de par- venir en e, fig. lo, comme dans le cas où elle n'aurait pas changé sa direction, elle se portera en y, en s'eloiguant de la perpendiculaire. On voit encore, que lorsque le rayon est seulement composé d'une seule portion du rayon primitif, jîg. 9 6"^ lo, ce rayon, qui prend la couleur vio- lette , a sa ligne du milieu c ^ Jîg. lo, plus éloi- gnée que celle du jaune b, du point central de la lumineuse dans laquelle il a pénétré ; et pour qu'il puisse passer par ce point central , il doit s'infléchir beaucoup plus que le rayon jaune , et que tous les autres layons; ce qui 1 écartera davantage de la perpendiculaire, ainsi que le démontre la Jig. lo, où l'on voit que ce rayon violet au lieu de parvenir directement en g , s'est avancé vers h. C'est donc par ce mécanisme bien simple qui est une dépendance de la réfraction ordinaire, telle que je l'ai décrite, que le rayon violet est le plus réfrangible de tous les rayons , et que le rouge l'est le moins , et ainsi des autres rayons à pro- portion. Faux résultat de V expérience rapportée par Pluche en preuve de la bonté du système de JSeivton sur les couleurs. Plcche , qui avait embrassé l'hypothèse de Newton sur les couleurs, quoiqu'il fût opposé en plusietirs points aux différens systèmes de ce géomètre, s'étayait de l'expérience suivante pour essayer d'imprimer le sceau du vrai à cette hypothèse. -Après avoir dirigé un faisceau de lumière sur un des angles d'un prisme triangulaire de verre, l'^T. ERREURS DÉVOILÉES on présente un fil d'archal au-dessus du prisme du côté du rayon rouge qui disparaît dans le châssis sur lequel se peint le spectre coloré. Si l'on porte le fil d'archal un peu plus loin , le rouge paraît sur-le-champ; mais l'orangé ne se montre plus, et l'on voit successivement périr et renaître les couleurs , selon que ce fil d'archal s'avance vers le rayon violet. D'après cette expérience, Pluche prétend que là où ce fil d'archal cache la couleur rouge , il n'y a que des rayons rouges , et que le prisme sert à faire la division des couleurs et à les montrer séparées. Ainsi ce physicien conclut, que « ce ne » sout pas les milieux par où passent les rayons, » qui leur donnent les différentes couleurs, mais » que les milieux et tous les corps reçoivent ces » couleurs des rayons mêmes qui ont tous une » nature propre qui ne change pas. » Le faux de cette conclusion, qui est originaire- ment de Newton et qui a été adoptée par tous les physiciens , peut être facilement démontré par plusieurs expériences, mais la suivante suffira. Sans rien changer à la direction du rayon lumi- neux qui a servi dans l'expérience précédente, faites en sorte qu'il parvienne perpendiculairement sur le sommet d'un autre prisme dont la base soit opposée à un angle d'environ 84 degrés. Ce fais- ceau , eu traversant ce prisme , se partagera en deux grands rayons qui , sortant par sa base , formeront deux images coloriées. Or, dans une de ces images la couleur violette se montrera du coîé même où le fil d'archal interceptait la couletir rouge dans l'expérience précédente; tandis que la partie rouge des deux imnges sortira du milieu du faisceau lumi- neux, précisément là où ce fil éteignait auparavant la couleur verte. Or , tout cela ne devrait pas avoir lieu , si réellement les couleurs existaient DES PHYSICIENS MODERNES. 1 53 telles dans le rayon qui vient directement du soleil. En effet , ou le rayon rouge occupe un des côtés du faisceau lumineux, le vert le milieu, et le violet l'autre extrémité; ou ces divers rayons sont mêlés ensemble dans toutes les parties du faisceau. Dans le premier cas , la couleur rouge et la violette devraient toujours occuper la même place au sortir du prisme , de quelque manière qu'on opposât ce corps prismatique au faisceau lumineux; dans le second, aucune couleur ne devrait être interceptée, mais seulement affaiblie; puisque si de toutes les parties de ce faisceaii il parvenait sur le prisme des rayons rouges , par exemple, le fil d'archal que l'on présenterait vers la droite n'arrêterait point ceux qui viennent du côté gauche. Ainsi cette expérience que Pluche cite comme la preuve de la bonté du système de Newton sur les couleurs en fait voir évidemment tout le faux. La vraie cause du phénomène allégué par Plu- che est bien simple. Quand le fil d'archal se trouve vis-à-vis les molécules de lumière sises dans le verre lesquelles reçoivent sept parties de la clarté transmise, la couleur rouge qui résulte de ces sept parties doit disparaître; puisque ces molécules cessent d'être éclairées. Si l'on porte ce fil ailleurs, ces lumineuses recevant le même degré de clarté qu'auparavant, font reparaître cette couleur rouge. Lorsque ce fil est présenté au-devant des lumi- neuses qu'illumine une seule portion de clarté, la couleur violette que doit donner cette portion cessera de se manifester pour se montrer derechef quand on aura retiré le fil qui couvrait ces lumi- neuses. Ainsi sur quelque prisme que tombe le faisceau lumineux, les couleurs seront tour-à-tour interceptées , suivant qu'un corps quelconque l54 ERREURS DÉVOILÉES interrompra les portions de clarté qui passent par les lumineuses de ce prisme. Donc le rayon simple n'est pas un composé de différens rayons d'une masse inégale et diversement colorés ; comme le prétendent Newton et Pluche , et après eux tous les autres physiciens. Les différens rayons colorés , réunis au foyer cTune lentille , en sortent séparés. Pourquoi ? Si les divers rayons colorés qu'au sortir du prisme on réunit ensemble au foyer d'une lentille, ne peuvent se confondre, et se démêlent au-delà avec leurs nuances particulières; ce n'est point à cause de la prétendue hétérogénéité de la lumière, comme l'enseigne Newton; puisque les files des lumineuses sont toutes de la même espèce; mais c'est parce que ces rayons, en sortant, avec dif- férens degrés d'inflexion , des lumineuses où ils se sont colorés, et pénétrant dans celles qui se troiîvent à ce foyer en conservant toutes leurs modifications, y entrent vers un point qui n est pas le même pour tous; et par conséquent ils sont obligés de suivre , chacun à la sortie , une ligne dont l'inclinaison ovi la direction diffère essentiellement de celle des autres rayons. Et ceci forme une preuve de ce que j'ai déjà dit, que les rayons, soit simples, soit diversement colorés, peuvent passer par une même molécule de lu- mière , sans s'altérer ni s'embarrasser en se croi- sant; parce qu'ils ne sont qu'une modification de la manière d'exister des lumineuses , et non une "vraie matière qui y pénétrerait. Différentes Réflexihilités des rayons colorés. Quelle en est la cause ? Le rayon violet n'est pas seulement le plus ré- frangible , mais il est encore le plus réflexible de DES PnYSICIENS MODERNES. l55 tous les rayons , ainsi que l'a remarqué l'illustre Newton. Cette plus grande réilexibilité ne provient pas, comme il le pense, de ce que les molécules de ce rayon auraient moins de masse, puisque la clarté , désignée par le mot rayon , n'est pas un fluide. Cette propriété d'être plus rétlexible dé- pend de ce que ce rayon , en entrant dans la lumineuse où il se colore, est moins avancé vers le centre du noyau de celle-ci que les autres dif- férens rayons. Dans ce cas il doit s'en séparer plus aisément que le rouge , par exemple , qui en est le plus rapproché. C'est ce qui explique l'expé- rience que Newton a placée la neuvième dans sa première partie du livre premier de son Optique, où l'on voit que le rayon introduit dans la cham- bre obscure, et reçu sur un des petits cotés d'un prisme rectangulaire de manière qu'il fasse avec la hase de ce prisme un angle d'un peu moins de 5o degrés , va , en sortant du milieu de cette base , former une image coloriée sur un châssis blanc élevé au-delà, où toutes les couleurs sont rangées dans l'ordre ordinaire. Tout étant dans cet état , si l'on vient à faire tourner ce prisme sur son axe , de sorte que le rayon incident fasse avec cette même base un angle d'environ ^5 degrés, on verra les rayons violets disparaître les premiers et les rouges les derniers. En effet , comme dans le mouvement exécuté par ce prisme , le noyau des lumineuses change de position par rapport à l'in- cidence des rayons qui les pénètrent , le rayon violet , dont la moindre largeur le rapproche moins du centre de ce noyau , doit aussi se sépa- rer plus vite de celui ci ; et être déjà réfléchi, tandis que les autres rayons seront encore réfrac- tés ; et puisque de tous les rayons colorés , le rouge, comme le plus large, a sa ligne du milieu le plus près du centre de la lumineuse, il n'est l56 ERREURS DÉVOILÉES pas étonnant qu'il se sépare le plus tard de son noyau ; puisque pour arriver au-delà , il a une plus grande distance à parcourir ; car on doit se rappeler qu'un rayon ne se réfléchit dans la lumi- neuse que lorsqu'il n'est plus tangent de son noyau. Marche des rayons colorés sollicités par deux forces opposées à angles droits. N'est-il pas singulier qu'un simple observateur soit obligé de faire connaître aux physiciens géo- mètres un nouveau mouvement composé dont ils ne se sont jamais douté , malgré tous les secours qu'ils prétendent tirer de leur science sublime? Ce nouveau mouvement composé est produit par une expérience du prisme, faite par Newton, qui au lieu de la montrer comme un nouvel exemple de la décomposition des forces, s'en est servi au contraire pour faire prévaloir la fausse hypothèse de 1 hétérogénéité de la lumière. Ce géomètre après avoir fait passer au travers d'un prisme un faisceau de lumière pour former sur la muraille opposée le spectre solaire dans une situation verticale, présenta au rayon réfracté un autre prisme à quelque distance du premier, mais situé en sens contraire ; c'est-à-dire que son axe faisait un angle droit avec l'axe de celui-ci ; et le spectre , au lieu de prendre une position latérale, comme il semble qu'il aurait dû faire, en prit une inclinée. Or , disait Newton , si les couleurs du rayon solaire et leurs différentes ré- frangibilités n'étaient causées que par une modi- fication de la lumière , produite par le prisme, le second devrait faire en largeur ce que le premier a tait en longueur , d'où devrait résulter une image carrée , au lieu d'être oblongue et incli- née ; donc ces couleurs et leur divers degrés de DES PHYSICIENS MODERNES. 1 5'] l^frangibilité appartiennent inséparablement aux rayons qui les portent. Ce raisonnement est certainement erroné et indigne d'un grand géomètre ; cax d'abord , le second prisme peu éloigné du premier ne reçoit point le spectre entièrement dilaté ; les rayons colorés qui le forment n'y arrivent qu'avec une faible obliquité, ils ne peuvent donc pas conti- nuer leur première route, puisque la position de ce prisme n'est pas celle qui serait nécessaire pour leur faire prendre la situation verticale. Us ne sauraient même avoir la latérale , parce que leur première obliquité s'y oppose. Que feront - ils donc, sollicités par deux forces dont l'une est per- pendiculaire et l'autre horizontale ? Certes ils fe- ront comme tous les corps poussés par deux sem- blables forces ; ils suivront la diagonale , et par là l'image colorée paraîtra inclinée. A quoi aboutissent maintenant tous les raison- nemens des physiciens qui ont répété à l'envi et l'expérience et les faux argumens du géomètre anglais? A prouver qu'ils ne faisaient pas toujours usage d'une saine critique. Explication de quelques expériences du prisme , desquelles il n'a pas encoïc été fait mention. D'après ce que j'ai dit jusqu'ici, il est presque superflu de parler des autres expériences qu'on a faites avec le prisme ; cependant j'en citerai en- core quelques-unes pour ne rien laisser à désirer. « Si l'on fait tomber obliquement les rayons » solaires sur la fdce intérieure d'un prisme , les » rayons violets se réfléchiront et les rouges se- » roiit transmis. » (i) De même si les rayons réfractés par un prisme (i) Voyez Brisson, Dict. de phys., tome a, p. 3ii, a.* édit. l58 ERREURS DÉVOILÉES tombent successivement sur un second situé à une très -grande distance du premier avec une même obliquité ; le second prisme peut être telle- ment incliné aux rayons incidens, qu'il réfléchisse tous les rayons bleus et donne passage à ceux qui sont rouges, (i) De même encore , si les rayons rouges et bleus tombent successivement sur deux verres , dont l'un soit plane, et l'autre un peu convexe, et que divise naturellement une lame d'air; ces verres ^ et non la lame d'air^ comme le prétend Newton et même ses disciples , réfléchiront dans la même partie tous les rayons d'une même couleur, et livreront passage à ceux d'une couleur diffé- rente. (2) L'explication de ces trois expériences est la même, car elles dépendent de la différente lar- geur des rayons quand ils se sont colorés dans le milieu réfringent. En effet , l'obliquité avec la- quelle ils pénétrent dans la partie supérieure des lumineuses du corps vitreiix où ils se réfractent et puis se réfléchissent en dernier lieu, écarte leur ligne centrale du point central de ces lumineuses, comme on peut le voir par la y?g. 1 1 , et par la note qui sert à l'expliquer. Voyez la Note à la fin de cet article. Or , puisque les rayons colorés en rouge sont les plus larges, ils doivent encore tenir à ce point central, tandis que les rayons bleus ou violets plus étroits en soFit séparés ; donc d'après ce que j'ai dit précédemment , ceux-ci doivent se réfléchir, et les rayons rouges passer au-delà. Voici trois autres expériences qui se rapportent seulement à la réfraction. (i) Brisson , ibid. lom. 5, page :iHc); et Libes , traité élém. de physiq tom. 3. pap. 57. (2) Brisson , ibid.; et Libes, ibid. p. 58, a.* édit. , lesquels ont adopté l'opinion de Newton. DES PHTSICIENS MODERNES. 1 5g « Si deux prismes sont placés de manière que » le rouge de l'un et le violet de l'autre tombent » sur un même papier , l'image paraîtra pâle et » unique; mais si on la regarde au travers d'un » troisième prisme, en tenant l'œil à une distance » convenable, elle paraîtra double, l'une rouge, » l'autre violette. » (i) Ayant pris une bande de carton de i doigts de largeur et de 5 à 6 de longueur, divisez-la en deux moitiés par une ligne parallèle à ses deux petits côtés , et teignez une moitié en bleu , l'autre en rouge. Placez ensute ce carton devant une fenêtre de sorte que ses deux grands côtés soient paral- lèles à l'horizon, et que la ligne qui le divise soit perpendiculaire au plan de la fenêtre. Si vous regardez ce carton à travers l'angle d'un prisme, vous verrez la partie bleue comme séparée de la rouge , et celle-ci vous paraîtra moins éloignée de votre œil que celle-là. (2) Si l'on enveloppe le même carton plusieurs fois suivant sa longueur avec un gros fil noir qui forme des lignes parallèles entre elles, et qu'on mette au devant pendant la nuit une grosse chandelle allumée , en élevant verticalement à environ deux mètres de distance une lentille de verre de deux mètres de foyer ou à peu près , l'on, éprouvera que pour avoir, sur un papier blanc, une image distincte de la partie teinte en rouge, il faudra porter ce papier un peu plus loin que pour avoir une image distincte de la partie teinte en bleu. (3) S'il ne fallait croire que ce que nos yeux nous montrent, nous jugerions qu'un faisceau de rayons (i) Voy. Brisson , pag. 3 j i et 3 12 du tome II. (*) Voy. Paulian et Haiiy. (3) Voy. Paulian , art. Couleurs. l6o ERREURS DÉVOILÉES d'une même couleur, des bleus, par exemple, parvenu sur une surface blanche , couvre tout autant les molécules de cette surface qu'une même quantité de rayons rouges; mais dans la réalité cela n'arrive pas ainsi. Chaque molécule de cette surface reçoit une clarté moins étendue avec le rayon bleu qu'avec le rouge. Si ensuite ces diffé- rens rayons sont réfléchis sur un corps réfringent, les bleus éclaireront une moindre partie de cha- cune des lumineuses de ce dernier corps, que les rouges. De là si leur incidence est oblique , le rayon rouge plus large que le bleu ou le violet aura bien , par exemple, sa partie droite extérieure, aussi éloignée que celle de ces derniers du point central de la lumineuse par où il doit passer ; mais sa partie du milieu eu sera plus rapprochée. Donc il faudra qu'elle s'infléchisse moins pour le traverser que celle des rayons bleus ou violets , qui seront contraints à s'infléchir davantage pour passer par ceméme point central. Cette plusgrande inflexion sera cause que dans les deux premières de ces dernières expériences, la couleur bleue ou violette paraîtra détachée de la rouge et plus éloi- gnée , et qu'enfin dans la dernière expérience, la couleur bleue sera plus réfractée que la rouge , et croisera plus près que celle-ci la perpendicu- laire, parce que sa sortie de la lentille sera plus oblique. Note pour V explication des fig. 1 1 , 12 e^ i3. a^fîg. II et 12 , est le milieu du rayon violet qui pénètre avec une grande obliquité , soit en deçà, 5oit au delà du centre de la lumineuse c d'un prisme, et dont le bord ne touche point au noyau ^i'de cette lumineuse. D'après ce qu'on a déjà vu, ce rayon ne peut pas être attiré par ce noyau , puisqu'il n'en est pas tangent : il ne saurait donc DES PHYSICIENS MODERNES. l6l s'infléchir; et comme il ne peut point traverser obliquement celte lumineuse , il faut qu'arrivé vers ^ , il se relève et remonte vers le côté e op- posé à sa première direction. Ce que je viens de dire des rayons violets s'applique également aux rayons bleus et même à tous les autres dans le cas où l'un de leurs cotés latéraux ne toucherait point le noyau de la lumineuse dans laquelle ils seraient entrés fort obliquement. Mais si le milieu des rayons rouges , par exem- ple , comme plus larges, est en f au lieu d'être en a , fi^. 1 1 et ji , ces rayons seront attirés par le centre de la lumineuse , puisqu'un de leurs côtés adhère à son noyau , et bien loin d'être ré- fléchis , comme les violets et les bleus qui sont en dehors , ils se réfracteront et passeront au-delà du prisme pour aller vers g, suivant le mode de leur inclinaison. On voit donc que la réfraction et la réflexion dépendent et de la largeur plus ou moins grande des rayons s'ils sont colorés , et de leur moindre ou plus grande obliquité. ^FB , Jîg: 1 3 , représente le carton peint en rouge et en bleu de l'expérience de Newton. FB est la partie teinte en bleu, et ^F celle teinte en rouge. ^C est la partie centrale de la clarté ou du rayon rouge qui pénètre dans la lumineuse E. oC serait de même la ligne centrale de la clarté ou du rayon bleu , s'il était aussi large que le rouge; mais sa largeur étant moindre, cette ligne centrale ne peut plusèlreque vers5. Donc le rayon bleu en entrant dans la lumineuse H ne saurait adhérer au point central du noyau D de cette lumineuse que par un de ses bords latéraux , et lion par sa ligne du milieu ; il faut donc qu'il se détourne pour passer par ce point central, et au lieu de suivre la ligne BHC , il suit celle inl. Tous les rayons bleus se détournant de même , I I l62 ERREURS DÉVOILÉES mais moins cependant selon qu'ils sont plus près de la perpendiculaire FC , couperont plus tôt cette perpendiculaire, et par conséquent se réu- niront plus tôt que les rayons rouges de la partie y4F. Ou voit également par quel effet la partie teinte en bleu doit paraître en K plus éloignée de la perpendiculaire que celle teinte en rouge, parce que la partie de la ligne iK est la prolon- gation naturelle de celle Ini. Ces àermeras Jîgures et les précédentes me pa- raissent suffisantes pour rendre raison de toutes les expériences que 1 on peut faire sur les couleurs avec un corps réfringent ; car tout dépend de la quantité de clarté que reçoivent les lumineuses qui font naître le phénomène. De la Diffraction de la Lumière. Le Père Grimaldi observa le premier que les corps exposés à un petit rayon de lumière intro duit dans une chambre obscure , avaient leur ombre beaucoup plus large que dans le cas où ce même ravon aurait été raser leurs extrémités: >/ " c'est ce qu'on appelle diffraction de la lumière. Depuis on a observé qu'à côté de cette ombre paraissent diverses couleurs très-semblables à celles que donne le prisme. Les physiciens avouent qne la cause de la dif- fraction n'est pas bien connue (i); mais le Père Grimaldi avait fort bien entrevu qu'elle se faisait, cette diffraction , sans l'intermédiaire d'aucun nouveau milieu ; c'est-à-dire que l'augmentation de l'ombre était due à la réfraction de l'air voisin des corps exposés au rayon lumineux. Newton n'a pas été de ce sentiment. La manière fausse dont il expliquait la lumière s'y opposait. En (i) Voyz Rrisson, Dicf. do Fhysiqne, 9iV\\c\c Diffraction. DES PHYSICIEÎfS MODERNES. 1 63 effet , après avoir prétendu qu'elle ne se réfrac- tait ou se réfléchissait dans les corps réfringens , que parce que ceux ci , par leur plus grande densité , surmontaient Faltraction qu'exercerait sur elle notre fluide atmosphérique, il ne pouvait admettre , sans ruiner son hypothèse , qu'un rayon tangent d'un corps quelconque se réfléchît dans lair , au lieu d'être attiré par ce corps, toujours plus dense que ce fluide. Aussi crut-il , selon Brisson , devoir exclure ahsolument de la diffrac- tion , la réfraction de l'air, sans cependant y rien mettre à sa place; se contentant seulement (^i) de faire dépendre en général ce phénomène de la même cause qui produisant , suivant lui , la ré- fraction et la réflexion ordinaire; mais sans s'ex- pliquer davantage ; quoique le phénomène de la diffraction eût une marche tout opposée à celle de ces derniers. Les franges coloriées qui accompagnent les ombres des corps dans le phénomène de la dif- fraction devaient gêner encore davantage le savant Anglais. Car, si les rayons ne sont pas homogè- nes , mais de diverse nature, et que le prisme ne serve qu'à les séparer et non à les colorer, quel sera dans l'air le corps prismatique chargé d'en faire la séparation ? Or , il suffit qu'il y ait des cas où les rayons paraissent colorés sans qu'il y ait un corps qui en fasse la séparation , pour devoir conclure que le prisme aussi ne les sépare point; mais les colore seulement. La vraie cause de la diffraction est la même que celle que j'ai indiquée pour la réfraction ; avec cette différence que ce sont les lumineuses de l'air qui se trouvent déplacées par les opaques des corps qu'on oppose au filet de lumière. (i) Voyez Brisson, article Diffraction. ï64 ERREURS DJÎVOILÉES Dans une masse d'air libre , les lumineuses forment des files droites qui transmettent la lu- mière sans la dévier. Mais si on admet dans cet air un corps dense, surtout convexe, tel qu'ua cheveu ou un fil de métal , les opaques de ce corps repousseront , vers ses cotés latéraux , les lumi- neuses qui en sont voisines. Le petit rayon dont les parties latérales devraient raser ce corps, aura donc ses files détournées de chaque côté ;€t comme l'ombre d'un corps est l'espace compris entre deux files illuminées , cet espace sera d'autant plus grand qu'elles se trouveront plus écartées. Si cet écart n'empêche pas les lumineuses dé- rangées de recevoir toute la clarté transmise , la lumière se réfractera à la manière ordinaire, mais sanssecolorer. Sicetécart est tel quecelteclartésoit soustraite en partie, alors ces mêmes lumineuses se coloreront suivant le degré de clarté qu'elles auront reçu , comme nous l'avons dit de l'image colorée donnée par le prisme; mais ces couleurs se montreront dans un autre ordre; c'est à-dire qu'à partir de l'ombre on verra les couleurs sui- vantes : violet, indigo, bleu pâle, vert, jaune, et rouge (i ) ; parce que le milieu qui les fait naître n'a pas la même disposition que ce corps vitreux. Lorsque la lumineuse qui touche au corps exposé au rayon est repoussée, elle repousse à son tour et dans le même sens latéral celle qui la précède; celle ci en fait de même à l'égard de sa voisine, et ainsi de l'une à l'autre jusqu'à ce que l'effet de la répidsion soit anéanti. Car tout choc transrais à des corps élastiques, comme le sont les molécules de lumière , perdant peu à peu de son énergie, n'est bientôt plus sensible. Or, celle de ces lumineuses, qui ressent le premier et le (l) Voyez Brisson , article Diffraction, DES PHYSICIENS MODERNES. 1 65 plus grand effet delà répulsion , nepouvant ,à cause de son écart ou de sa position latérale, recevoir que la septième partie de la clarté communiquée, se colore en violet ; la suivante moins écartée que celte dernière donnera la couleur indigo ; celle qui vient après, la bleue; et ainsi de suite jusqu'à celle qui éprouvant la moindre répulsion, se co- lorera en rouge , parce qu'elle recevra sept por- tions de cette clarté. S'il y a d'autres séries de couleurs, telles que le bleu, le jaune, et le rouge qui forment des franges coloriées après celle dont je viens de parler, c'est que les lumineuses latérales qui au- raient dû produire le violet et l'indigo, se trou- vant moins écartées par l'arrangement des opaques repoussantes, ont pris une telle position qu'il ne leur a pas été possible de transmettre les rayons colorés mauquans, mais de les réfléchir sur eux- mêmes ; et c'est ce qui arrive aussi aux rayons verts et orangés. On doit en dire autant à l'égard de la couleur orangée qu'on ne voit point dans la première série. Or, la clarté ne paraîtra pas là où les rayons ne seront pas transmis , et voilà l'origine des ombres qui accompagnent les franges coloriées. Si les lumineuses de l'air étaient tangentes d'un corps dense transpirent tel qu'un tube de verre très-délié, rempli de mercure, les couleurs se montreraient dans un sens itiverse du précédent, parce que ce corps ferait l'office d'un vrai prisme; et c'est ce qui explique l'expérience faite par Brisson avec un pareil tube, (i) La répulsion successive dont je viens de parler et qui a lieu dans les lumineuses de l'air, se fait égalementsentir, maisperpeudiculairement , dans (i) Voyez son Dict. de Physique, article Diffraction. l6G ERREURS DEVOILtES la réfraction ordinaire ; cependant je n'en ai point fait mention, pour réduire le phénomène au cas le plus simple , afin qu'on pût mieux en concevoir rexplication ; d'ailleurs , cela n'apporte aucun changement dans la réfraction produite par le prisme, et n'influe point dans le phénomène des couleurs données par ce corps réfringent. Lorsque le corps exposé au rayon de lumière est , par sa figure , son volume ou sa matière , dans le cas de se former une véritable atmosphère au milieu de Fair, quoiqu'elle puisse être pour nous insensible , lerayon se rapproche de ce corps, comme l'ont remarqué Newton et plusieurs autres physiciens ; et c'est ce qu'on doit appeler pro- prement inflexion. On sent bien que le convexe réel que forme cette atmosphère est la cause de cette inflexion. Avant de finir cet article , il faut que je re- lève une singulière idée de Newton , qui, à l'oc- casion du phénomène qui nous occupe , a dit qu'il ne voulait pas entrer dans la discussion , si les rayons de lumière sont corporels ou ne le sont pas : De natura radiorum , utrum sint corpora nec ne, nihil omnino clisputans{\). Mais puisque ce savant ne pouvait assurer que les rayons fussent corporels , pourq»ioi a-t-il avancé que chaque rayon de lumière était composé de sept princi- paux rayons, différens en masse et en vitesse, et que ces rayons séparés ou réunis en un seul , étaient plus attirés par une substance dense que par une plus rare. Car tout cela ne peut convenir qu'à des corps. Or, l'on voit de plus en plus que les idées de Newton sur la lumière étaient fort obscures, et qu'il s'en fallait bien qu'il la connût ( I ) Voyez BrissoD , article DiJJraction. DES PHYSICIEAS MODEREES. 1G7 tout autant que l'esprit humain , quoique très- borné , peut la connaître. Nous avons vu que Fourcroy et Euler regar- daient comme défectueuse l'hypothèse de Newton sur la lumière. D autres physiciens, en réfléchis- sant sur le phénomène delà diffraction , ont trouvé que ce phénomène fournissait de si puissans ar- gumens contre cette hypothèse , qu'il fallait en revenir à l'opinion de Descartes (i); mais tous n'ont pas été de ce sentiment; car on a encore supposé, tant on aime les suppositions, que les molécules de la lumière ont non-seulement un mouvement de translation, mais encore un mou- vement de rotion uniforme comme le premier, et que chacune de ces molécules a deux pôles , dont l'un attire les corps et en est attiré, tandis que l'autre les repousse et en est repoussé li). D'après ce qu'on a déjà vu , on doit reconnaître que ces idées hypothétiques copiées de Newton sont absolument fausses , puisque la lumière ne voyage pas. Enfin , le plus grand nombre des physiciens d'aujourd'hui, selon M. Haùy(3), semblent avoir adopté le sentiment de l'illustre et savant M. Fresnel, qui en revient à l'hypothèse des ondu- lations de la lumière , émise par Huyghens , mais ce que j'ai déjà dit au sujet de ces prétendues ondulations prouve que son opinion est anti- physique , quoique le Mémoire où il expose cette opinion ait été couronné par l'académie des scrences. (i) Voyez Bibliothèque nniverselle, cahier de décembre 182g. (2) Voyez Libes, tom. III, page 419. (3) Traité élém. de Phys. 3« édit. ?{*' i386 et suivans. T(38 ERIlEUns DÉVOILÉES Des Couleurs considérées dans les corps. Ce que j'ai dit du prisme doit s'appliquer aux corps naturels colorés , mais avec cette différence, que les couleurs données par le prisme le sont d'abord par réfraction; tandis que celles qu'on aperçoit dans les corps colorés proviennent de la réflexion. x\insi c'est encore la molécule de lumière éclairée et dont la clarté n'a pas été toute absor- bée, qui se colore suivant la partie réfléchie. La partie qui n'est pas réfléchie est absolument per- due pour l'œil de l'observateur, et si elle se mon- tre dans des circonstances très-rares, ce n'est que par une espèce de réfraction. Pour mieux comprendre le mécanisme des corps colorés dont on n'a donné jusqu'ici que de fausses explications, il faut se rappeler que toutes \e^ molécules de matière ont une petite atmo- sphère composée de particules globuleuses d'un diamètre beaucoup moindre que celui de ces molécules. Or, formons par la pensée un tissu composé de ces petits globules, lequel sera comme la couche extérieure de l'atmosphère de l'opaque. Ce tissu aura nécessairement des vides et du plein. Puisque l'atmosphère de toutes les bases a plus d'une couche , mettons sous ce premier tissu , d'autres tissus semblables, mais de manière que les globules qui les composent, laissent à décou- vert les vides du preirt|er. Il est aisé de voir que si une molécule deîuniière, éclairée de quelque manière que ce soit, est vis-à-vis d'un de ces vides , sa partie éclairée ne pourra point être réfléchie comme si elle était au-dessus d'un cor- puscule atmosphérique ; mais elle sera absorbée en totalité et se perdra dans la concavité de la petite atmosphère. Ainsi le corps paraîtra noir. Si nous plaçons à présent les corpuscules du DES PHYSICIENS MODERNES. l6() second tissu vis-à-vis les vides du premier , la clarté transmise sera toute réfléchie par ces cor- puscules sans subir aucune modification. De là la blancheur de l'opaque et par conséquent des corps. Actuellement partageons, par la pensée, la partie éclairée de la lumineuse en 8 portions égales. L'absorption de ces 8 portions produit le noir, et leur réflexion totale donne la couleur blanche; nous venons de le montrer : mais si les corpus- cules du second tissu , au lieu de remplir exacte- ment les vides du premier, en bouchent seule- Tiient la plus grande partie , en réfléchissant cha- cun 7 portions de la clarté transmise, nous aurons la couleur rouge. Ensuite 6 portions réfléchies nous donneront l'orangé, 5 le jaune, 4 le vert, 3 le bleu, i l'indigo, et i le violet. Ainsi un corps ne paraît de cette dernière cou- leur que parce que les atmosphères de ses opaques réfléchissent une des moindres portions du rayon transmis , et non parce que ses molécules seraient plus minces, comme le croit Newton. Mais ces corpuscules atmosphériques , dont je viens de parler , s'avanceront-ils toujours juste- ment pour réfléchir ni plus ni moins ces portions? Non. il y aura des cas où celles-ci seront accom- pagnées de parties fractionnaires, ce qui donnera différentes nuances des couleurs principales. En effet, la partie éclairée des lumineuses n'a d'abord été interceptée que dans un seul de ses côtés. Maintenant, que deux corpuscules du second tissu s'avancent l'un vers l'autre pour boucher les vides laissés par le premier: dans ce cas, la clarté que transmet la molécule de lumière sera alors réflé- chie des deux côtés à la fois. Elle pourra même l'être plus d'un côté que d'un autre. Cette diver- sité de réflexion donnera à la lumineuse diverses couleurs qui ne seront pas les mêmes qu'aupara- TjO EllREURS DLVOILÉES vant , puisque la division du rayon ne s'opère pas de la même manière. Ce seront encore ici des couleurs principales qui auront quelque ana- logie avec celle du prisme, mais dont le ton sera plus sombre et moins tranchant. Par exemple , 6 portions réfléchies produisent l'orangé , mais la couleur ne sera pas tout-à-fait la même , si ces portions sont réfléchies seulement 4 d'un côté et 2 d'un autre. On doit dire la même chose des autres manières d'intercepter la clarté de cette molécule de lumière. La couleur blanche sera de même plus ou moins éclatante, selon que les vides du premier tissu seront bouchés par les deux corpuscules que nous venons de faire avancer l'un vers Tautre ; mais elle ne sera jamais aussi vive que si elle était produite par la réflexion d'un seul corpuscule ; parce que deux corps globuleux joints ensemble laissent toujours quelque vide qui doit diminuer l'éclat de la blancheur , et puis la changer en gris , si ces deux corpuscules ne s'unissent pas bien ensemble. Enfin, à ces deux corpuscules du second tissu qui, n'étant pas tout-à-fait rapprochés, ne réflé- chiront qu'une partie de la clarté et laisseront passer l'autre , joignons un ou deux corpuscules de la troisième couche , et faisons-les avancer de sorte qu'ils coupent à angle droit la marche des deux autres. La réflexion de cette partie de lumière qui n'avait pas été réfléchie par le second tissu , fera naître un grand nombre de couleurs qu'on pourra appeler secondaires, et qui seront cepen- dant tout aussi simples que les premières. Quoi- que dans les arts ces couleurs secondaires soient souvent l'effet d un mélange, elles peuvent cepen- dant sortir simples de la molécule de lumière, comme le démontrent les nuages de la zone tor- DES PHYSICIEIVS MODERNES. I7! ride , qui sont fréquemment embellis de mille couleurs vers le soir d un beau jour; sans qu'on puisse soupçonner que la main d'un artiste habile les ait nuancés. Lorsqu'un rayon solaire parvient entier sur une surface et qu'il se réfléchit obliquement ou per- pendiculairement dans les lumineuses, comme je l'ai dit à l'article Réflexion , ce rayon fortement illuminé fait pâlir les couleurs des corps ; parce que ces couleurs ne provenant que d un rayon réduit , ne peuvent être aussi brillantes que la clarté directe du soleil , non décomposée; et que d'ailleurs une forte lumière efface toujours celle qui est moindre. Voilà pourquoi les corps colorés et même l'encre paraissent changer de couleur là où ils sont éclairés par un filet de lumière. Il est presque inutile de dire que les opaques des corps sont non-seulement colorées au moyen de leurs atmosphères par les files des lumineuses qui y sont perpendiculaires ; mais encore par cel- les qui y parviennent obliquement. La disposition de la surface de ces corps facilite ce mécanisme. Car toutes, sans excepter même celles qui sont le plus polies, ont des aspérités qui existent réelle- ment, quoique insensibles à la simple vue. Or, une ou plusieurs portions de la clarté transmise par les files des lumineuses obliques à cette sur- face, étant interceptées par les parties latérales de l'atmosphère de l'opaque, ainsi que cela a lieu vers le sommet , il s'ensuit que la lumineuse se colore suivant le degré de cette clarté non-inter- ceptée, mais réfléchie ; et qu'elle laisse ainsi aper- cevoir la même couleur soit qu'on regarde le corps d'une manière oblique ou perpendiculaire. Quant aux corps qui font voir , dans ces deux positions, des couleurs changeantes, ils ne possè- dent cette propriété que parce que leurs globules l'JI ERREURS DEVOILEES atmosphériques ne sont point tous rangés dan» le même ordre. Mais quelle sera la cause des reflets irisés pro- duits par différens minéraux et des couleurs chan- geantes qui parent si agréablement le plumage de certains oiseaux? Le paon, ce bel ornement de la nature , charme d'abord nos regards par l'éclat varié de mille couleurs ; mais comme s'il voulait satisfaire notre curiosité avide , il fait successive- ment parvenir vers nous plusieurs jets de reflets qui éblouissent nos yeux étonnés , et qui se diver- sifient de toutes les manières par la seule mobilité de cet habitant de l'air. La cause de ces magnifi- ques couleurs si variées et si mobiles , réside dans les petites atmosphères qui n'ont pas toutes la même configuration dans chaque plume et dans les barbes de chaque plume. Or cette variété dans la forme des atmosphères des opaques doit pro- duire une grande diversité dans les couleurs. Il faut en dire autartt des autres corps diversement colorés, dont les couches atmosphériques ne sont pas disposées d'une manière uniforme autour de toutes les opaques. Les principes que nous venons d'exposer expli- quent facilement pourquoi certaines liqueurs qui n'avaient aucune couleur sensible, se colorent en se mêlant ; et pourquoi une liqueur qui avait déjà une couleur propre, en prend une toute différente par un semblable mélange. Ce n'est pas comme le prétend Newton , parce que les molécules des deux liquides ont formé, par leur réunion , des molécules plus grosses ou plus petites ; les bases sont toujours les mêmes : mais c'est parce que ces substances ont fait , en se réunissant , un écbange partiel de leurs atmosphères ; ce qui en a changé la nature et la configuration. Cela a encore lieu par rapport aux couleurs bleues végétales soumi- DES PUYSICIBNS MODERNKS. I 73 ses aux acides et aux alcalis. Ce changement acci- dentel arrive aussi dans les atmosphères de plu- sieurs autres corps. Par exemple, l'acier soumis à l'action du feu prend successivement diverses couleurs ; l'oxide d'or n'a pas la même couleur que l'or dans son état ordiuaire : l'union de ce métal avec l'argent donne une couleur verte dif- férente de la couleur de ces deux métaux. Est-ce que les bases ont changé de forme ou de dimen- sion? Non, c'est que leurs atmosphères ont subi des altérations qui ont modifié la manière de ré- fléchir les rayons. Ce que je viens de dire de la réflexion opérée par les particules atmosphériques, explique pour- quoi les corps blancs réfléchissent la lumière avec tant de force, et pourquoi aussi ils sont si peu susceptibles de s'enflammer au foyer d'un verre de lunette exposé aux rayons du soleil ; tandis que les noirs s'y allument si facilement. A l'égard de ceux-ci, la lumière qui a pénétré jusqu'aux bases , les détermine à changer d'atmosphère, au lieu qu'il n'en est pas de même des corps blancs. Car les vides de la première couche atmosphéri- que étant bouchés par les particules des couches inférieures , les bases sont cachées sous leur atmo- sphère, comme sous un couvert impénétrable qui les met à l'abri de l'impression de cette lumière. Ainsi , plus les petites atmosphères absorberont de parties de la clarté transmise, c'est-à-dire, plus les corps approcheront de la couleur noire , plus ils seront inflammables; pourvu toutefois que les atmosphères soient igciigénées ; et par une consé- quence nécessaire, la lumière échauffera plus les corps noirs que les blancs. Ce que nous avons observé à l'égard des cou- leurs principales que nous présentent les corps colorés, doit s'appliquer également aux couleurs I 74 ERREURS DÉVOILÉES de la flamme qui, comme nous l'avons déjà vu , se colore suivant le nombre des lumineuses qui viennent se joindre à celle qui doit former le noyau. Ainsi cette dernière molécule paraîtra d'un blanc éclatant quand les lumineuses qui s'y join- dront, l'environnant de tous côtés, n'en forme- ront qu'un seul globule. Mais comme ce globule peut être plus ou moins régulier, il s'ensuit que l'éclat qu'il répandra sera plus ou moins parfait. Aussi la flamme d'une substance qui brûle dans le gaz oxigène, est elle bien plus blanche et plus vive que la flamme ordinaire; parce que, dans le premier cas, l'ignigène afflue vers les lumineuses en plus grande quantité que dans le second. Quant aux diverses teintes dont la flamme se colore très-souvent , elles dépendent de ce que l'agrégation des lumineuses y est moins exacte que dans le blanc ordinaire , et elle l'est encore beaucoup moins dans la couleur violette que dans la rouge, et ainsi des autres teintes, à proportion qu'elles s'éloignent de cette dernière couleur. Considérations sur Vhjpothèse de Newton relative aux corps colorés. Comment est-ce que Newton a expliqué le phé- nomène des corps colorés? D'une manière encore plus fausse que tous les autres phénomènes de la lumière. Ce savant considère les surfaces des corps comme formées d'une infinité de petites lames très-minces et transparentes ; ce qui le con- duit à conclure que la couleur des corps naturels dépend de l'épaisseur et de la densité des lames qui les composent, (i) L'illustre Berthollet a attaqué par plusieurs expériences la généralité de cette conclusion ; (i) Voyot Libes, Traité élém. de phys. torn. 3. p. i38. DES PHYSICIENS MODEH?iF.S. J 7D mais il aurait pu certainement s'élever contre tout le système que le savant anglais a émis sur la lumière. Voici une des expériences du chimiste français. Il étendit une dissolution dindigo dans une grande quantité d'eau, et il jugea que si les couleurs des corps dépendaient toujours de l'é- paisseur et de la de/isité des lames dont ils seraient formés, cette dissolution devrait prendre succes- sivement beaucoup de nuances différentes , et cependant elle conserve sa couleur bleue. Que répondent les partisans du savant anglais, pour concilier la loi de Newton avec cette expé- rience et d autres analogues? Que ces lames, telles que Newton les conçoit, sont composées de filets très-déliés, parallèles les uns aux autres, et dont chacun peut se diviser dans le sens de sa lon- gueur en un grand nombre de parties , sans qu'il arrive la moindre altération dans leur densité et leur épaisseur i i). Fort bien 1 Mais ne peut-on pas leur faire cette question ? Ces filets que vous avez ainsi accolés, comment pourront -ils se séparer dans le besoin, s'ils sont joints ensemble comme vous lentendez ? Aucun dissolvant , le feu même ne pourrait les séparer; parce qu il n'y aurait dans eux aucun vide où pût se loger la lumineuse avec son atmosphère , cause réelle de la dissolution des corps. D'ailleurs d'après l'opinion de Mus- chenbroeck et de Newton lui-même , les espèces ne seraient-elles pas confondues et ne change- raient-elles pas de nature , si les parties consti- tuantes des corps pouvaient souffrir la moindre division ? Donc afin que rien ne se dénaturât et qiie tout se conservât , il faudrait que ces filets fussent inséparables par tous nos moyens. Mais des corps formés de ces lames ima^inai- (i) Voyez Libes-, tom, 3. p. 140. î']6 ERREURS DKVOILÉES res pourraient-ils être transparens ? Non : puisque , comme je l'ai dit, la transparence exige aussi des pores où les lumineuses soient disposées en droite ligne , pour transmettre sans déviation la clarté communiquée. On n'aurait donc que des corps opaques qui réfléchiraient tous les rayons , ou plutôt toute la clarté reçue et qui paraîtraient toujours blancs. Une fausse analogie a trompé Newton, comme elle égare tous les jours un grand nombre de physiciens. Newton ayant pris deux objectifs de télescope, l'un plan et l'autre un peu convexe, et les ayant posés l'un sur l'autre, obtint différens anneaiix colorés qu'il attribua à la réflexion de l'air situé entre les deux verres , et qu'il croyait composé de lames plus ou moins épaisses. De là il conclut, par analogie, que les surfaces des corps devaient être également formées d'une in- finités de petites lames, plus ou moins minces, auxquelles il fallait appliquer tout ce qu'il avait cru déduire de ses observations de ces anneaux colorés. Newton concluait à faux ; car dans l'air il n'y a point de lames, mais des molécules arrondies, environnées d'un atmosphère étendue, lesquelles laissent , dans leur réimion , des vides qu'occupent les molécules de lumière avec leur atmosphère de même très-étendue, si l'on compare ces atmosphè- res avec celles des bases des corps solides et li- quides. Si l'air était un agrégé de ces prétendues lames, il en résulterait bientôt un tout solide in- sécable et imperméable à tout rayon de lumière, dans le cas où celui-ci pourrait s'élancer des as- tres, comme le prétend Newton. Donc nulle sub- stance ne pourrait être diaphane. D'ailleurs ce n'est point précisément à la réfle- xion de l'air que sont dus les anneaux colorés WES PHYSICIENS MODERNES. l 'y-y qu'obtenait Newton avec ses deux objectifs. Ce sont ces verres eux-mêmes qui les produisent, en composant par leurs formes dissemblables une espèce de prisme. Pluche avait-il donc tort de dire dans son His- toire du ciel, qu'il fallait refuser à Newton le nom de physicien , puisque le savant anglais a ignoré complètement d'où proviennent et la fluidité, et la densité , et la transparence, et l'opacité , ainsi qu'une foule d'autres phénomènes physiques. Que n'aurais-je pas encore à dire sur le sujet qui nous occupe en ce moment, si je ne craignais d'être trop diffus? IÇota. Le célèbre Herschel a fait dans ces der- niers temps en Angleterre une expérience qui lui fait regarder, avec raison, l'explication de New- ton , comme insuffisante pour rendre raison des anneaux colorés (i). Mazéas en avait fait aupara- vant plusieurs autres dont les résultats ne s'ac- cordent pas davantage avec cette explication , comme on peut le voir dans les Mémoires de l'a- cadémie de Berlin de l'an lySa (2). Mais l'expé- rience de Herschel frappe mieux au but et n'est pas susceptible d'interprétation équivoque. Ainsi ron voit que Newton ne passe plus pour infailli- ble, même dans sa patrie ; et que des esprits du premier ordre ne le regardent plus comme une divinité dont il fout encenser toutes les opinions, sous peine d'être mis au rang des idiots et des profanes. (1) Voy. Libes, tom. 3. pag. 142. {%) Voy. Hatiy, tom. a. N" 994 de la a» édit. 12 17° ERREURS DÉVOILÉES LIVRE SIXIÈME. DE l' ÉLECTRICITÉ. JL/A seconde variété de la lumière est le fluide électrique, qui n'est pas renfermé comme la pre- mière dans les pores des corps, mais qui est dis- séminé sur leurs surfaces; et qui, dans certaines circonstances, flue et s'écoule à peu près comme un vrai liquide. Les physiciens n'avaient qu'à ouvrir les yeux pour reconnaître que les molécules propres du fluide électrique devaient être de la même espèce que celles de la lumière proprement dite ; car les unes et les autres s'illuminent en se réunissant en globules ; mais ils ont eu tort de confondre ces lumineuses avec les particules du feu. Les espèces et les fonctions en sont bien différentes. Mais comment les électriques et les lumineuses ordinaires, quoique semblables, produisent-elles des effets si opposés? C'est ce que nos physiciens n ont point expliqué ni même entrevu. Et l'au- raient-ds pu faire, eux qui n'ont jamais su com- prendre que les molécules propres des corps étaient entourées d'une petite atmosphère plus ou moins étendue , et dont la variété était la cause seconde de tous les phénomènes qu'elles nous présentent; la cause première résidant unique- ment dans la toute-puissance et la volonté de Dieu notre créateur. DES PHYSICIENS MODERNES. I 79 Dans leur état le plus naturel, c'est-à-dire le plus universel, les molécules de la lumière ont une atmosphère toute composée d'ignigène; ma- tière qui en s'échappant des corps produit la chaleur. C'est dans cet état que ces lumineuses demeurent invisibles dans les pores de toutes les substances, ou qu'elles brillent dans la flamme et dans les corps incandescens. Mais pour en faire un fluide électrique, Dieu a ôté à ces lumineuses leur atmosphère ignigénée, et leur en a donné une mélangée d'ignigène et d'oxigène. Ce mélange a comme changé leur nature. Dans leur premier étal , elles se repoussent mutuellement jusqu'à un certain point, parce qu'elles tendent à conserver, dans presque toute leur expansibilité, leur enve- loppe atmosphériqi:e : elles sont aussi repoussées par les molécules des corps ou par les opaques . mais dans le fluide électrique, elles s'attirent les unes les autres , et sont attirées par ces mêmes opaques, à l'exception de celles de l'air; tandis qu'elles éprouvent une véritable répulsion de la part des autres lumineuses , en même temps qu'elles les repoussent elles-mêmes. ; i) Il est singulier que les physiciens aient pris encore ici le change, et qu'au lieu d apercevoir que les molécules électriques exerçaient entre elles une vraie attraction, ils aient cru, tous, qu'elles se repoussaient mutuellement. Cependant il leur serait bien difficile de citer un seul fait naturel à l'appui de leur opinion ; car partout on voit que les molécules de la même espèce s'unissent ensemble , lorsque rien ne met obstacle à leur rapprochement. (i) Nota. C'est cette mutuelle répulsion qui est cause que le vin, l'eau, et les autres liquides, imprégnés de fluide électrique, et qu'on \ide par le moyen dun siphon, coulent avec plus de vitesse qtie les mêmes fluides non élecirisés. l8ô ERREURS DÉVOILÉES De plus il n'y a pas deux fluides électriques , comme l'a cru Symmer. Il n'y en a qu'un seul , ainsi que l'a enseigné Francklin ; et l'on peut accumuler ce fluide sur la surface des corps, ou en dépouiller ceux-ci soit totalement, soit par- tiellement , et c'est alors qu'ils sont éleclrisés en plus ou en moins. Enfin les corps qui sont dans l'un ou l'autre de ces deux étais sont entourés d'une atmosphère aérienne assez considérable , et qui , se conservant expansible , les met dans le cas de se repousser mutuellement quand ils pos- sèdent la même électricité, et de se réunir quand elle est d'une espèce différente, parce que le corps électrisé en moins reprend le fluide électrique qu'il avait perdu; ce qui le remet dans son état naturel , et cela donne la clef de quelques expé- riences qu'on n'a pas su comment expliquer par un seul fluide. Quelques physiciens modernes ne pouvant se familiariser avec l'électricité positive et négative, parce qu'ils n'en pouvaient comprendre le méca- nisme, quoique bien simple, ont tâché de faire prévaloir l'hypothèse de Symmer, en prétendant qu'elle était comme la clef de la véritable théorie : mais tout en se déclarant pour cette hypothèse , ils nous ont appris le cas que nous en devions faire; puisqu'ils sont forcés d'avouer, les uns, que « les connaissances leur manquent sur la nature » de ces deux fluides dont l'existence même n'est » pas , disent-ils , démontrée (i) ; les autres , que , « à l'exception du fluide lumineux , tous les fluides, » C tels que le fluide électrique, le calorique, et » le fluide magnétique ) n'ont dans l'esp^rit du )) physicien qu'un existence hypothétique , et » conséquemment qu'il ne les place dans la théorie (i) Voyez Haiiy, article Électricité. DES PHYSICIENS BIODERNES. l8f » que comme une cause peut-être imaginaire (i). » Or , d'après ces aveux formels qui semblent dé- montrer que nos savans marchent au hasard dans le sentier des sciences , on doit conclure que tous les calculs, dont on a voulu étayer l'hypothèse de Symmer , ne sauraient porter qu'à faux , puis- qu'on l'a fondée sur une pure supposition. Nota, J'avais résolu de ne dire que ce peu de mots sur l'électricité , mais de nouvelles réflexions m'ont fait changer de sentiment. Je vais donc reprendre ce sujet, et l'abréger néanmoins le plus qu'il me sera possible. Je suppose que le lecteur sait déjà ce que c'est qu'une machine électrique. De la Bouteille de Lejde. Cette bouteille porte le nom de Leyde , parce que ce fut dans cette ville que s'en fit par hasard la première expérience. Dans l'origine on se ser- vait d'un vase de verre ou de porcelaine , en partie plein d'eau , qu'on tenait dans une main , pendant qu'on électrisait un fil de métal qui y était plongé. Quand on touchait ensuite de l'autre main le fil métallique, on éprouvait dans le corps une commotion d'autant plus violente que le vase était plus grand. Maintenant on se sert d'une bouteille de verre mince dont la surface extérieure est couverte jusqu'à une certaine hauteur d'une feuille d'étain battu. On la remplit de menu plomb ou plutôt de feuilles minces de cuivre jusqu'à la même hauteur. Celte bouteille a un bouchon de liège traversé par un gros fil d'archal dont une extrémité plonge dans les corps que contient la bouteille, et dont l'autre, s'élevant au-dessus du bouchon, est recourbé en se terminant ordinai- rement par une boule de métal. Quand on veut (i) Voyez Libes, tom III, p. 21 3. ]S-2 ERREERS DÉVOILÉES charger cette bouteille , on la suspend au con- ducteur d'une machine électrique par cette partie recourbée. J'ai déjà dit que les lumineuses électriques ou à atmosphère mélangée d'oxigène et d'ignigène , repoussaient les lumineuses ordinaires répandues dans les pores de tous les corps , et qu'elles en étaient repoussées ; parce qu'elles nont pas la même enveloppe atmosphérique. Or , ces derniè- res forment des files droites dans les substances diaphanes, ou des files presque droites dans plu- sieurs autres corps , et surtout dans ceux qui sont à demi transparens. Mais nous avons vu que, pour conserver leur atmosphère dans presque toute son amplitude, ces lumineuses s'éloignaient les unes des autres , et n'adhéraient entre elles que par l'extrémité de cette même atmosphère. Donc ces molécules forment ainsi des files élastiques qui doivent céder à toute pression exercée contre elles. De cette manière les lumineuses qui se trou- vent à l'une des extrémités des files , ne peuvent être repoussées par les électriques voisines accu- mulées sur une surface , qu'elles ne réagissent contre leurs semblables qui les précèdent, et ainsi de suite jusqu'à la dernière lumineuse de ces files; à moins qu'un obstacle ne s'oppose à leur dépla- cement, ou que ces files ne soient très-étendues à cause de la grande épaisseur de la lame de verre; parce que la force de pression s'alfaiblissant peu à peu dans une suite de corps élastiques , elle devient enfin nulle à une certaine distance. Mais cet affaiblissement est d'autant moins sensible que les files sont plus courtes; et telles sont celles qui se trouvent entre les deux surfaces d'une bouteille de médecine , par exemple. Voilà pour- quoi une bouteille mince se charge mieux qu'une plus épaisse. DES PHYSICIENS MODERNES. 1 83 On doit concevoir maintenant que le fluide électrique qui a passé dans la bouteille par le moyen du fil d'arclial qui la suspend an conduc- teur électrisé , se joignant au fluide naturel ré- pandu sur la surface intérieure , doit faire effort contre les files des lumineuses postées dans les pores du verre ; et par conséquent ces files , s'avan- çant un peu vers la surface extérieure , tendront à repousser le fluide naturel qui y est aussi ré- pandu , et qui s'échappera si quelque issue lui en facilite les moyens. Or, pour que cela ait lieu, il faut établir une communication entre cette sur- face extérieure et le sol qu'on appelle le réservoir commun ; soit en tenant d'une main la bouteille, soit en l'entourant d'une chaîne de métal qui pendra jusqu'au plancher. Cette surface sera alors dépouillée plus ou moins de son électricité natu- relle, et par-là elle deviendra capable de donner la commotion ; au lieu que la surface intérieure ne sera électrisée que comme le conducteur , si cette communication n'existe pas ; parce que l'air extérieur , repoussant les électriques , les tient fixes contre la surface où elles sont placées. Lorsque, après avoir charge la bouteille, on veut la décharger , la surface extérieure reçoit de l'in- térieure par le moyen de la communication éta- blie, le fluide électrique qu'elle avait perdu. Ce fluide qui se trouve alors sur les deux surfaces est donc de la même espèce. Quoique cela soit évident , on en sera encore mieux convaincu par l'expérience , appelée la charge par cascade , et par d'autres phénomènes dont je parlerai ci- après. JSota. La bouteille peut même se charger quoi- que isolée ou sans communication avec le sol , comme quelques physiciens l'ont remarqué ; mais alors les vapeurs , répandues dans l'atmosphère î84 ERREURS DÉVOILÉES terrestre , enlèvent à la surface extérieure qu'on veut électriser négativement, les électriques qui y tiennent déjà peu, à cause de la répulsion exer- cée, comme je l'ai dit, par celles de la surface intérieure. Dans ce cas il est nécessaire que l'état de l'atmosphère soit favorable, tel que serait un air chaud ou chargé de vapeurs : mais faut-il tou- jours que la surface qu'on veut éleclriser néga- tivement, perde de son fluide électrique naturel; sans quoi cette bouteille ne pourra jamais se charger. Cependant il est bon d'observer que de cette manière elle sera faiblement électrisée , et que, pour se charger, elle exigera beaucoup de temps. Il faut raisonner de même à l'égard de la décharge de cette bouteille qu'on laissera isolée et qui conserve quelquefois son électricité plus de 36 heures. Car les vapeurs enlèvent peu à peu au fil d'archal son électricité acquise , et ce fil dcharge la surface intérieure avec laquelle il communique; tandis qu'en même temps la surface extérieure enlève aux vapeurs tout autant de fluide électrique. De la Charge par cascade. La charge par cascade consiste en plusieurs bouteilles suspendues l'une au-dessous de l'autre, et qu'on électrise toutes à la fois. Chacune de ces bouteilles a sa garniture extérieure et intérieure comme une bouteille de verre ordinaire , et le fil d'archal dont un des bouts s'élève au-dessus du bouchon se termine de même en crochet. Sous la bouteille est attaché un autre petit crochet qui sert à suspendre celle qu'on veut placer au-des- sous. On établit enfin une communication entre le sol et ces bouteilles par une chaîne métallique, qui, tenant au petit crochet de la dernière bou- teille, descend jusqu'à terre, tandis que la première TES PHYSICIENS MODERNES. l85 est suspendue au conducteur. Lorsqu'on fait tour- ner le plateau de la machine électrique , toutes ces bouteilles se chargent également, de manière qu'on peut ensuite les décharger toutes à la fois ou bien chacune en particulier , comme si on les avait électrisées séparément. Or que se passe-t-il dans cette charge par cas- cade ? La surface intérieure de la première bou- teille reçoit, du conducteur, le fluide électrique qui s'ajoute à sa quantité naturelle, pendant que sa surface extérieure se dépouille de celui qu'elle possédait naturellement. Mais où se porte ce fluide dégagé ? Il se répand sur la surface inté- rieure de la seconde bouteille par l'intermédiaire des corps qu'elle contient. Par ce moyen la surface extérieure de cette deuxième bouteille se démet de même de son fluide naturel en faveur de la surface intérieure de la troisième ; et ce méca- nisme continue jusqu'à celle qui, communiquant avec le sol par le moyen de la chaîne , laisse per- dre dans le réservoir commun la niatière électri- que de sa surface extérieure. Dans cette charge par cascade , on voit évidemment que la partie intérieure de chacune des bouteilles placées sous celle qui tient au conducteur , reçoit la matière électrique qu'abandonne la partie extérieure de la bouteille qui la précède. Or comme le fluide accumulé sur la surface intérieure de toutes ces bouteilles est de la même espèce , ainsi que le prouvent les expériences, surtout si on les faisait dans l'obscurité ; car alors on peut observer la marche du fluide électrique ; il s'ensuit que ce fluide est un être simple , et qu'il n'existe point deux fluides électriques, l'un vitré et l'autre rési- neux, comme l'ont cru Dufay et Symmer. En effet si l'existence de ces deux fluides était certaine , il faudrait nécessairement que dans la l86 ERREURS DÉVOILÉES charge par cascade , les bouteilles eussent alter- nativement leur surface intérieure chargée de fluide résineux , tandis que l'extérieure le serait de fluide vitré; mais en prenant chaque bouteille séparément, on se convainc facilement du con- traire; puisque avec chaque bouteille de la charge par cascade , on exécute toutes les expériences qu'on peut faire avec celles qu'on charge à la manière ordinaire. Une des surfaces de la bouteille de Lejde , lorsque celle-ci est seule , ne se charge pas aux dépens de l'autre surface. — Les Electriques ne se re- poussent pas mutuellement. — Oil réside la force de la bouteille de Lejde. — Faux résultat de JSollet à ce sujet. — Pour faire triompher des systèmes follement imaginés on altère les textes. — Lettre de fFilliam Cobbet^ etc. etc. — Oit se trouve la vraie Eglise. La manière dont s'exécute la charge par cascade a démontré qu'une des surfaces de chaque bou- teille acquérait une surabondance de fluide élec- trique ; tandis que l'autre était tout autant privée de sa quantité naturelle ; c'est-à-dire, comme le pensait Francklin , qu'une des deux surfaces était électrisée positivement ou en plus , et l'autre né- gativement ou en moins. Cette vérité ne fut pas adoptée par tous les physiciens , parce que Franc- klin avait dans l'origine très mal expliqué la mar- che du fluide électrique qu'abandonnait la surface électrisée négativement. En effet , ce physicien avait d'abord prétendu que la bouteile de Leyde ne se chargeait que parce que le fluide électrique d'une de ses surfaces ve- nait s'accumuler sur l'autre ; mais dans ce cas pourquoi faut-il établir une communication entre le sol et la surface qu'on veut électriser négative- DES PHYSICIENS MODERNES. I 87 ment ? N'est-ce pas ouvrir une voie au fluide de cette surface pour se perdre dans le réservoir com- mun , au lieu de s'aller rendre à celle qu'on élec- trise positivement ? Ne serait-il pas plus naturel d isoler la bouteille pour empêcher cet écoule- ment? D'ailleurs quel rôle jouerait le conducteur dans cette circonstance? Aucun; ce qui est con- traire à l'expérience , puisqu'on tire de fortes étincelles du fil d'archal de la bouteille isolée ; quoiqu'elle ne puisse pas alors se charger : preuve certaine que le fluide électrique y a afflué. Francklin se trompait encore en croyant que les molécules électriques n'étaient pas de la même espèce que celles de la lumière , et qu'elles se repoussaient mutuellement. Au reste , comme nous l'avons remarqué , cette dernière erreur est aussi celle de tous les physiciens qui ont traité de l'électricité , et qui ont pris le change en réflé- chissant sur les attractions et les répulsions des corps électrisés. Pour connaître où résidait la force de la bou- teille de Leyde , Francklin ima^gina de faire les trois expériences suivantes : i.° « 11 plaça sur un support de verre une bou- teille qu'il venait de charger à la manière ordi- naire , et qui était remplie d'eau jusqu'à un certain point ; et il en ôta le liège et le fil d'archal qu'il avait eu soin auparavant de ne pas trop enfon- cer. Il prit ensuite la bouteille d'une main , et approchant un doigt de l'autre main, auprès de l'orifice , une forte étincelle s'élança de l'eau , et la commotion qu'il reçut , fut des plus com- plètes. 11 conclut de cette expérience, que la force électrique ne résidait ni dans le fil d'archal, ni dans le liège. » 2." oc Pour connaître si elle résidait dans l'eau contenue dans la bouteille , il l'électrisa de lOO ERREURS DÉVOILÉES » nouveau ; il la plaça ensuite sur un support de «verre ; il en ôta le liège et le fil d'aichal ; il » versa toute l'eau dans une autre bouteille vide » non électrisée , quil avait aussi placée sur un » support de verre ; il prit dans une main cette )> seconde bouteille , et approchant un doigt de » l'autre main auprès de l'orifice, il n'excita aucune » étincelle, et il n'éprouva aucune commotion. 3.° » Pour se bien convaincre que la force élec- » trique ne résidait pas dans l'eau , Francklin » versa de l'eau fraîche non électrisée dans la » première bouteille qu'il avait chargée ; il la prit » dans une main , et approchant un doigt de l'au- ^) tre main auprès de l'orifice , il excita une étin- )i celle et il reçut la commotion (i). i^ Ces trois expériences démontraient que la force électrique résidait uniquement dans le verre , ou disons mieux dans les deux surfaces du verre , et de tout corps analogue; car une surface ne peut rien sans l'autre. (c Ce qui confirma Francklin dans cette idée , » c'est qu'il s'aperçut qu'on chargeait aussi bien » la bouteille de Leyde par le côté que par le w crochet qui sortait du liège. Pour la charger » commodément par le côté, on la place sur un » support de verre. On établit une communication » du conducteur de la machine électrique au côté » de cette bouteille , et une autre du crochet au » réservoir commun par une chaîne de métal » qui pend jusqu'au plancher. Dès que la bou- » teille est électrisée , on ôte cette dernière com- » munication. On la prend d'une main par son » crochet , et l'on sent une violente commotion, » lorsqu'on approche un doigt de l'autre main du » côté qui a été chargé (2). » (i) Voyez Pauliar. ; Dict. de physique, tom. V, p. 67 et 68. (2) lùid pag. 68. DES PHYSICIENS 3rODER!yES. 1 89 Nollet , qui avait émis Thypothèse des deux cou- rans électriques pour expliquer la commotion qu'on éprouve en déchargeant sans excitateur la bouteille de Leyde, se montra le plus grand ad- versaire de Tclectricité positive et négative ; et il crut en avoir triomphé à l'aide dune expérience qu'il imita de Francklin , mais qu'il n'avait pas assez réfléchie. Cette expérience est la seconde de celles dont je viens de faire mention. Nollet prit donc une bouteille remplie d'eau à l'ordinaire. Après qu'elle fut chargée , il en trans- versa l'eau dans une bouteille non chargée , qui donna non-seulement des signes très-marqués de la vertu électrique , mais qui retint encore le pou- voir de procurer une véritable commotion, (i) Nollet conclut de là que la cause de la com- motion ne résidait pas uniquement dans les sur- faces du verre; mais cette conclusion est fausse, et c'est ce que prouvent toutes les précautions que ce physicien exige pour que l'expérience réussisse. En effet , il avertit qu il faut nécessai- rement opérer avec une électricité assez forte , éviter les longueurs et tout ce qui peut ralentir ou éteindre la vertu que l'eau emporte avec elle, se servir , pour recevoir l'eau , d'un vase qui ne soit pas d'un verre fort épais; et surtout, (qu'on remarque bien la circonstance suivante qui est essentielle; et surtout , poser ce vase , non sur un corps électrique par lui-même; mais sur un corps électrique par communication, (a) Le support sur lequel Nollet posait le vase qui devait recevoir l'eau électrisée n'étant pas de la même espèce que celui de Francklin , il s'ensuit que les résultats de leurs expériences devaient (1) Voyez Paulian, tom. V, p. 76. (2) Ibidem, p. 76 et 77. IQO EBRETIÏIS DÉVOILÉES différer nécessairement, quoique ces expériences fussent en apparence les mêmes. Effectivement , Francklin posait sur un support de verre, qui est lin corps non conducteur , la bouteille dans la- quelle il transvasait l'eau ; et NoUet, sur un corps électrique par communication ou conducteur. Dans le premier cas , la bouteille était isolée , et l'on sait que cet isolément l'empêche de se char- ger, du moins aussi vite qu'il le fallait pour faire cette expérience. Dans le second cas , la bouteille communiquait avec le sol par le moyen du corps conducteur ; et alors l'eau électrisée qui avait retenu une partie de la matière électrique trans- mise , devait charger la bouteille à la manière ordinaire ; car cette eau faisait ici l'office du con- ducteur électrisé. 11 n'est donc pas étonnant qu'elle donnât à cette bouteille la propriété de procurer la commotion. Que Feau d'une bouteille chargée soit impré- gnée de fluide électrique, cela ne doit pas souf- frir de difficulté; puisque celui-ci passe dans ce liquide avant de se fi^er sur la surface intérieure de ce corps vitreux. Quand ensuite on la trans- vase , cette eau , elle emporte avec elle l'électricité qu'elle possédait, et elle la partage avec la surface intérieure de la bouteille qui la reçoit. Voilà pourquoi il est nécessaire que cette électricité ne soit pas faible; car étant divisée, elle n'aurait pas assez d'énergie pour repousser les files des lumi- neuses qui sont dans les pores du verre, surtout si celui-ci était très -épais. J'en ai dit ci -devant la raison. De tout ce qui précède on doit conclure que l'expérience de Nollet confirme la doctrine de l'électricité positive et négative , bien loin de la détruire. DES PHYSICIENS MODERNES. igt JSota. 11 semble que NoUet , ayant à cœur de défendre sa chère hypothèse des deux courans électriques, ait voulu faire prendre le change sur l'expérience de Francklin , en la répétant , non comme il convenait , mais suivant ses idées ; ce qui trompa plusieurs physiciens. Cette petite su- percherie sur un objet de physique , peut nous donner une instruction de quelque utilité. Elle nous fait voir comment, dans tous les temps, se comportent ceux qui veulent faire triompher les systèmes dont ils se sont follement entêtés , et que leur raison individuelle s'opiniàtre à défendre par orgueil. ?»Ialheureusement , cela n'a pas lieu seu- lement dans les sciences , mais même en fait de morale et de religion. Alors on ne s'en tient pas au sens clair et précis d'un texte, reçu universel- lement, on l'altère, on l'interprète à sa fantaisie, on supprime ou l'on change les mots qui gênent ; et par ce moyen on corrompt ou l'on séduit. Plût à Dieu que ceci fût bien compris de nos frères dissidens ; qui devraient lire et bien lire Touvrage intitulé Histoire de la Réforme protestante en An- gleterre et en Irlande , dans une série de lettres adressées au peuple Anglais par JJ'illiam Cobbet ^ auteur protestant à qui , ce semble , la divine providence a mis la plume à la main pour faire connaître les commencemens et les auteurs de la réforme , afin de dessiller les yeux aux anti-catho- liques qui seront de bonne foi , et d'ôter tojit pré- texte à ceux qui s'obstiueraient dans leur aveugle- ment : ce qui a rapport généralement à tous ceux qui depuis la naissance du christianisme se sont séparés de la pierre fondamentale sur laquelle Jésus -Christ a établi son église; Pierre qu'il a voulu désigner exT3ressément lui-même afin qu'on ne put pas se tromper en cherchant avec un cœur droit la véritable Eglise. iga ERREURS DIÔVOILÉES Conducteur d'une machine électrique qui cesse bientôt de donner des signes d'électricité. Voici d'antres expériences qui prouveront déplus en plus qu'il n'existe qu'un seul fluide électrique. Isolez et la machine électrique et la personne qui en fait tourner le plateau. Si vous tirez alors des étincelles du conducteur , vous aurez en peu de temps épuisé son électricité acquise ; parce que le plateau ne recevant plus rien de la per- sonne isolée qui lui a cédé son fluide naturel , ne peut plus en fournir au conducteur. Cette per- sonne est donc électrisée négativement, et si vous lui présentez le doigt ou qu'elle vienne à com- muniquer avec le pavé de la chambre, elle répa- rera ses perles et le conducteur continuera de donner des marques d'électricité. Cette vérité physique est encore mieux démon- trée par l'ingénieuse machine inventée à Londres par M. Nairne , et que plusieurs physiciens ont dédaignée ou ignorée à dessein. On peut en voir la description dans le supplément ou le 5°" tome du Dictionnaire de Physique de Paulian , p. io8 et 109, quoique ce savant n'en ait pas fait grand cas ; parce qu'il avait rejeté la doctrine de l'élec- tricité positive et négative. Différens aspects sous lesquels on aperçoit la lumière à l'extrémité d'un conducteur. De quelque manière qu'on électrise une tige de métal dont la pointe doit être un peu arrondie, il se manifeste à son extrémité pointue une lu- mière visible dans l'obscurité ; mais qui ne paraît pas toujours la même : car si on place cette tige sur un conducteur électrise positivement , le fluide électrique s'échappera de cette tige en formant une belle aigrette de lumière qui fera entendre DES PHYSICIENS MODERNES. I()3 un iéger bruissement ; mais on n'apercevra qu'un simple point lumineux, si le conducteur est élec- trisé négativement. Si Ton présente la même pointe à quelque dis- tance du conducteur électrisé aussi positivement, on ne verra plus une aigrette, mais un seul point lumineux. Si au contraire le conducteur est élec- trisé négativement, la pointe qu'on tournera vers lui ne fera plus apercevoir un point lumineux , mais une belle aigrette. Une bouteille de Leyde chargée à l'ordinaire, et qu'on suspend dans l'air par un cordon de soie, fait voir aussi dans l'ob- scurité la même variété d'aspects, lorsqu'on pré- sente alternativement une pointe de métal vis-à- vis de son crochet et de sa garniture extérieure. Car l'aigrette et le point lumineux se succèdent alors en s'affaiblissant peu à peu, et disparaissent enfin tout-à fait , quand la bouteille est revenue à son état naturel par des décharges successives et partielles. Enfin qu'on isole une autre tige métallique terminée des deux côtés en une pointe aussi un peu arrondie, et qu'on la présente à un globe de soufre électrisé, l'on apercevra une belle aigrette à la pointe tournée vers ce globe , tandis que l'autre pointe , la plus éloignée , ne montrera qu'un point lumineux. Et pourquoi } Parce que le fluide électrique afflue vers cette dernière pointe, et s'écoule par la première, pour réparer la perte qu'a faite le globe de soufre de la matière élec- trique qu'on lui a enlevée en le frottant. Mainte- nant , qu'on approche la même tige d'un globe de verre électrisé ; la pointe qui donnait une ai- grette ne fera apercevoir qu'un point lumineux ; et celle où l'on ne voyait qu'un point lumineux , fournira une brillante aigrette (jj. Et pourquoi (a) Voy. LibeSjtom. Hr,p i87;etHauy, lNo'57', JpJa a'cdit. et 6go de la 3* 1 3 ig/j ERREURS DÉVOILÉES encore ? C'est que la pointe la plus proche du globe de verre, reçoit de celuiti le fluide élec- trique qui s'y est accumulé par le frottement, et le laisse échapper par celle qui est la plus éloignée. Donc le globe de soufre est électrisé en moins ou négativement, et celui de verre en plus ou posi- tivement, x-^insi on a dans cette double expérience, comme dans les précédentes, un moyen bien fa- cile de connaître si un conducteur ou un globe électrisé possède l'électricité positive ou négative. 11 suffit de leur présenter, à une faible distance, une pointe de métal un peu arrondie. Il faut que je combatte encore ici les raisonne- mens peu justes des physiciens qui font tous leurs efforts pour soutenir la doctrine des deux courans électriques. Us disent que si l'on observe attenti- vement ces points lumineux à travers un verre qui grossit les objets , on verra que ces mêmes points sont en petit ce que l'aigrette est en grand , et que leurs rayons s'en vont en divergence ; donc , selon eux , le fluide électrique sort aussi bien de la pointe qui donne le point lumineux, que de celle qui fait paraître une aigrette ; et la seule différence qui existe alors , provient de la résistance qu'éprouve de la part de l'air le fluide qui se montre en aigrette. Mais qui ne voit le faux de ce raisonnement? Car, premièrement, si vers la pointe il y avait réellement deux courans opposés de matière électrique, l'une effluente , l'autre afflueiite , comme on le dit , il devrait tou- jours paraître une aigrette lumineuse au bout de cette pointe dirigée vers un conducteur électrisé de quelque manière que ce soit ; parce qu'il y aurait toujours une matière effluente qui , frap- pant l'air à sa sortie, éprouverait une résistance réelle. Secondement. Pourquoi cette aiguille tournée DES PHYSICIENS MODERNES. igj vers lin globe de soufre clectrisé donne une ai- grette, et seulement un point lumineux si ce globe est de verre? La pointe de cette aiguille est bien dans la même position , cependant les effets qu'elle produit , dans ces deux cas, sont dissemblables. Est-ce que l'air n'opposerait plus de résistance dans le dernier cas, ou bien ce globe de verre fournirait-il moins de fluide électrique que celui de soufre ? C'est ce qu'on n'oserait avancer , et néanmoins il était indispensable de s'expliquer là-dessus. Il est donc évident qu'il n'y a qu'une matière effluente quand on voit l'aigrette. Mais pourquoi cette matière effluente ne donne-t-elle qu'un point lumineux si l'aiguille est très-aiguë ? C'-est qu'alors la figure de cette pointe n'est pas la même. Lorsqu'elle est arrondie, le fluide qui en sort, s'écoulant par une surface plus large et courbe en même temps, en prend la forme et devient plus ostensible, au lieu que par la pointe son jet est plus délié et moins sensible. Mais tou- jours est-il certain que celte pointe un peu arrondie et tournée vers un globe de soufre ou vers un globe de verre électrisés , devrait donner une aigrette visible à la simple vue si cette aigrette n'était due qu'à la résistance de l'air. Voici une autre objection aussi vaine que la première contre la théorie de l'électricité positive et négative. Si la pointe dont nous parlons est creuse et remplie d'eau ou de quelque liqueur , et qu'à son extrémité il y ait un très-petit trou , de manière que le liquide par son poids n'en puisse sortir que goutte à goutte ; il arrivera que lorsque cette pointe sera au bout d'un conducteur électrisé né- gativement, ou dirigée vers un conducteur élec- trisé positivement , la liqueur ou l'eau qui ne t^G ERREURS DÉVOILÉES sortait que goutte à goutte, s'écoulera aussitôt avec une accélération très-sensible, i i) Or , disent nos physiciens , une matière qui fait ainsi accélérer un liquide , doit-elle être regardée comme entrant dans cette pointe? Ne doit-elle pas désigner au contraire une matière qui en sort ? Je suis de plus en plus étonné des faux argu- mens et des faux aperçus des physiciens d'un siècle qui se glorifie d'être grandpenseur et profond ob- servateur ; car auraient-ils parlé ainsi s'ils eussent réfléchi sur la nature et la marche du fluide élec- trique ? En effet , ce dernier fluide en se portant sur la tige qui ne devrait donner qu'un point lumineux , la parcourt tout entière et se com- munique à l'eau du réservoir auquel elle est unie. Cette eau , en s'écoulant, entraîne donc avec elle une partie de la matière électrique ; et comme il y a une véritable répulsion entre les électriques et les lumineuses ordinaires de la surface des corps ; cette répulsion doit nécessairement dimi- nuer l'adhérence qui existe entre les aqueuses et les opaques de ces corps , et par conséquent per- mettre au fluide aqueux de s'écouler avec plus de vitesse , comme si la matière électrique qu'elle entraîne provenait en droite ligne d'un conduc- teur électrisé positivement. Cette répulsion des lumineuses ordinaires à l'égard des électriques est encore cause qu'une eau électrisée s'évapore plus vite qu'une eau qui ne le serait pas. Ceux qui combattent l'hypothèse de Francklin, mais qui sont de bonne foi , ou qui y voient un peu plus clair que les autres , avouent que cette « hypothèse est simple et facile à saisir , et qu'on (i) Voyez Brisson , Dict. de pJiys., tome V. p a»'- DES PHYSICIENS 3I0DE11NES. 1 97 » ne peut lui disputer le mérite de la fécondité : «mais, disent-ils, il est fâcheux que quelques » phénomènes lui résistent depuis l'époque de » son origine , et toujours avec la même opiniâ- » treté. Telle est la répulsion mutuelle de deux » corps légers doués de l'électricité négative : tel » est le mouvement d'une aiguille , dont les extré- » mités sont pointues et courbées en sens opposés ; » laquelle tourne dans le même sens, soit lors- » que le pivot qui la soutient est placé sur un » conducteur positif , soit qu'il repose sur un » conducteur négatif (i). » Je parlerai dans peu du premier phénomène , mais je crois que c'est ici le lieu de faire mentioo du second , et de montrer que l'aiguille en ques- tion doit tourner dans le même sens, de quelque électricité que soit doué le conducteur sur lequel est posé le pivot qui la siipporte. D'abord , lors- que cette aiguille sera sur un conducteur électrisé positivement ou en plus , le fluide électrique qu'elle reçoit de ce conducteur , sortira par ses pointes, et éprouvant une résistance de la part de l'air, devra la f^iire mouvoir en arrière comme un canon qu'on tire , ou comme une pièce d'ar- tifice qui tourne du côté opposé à celui qui fuse. Mais quand ce même pivot reposera sur un con- ducteur électrisé négativement ou en moins , les pointes de cette aiguille soutireront le fluide élec- trique des corps environnans pour réparer les perles de ce conducteur. Or , ce fluide qui s'élance sur ces pointes peut-il laisser l'aiguille immobile? Non certainement , il doit au contraire la faire mouvoir, puisque ces pointes éprouvent un choc. Or, ce choc venant du même côté que la résis- tance éprouvée par le fluide électrique dans le ■ <■ (i) Voyez Libes, tom. III, p. 187 et 219. 198 ERREURS DÉVOILÉES premier cas , cette aiguille doit tourner dans le même sens; comme le canon reculerait également, si, au lieu de tirer, il recevait la décharge d'une autre pièce. On voit dune que le mouvement de cette aiguille posée sur un conducteur électrisé négativement est un mouvement naturel et le seul mécanique ; et je m'étonne que les physiciens n'aient pas entrevu cette vérité , et qu'ils aient cru au contraire qu'un corps qui reçoit la per- cussion dune matière affluente devrait se porter au-devant de cette matière. Ce qui est dit de cette aiguille à deux pointes peut avoir lieu également pour une autre qui n'aurait qu'une seule pointe, mais le mouvement serait moins rapide. Décharge spontanée de la Bouteille de Lejde dans le vide. Les expériences électriques que j'ai citées prou- vent évidemment qu'il n'existe qu'un seul fluide électrique. Ce que je vais dire mettra encore cette vérité dans un plus grand jour. Chargez fortement une bouteille de Leyde par son crochet que vous enlèverez ensuite avec un bâton de cire d'Espagne , afin de ne lui faire rien perdre de son électricité. Placez cette bouteille, ainsi chargée , sous le récipient de la machine pneumatique , et faites le vide. Vous verrez alors , dans l'obscurité le fluide électrique sortir en abon- dance du cou de la bouteille , se diviser en plu- sieurs jets qui se courbent pour se rendre à la panse de cette bouteille. Si l'on charge ensuite celle-ci par la panse, et qu'on la soumette encore à la mcme épreuve, on aperçoit le fluide électri- que s'élancer de sa panse par jets qui vont, en se courbant, entrer dans le cou de la bouteille { 1). (1) 'N'oy. LibeSjtom. III, p 197J et Lrissun,tom. III,p yi. DES PHYSICIENS MODEIÇVES. 1 Qf) Or, qui ne voit que dans celte double expérience la surface qui avait reçu une surabondance de fluide électrique , le restitue à celle qui en avait été dépouillée. Quand on n'aurait pas d'autres preuves, cette expérience seule devrait démontrer d'une manière incontestable qu'il n'existe qu'un seul fluide électrique , et que la bouteille de Leyde ne se charge qu'en perdant vers une surface au- tant de fluide électrique que l'autre en acquiert. Francklin n'a point connu cette expérience qui est décisive et qui, selon M. Brisson , indiquée d'abord par M. de Parcieux , a été depuis répétée plusieurs fois , et toujours avec un égal succès. De la commotion électrique. On a dû se convaincre que la décharge de la bouteille de Leyde consiste , comme le pensait Francklin, en un rétablissement d'équilibre, c'est- à-dire que celle de ses deux surfaces qui a été électrisée positivement, cède son fluide électrique surabondant à celle qui l'a été négativement. Il est presque inutile de dire qu'on ne sent au- cune commotion, quand on se sert de l'excitateur pour faire cette décharge , parce que le fluide électrique, en suivant de préférence le métal qui est un meilleur conducteur que les membres du corps humain, ne pénètre point dans ceux-ci. Mais lorsque cette décharge se fait sans l'inter- vention de l'excitateur, on éprouve dans les bras et dans la poitrine une commotion si violente qu'elle donnerait la mort à un homme, si la bouteille était très-grande, et qu'elle fût surtout remplie d'eau bouillante ; parce que dans ce dernier cas l'accumulation du fluide électrique sur la surface électrisée positivement serait beaucoup plus con- sidérable. Nollet et plusieurs autres physiciens faisaient 200 ERREURS DÉVOILÉES consister la cause de la commotion dans le choc de deux courans de matière électrique dont l'un sortait , selon eux, avec impétuosité de l'extré- mité supérieure du fil d'archal , et entrait dans le corps par la main qui tirait Tétincelle , et l'autre s'écoulait avec presque autant de force par l'extré- mité inférieure du même fil, traversait le verre, et entrait aussi dans le corps par la main qui te- nait la bouteille. Ces deux courans ne sont qu'imaginaires, puis- que le verre est imperméable au fluide électrique , comme je le démontrerai bientôt. Mais voici des expériences connues qui prouvent évidemment la fausseté de cette hypothèse. Si l'on pose sur un plat de métal la bouteille de Leyde chargée à l'ordinaire , et qu'après avoir formé une chahie de plusieurs personnes , celle qui est à l'une des extrémités communique avec la garniture extérieure de la bouteille en tenant la main étendue sur le plat ; toutes éprouveront la commotion dans un instant inappréciable, lors- que la personne qui occupe l'autre extrémité de la chaîne tirera l'étincelle de la tige métallique. Si la commotion était due au choc de deux courans, il ne pourrait y avoir qu'une seule per- sonne qui éprouverait cette commotion ; et ce serait celle dans laquelle ces deux courans se ren- contreraient et se clioqueraient. Au reste on peut varier cette expérience de plusieurs manières, et l'on obtiendra toujours le même résultat; mais voici une autre expérience qui est encore plus décisive. Disposez autour d'une chambre obscure une corde mouillée , tendue horizontalement et dont un des bouts ait une communication avec la gar- niture extérieure d'une bouteille de Leyde élec- trisée aussi positivement ou par sa tige de métal. DES PHYSICIENS MODERNES. 20 1 Au moment où la personne qui tiendra l'autre bout de la corde touchera cette tige , on verra une étincelle brillante partir de ce dernier point pour se rendre à la surface électrisée négative- ment , en parcourant toute la corde avec une vitesse inconcevable. Or , on ne voit ici qu'un seul courant qui se manifeste sous la forme d'un brillant globule. Ce que je viens de dire contre l'hypothèse des deux courans électriques s'applique également à celle des deux fluides , l'un vitré , l'autre résineux , qui , en se réunissant pour se neutraliser, cause- raient la décharge de la bouteille de Leyde et la forte commotion qu'elle fait éprouver. Je revien- drai bientôt sur celte dernière hypothèse. Mais quelle sera donc la véritable cause de la commotion ? La secousse éprouvée par les nerfs et les muscles lors du passage de l'étincelle élec- trique sur leur surface. L'on doit se rappeler que j'ai dit que la matière électrique , en affluant sur la surface du verre ^ repousse en dedans les lumineuses qui y sont placées. Or ce même effet a lieu également, mais d'une manière infiniment rapide , à l'égard de celles des nerfs et des muscles , lors du passage du fluide électrique. Ces lumineuses en rentrant en dedans de ces parties irritables , quand ce fluide glisse dessus , les gonflent et les ébranlent à la fois si violemment , qu'il s'ensuit cette com- motion terrible qui se communique même aux parties les plus voisines. Mais si le passage de ce fluide s'exécutait lentement, on ne sentirait qu'une sensation qui ne serait que désagréable , et qui ferait seulement l'effet d'un agacement. C'est ce qui arrive effectivement par la décharge de la pile de Volta , chargée d'une certaine manière, parce que dans ce cas cette pile n'abandonne pas aussi :202 ERREURS DÉVOILÉES promptement que la bouteille de Leyde , son fluide électrique. Il en est de ces secousses qui se succèdent avec tant de rapidité qu'elles paraissent ne faire qu'une seule commotion , comme de la dou- leur qu'on éprouverait par l'effet instantané de cent piqûres d'aiguilles , et qui serait beaucoup plus forte, que si ces piqûres se faisaint sentir les unes après les autres, et dans un certain intervalle. Lorsqu'on tire une étincelle d'un conducteur électrisé on ne ressent qu'une piqûre , mais point de commotion ; parce que le fluide électrique n'entre point dans l'intérieur du corps pour sui- vre la direction des nerfs et des muscles ; mais qu'il s'éparpille sur sa surface pour se perdre en- suite dans le réservoir commun : au lieu que l'étincelle fournieparune dessurfaces de la bouteille de Leyde, pénètre dans le corps par les pores de la peau , et se porte par le plus court chemin sur la surface qui avait été dépouillée de son fluide naturel (i). Or ce plus court chemin passe néces- sairement à travers la poitrine à l'égard d'une ou de plusieurs personnes qui , se tenant toutes par les mains, déchargent la bouteille de Leyde sans excitateur : et voilà comment la commotion se fait principalement sentir dans cette partie ; mais lorsqu'on ne veut la procurer, cette commotion, qu'à quelque membre malade , on dirige l'étin- celle électrique de manière qu'il n'y a que ce membre et non la poitrine qui l'éprouve. La bouteille de Leyde n'a ordinairement qu'une (i) Nota. Le fluide électrique ne faisant que passer au travers du corps ou d'une partie du corps de la personne qui tente Tex- périence de la bouteille de Leyde , cette personne ne peut pas être élf ctrisée , quoique isolée , tandis qu'elle lest en tirant une étincelle du conducteur électrisé ; parce que , dans ce dernier cas , le fluide électrique ne se dissipe pas , mais qu'il est fixé sur sa surface. DES PHYSICIENS MODERNES. 203 garniture extérieure; mais on peut lui en donner deux en laissant un vide entre elles. En électri- sant la bouteille à l'ordinaire , on réduit à l'état négatif l'une ou l'autre des deux garnitures exté- rieures, ou toutes les deux à la fois, selon qu'on les fait communiquer ou séparément ou ensemble avec le réservoir commun. Quand ces deux gar- nitures se sont dépouillées de leur fluide électri- que , elles constituent , pour ainsi dire , deux bouteilles de Leyde qu'on décharge, si l'on veut, l'une après l'autre, ou toutes les deux à la fois; et alors la main qui tient la bouteille n'a de commu- nication qu'avec une des deux garnitures dans le premier cas, et avec toutes les deux dans le se- cond ; tandis qu'avec un doigt de l'autre main, on tire à l'ordinaire l'étincelle électrique. Dans l'ex- périence dont nous parlons ici , la bouteille est communément plus longue qu'à l'ordinaire. Les premiers physiciens qui ont fait cete expé- rience , ont cru qu'elle infirmait la théorie de Francklin , mais ils se sont trompés ; car cette même expérience en est encore une démonstra- tion sensible ; puisque l'on voit que celle des deux garnitures extérieures qui ne communique pas avec le sol , ne peut pas s'électriser négative- ment , parce que son fluide naturel ne trouve aucune issue pour s'échapper ; la partie du verre, qui n'est pas garnie , interceptant toute commu- nication entre les deux garnitures. Il en est de même quand on veut décharger cette bouteille. Au moment qu'on tire l'étincelle , il n'y a que la garniture qu'on tient à la main qui reprend le fluide électrique émis par une partie de sa sur- face intérieure ; mais l'autre garniture continue d'être à l'état négatif ; tandis que la partie inté- rieure de cette surface qui lui correspond, reste électrisée positivement ; jusqu'à ce que par une 204 ERREURS DÉVOILÉES nouvelle décharge , précédée par ratlouchement de cette dernière garniture, le tout soit remis dans son état naturel. Des substances qui manifestent l'électricité positive ou négative. — Réfutation de Vhypothèse de Sjmmer. Parmi les corps électrisables par frottement , les uns, comme le verre , le cristal de roche , et semblables substances vitreuses acquièrent l'élec- tricité positive , les autres l'électricité négative. La résine, le soufre, la cire d'Espagne sont dans ce dernier cas. Cette électricité négative n'est pas produite par l'affluence d'un fluide électrique particulier , mais par la privation totale ou par- tielle qu'éprouvent ces derniers corps de leur fluide naturel , comme on l'a déjà vu. En effet, si l'on électrise par le frottement deux globes d'un égal diamètre, l'un de résine, l'autre de verre, et qu'on les approche ensuite l'un de l'autre ; celui de verre perdra son électricité acquise qui lui sera enlevée par le globe de résine que le frottement avait dépouillé de la sienne. Cette expérience confirme, on ne peut mieux, l'opinion de Francklin ; surtout quand la charge par cascade , et la bouteille de Leyde déchargée dans le vide ont démontré d'une manière incon- testable , que l'électricité résineuse , attribuée à l'une des surfaces de cette bouteille , n'est que la privation de son électricité naturelle. Le fluide électrique, possédé naturellement par chaque corps, n'est point répandu dans sou inté- rieur, mais sur sa surface ; et même seulement dans les sillons formés naturellement sur cette surface par l'agrégation des molécules globuleu- ses réunies , composant la substance de ce corps: DES PHYSICIENS MODERîlES. 2o5 et la surface du globe terrestre est une source iné- puisable de ce fluide. Deux corps conducteurs d'une surface uniforme et communiquant ensemble , se partagent aussi uniformément le fluide électrique que l'un des deux a acquis : mais si l'un de ces corps a été dé- pouillé de son fluide naturel, l'autre le dédom- mage aussitôt aux dépens de son propre fluide jusqu'à parfait équilibre, qui est bientôt établi, si ce dernier corps ne reçoit du réservoir commun de quoi réparer ses pertes : et voilà pourquoi il est nécessaire que la machine électrique et la personne qui en fait mouvoir le plateau ne soient pas isolés; car autrement le conducteur cesserait prompteraent de donner des marques d'électricité. On voit donc que l'électricité communiquée a un corps conducteur par le verre qu on frotte, ne sort pas du sein de ce corps vitreux, comme le prétendent ceux qui ont admis deux courans ou deux fluides électriques ; mais que cette électri- cité est transmise au verre par le frottoir, et que celiii-ci la reçoit du sol ou des corps environnans. L'espèce d'électricité que présente un corps non conducteur dépend tantôt du frottoir , tantôt du changement arrivé dans la surface du corps non conducteur. En effet , quoique le verre s'électrise presque toujours positivement par le frottement, cependant il ne manifeste plus que l'électricité négative, si on le frotte avec le poil de chat. C'est que dans le premier cas , le verre enlève au frot- toir son fluide naturel ; et que dans le second , c'est le frottoir qui s'empare de celui du verre. Il en est de même quand il arrive quelque changement à la surface des substances vitreuses ; car par le frottement elles ne donnent l'électricité positive que lorsque leur surface est polie et lisse : mais si celle-ci est dépolie , on n'obtient plus par les 206 ERREURS DÉVOILÉES mêmes frottoirs que l'électricité négative. Bien d'autres substances s'électrisent aussi ou négati- vement ou positivement selon le changement qu'aura subi leur surface. Ces singularités éton- nantes se remarquent surtout dans la soie qui est un corps non conducteur ; car lorsqu'on frotte un ruban de soie blanc contre un autre de cou- leur noire , celui-ci s'électrise négativement , et l'autre positivement. On doit conclure de tout ce que je viens de dire, que l'électricité qu'on nom tue vitrée n'est que l'addition ou l'accumulation du fluide élec- trique sur la surface d'un corps qui n'avait que son fluide naturel ; tandis que l'électricité appe- lée résineuse est la privation de ce même fluide naturel; et il y a certaines substances qui passent facilement d une électricité à celle qui lui est opposée. Par exemple, le taffetas gommé acquiert l'élec- tricité négative par le frottement ordinaire ; mais M. le professeur Libes a observé que si l'on ap- plique fortement sur sa surface un disque métal- lique isolé par une tige de verre qu'on tient à la main , le taffetas , après que le disque en a été enlevé , est électrisé positivement et le disque négativement. On obtient le même résultat avec un plateau de verre ; car le taffetas passe alors à l'état posi- tif, et le verre à l'état négatif; et ces deux états sont ainsi d'une espèce tout opposée à celle qu'on obtiendrait par le frottement ordinaire. Au lieu de ne voir dans tous ces phénomènes qu'une seule espèce de fluide électrique , ceux qui n'ont pu concevoir la théorie simple et natu- relle de Franckhn ont cherché à expliquer ces mêmes })hénomènes par un double fluide, l'un vitré, l'autre résineux, dont j'ai déjà fait mention, DES PHYSICIENS MODERNES. 207 qu'ils supposent renfermés dans Fintérieur de chaque corps, et qui y restent, selon eux, comme enchaînés, tant que ces deux fluides s'y trouvent neutralisés l'un par l'autre ; mais dès que le frot- tement les dégage, ils ne peuvent plus, disent-ils, se maintenir dans le corps, et ils se séparent en n'obéissant plus quà leur force répulsive mutuelle. Se tronvent-ils ensuite en présence l'un de l'autre, ils se réunissent de nouveau , et ils ne composent plus alors qu'un seul fluide qui rentre dans le corps et y demeure fixé comme auparavant. Yoilà ce que supposent contre toute raison ceux qui ont embrassé la doctrine de Symmer ; car si après que le frottement les a fait sortir d'un corps, ces fluides demeurent séparés, ce ne peut être en effet que par la répulsion qu'ils exerce- raient l'un contre l'autre; mais, dans ce cas, pour faire cesser cette répulsion mutuelle, pour réunir de nouveau ces fluides et les faire rentrer dans le corps , il faudra une force pour le moins aussi énergique que celle qui les a désunis ; sans quoi ils ne pourront jamais se rejoindre. Mais de quelle espèce sera cette force , et où la placera-t-on ? C'est ce qu'on nous laisse ignorer , parce qu'on ne le sait pas ; et cependant cela était très-essentiel à dire pour donner quelque ombre de vraisem- blance à la théorie qu'on établit ou qu'on pré- conise. D'ailleurs j'ai déjà fait voir que dans l'intérieur des corps, il n'y avait que les molécules de la lu- mière avec leurs atmosphères ignigènes. Pour que d'autres lumineuses qui n'auraient pas la même atmosphère pussent y trouver place sans aucun changement dans ces corps , il faudrait qu'elles chassassent les premières ; ce qui ne pourrait se faire sans bouleverser toute la masse. Or , c'est ce qui arrive quelquefois partiellement , lorsque ào8 ERREURS DÉVOILÉES le fluide électrique accumulé en trop grande quantité dans une bouteille de Leyde ou dan* une batterie , s'ouvre un passage à travers les pa- rois des vaisseaux ; car alors il les fêle ou les perce , surtout quand le liquide dont ils sont rem- plis a un degré de chaleur fort élevé. Mais si les lumineuses qui tendraient à s'introduire dans un corps , avaient une atmosphère semblable à celle que possèdent les lumineuses qui y sont déjà placées, elles n'expulseraient pas, il est vrai, ces dernières, mais par leur jonction elles apporte- raient du changement dans ce corps , ou en lui communiquant un plus grand degré de chaleur, ou en le dilatant sensiblement s'il était solide ou fluide ; ou en le liquéfiant s'il était fusible , ou enfin en activant son évaporation s'il était liquide; et l'on voit que , dans tous ces cas, ces nouvelles lumineuses introduites dans l'intérieur de ce corps , manifesteraient leur présence par des effets sensibles. Il me semble fort inutile de m'arrêter à réfuter l'hypothèse des partisans des deux fluides , rela- tive à la charge et à la décharge de la bouteille de Leyde; car si on réfléchit sur ce que je viens de dire, on verra que cette hypothèse fourmille de contradictions. En effet , si , comme le suppo- sent les disciples de Symmer, il existait deux fluides hétérogènes qui s'avanceraient à la rencontre l'un de l'autre pour se choquer où se neutraliser , qu'arriverait-il lorsque dans la décharge de cette bouteille on fait parcourir à l'étincelle électrique une corde mouillée, et que cette expérience se fait dans l'obscurité ? Ne devrait-on pas voir deux étincelles parcourir cette corde en sens contraire et disparaître au point de réunion ? Or, on n'ob- serve qu'une seule étincelle qui , partant de la sur- face de la bouteille électrisée positivement, suit la DES Ï»HYSICIEJS^S MODERMES. 20g route le long de la corde , et se dirige du coté de la surface électrisée négativement ; ce qui démon- tre invinciblement qu'il n'y a qu'un seul fluide électrique. Je m'étonne que Symmer et ses parti- sans n'aient pas été arrêtés par cette expérience qui bien méditée aurait dû leur faire rejeter promptement l'hypothèse des deux fluides. Ce qui a fait imaginer cette hypothèse , c'est la difficulté qu'on a rencontrée dans l'explication des attractions et des répulsions électriques. On ne pouvoit concevoir comment deux corps élec- trisés négativement se repoussaient , ainsi que ceux qui l'étaient positivement. Donc , pour éviter cette difficulté , il fallait , disait-on , supposer et admettre deux fluides différens, quoique « leur » existence ne fût ni démontrée , ni fondée sur » des raisons aussi recevables que celle du fluide » électrique lui-même, » comme l'avoue M. Haiiy partisan des deux fluides (i\ C'est ainsi qu'en re- courant à des suppositions, même peu plausibles, et prenant la liberté d'accommoder à sa manière de voir ce qui se passe dans les phénomènes électriques , on a cru satisfaire à tout avec deux fluides. De r imperméabilité du verre , et de différens ejfèts de V électricité dans le vide. Cedx qui ont traité de l'électricité ont, à l'ex- ception de Francklin et de ceux qui suivent sa doctrine, cru fermement que le fluide électrique, dans son état naturel, est contenu dans les corps, et qu'étant mis en liberté, il passe au travers des substances les plus compactes, telles que les corps vitreux , les métaux , etc. ; mais les expériences prouvent toutes que c'est-là un erreur manifeste. (i) Voyez Haùy, ^o'525 et 5^7 de la 2'= édit. et Sq^ delà 3' 14 2IO ERREURS DEVOILEES En effet , sans parler de la charge par cascade et de la bouteille de Leyde qui se décharge dans le vide, et qui fait voir dans l'obscurité le fluide électrique glissant sur ses surfaces , les physiciens n'ont-ils pas observé que l'étincelle qui part d'un carreau fulminant, d'une bouteille de Leyde , et surtout d'une batterie électrique, perce les corps peu épais , tels qu'une lame mince d'étain , une carte , des feuilles de papier qu'elle rencontre sur sa route ; et que parfois, lorsque cette batterie ou cette bouteille sont fortement chargées , cette étincelle s'ouvre un passage à travers leurs parois, Jallabert de Genève eut lieu de s'en convaincre en électrisant un paralytique. « Voulant , dit » Paulian, dans son Dictionnaire de Physique^ lui » épargner le contact d un vase froid dans l'expé- » rience de la commotion , il la lui fit éprouver j) avec de l'eau bouillante. Des éclats de lumière )) très-vifs parurent d'eux-mêmes avant que le ma- )) lade approcha la main du vase: ils devinrent plus w vifs et plus nombreux quand il y appliqua la w main ; et au moment qui! tira l'étincelle , la lu- y) mière dont le vase se remplit parut tout-à-coup j> d'un vivacité inexprimable. La secousse fut pro- » digieuse , et au même instant un morceau orbi- » culaire de deux lignes et demie de diamètre fut » lancé contre le mur qui en était à cinq pieds » de distance, sans qu'il y eût aucune fêlure au » vase. Le malade effrayé et tremblant assura » qu'un coup violent l'avait frappé en diverses » parties du corps , et qu'il lui en restait une vive » douleur dans les bras et dans les reins. » Dans tous ces cas , si le fluide électrique pou- vait pénétrer le verre, les métaux et ajitres corps, comme le fait l'eau à l'égard d'une terre spon- gieuse , cette ])énétration aurait lieu simplement sanséprouver de résistance ; car dans ces substances DES PHYSICIENS MODERNES. ^11 il y a assez de pores par où ce fluide pourrait s'écouler: cependant, pour les traverser, il faut qu'il les perce ou qu'il les fcle. D'ailleurs , Coulomb n'a-t-il pas prouvé qu'une sphère de métal ne s'électrise pas dans son intérieur? On voit donc que le fluide électrique ne traverse pas les corps compactes, et qu'il existe encore moins en dedans de ces corps. NoUet, le plus grand défenseur de la prétendue perméabilité du verre, a été trompé par les expé- riences qu'il avait entreprises pour la faire pré- valoir, et qu'il n'avait pas assez méditées. En voici trois des principales : Première Expérience. Ce physicien suspendit dans le récipient de la machine pneumatique une légère feuille de métal; et après en avoir pompé l'air, il approcha de sa surface extérieure un tube de verre bien électrisé par le frottement. Il vit naître aussitôt de cet endroit un ou plusieurs jets de matière lumineuse, qui s'étendaient dans l'in- térieur du vaisseau ; et à l'aide de cette lumière, il observa que la feuille suspendue s'agitait plus ou moins en différens sens , selon qu'elle était atteinte par ces jets lumineux. Deuxième Expérience. Le même physicien prit un vase de verre un peu large, au fond duquel il mit un support de bois ou de carton lisse , couvert de légères feuilles métalliques ; il posa ensuite au-dessus de ce vase un carreau de vitre, faisant ensorte qu'il n'existât aucune communica- tion entre le dedans et le dehors; et après avoir présenté le même tube également bien électrisé à une petite distance au-dessus du carreau de vitre, il vit que ces feuilles s'élevaient au couvercle et retombaient à plusieurs reprises. Troisième Expérience. Nollet choisit un matras de verre mince dont la boule avait 4^5 pouces 2 I 2 ERREURS DEVOILEES de diamètre, et dont rintérieiir était très-sec* Après y avoir fait le vide , il en scella herméti- quement le cou qu'il alongea au feu de la lampe, jusqu'à ce qu'il fût réduit à environ 6 pouces de longueur. Il fit entrer ce cou dans un canon de fusil qu'il électrisa ensuite. Tant que l'électricité était un peu forte, il voyait dans l'obscurité des jets lumineux s'élancer continuellement dans l'intérieur du matras. Présentait-il le doigt à la partie directement opposée au cou , il faisait naître un nouveau jet. Tirait-il des étincelles du canon de fusil, tout l'intérieur du matras se remplissait d'une lumière diffuse et momentanée, assez sem- blable à celle des éclairs (i). Nollet conclut de ces trois expériences et d'au- tres semblables , que la matière électrique du corps électrisé passe au travers du verre ; mais il conclut à faux. Les faits produits dans ces expé- riences ne proviennent que du fluide électrique naturel répandu sur la surface intérieure de ce verre , et qui est chassé de sa place, (a) En effet , quand on fait le vide dans le récipient de la machine pneumatique, où l'on a suspendu une légère feuille de métal , les molécules du fluide électrique naturel qui , disséminées sur la surface intérieure du corps vitreux, sont opposées aux opaques de l'air renfermé dans le récipient, n'étant plus comprimées par celles-ci comme au- paravant , n'adhèrent plus que faiblement aux opaques du verre, et sont près de céder au moin- (i) Voyez Paulian, Dict. de Fhys., tom. V, p. 74 et 7$. (2) Nota. Pour que les conclusions que Nollet a tirées de ce» expériences fussent vraies, il faudrait qu'il eût prouvé qu'une des surfaces d'un corps vitreux ne possède point de fluide naturel ; ce qu'il n'aurait osé soutenir , puisqu'il dit au contraire que la matière électrique est répandue tant au dedans qu'au dehors des corps. DES PHYSICIENS MODERNES. 2x3 dre effort. Or , quand on approche de la surface extérieure de ce récipient un tube électrisé , l'at- mosphère électrique de celui-ci , repoussant en dedans les files mobiles de lumière dont j'ai parlé , achève de vaincre le peu d'adhérence qui existait encore entre les électriques et les opaques de cette substance vitreuse; et celles-là, en s'échap- pant , se réunissent en masses himineuses plus ou moins considérables, et se portant, soit sur les parties de la surface intérieure du récipient éloi- gnées du tube, soit sur la feuille métallique, électrisent celle-ci et la font mouvoir en divers sens par le mécanisme que jindiquerai en parlant des attractions et des répulsions électriques. Il en est de même de l'expérience deuxième , avec cette différence , qu'il faut approcher d'un peu plus près le tube du carreau de verre; parce que le fluide naturel de la surface inférieure de celui-ci , y étant encore retenu par la pression de l'air extérieur, exige une action moins éloignée pour en être expulsé. De cette manière , ce fluide se porte sur les feuilles métalliques et le support qui , s'électrisant ensemble , se repoussent mu- tuellement. L'on voit alors ces feuilles s'élever et retomber à plusieurs reprises selon qu'elles reçoi- vent ou perdent de ce fluide. A l'égard de la troisième expérience , il faut se rappeler quelle est la marche du fluide électrique de la bouteille de Leyde électrisée qu'on laisse se décharger spontanément dans le vide. Ce fluide accumulé sur une surface passe-t-il au travers du verre pour aller restituer à l'autre surface la par- tie de ce fluide dont on l'avait dépouillée? Non, Pour rétablir l'équilibre détruit , il glisse sur les surfaces , mais seulement par jets. C'est à peu près de la même manière que ce fluide, s'écoulant du fusil électrisé , se répand sur la surface exté- 2l4 ERREURS DtVOILEES rieure du raatras scellé hermétiquement. Le verre n'étant pas un bon conducteur , et s'opposant même à la marche de la matière électrique, celle- ci ne peut s'étendre , comme une nappe , sur toute la surface extérieure du matras ; mais elle se dirige vers les parties qui lui résistent le moins ; et en passant , d repousse les files de lumière qui occupent les pores du corps vitreux, et ces files repoussent, à leur tour et en dedans, le fluide naturel répandu sur sa surface intérieure. Ce dernier fluide devenu libre se réunit alors pour former des jets lumineux , ainsi que nous l'avons remarqué dans la première expérience. Vient-on à présenter le doigt à la partie du ma- tras opposée au cou scellé hermétiquement , on enlève le fluide électrique qui s'y était accumulé extérieurement. Les files de lumière de cette partie n'étant plus comprimées par ce dernier fluide , permettent au fluide intérieur qu'elles avaient rejeté vers les autres parties intérieures du matras, de reprendre leur poste; ce qui ne peut se faire que par des éclats lumineux ; parce que les mo- lécules de lumière deviennent illuminées, lorsque ramenées à l'état de liberté , elles se grouppent ensemble, Il faut raisonner de même par rapport aux étincelles qu'on tire du canon de fusil. La surface extérieure du matras est alors déchargée du fluide électrique surabondant dans quelques parties ; tandis que les parties intérieures qui sont vis-à-vis, abandonnent le fluide naturel qui s'était porté sur elles momentanément, et qui retourne au poste dont il avait été expulsé : et voilà d'où vient cette lumière diffijse qui, comme dit Nollet, remplit tout l'intérieur du matras. Il faut observer que si l'électricité n'était pas assez forte , l'expérience ne réussirait pas ; parce que la matière électrique ne pourrait surmonter DP.s piiysicie:\s modeiines. •?. I .) l'obstacle que lui oppose la surface vitreuse; mais peu importerait qu'elle fût faible, si ce fluide tra- versait le verre ; car que ce soit un petit ruisseau ou une grande rivière qui passent sur un terrain spongieux, leurs eaux ne filtreront pas moins. Quoique le fluide électrique ne puisse pas pé- nétrer dans un matras vide d air , fermé hermé- tiquement, cependant il se transmet dans un ré- cipient dont l'air a été exclu , quand une tige métallique plonge dedans ; parce que ce fluide glisse le long de la surface de cette tige pour se porter dans 1 intérieur de ce récipient, et finit par se perdre dans le réservoir commun par l'inter- médiaire des diverses parties de la machine pneu- matique. Ce fluide pénètre également dans un tube purgé d'air , lorsqu'il est fermé à ses extré- mités par des pièces de métal. C'est à cette facilité qu'a le fluide électrique de glisser sur les surfaces métalliques , même com- primées par des substances non conductrices , que sont dues ces superbes expériences que l'on fait avec ces différens vaisseaux vides d'air , et qui représentent ou une cascade , ou une gerbe de feu, ou un soleil et plusieurs autres belles figu- res, suivant qu'on modifie l'appareil destiné à les produire (i). Mais dans ces sortes d'expériences, il ne faut pas trop forcer l'électricité , parce que ces vaisseaux vides d'air pourraient souvent se briser au grand danger des spectateurs. 11 est bon de remarquer que le fluide électrique qui se manifeste dans ces vaisseaux purgés d'air , n'a pas ordinairement une couleur blanche et éclatante , mais une couleur purpurine. Et pour- quoi ? Farce que l'air dilaté , ue comprimant plus les électriques , et laissant aux lumineuses ordi- (i) Voyez Haûy, n." $77 de la 2.^ édit. et 694 de Ja 3.* Sll6 ERREURS D]ÉVOIL]ÉES uaires, qui sont dans leurs pores, la liberté d'é- tendre leur atmosphère , ces lumineuses empê- chent ces électriques de se réunir parfaitement ; et nous avons montré que le vif éclat de la lu- mière, et par conséquent des électriques qui sont aussi des molécules de lumière , dépend d'une jonction parfaite. Si je ne craignais d'être trop prolixe , je pour- rais citer bien d'autres expériences en faveur de l'imperméabilité du verre. Au reste qu'on ne croie pas que l'opinion de Francklin soit dénuée de partisans; elle en compte un grand nombre, tels que Volta, Brugnatelli , Davy , Van-Mons, Sigaud de la Fond, et autres qui tiennent un rang distin- gué dans les sciences (i) ; et j'ose assurer que, quoiqu'on en dise, il n'y a aucune expérience, si elle est bien faite et bien réfléchie , qui puisse contredire cette opinion. Des Attractions et des Répulsions électjiques. Si l'on place des corps très-légers sur un con- ducteur qui est à l'état naturel , et d'autres au- dessous à une petite distance ; aussitôt qu'on fera tourner le plateau de la machine électrique , ceux- là seront repoussés et ces derniers attirés pour être repoussés à leur tour. Mais ce n'est pas tout. Sur une même surface de ce conducteur éleclrisé, et parmi ces corps mobiles , on en voit qui sont repoussés, tandis que d'autres sont attirés; et les mêmes mouvemens opposés continueront, si ces petits corps rencontrent des substances conduc- trices qui leur enlèvent l'électricité acquise. Ces attractions et ces répulsions simultanées ont beaucoup embarrassé les physiciens qui , ne pouvant concevoir la cause de ces mouvemens (i) Voyez Libes , tom. III , page 2^9, li." 1624. DES PHYSICIENS MODERNES. 217 opposés , ont , pour les expliquer , imaginé des hypothèses plus ou moins erronées. On a d'abord attribué ces effets à des tourbillons électriques , puis à deux courans de matière électrique, dont l'un sortait du corps électrisé , et l'autre y ren- trait, et qu'on nommait matière effluente, et ma- tière affluente. Enfin les physiciens qui ont em- brassé l'hypothèse de Symmer font dépendre ces mêmes effets des actions combinées de leur dou- ble fluide électrique ; mais il n'est pas difficile d'apercevoir, d'après ce que j'ai dit, que toutes ces opinions sont fausses. Ces attractions de même que ces répulsions proviennent de l'atmosphère qui environne cha- cun des corps électrisés , et qui est très-étendue par rapport à leur volume. Cette atmosphère est formée par l'air environnant , et non par la ma- tière électrique qui ne s'élève guères au-dessus des surfaces ; et ses couches sont d'autant plus denses qu'elles sont plus près du corps électrisé. Si un brin de paille, par exemple, est tangent de cette atmosphère , il en est attiré et tend vers ce corps, comme un roseau, abandonné à sa propre force à une grande élévation , gravite vers la terre par l'effet attractif de l'atmosphère terrestre. Cette paille, étant électrisable par communica- tion , se forme aussi une atmosphère dès qu'elle est parvenue sur la surface du corps électrisé ; et ne faisant plus qu'un tout avec son enveloppe atmosphérique , il en résulte alors une masse plus légère que les couches inférieures de l'atmosphère qui l'avait attirée ; ce qui l'oblige de s'élancer dans les couches supérieures : tout de même qu'un aérostat s'élève dans les régions aériennes, parce qu'il pèse moins que le volume d'air qu'il déplace. Mais l'ascension de cet aérostat ne dure qu'autant qu'il conserve le gaz qui lavait soulevé ; car en le 2l8 ERREUBS DEVOILEES perdant, il descend par son propre poids, parce qu'il n'a plus ce qui lui faisait surmonter l'action attractive des couches les plus basses de notre at- mosphère. Il en arrive autant à cette paille dont nous parlons, quand elle s'est élevée; car si en la touchant on la dépouille de son électricité ac- quise, elle perd aussitôt son enveloppe atmosphé- rique ; et devenant plus pesante que les couches de l'atmosphère électrique où elle est suspendue, elle s'y précipite pour s'élancer de nouveau quand elle se sera formée une autre atmosphère , en s'eraparant d'une portion du fluide électrique du corps électrisé. Maintenant, qu'il y ait plusieurs de ces petits corps qui, s'étant élevés , se tiennent suspendus an-dessus de ce conducteur électrisé ; si on les touche l'un après l'autre, on leur fera perdre leur atmosphère , en leur ravissant le fluide électrique qu'ils avaient reçu. Ils se précipiteront donc tour- à-tour sur ce conducteur et se soulèveront de nouveau à mesure qu'ils auront repris le fluide dont ils avaient été dépouillés. Mais comme tous ne l'ont pas été au même instant, il arrive que les uns tombent sur le conducteur , tandis que les autres s'en éloignent. De même qu'on verrait un aérostat s'élancer dans les airs , en même temps qu'un autre se précipiterait sur la surlace terrestre par la perte de son gaz. On voit donc qu'il n'est pas besoin de tourbillon , ni de matière effluente et affluente , ni même de deux fluides électriques pour opérer ces attractions et ces ré- pulsions simultanées; et qu'enfin il est faux qu'un corps électrisé n'attire à lui un corps non élec- trisé qu'on lui présente , qu'af)rès l'avoir rendu attirable en le faisant d'abord sortir de son état naturel, comme le prétendent Epinus , Coulomb et d'autres physiciens , d'après les principes de Symmer dont ils préconisent la doctrine. DES PHYSICIENS 3I0DERNES. 2I9 Pour n'avoir pas examiné le phénomène des attractions et des répulsions électriques sous tou- tes leurs faces , tous ceux qui ont , jusqu'à ce jour, traité de l'électricité , se sont mépris en croyant que ces répulsions étaient totales, tandis qu'elles ne sont que partielles ; c'est-à-dire que le corps repoussé adhère encore à l'atmosphère du corps re- poussant, en demeurant dans les couchessupérieu- res. En effet , quand on laisse tomber une feuille mince de métal sur le conducteur éleclrisé ou sur un tube de verre rendu électrique par le frotte- ment , elle s'élance en l'air à plusieurs pouces de hauteur , où elle se tient presque immobile. Si ce conducteur ou ce tube n'est pas fixe , et qu'on puisse l'élever vers la feuille métallique , elle le fuira en suivant son mouvement , et en s'élevant d'une égale quantité ; mais elle descendra de même si on abaisse le conducteur ou le tube. Enfin une autre feuille métallique qu'on placerait des- sous , présenterait le même mécanisme ; car après avoir été attirée, puis repoussée jusqu'à une cer- taine distance, elle s'y tiendrait également immo- bile ; et ensuite elle monterait ou descendrait selon qu'on élèverait ou abaisserait le corps élec- trisé , à l'atmosphère duquel elle continuerait d'adhérer tant que celui-ci conserverait sa vertu électrique ; à moins que la pesanteur de cette feuille ne fût cause que l'attraction de notre at- mosphère ne la dérobai à celle de la précédente. Ces deux feuilles ainsi suspendues en deux points diamétralement opposés , représentent les vapeurs terrestres qui , par le moyen de leurs pe- tites atmosphères , s'élèvent au-dessus de nos têtes, tandis que celles qui sont vers nos anti- podes s'éloignent de nos pieds. Si les répulsions électriques s'effectuaient en totalité , comme on le pense , ces feuilles s'élan- 220 ERREURS DÉVOILÉES ceraient hors de l'atmosphère électrique du con- ducteur ou du tube , et n'obéiraient plus à leurs mouvemens. On a un exemple de ce que je viens de dire, dans de petits cubes de liège qu'on pose dans l'atmosphère d'un petit disque métallique très- mince , flottant sur une eau limpide. Ceux de ces cubes qui éprouvent une répulsion complète , s'échappent de l'atmosphère de ce disque , et en deviennent indépendans ; au lieu que ceux qui n'éprouvent qu'une répulsion incomplète demeu- rent dans son sein , et accompagnent ce disque partout où on le pousse, ou bien tournent avec lui , comme les nuages flottans dans l'air obéissent au mouvement de rotation du globe terrestre. Je crois devoir rapporter ici une expérience de l'abbé Poncelet , laquelle achèvera de faire con- naître le mécanisme des atmosphères électriques. Ce physicien ayant pris une assiette d'étain , la perça d'un clou vers son centre ; mais de sorte que la pointe en dépassait la surface inférieure. Ayant ensuite électrisé cette assiette, il plaça au- dessous, vers le bord, une petite feuille de métal qui , d'abord attirée, puis repoussée, se tint en- suite suspendue à une certaine distance. Alors elle commença à tracer des cercles concentriques jusqu'à ce qu'elle fût parvenue près du clou. Là elle s'arrêta , et après avoir frappé deux ou trois fois l'assiette , elle tomba. Ce phénomène, qui étonna l'abbé Poncelet sans qu'il pût l'expliquer, est dû à l'électricité acquise par l'assiette, et à la grande atmosphère que celle- ci s'était formée , et dans laquelle se mouvait cette feuille, et à laquelle elle était adhérente. En effet, cette électricité se dissipant ici , non en masse , mais peu à peu par la pointe du clou, formait un petit courant de matière électrique qui affluant DES PHYSICIENS MODERNES. 22 I ^e la circonférence au centre par des lignes con- centriques, entraînait la feuille de métal suspen- due, qui tomba naturellement à terre, quand elle fut arrivée vers le point où se déchargait Télec- tricité communiquée à l'assiette. Le mécanisme du carrillon électrique dépend de ces atmosphères ainsi acquises , perdues et recouvrées. On sait que ce carillon se compose ordinairement de deux timbres métalliques sus- pendus , que frappe alternativement un petit globe pareillement métallique. L'un de ces timbres com- munique avec le conducteur par sa chaîne de sus- pension , et l'autre est isolé par un cordon de soie ; mais il communique avec le sol par l'intermédiaire d'une autre chaîne. Le petit globe est de même isolé entre les deux timbres par un fil de soie. Au moment qu'on charge le conducteur, le fluide électrique se transmet de celui-ci au timbre qui y communique. Ce timbre se formant aussitôt une atmosphère , attire le petit globe qui ne peut ar- river sur lui sans le choquer , et sans faire enten- dre un son. Ce timbre lui cédant au moment du contact une partie de son électricité acquise , le met dans le cas de se former aussi une enveloppe atmosphérique qui, par la raison que nous avons déjà dite, le fait fuir jusqu'à un certain point, et l'oblige ainsi à frapper l'autre timbre. Ce dernier dépouillant alors ce petit globe de son électricité qui se perd en même temps dans le réservoir commun par la chaîne pendante à terre , le remet dans son état naturel et l'abandonne à l'attraction de l'atmosphère du premier timbre qui, lui cé- dant encore une portion du fluide électrique qu'il continue de recevoir du conducteur , le force à recommencer les mêmes mouvemens oscillatoires. C'est encore à ce mécanisme des atmosphères que sont soumis ces petits corps mus de diverses 222 ERREURS DÉVOILÉES manières par la matière électrique , et qui four- nissent à la physique tant d'expériences inté- ressantes. C'est aussi par le moyen des atmosphères réci- proques , formées par la présence du même fluide électrique ; que se fuient deux balles de moelle du sureau ou de toute autre matière conductrice, qu'on suspend par des fils à une faible distance l'une de l'autre, et qu'on électrise. On sent bien que si ces balles , ainsi que le petit globe métallique de l'expérience précédente , formaient , quoique suspendus , une masse lourde, ils ne pourraient ni être attirés, ni se fuir; parce que la grande force attractive de l'atmosphère terrestre surmonterait la faible attraction de l'at- mosphère électrique. Si quelquefois certains petit corps fuient le conducteur électrise avant de l'avoir touché, c'est que terminés en pointe , et soutirant le fluide électrique avant d'être arrivés au point du con- tact, ils se forment aussitôt une atmosphère qui, indépendante de celle du conducteur, les obhge à faire ce mouvement rétrograde , ainsi que je l'ai explique dans les expériences précédentes. On voit maintenant d'où provient la descente de ces petits corps qui , voisins d'un conducteur qu'on électrise , se précipitent sur sa surface. Mais cette attraction produite par une atmosphère sera-t-elle restreinte aux seuls corps électrisés ? Non, elle a lieu également pour tous ceux qu'en- toure un fluide atmosphérique ; et par conséquent pour le globe que nous habitons. DES P^YSICIE^'S MODERNES. 223 Comment les corps qui possèdent une électricité d une espèce différente s'attirent et repoussent ceux qui en ont une différente. Toutes sortes de corps possèdent naturellement une certaine quantité de fluide électrique répandu sur leur surface; mais les uns, tels que les corps conducteurs et les matières vitreuses, peuvent, à l'exception de certains cas très-rares , ajouter à cette quantité naturelle ; tandis que les autres , tels que la résine et autres substances analogues peuvent en être dépouillées en totalité ou en partie. Ces corps qui sont ainsi sortis de leur état naturel , prennent toujours une atmosphère qui fuit sa semblable jusqu'à un certain point et s'unit avec celle d'une espèce différente. Mais cela n'impli- que-t-il pas contradiction avec ce que j'ai démon- tré ailleurs, que les atmosphères d'une même es- pèce s'attiraient, et que celles d'une espèce diffé- rente se repoussaient ? Non ; parce que cette ré- pulsion des atmosphères électriques d'une même espèce n'est qu'imparfaite; car à l'instar des lu- mineuses ordinaires , elles adhèrent encore entre elles par leurs dernières couches ; puisqu'une légère feuille métallique électrisée positivement se tient suspendue au-dessous d'un globe ou d'un conducteur aussi électrisé positivement ; et si ces atmosphères ne se réunissent pas comme celles des molécules qui doivent former des corps soli- des , c'est qu'elles tendent à conserver presque toute leur expansibilité. Mais cette dernière cir- constance n'a plus lieu à l'égard de deux corps qui n'ont pas la même électricité; parce que , lors du contact atmosphérique, l'un des deux perd son atmosphère en revenant à son état naturel. Or, sans atmosphère plus de force répulsive; il faut donc que le corps qui a conservé cette at- 2^4 ERREURS DÉVOILÉES mosphère , exerce son pouvoir attractif sur celui qui l'a perdue , et qui n'avait que l'électricité négative. Soit, dira-t-on peut-être; mais comment des corps privés d'une partie de leur électricité na- turelle , ont-ils pu se former une atmosphère comme ceux qui ont acquis une surabondance de fluide électrique ? On va le voir bientôt. Les physiciens sont convenus que l'air est non conducteur du fluide électrique , et par consé- quent qu'il le repousse et en est repoussé. Il existe donc une répulsion réelle entre ces deux substances. D'un autre côté, les molécules aérien- nes exercent une attraction jdIus ou moins éner- gique à l'égard des molécules solides de tous les corps , puisque tous éprouvent plus ou moins l'action chimique de ce fluide élastique. Donc cette répulsion et cette attraction sont deux causes opposées qui , agissant en même temps, doivent se détruire mutuellement; et alors il n'y a plus ni attraction ni répulsion ; et c'est le cas des corps qui sont dans leur état naturel. Si vous ajoutez une certaine quantité de fluide électrique à leur surface, ce fluide masquera les molécules solides, c'est-à-dire les opaques de ces corps , et empêchera toute attraction entre elles et les aériennes. Il ne restera donc plus que l'action répulsive du fluide électrique ; les aériennes seront donc repoussées; et par-là forcées de se ranger autour de la surface électrisée : mais parce qu'il existe réellement une attraction réciproque entre les atmosphères des molécules d'un fluide élastique , comme entre celles des molécules de toutes les substances d'une même espèce, ces aériennes , en adhérant ensem- ble , formeront des files droites qui , aboutissant aux électriques repoussantes comme à une base , constitueront une grande atmosphère laquelle DES PHYSICIENS MODERAES. 1l5 s'étendra plus ou moins loin de la surface éiec- trisée, selon le degré de force avec laquelle les premières aériennes auront été repoussées. Si au contraire vous dépouillez la surface d'un corps de son électricité naturelle , l'attraction de ses opaques subsistant seule, les aériennes en seront attirées; et puisque ces dernières, par le moyen de leurs atmosphères propres, se tiennent toujours comme enchaînées les unes avec les autres , ainsi que nous venons de le voir , il en résultera , comme dans le cas précédent , une grande atmosphère dont la densité et l'énergie beaucoup moindres diminueront aussi d'autant plus que ses couches seront plus éloignées de cette surface électrisée négativement. Voilà comment les substances qui ont l'électricité négative se forment une atmo- sphère expansible de même que celles qui possè- dent l'électricité positive. Ce que je viens de dire explique pourquoi deux corps légers , deux balles de moelle de sureau , par exemple , doués de l'électricité négative , se repoussent mutuellement. Ainsi cette répulsion ne contrarie point l'opinion de Francklin , comme on l'a supposé mal à propos , parce qu'on mécon- naissait tout-à-fait le phénomène. Les corps dont l'électricité est négative, arrivés dans l'atmosphère d'un corps électrisé positive- ment, se dépouillent de leur atmosphère par la tendance qu'ils ont à reprendre le fluide qui leur a été enlevé ; et parvenus au point de contact , ils y demeurent attachés comme une masse inerte , jusqu'à ce qu'ils aient repris la partie de l'électri- cité qui leur est naturelle ; et que l'autre corps ait perdu toute celle qu'il avait acquise; mais ils ne sauraient fuir le corps attirant, parce qu'ils n'ont pas pu enlever assez de matière électrique pour se former une atmosphère positive. i5' 220 ERREURS DÉVOILÉES Il faut raisonner de même à l'égard des corps non-conducteurs dans leur état ordinaire, et at- tirés par l'atmosphère d'un corps électrisé positi- vement. N'ayant que la quantité d'électricité qui leur est naturelle et ne pouvant l'augmenter , ils ne sauraient fuir celui-ci, puisqu'ils sont sans atmosphère électrique. Quant aux petits corps conducteurs qui gravitent dans l'atmosphère d'un corps électrisé négativement , celui-ci tendant à leur ravir leur fluide électrique naturel , et ces corps le retenant avec force, il s'ensuit une lutte qui les tient réunis jusqu'à ce que le corps non- conducteur , en recouvrant son fluide naturel , se soit dépouillé de son atmosphère. On voit donc d'après ce qui précède que lors- que l'attraction n'est pas suivie de la répulsion , c'est que l'un des deux corps électrisés a perdu son atmosphère, ou n'a pu s'en former une. Considérations importantes sur la décharge de la bouteille de Lejde. Parmi les phénomènes de l'électricité il y a quelque chose de bien étonnant; c'est la marche du fluide électrique qui s'est élancé de la surface d'une bouteille électrisée positivement , pour se porter vers celle qui l'est négativement , en par- courant un grand espace , sans se déranger de sa route. Il est facile de concevoir que l'étincelle élec- trique qui s'échappe d'un conducteur doit s'épar- piller et devenir invisible en arrivant sur un corps aussi conducteur; parce que d'un côté, l'attraction des opaques de ce corps, et de l'autre, la répul- sion des lumineuses ordinaires que cette étincelle renferme, doivent la désunir entièrement. x\Tais comment expliquer la marche de cette étincelle dans la décharge d'une bouteille de Leyde ou DES PHYSICIENS JfOnERNFS. '10.'] d'une batterie électrique? On pourrait être peu surpris si elle n'enfilait qu'un conJucteur très court, tel que les deux branches d'un excitateur; mais qu'elle parcoure un circuit , même de plu- sieurs milles (i), pour se rendre à la surface qni la réclame , et qui n'est pas éloignée d'une ligue de celle d'où elle est partie ; c'est , je l'avoue, un phénomène qui surpasse toute l'intelligence de ma raison individuelle , et je pense aussi que c'est là un des nombreux mystères physiques dont le Créateur s'est réservé le secret. Cette expérience , dont toute la science de l'homme ne pourra jamais donner une explication claire et convenable , mais aussi qu'il ne pourra jamais nier, est, parmi cent autres témoignages, encore plus véridiques et d'un plus grand poids, la condamnation de ceux qui dans les mystères de la religion osent tout soumettre à leur faible raison individuelle, et ne veulent croire que ce qu'elle peut comprendre ou expliquer. Car entln par quel mécanisme cette étincelle se dirige-t-elle vers la surface électrisée en moins? Est-ce par une espèce d'attraction ? Mais toute attraction spon- tanée n'a lieu que par l'intermédiaire des atmo- sphères, et se fait par le chemin le plus court. Serait-ce par un effet du hasard ? Mais le hasard n'est qu'un vain mot , et ce qu'il paraît produire n'arrive pas deux fois de la même manière. Or , qu'on abrège , qu'on alonge le circuit , qu'on in- terrompe le conducteur par un terrein humide ou par des eaux , jamais l'étincelle ne se méprendra ; elle ne se détournera ni à droite ni à gauche ; mais elle saura toujours arriver au lieu de sa destination , malgré les nombreux détours où l'on peut l'engager, et en dépit de l'air qui de- (2)Hauy,Tr.éléni.dePhys ,K°'585delaa'=édif.,et 7oadeJa 3^ 2 28 ERREURS DÉVOILÉES vrait nécessairement ralentir et puis arrêter sa marche. Cette étincelle , accomplissant ainsi sa tâche avec exactitude et rapidité , quoique la ligne qu'elle parcoure n'ait pas toujours la même éten- due ni la même figure, semble doiiée d'un véri- table instinct; cependant ce n'est qu'un être passif et matériel ; mais cet être sans intelligence exé- cute, sans le savoir, les ordres du Dieu qui l'a créé, et dans sa petitesse nous fournit un exemple remarquable de la manière dont toute la nature et principalement les divers globes obéissent à leur Souverain, en remplissant leur carrière, soit dans des orbes réguliers , soit dans des épicycles autour d'un autre astre, et arrivent, sans s'arrêter ni dévier, au point qui leur a été assigné , malgré l'obstacle qu'oppose à leur cours l'éther répandu dans l'espace. De VElectrophore. 0]>r nomme électrophore un appareil qui con^ serve assez long temps sa vertu électrique. Il est composé de deux plaques rondes de métal, dont l'une appelée le plateau , est enduite d'un côté d'une couche de matière résineuse; l'autre, qu'on nomme conducteur^ est attachée à des cordons de soie ou à une tige de verre qui servent à l'isoler. Le conducteur étant séparé du plateau , on électrise celui-ci en frottant ou en frappant la couche de résine avec une peau de lièvre ou de quelque animal à poil; puis on pose, dessus, le conducteur qu'on presse un petit instant avec le doigt. Après avoir retiré le doigt , on enlève le conducteur par le moyen du cylindre de verre ou des cordons de soie. Si l'on approche alors de ce condiicteur ou le doigt ou un excitateur, DES PHYSICIENS MODERNES. 2if) on en fera jaillir une étincelle électrique. En répétant le même procédé, on obtiendra de nou- velles étincelles sans avoir besoin de frotter le plateau avec la peau de lièvre; et si Ton se sert de la boule métallique d'une bouteille de Leyde pour les produire , on chargera celle-ci en peu de temps. Il est facile d'expliquer ces différens effets par les principes que nous avons déjà émis. Car lors- qu'on frotte le plateau , on lui enlève une partie de son électricité naturelle ; parce que la peau de lièvre a plus d'affinité ou d attraction pour ce fluide que la résine. Le conducteur appliqué sur celle-ci , retient par la même raison , l'électricité qui lui est propre ; mais si vous le pressez avec le doigt , vous lui communiquerez de ce fluide que la résine tend à lui enlever , et ce fluide , s accumulant sur la surface inférieure de ce con- ducteur, s'y tiendra comme en dépôt pour fournir à la consommation qu'en doit faire la matière résineuse pour réparer ses pertes; mais parce que celle-ci n'est pas un corps conducteur , elle ne transmet que difficilement le fluide électrique , et par conséquent elle ne pourra reprendre que peu à peu celui dont elle a été dépouillée. Or si, pendant que le plateau a attiré ainsi le fluide électrique vers la surface inférieure du conduc- teur, vous retirez le doigt, puis le conducteur, ce dernier se trouvera chargé en plus de la quan- tité de fluide libre dont la résine n'a pas pu en- core s'emparer , lequel s'échappera en forme d'étincelle par l'approche d'un excitateur; ce qui n'arriverait pas si le conducteur n'était pas isolé, ou qu'on n'en eût pas retiré le doigt avant de le séparer de la résine ; parce qu'alors le fluide transmis, ayant une issue pour retourner dans le réservoir commun , le conducteur n'aurait 2'io FRRErRS DÉVOILÉES conservé de ce fluide que la quantité qu'il possède naturellement. Enfin , ayez deux bouteilles de Leyde parfaite- ment égales; électrisez-en une par le moyen du conducteur, et l'autre par le plateau, après avoir opéré comme dans l'expérience précédente. Si , tenant une de ces bouteilles dans la main droite et l'autre de la main gauche , vous les approchez l'une de l'autre en les faisant communiquer par la boule qui termine leur crochet , vous les dés- éleclriserez, et vous éprouverez la commotion ; tandis que cela n'a plus lieu , si vous les aviez chargées au même conducteur dune machine électrique. Yolta a conclu avec raison de ces expériences si connues , qu'il existe réellement deux électri- cités spécifiquement différentes, l'une positive et l'autre négative. En effet , la surface intérieure de la bouteille chargée au disque-conducteur a ajouté à sa quantité naturelle la surabondance de fluide qu'avait retenue ce disque , et la surface intérieure de la seconde bouteille a cédé à la résine une portion de son électricité naturelle. Ainsi l'une des deux surfaces a plus , l'autre moins ; tandis que les surfaces extérieures sont aussi dans deux états opposés, parce que la main a ôté à l'une , et a donné à l'autre. Il n'est donc pas étonnant qu'en établissant une communication entre ces deux surfaces par le moyen de la tige métallique qui plonge dans leur garniture inté- rieure , il y ait décharge et commotion; au lieu que ces bouteilles présentées à un même conduc- teur, s'électrisant uniformément, ne peuvent se décharger, parce que les surfaces qu'on fait com- muniquer ensemble , sont dans le même état. Les physiciens qui ont embrassé l'opinion de Symmer expliquent la première de ces trois expé- DES PHYSICIENS MODERNES. 2ÛI riences par la décomposition prétendue de leur double fluide électrique; mais ils omettent Tex- plication des deux autres; car elle contrarie leur système, qui, trop compliqué pour être naturel, ne saurait tenir contre des expériences si simples, à moins que ses défenseurs ne voulussent s aveu- gler eux-mêmes ; et si l'expérience de la charge par cascade , et celle de la bouteille électrisée qui se décharge dans le vide , n'avaient pas suffi encore pour démontrer l'existence de l'électricité positive et négative, la seconde de l'électrophore en fournirait une preuve bien convaincante. De l' Electromètre de Cavallo. Cet électromètre consiste en deux balles très- petites de moelle de sureau qu'on suspend par le moyen de deux cheveux à une boule de cuivre posée sur Torilice d'une espèce de flacon de verre. Ayant électrisé par le frottement un bâton de cire d'Espagne , on le présente très-près de la boule qu'on touche avec un doigt de l'autre main. Si l'on retire le doigt , puis la cire , tout l'appareil sera alors électrisé positivement, comme on l'a vu à l'égard du conducteur de l'électrophore ; et les deux balles , se repoussant , se tiendront écar- tées l'une de l'autre; parce qu'elles auront acquis une vraie atmosphère positive. Chaque fois qu'on présentera dé nouveau , à une certaine distance du point de suspension , le bâton de cire d'Espa- gne électrisé, les balles se rapprocheront, par la raison que la cire , dépouillée de son fluide élec- trique , fait revenir, dans la boule, une partie de l'électricité surabondante des balles. Si l'on diminue la distance , on pourra voir les balles se toucher; parce que la cire, en ramenant dans la boule tout le fluide surabondant que possédaient les balles, les réduit à leur état naturel. Appro- aOÎÏ ERREDUS Dr.VOILÉES chez-vous un peu plus la cire d'Espagne , les deux balles se repousseront de nouveau. Et pourquoi? Ce n'est pas , comme le disent les disciples de Symmer, parce que la cire a décomposé le fluide naturel des balles et les a fait passer à l'état d'électricité résineuse ; mais c'est parce qu'elle a ramené, comme dans l'expérience de Téleclro- plîore , le fluide électrique vers la partie qui la regarde ou vers le haut de la boule , et que la partie inférieure de celle-ci a dépouillé momen- tanément les petites balles de leur fluide naturel, et les a fait passer à l'état négatif. Nota. Je passerai sous silence le condensateur simple de Yolta et Félectromètre condensateur , parce que leurs effets dépendent du même méca- Tiisme que celui dont nous avons fait mention dans les deux articles précédens. Da pouvoir des pointes. §. I. Action d'une pointe pour lancer le fluide électrique. Une aiguille sotitire non-seulement le fluide électrique, lorsque sa pointe est tournée vers un conducteur électrisé ; mais elle le chasse encore lapidement, étant fixée sur ce même conducteur. On doit chercher l'explication de ces deux effets singuliers et dans l attraction mutuelle qui existe entre les électriques et les molécules propres des corps , et dans la répulsion qu'exercent l'une contre 1 autre, l'électrique et la lumineuse ordi- naire qui réside dans les pores de ces corps. Tant que l'attraction est plus forte que la ré- pulsion , le fluide électrique demeure fixe sur les surfaces. Quand cette dernière force a prévalu , ce fluide est expulsé. Or, celte répulsion agit en ' deux manières, ou perpendiculairement , ou lalé- DES PHYSICIEISS MODERtSES. 233 ralement; et c'est principalement à celte dernière action qu'est soumise la matière électrique, qui, cl'uu conducteur électrisé , afflue sur la surlace d'une aiguille qui y repose; tandis que cette ac- tion latérale est comme nulle à l'égard du même fluide répandu autour d'une sphère, par exemple. On doit en concevoir facilement la raison ; car la force répulsive qu'exerce latéralement une molé- cule de lumière de la surface de cette sphère électrisée , pour chasser une électrique de sa place , est contre-balancée par la résistance des opaques dans les pores desquelles se trouve cette molécule de lumière à atmosphère ignigène ; c'est-à-dire qu'à cause de la forme de cette même surface , une électrique quelconque libre n'est pas plus poussée dans un point que dans un autre, tant qu'une cause extérieure ne vient pas troubler cet équilibre. ^Tais ce n'est plus de même quand les électriques couvrent la surface d'une aiguille; car il y a un point , et c'est la pointe , où viennent aboutir toutes les lignes longitudi- nales de cette surface , sans qu'au-delà il y ait rien qui puisse s'opposer à la pression latérale , supportée par cette pointe. Cette électrique aura donc à soutenir les efforts réunis de toutes les électriques libres qui l'environnent , et qui ten- dent à fuir les lumineuses voisines. Or , cet effort surpassant de beaucoup l'action attractive exis- tante entre l'opaque de la pointe et l'électrique ; celle-ci , qui est mobile , sera obligée de céder et d'abandonner cette opaque , malgré le renfort que lui prête, par sa pression , l'atmosphère ter- restre ; et c'est ce qui arrivera nécessairement à toutes les électriques poussées successivement vers cette pointe : et voilà comment tous les corps anguleux ouvrent une voie facile à la dissipation du fluide électrique acquis. 234 ERREURS DEVOILEES §. II. Action d'une pointe pour soutirer le fluide électrique. Si la répulsion latérale des lumineuses ordi- naires envers les électriques, en surmontant l'at- traction existante entre ces dernières et les opa- ques de la même surface, chasse le fluide élec- trique qui afflue vers la pointe d'une aiguille placée sur un conducteur électrisé; l'attraction de l'opaque de celte pointe pour l'électrique d'une autre surface , aidée de la pression latérale à laquelle est soumise cette électrique, est la cause du phénomène que présente cette aiguille dans son état naturel, et dont la partie la plus aiguë, tournée vers un conducteur , soutire , en peu d'instans , toute l'électricité positive que celui-ci a acquise , lors même qu'elle est à quelque distance. En effet, puisque c'est un principe certain que les surfaces , dans leur état naturel , tendent à s'emparer de la matière électrique surabondante d'une autre surface, l'opaqtie de la pointe de l'aiguille , tournée vers un conducteur électrisé positivement , attirera celle des électriques oppo- sées à cette pointe (0- Si cette action existait seule, elle serait insuffisante, parce que cette opaque ne pourrait vaincre la force attractive que lui oppose l'opaque de la surface à laquelle l'électrique est adhérente, quand même la pointe en serait à la plus grande proximité ; parce que ces deux attrac- tions étant égales , elles se contre-balanceraient (i) Nota. Il est évident que les opaques étant d'une extrên-e petitesse, il doit y en avoir plusieurs vers la pointe d'une aiguille quelque déliée qu'elle soit; et si je ne place ici qu'une opaque, c'est pour réduire le phénomène au cas le plus simple, afin que l'explication en soit plus facile. DES VHYSICIEIVS MODERISES. 235 réciproquement. Mais il en arrive autrement quand une opaque quelconque d'un conducteur chargé d'électricité doit , pour retenir 1 électrique , lutter et contre la force attractive de l'opaque d'une pointe, et contre la répulsion latérale toujours active des lumineuses ordinaires à l'égard des électriques. Car alors cette répulsion trouvant un point qui lui résiste moins , devient prépondé- rante; et l'électrique alors obéissant à cette dou- ble action , s'élance sur la pointe de l'aiguille qui lui offre un conduit aisé pour se rendre dans le réservoir commun : et plus la force répulsive latérale l'emportera sur la force attractive de l'opaque ou des opaques qui agissent pour rete- nir les électriques sur le conducteur; moins la pointe de l'aiguille aura besoin d'en être proche pour soutirer le fluide; et l'on sent bien que cette force répulsive sera d'autant plus énergique, que la résistance sera moins considérable par le moin- dre nombre des opaques qui tendent à retenir ces électriques. Mais dira-t-on peut-être, si cette pointe n'a pu soutenir l'effort des électriques qui ont afflué sur elle, comment pourra-t-elle les soutirer? On ne fera cette objection que parce qu'on n'aura pas assez réfléchi sur les circonstances où se trouve cette aiguille. Quand elle laisse dissiper le fluide électrique, elle communique avec un conducteur qui a une surabondance de ce fluide ; quand au contraire elle le soutire, elle est en communi- cation avec un corps qui , n'ayant que sa quan- tité d'électricité naturelle , tend à partager celle qui s est accumulée sur un autre corps. Donc les deux cas n'étant pas semblables , les résultats doivent différer essentiellement. Lorsque c'est un corps émoussé qu'on présente à un conducteur positif, il faut diminuer sa dis- ^36 ERREURS DÉVOILÉES tance, si l'on veut décharger ce dernier de sa ma- tière électrique. En voici la raison. Ce corps émoussé n'a plus une ou quelques opaques isolées vers la partie qui regarde le conducteur ; cette partie en contient au contraire un très -grand nombre qui exercent leur attraction sur une égale quantité d'électriques de ce conducteur; mais ces électriques seront aussi attirées par autant d'opa- ques de la surface de celui-ci. Donc ces dernières molécules en concourant toutes ensemble à rete- nir ces électriques , affaibliront la pression laté- rale. Or celle-ci ne pourra devenir supérieure que lorsqu'on aura accourci la distance ; parce que de l'aveu de tous les physiciens , l'attraction augmente à proportion que la distance diminue ; et voilà pourquoi alors le fluide électrique s'échappe en forme d'étincelle, étant attiré tout à la fois en assez grande masse; au lieu que ne formant qu'un très- petit jet , quoique continuel , quand il est soutiré par une pointe fort aiguë , il ne manifeste son passage que par le point lumineux qu'on aperçoit vers celle-ci. C'est ici le lieu de faire mention d'un autre phénomène singulier qu'offrent les pointes , et qu'on n'a pas encore expliqué. Si l'on présente une pointe à un conducteur électrisé positive- ment , on ne pourra tirer alors de celui-ci aucune étincelle à une certaine distance ; mais les étin- celles reparaîtront si au lieu d'une, ce sont deux pointes qu'on présente; et elles cesseront encore si l'on y ajoute une troisième. Ce dernier effet manque quelquefois, mais le plus souvent il réus- sit (i). D'où proviennent donc ces effets dispara- tes? Le voici. Une pointe soutire le fluide électri- (i) Voyez BrissoD, tom. V, p. 287 , î.= édit. ; et Libes, tom. III, p. 189. DES PHYSICIENS MODERNES. ^37 que, une seconde le restitue en partie (i). Mais comment ? C'est qu'une portion du fluide qui af- flue vers la première pointe , se rend vers la se- conde ; et comme l'opaque qui se trouve au bout de celle-ci ne saurait contre-balancer par son at- traction l'effort latéral des électriques qui se portent vers elle, ainsi que je l'ai dit ci-devant, elle ne peut les empêcher de se dissiper et de se porter vers le conducteur que l'autre pointe tend à dépouiller. Si on ajoute une troisième aiguille, celle-ci soutirant avec la première plus de fluide électrique que n'en peut transmettre la seconde, le conducteur devra cesser de donner des étin- celles , parce que le fluide surabondant dont il pourra disposer pour les former ne sera pas assez considérable. Bruit que fait entendre V étincelle électrique. Lorsque , à l'approche d'un corps émoussé de nature conductrice , une étincelle jaillit d'un con- ducteur électrisé positivement, elle fait entendre un son qui provient du choc violent des lumi- neuses électriques contre les lumineuses ordinai- res de l'air ; car j'ai démontré ailleurs que les molécules de la lumière étaient seules retentis- santes; et elles le sont d'autant plus que les bases de la partie choquante sont de même nature que celles de la partie choquée. Et voilà pourquoi la foudre dont la masse est toute composée de lumi- neuses, fait retentir l'air de ses terribles éclats , en frappant avec véhémence les lumineuses ordi- (l) Nota. C'est par une semblable inflexion que le fluide élec- trique arrivant sur une aiguille creuse placée au bout d'un con- ducteur électrisé négarivemerit se porte sur l'eau qui s'écoule par le trou pratiqué à l'extrémité de cette aiguille , et qu'il accélère ainsi son mouvement, comme nous l'avous vu ailleurs. 238 ERREURS ÎIÉVOILÉES naires répandues dans les pores de celte substance atmosphérique. Odeur que répand le fluide électrique. L'odeur d'ail ou de phosphore que l'on sent ordinairement en s'approchant de très-près d'une aigrette lumineuse qui s'élance d'une pointe ob- tuse, fixée sur un conducteur électrisé positive- ment, est due au dégagement partiel des particu- les atmosphériques des lumineuses électriques ; car j'ai déjà fait remarquer que les bases de quel- que nature qu'elles soient , sont toutes entourées d'une petite atmosphère. Ces particules dégagées se mêlent dans la masse de l'air, ou plutôt elles s'unissent aux petites atmosphères des aériennes dont elles modifient momentanément la consti- tution ; et lorsque ensuite celles-ci sont portées sur les nerfs de l'odorat, elles causent la sensation désagréable qu'on éprouve. Cette odeur ne se fait point sentir quand la matière électrique suit un conducteur non interrompu ; parce qu'alors il n'y a point de dégagement de ces particules atmo- sphériques. Pour que ce dernier cas arrive, il faut qu'il y ait interruption dans la substance conduc- trice ; car par-là ce fluide , en s'élancant d'une partie dans une autre, éprouve inévitablement un cer- tain dérangement dans sa masse fluide, d'où s'en- suit le dégagement partiel des particules qui com- posent la petite atmosphère de ses molécules. La foudre , dans un temps d'orage , est d'autant plus fréquejite que la pluie est plus abondante. — Pourquoi ? Dans un temps d'orage , la pluie se précipite avec d'autant plus de véhémence que les éclats de la foudre sont plus bruyans et répétés. Dans ce cas, la phiie dans la région des nuages pré- DES PHYSÎCIEÎfS MODERNES. 289 cède-l-elle la foudre, ou celle-ci, comme le disent les physiciens , devance-t-elle la réunion des va- jîeurs en les déterminant à se précipiter en glo- bules vers la surface de la terre ? Ceux qui ont embrassé ce dernier sentiment se sont fondés sur ce que, dans les temps orageux de l'été , la pluie ne se renforce que quelque temps après qu'on a entendu le bruit réitéré de la foudre. Mais com^ ment n ont-ils pas fait attention que le son ayant beaucoup plus de vitesse qu'un corps qui tombe, le tonnerre peut bien se faire entendre avant que nous puissions voir la chute de la pluie , quand même son apparition suivrait la formation de celle-ci ? Or c'est ce qui a lieu réellement. En effet, le fluide électrique porté et disséminé sur les surfaces des nuages , se trouvant libre et isolé quand ceux-ci se résolvent rapidement en pluie, se réunit en une masse globuleuse plus ou moins considérable , en s'élanrant dans l'atmo- sphère ; jusqu'à ce qu'il rencontre quelque autre nuage qui puisse le recevoir , et où il disparaît en s'y dispersant. Quant à la foudre qui se préci- pite vers la terre suivant la direction qu'elle prend fortuitement avant son départ , elle se perd , comme on sait , dans le réservoir commun de l'électricité, en laissant trop souvent des marques funestes de son passage. Mais de quelque manière qu'elle se dirige , l'on sent bien que plus la dis- solution des nuages électrisés sera fréquente, ac> célérée, et se fera en grande masse, plus aussi il y aura de matière électrique en liberté; et par conséquent plus la foudre sera réitérée et terrible. Ce que je viens de dire de la formation de la foudre par la dissolution des nuages, fait voir que les physiciens n'ont pas rencontré juste en prétendant qu'elle ne paraît et n'éclate que lors- qu'un nuage électrique est dans le voisinage d'un a4o ERREURS DEVOILEES autre qui ne lest pas (i). Ces nuages ne forment pas fies corps toujours arrondis comme la boule d'un excitateur ; mais ils composent ordinaire- ment , surtout dans un temps d'orage , des masses d'une épaisseur considérable, incapables par con- séquent de déterminer le fluide électrique à s'é- chapper tout à la fois sous une forme volumi- neuse. Le fluide électrique qui s'est éparpillé dans un nuage après avoir éclaté , peut reparaître de nou- veau quand le nuage qui l'a reçu se résoudra de même en pluie. Ainsi la même quantité de ce fluide peut , dans un même orage , effrayer plus d'une fois les mortels , en reparaissant sous l'ap- parence de la foudre. Par quelle cause les corps non conducteurs du fluide électrique en deviennent quelquefois con- ducteurs. J'alla.is oublier de parler d'un phénomène in- diqué par les physiciens , mais qu'ils n'ont pas cherché à expliquer. C'est le changement d'état auquel sont sujets les corps qui, non conducteurs de l'électricité , en deviennent par la chaleur assez bons conducteurs : tels sont le verre fortement chauffé, la résine fondue, le bois en ignition, etc. Mais comment un changement de température peut-il ouvrir, sur la surface de ces corps, un passage assez facile à la marche du fluide élec- trique ? Nous allons le montrer. Nous avons vu à l'article Réfraction , que les (i) Nota. L'expérience de la maison renversée par le fluide ëlectriqtie , que les physiciens ont imaginée pour appuyer ce der- nier sentiment , quoique ingénieuse , ne {)eut f.as former uoe comparaison eiacte avec le phénomène de la foudre q-ii sVIance des nuages. DES PHYSICIENS MODERNES. ^4 l lumineuses de la résine , du verre , etc. , avaient une atmosphère moindre que ne le comporte la place qu'elles occupent dans les pores de ces corps. Comme ce sont ces lumineuses qui repous- sent les électriques , tandis que les opaques les retiennent , il s'ensuit que les premières , trop enfoncées dans ces pores, ne pourront point exer- cer utilement cette répulsion contre les électri- ques qui afflueraient. Donc alors celles qui sont déjà en nombre suffisant sur la surface du corps , y demeureront fixes , et barreront le passage à celles qui viendront d'un corps électrisé ; à moins que l'atîcumulation du fluide électrique affluent ne surmonte peu à peu l'obstacle opposé ; ce qui ne permettrait à ce fluide qu'un cours très-lent. Mais ce n'est plus de même quand ces corps non conducteurs sont chauffés, ou que de compactes ils deviennent liquides : car alors, comme il est parvenu sur les lumineuses qui sont dans leurs pores une plus grande quantité d'ignigène, leur atmosphère s'agrandit, devient proéminente, et se met par ce moyen en état de répulsion contre celle des électriques les plus proches. Toutes les électriques qui seront dans ce dernier cas tien- dront donc faiblement à la surface et en seront expulsées , s'il se rencontre un corps voisin qui facilite leur écoulement ; et il ne restera alors sur cette surface que celles qui seront hors de por- tée de la répulsion des lumineuses à atmosphère ignigéne. S'il survient d'autres électriques ,' elles se porteront naturellement vers les places aban- données; mais en étant de même repoussées, elles seront forcées de glisser sur cette surface et de s'écouler par le moyen des conducteurs dans le réservoir commun. Si cet écoulement ne peut pas avoir lieu , et que le nombre de ces électriques affluantes soit trop considérable, il y aura explo- i6 242 ERREURS TjLVOILÉES sion par l'effet de la répulsion toujours active des lumineuses ordinaires contre les électriques , et de celles-ci contre les premières. Or l'on voit que c'est par un simple changement dans la grandeur de Tatmosphère des lumineuses ordinaires sises dans les pores dune surface, que les corps changent de propriété électrique; c'est-à-dire, que de non conducteurs,ilsdeviennentconducteurs,et récipro- quement ; sauf le cas cependant où un corps plus avide de fluide électrique , Tenlève à un autre qui le serait moins. Enfin c'est par un effet du méca- nisme que je viens de décrire , que les métaux sur- tout transmettent avec tant de facilité le fluide électrique ; car l'atmosphère des lumineuses ren- fermées dans leurs pores n'y est pas si restreinte que dans les substances non conductrices , ea égard à la place qu'elles occupent. Il en est de même de l'humidité ; parce que les lumineuses de l'eau ont une atmosphère plus étendue, et par conséquent plus proéminente que celle des lumi- nieuses du verre, de la résine, de l'huile, etc. etc. DFS PHYSrCIFlVS MODERNFS. ^43 LIVRE SEPTIEME. De la matière lumineuse de certains insectes , de quelque diamans défectueux , du Soleil et des Étoiles. UivE troisième variété de la lumière, dont on ne s'est pas douté encore , est celle qui paraît dans les vers luisans et les autres animaux phosphoriques. La petite atmosphère des molécules-bases de cette matière lumineuse n'est pas composée d'ignigène, comme celle des lumineuses qui brillent dans la flamme; car dans ce cas elle brûlerait l'animal , puisque ces lumineuses sont réunies en globules; et de plus celles-ci ne pourraient demeurer ainsi réunies , si elles ne recevaient continuellement d'ignigène pour remplacer celui que leur enlè- veraient et le corps qui les contient et les corps environnans. Cette atmosphère n'est pas non plus mélangée d'ignigène et d'oxigène , comme celle des molé- cules électriques , puisqu'elle ne donne aucun signe d'électricité; mais elle est composée du seul oxigène , qui ne pouvant être soutiré par les files des lumineuses ordinaires , reste uni autour de sa base. La matière brillante des animaux phosphori- ques , étant de la même espèce que celle des électriques , de la flamme, et des lumineuses or- 2zj4 "ïrreurs dévoilées dinaires répandues parmi les pores impercepti- bles de toutes les substances , ne diffère de ces diverses lumineuses que par la nature de son enveloppe atmosphérique. Les molécul^^-bases de cette matière lumineu- se , se réunissent, se modifient, et prennent l'at- mosphère oxigéne dans le lieu qui leur a été assigné par le Créateur , lors de l'animalisation ; tout de même que les molécules de l'eau se con- stituent en la chair, le sang, et les humeurs de l'animal. Les lumineuses de ces animaux phosphoriques ont besoin, ainsi que toutes les autres lumineu- ses , de se réunir en globules pour devenir visi- bles et brillantes. INIais cette réunion s'opère na- turellement dans quelques espèces, telles qu'est celle des vers luisans de nos campagnes ; et dans les autres , elle a besoin de l'intervention de l'animal même ; parce que , ou l'atmosphère des lumineuses phosphoriques de celui-ci , ayant trop d'étendue , a aussi moins de force attractive pour se réunir avec ses semblables à l'instar des opaques , ou les lumineuses ordinaires qui sont dans les pores , ayant une plus grande atmosphère à raison de la nature de l'animal , empêchent celte réunion; il faut donc que l'animal y supplée par ses efforts. Les mouches lumineuses de la zone torride sont dans ce dernier cas. « Ces mouches , dit » Bernardin de Saint-Pierre dans ses Études de » la Nature^ lancent à la fois, par plusieurs bat- » teraens d'aile réitérés , une douzaine de jets d'un » feu qui éclaire d'une lumière dorée et bleuâtre, » les feuilles et les fruits des arbres où elles se » reposent , puis cessant tout-à-coup leurs mou- » vemens , elles les replongent dans l'obscurité. » Elles recommencent ce jeu alternativement toute DT.S PHYSICIENS MODERNES. a^S ». la nuit. Quelquefois il s'en détache des essaims )» tout brillans de lumière, qui s élèvent en l'air » comme les gerbes dun feu d'artifice. » Ce que le repos opère dans ces mouches , le vide le fait à l'égard de nos vers-luisans. En effet, on a observé que ces derniers animaux perdent leur lueur quand on les soumet au vide d;!ns le récipient de la machine pneumatique. La raison de ceci , c'est que la force attractive de la petite atmosphère oxigène des lumineuses de ces vers luisans , n'étant plus aidée par la pression de notre fluide atmosphérique , ne peut plus lutter avec avantage contre la force répulsive de l'atmo- sphère ignigène des lumineuses ordinaires qui occupent tous les pores ; et par-là l'animal perd son éclat, mais cet éclat reparaît bientôt quand on fait rentrer l'air dans le récipient. La lumière que , dans l'obscurité , on aperçoit, dit-on, dans quelques diamans défectueux, ap- partient à cette troisième variété. Cette matière himineuse , si elle exis-te réellement, a été ren- fermée dans ces sortes de pierres , lors de leur formation et dès l'origine du monde; car le dia- mant, quoiqu'en disent les physiciens, n'est pas plus que les cailloux une concrétion , ouvrage successif des siècles. A cette troisième variété, il faut joindre encore la matière lumineuse du soleil et des étoiles. La petite atmosphère des molécules-bases de cette matière est aussi composée d'oxigène ; car si elle l'était d'ignigène , ainsi que les lumineuses logées dans les pores de 1 air et des autres substances , elle se dissiperait dans l'espace comme celle de la flamme. Cette atmosphère est aussi un peu moins étendue que celle des lumineuses de nos vers-luisans , comme l'atmosphère de ceux-ci l'est moins que celle des mouches lumineuses de la :t^G ERREURS DÉVOILÉES zone torride. Car dans tous les corps les atmo- sphères des bases qui les composent ne sont pas toujours semblables , quoique celles-ci aient entre elles la plus grande analogie. Le soleil n'est pas tout composé de la matière qui le rend resplendissant , car dans ce cas il serait parfaitement spliérique ; parce que cette njatière à demi fluide, comme celle des animaux phosphoriques , ne pourrait prendre d'autres for- mes, étant coèrcée par la grande atmosphère qui environne l'astre, à l'instar de la nôtre. Or, les observations des astronomes ont prouvé que cette sphéricité n'existait pas. Donc le soleil doit avoir un noyau solide , autour duquel s'est arrangée sa matière lumineuse assez abondante pour couvrir, comme une mer, toute sa surface. Enfin, si l'on consulte l'analogie , on verra que les étoiles doi- vent avoir aussi un noyau solide. La matière brillante du soleil et des étoiles n ayant point l'ignigène libre pour l'atmosphère de ses molécules , n'est pas plus brûlante que celle des animaux phosphoriques. Si elle communique de la chaleur aux corps qu'elle éclaire , c'est par la propriété qu'elle possède de solliciter, par son éclat , les opaques de ces corps , et principalement les lumineuses qui sont dans leurs pores, à s'ap- proprier plus d'ignigène que ne comporte leur état ordinaire. Alors cet ignigène qui y a afflué, n'étant là que précairement , se porte sur les substances qui s'en approchent et qui ont un moindre degré de chaleur. Bailly , dans son Histoire de l'astronomie, pense comme le plus grand nombre des astronomes modernes, que le soleil et les étoiles sont des globes d'un feu liquide toujours en action, sem- blable à la flamme ondoyante des corps combus- tibles; que ce feu , tel qu'un grand incendie dont DES PnTSICI£:XS MODERNES. l!\''j la chaleur se propage au loin , consume les ma- tières dures et solides qu'il renferme. Ce qui fait penser ainsi Baiily , c'est que le feu, selon lui, ne se manifeste que lorsqu'il brûle et dévore. On voit ici que cet astronome confond le feu avec la lumière; mais Tun n'est pas Tautre; et quoique presque toujours unis , ils peuvent cependant exister séparément ou sans union. En effet , les mouches lumineuses de la zone torride et nos vers-luisans répandent une vive clarté sans brûler ni communiquer aucune chaleur. Donc un corps peut paraître resplendissant sans se consumer ni causer aucun incendie. Bailleurs un embrase- ment échauffe d'autant plus qu'on s'en approche de plus près. D'où vient donc que les cimes des montagnes élevées, quoique plus voisines de ce prétendu incendie que la surface de la terre, sont toujours couvertes de neige , et par conséquent moins échauffées que cette surface , et qu'enfin la portion de l'atmosphère où elles se trouvent est moins froide la nuit que le jour , suivant l'observation de plusieurs phvsiciens ; ce qui ne devrait pas être si le soleil , comme un fover em- brasé, lançait le feu de son sein. C'est ainsi qu'en faisant passer au creuset d'une saine critique les opinions de nos philosophes modernes , on les trouve fréquemment en contradiction avec les phénomènes les plus simples et les plus avérés. 248 ERREURS DÉVOILÉES LIVRE HUITIEME. DU FEU OU DU CALORIQUE. à^iGAT3D DE LA FoND reconnaît que la nature du feu est un mystère que la physique aidée de tous les secours de la chimie n'a pu encore pénétrer(i); et Libes assure de son côté que le calorique ou le feu est un problème qui exerce depuis long- temps la sagacité des physiciens et dont on a jusqu'ici cherché vainement la solution (2). Or , c'est ce qu'avouent encore tous les physiciens qui n'ont pas eu leurs propres hypothèses à défendre. Mais parmi ceux qui ont émis des systèmes à ce sujet , quelques-uns ont pensé que le calorique était un vrai fluide ; plusieurs , au contraire , à la tête desquels on peut mettre Newton , le regar- dent comme un mouvement communiqué à la matière ou aux particules élémentaires. Les uns le confondent avec la lumière, les autres en font une terre inflammable. Enfin quelques chimistes modernes, parce qu'ils ne peuvent ni l'isoler, ni le saisir , ni le coërcer, ont pris le parti de nier tout à-fait son existence, en ne le considérant, ainsi que l'avait fait Newton , que comme une propriété de la matière. Ce conflit d'opinions parmi nos philosophes (i) Voyez Cabinet de Physique, (2) Traité élém. de pbys. ,tom. II, p. 55. DES PHYSICIENS MODERNES. 249 provient de ce qu'ils ignorent absolument la cause de la coiitexlure des corps ; c'est-à-dire qu'ils ne savent pas que pour se réunir ou se tenir séparées , leurs molécules propres ont besoin de particules atmosphériques qui sont l'ignigène ou l'oxigène, comme je lai déjà dit. L'oxigène , dégagé des molécules dont il composait l'atmosphère , peut être obtenu isolé en qualité de vrai fluide élasti- que ; parce que ne pouvant être soutiré par les molécules de lumière, disséminées dans les pores de toutes les substances, il ne saurait filtrer au travers des vaisseaux qui le contiennent ; mais il n'en est pas de même de l'ignigène ou du calori- que ; car formant l'atmosphère naturelle de ces molécules de lumière , il est absorbé par elles quand il est mis en liberté , lors de la décompo- sition des matières; et ainsi les files des lumineu- ses qui existent dans les pores des vaisseaux, sont comme autant de canaux par où s'écoule l'ignigène des corps qui s'y décomposent ; et on a déjà vu que les lumineuses qui possèdent plus de parti- cules ignigénes que ne comporte leur état ordi- naire, en cèdent une partie à celles qui en ont moins. De là , l'impossibilité d'obtenir l'ignigène isolé; mais cet ignigène en abandonnant les mo- lécules dont il composait l'atmosphère , se rend sensible, en excitant dans les corps qui le reçoi- vent , ce qu'on connaît par le mot de chaleur ; et c'est alors qu'on peut l'appeler calorique. Mais ce ne sont pas seulement les molécules de lumière qui soutirent l'ignigène ou le calorique ; les molécules métalliques se l'approprient elles- mêmes et se le transmettent de proche en proche, quoique bien moins parfaitement que les lumi- neuses. Voilà pourquoi les métaux s'échauffent si facilement et si promptement , et qu'ils sont en général d'excellens conducteurs du calorique , aSo ERREURS DÉVOILÉES tandis que plusieurs autres substances, telles que la résine et le verre , ont à peine la faculté de le conduire : mais cette faculté conductrice cesse dans les métaux vers le point où elle se trouve surmontée par celle des lumineuses répandues dans les pores de l'air ambiant. Maintenant on sent bien que le calorique ou l'ignigène n'est ni un simple mouvement, ni un vrai fluide ; mais seulement des particules atmo- sphériques qui passent plus ou moins rapidement sans liaison d'une substance dans une autre. Ce calorique ne peut pas non plus être confondu avec la lumière, car il échauffe et n'éclaire pas, et celle-ci peut éclairer sans échauffer; telle est la matière lumineuse des vers-luisans et des autres insectes phosphoriques, qui, sans brûler l'animal, répand un vif éclat ; telle est encore la matière électrique qui , quoique accumulée sur un con- ducteur, ou dans la bouleille de Leyde , n'en élève point la température, et n'échauffe ou ne brûle que lorsqu'elle laisse échapper l'ignigène qui formait une partie de son atmosphère. Le calorique , étant donc une matière réelle- ment existante , qui se comporte différemment selon qu'elle est unie aux opaques ou aux lumi- neuses, il n'est pas étonnant « qu'il écarte les » molécules propres des corps, ou leur laisse la » liberté de se rapprocher, selon que sa quantité » augmente ou diminue dans les corps, » ainsi que le dit M. Haûy ; mais , dans tous ces cas , ces molécules ne font pas des oscillations autour des centres de leur s^ihère d'activité sensible, comme le disent les physiciens modernes. Sans se ^rappeler qu'il avait , quelques pages auparavant , accordé à la lumière la supériorité sur tous les corps élastiques, Fourcroy assure que, d'après les physiciens et les chimistes modernes , DES PHYSICIENS MODERNES. 25 f le calorique est la matière la plus élastique , la plus compressible , la plus dilatable qui existe dans la nature ( i) : mais tout cela n'a rien de vrai. La lumière et le calorique ne bondissent point , ne se réfléchissent point comme des ballons ou des billes élastiques , et ils ne reprennent pas leur équilibre comme un ressort bandé. Si le calorique est dilatable, ce n'est qu'à raison des atmosphères immiscibles qu'il forme autour des moiécides de la lumière; et s'il est compressible, c'est parce qu'il a la facilité d'abandonner les lumineuses quand les corps qui le contiennent dans leurs pores sont soumis à la pression ou à la percussion. Et c'est ainsi que les physiciens et les chimistes, en attachant aux mots lumière et calorique des idées fausses ou obscures, n'ont pu que répandre et accréditer des erreurs. JSota. Ce que je viens de dire prouve combien est erronée l'opinion de ceux qui ont prétendu tout nouvellement que le calorique devient de plus en plus dense à proportion qu'il est moins éloisfné du centre de la terre; et qu'enfin vers ce dernier point sa densité devient immense. Ils ont trouvé tout cela à travers leurs sublimes calculs et leurs brillantes théories , mais malheureuse- ment , comme le dit Brisson dans son Dictiomiaire de Physique^ le calcul seul n'apprend rien. Ces physiciens n'ont donc composé qu'un roman , et n'ont jamais su que le calorique ne peut exister isolé; mais qu'il accompagne toujours les molé- cules de diverses substances. Le calorique ne peut donc former par lui-même ni un fluide, ni un corps solide. (i) Voyez Fourcroy, Système des connaissances chimiques, p. 117 N° 9, et p. 126 K" i3. 202 ERREURS DÉVOILÉES Du Calorique latent et rayonnant. Tant que l'ignigène est fixe autour des molé- cules dont il compose la petite atmosphère , il ne décèle aucunement son existence; et il s'y trouve dans l'état de calorique latent; mais il peut pren- dre le nom de calorique rayonnant , quand son passage s'effectue d'un corps dans un autre. Lors de l'ignition rapide d'une substance assez volumineuse, ce passage s'effectue avec une vitesse plus grande que celle qu'emploierait un fluide élastique à se mouvoir même très-rapidement ; et c'est ainsi que le calorique qui « sort d'un poêle » dans lequel le bois brûle avec activité et dont » on a laissé la porte ouverte, s'élance comme un » torrent à travers l'air environnant , sans que sa » direction soit changée par le courant d'air qui » se meut constamment vers la bouche du poêle » pour remplacer celui qui s'échappe en vertu » de la dilatation produite par la chaleur inté- » rieure » comme Schéelle l'avait remarqué de- puis long-temps (ij. Dans ce cas les particules de l'ignigène dégagé , qui vont se joindre à l'atmo- sphère des lumineuses renfermées dans les pores de l'air, peuvent en quelque sorte être comparées à des poissons qui remontent une rivière rapide, et qui ne laissent pas d'aller à contre-mont, quoique le courant tende à les entraîner en sens contraire. Par la tension que les physiciens ont attribuée au calorique , il faut entendre la propriété qu'a l'atmosphère des lumineuses de repousser celle des opaques, et non , comme ils paraissent le pré- tendre , la tendance qu'il aurait à quitter un corps. Car bien loin que le calorique ou l'ignigène accu- mulé autour de ces lumineuses fasse effort pour (i) Voyez Haùy, n." 144 de la a« édit.,et n.» i/jS de la 3*. DES PâYSICIENS îrODERNES. 2d3 l'es abandonner , il tend au contraire à y demeu- rer fixe ; et il ne peut en être chassé que par une cause extérieure , telle que l'impulsion ou l'at- traction. Par l'impulsion, une partie de l'igni^ gène est expulsée ; et c'est ce qui arrive , par exemple , quand on presse un volume de fluide élastique pour le renfermer dans un moindre espace. Par l'attraction , les lumineuses qui ont moins de particules atmosphériqiies que n'exige leur position actuelle, en enlèvent à celles qui en possèdent davantage ; et cela a lieu quand on approche un corps froid d'un corps chaud , ou lorsque , en dilatant un volume d'air , on agran- dit ses pores ; ce qui nécessite les lumineuses renfermées dans ce volume à augmenter leur at- mosphère aux dépens des corps environnans. Quant à l'ignigène qui compose souvent l'at^- mosphère des opaques d'un corps dense , non- seulement il n'augmente point sa température > mais il y tient avec tant de force , qu'il ne peut s'en séparer entièrement que par la décomposition de ce corps, ou partiellement que par la percus- sion et le frottement. Lorsque les lumineuses sont dans le cas d'à-- grandir leur atmosphère par la dilatation du fluide élastique qui les contient , le calorique qu'elles reçoivent alors n'élève point la température de ce fluide , et il devient comme insensible ; parce que , pour occuper des pores plus étendus , ces lumineuses ont besoin d'employer tout l'ignigène acquis ; et si l'on voulait que cette température parût élevée, il faudrait donner à ce fbiide une surabondance d'igtiigène ou de calorique. Le phé- nomène aurait une marche inverse , c'est-à dire que la lumineuse lâcherait une partie de son at- mosphère , si l'on venait à coèrcer ce fluide , et par conséquent à rétrécir ses pores. Ainsi la tem- 254 ERREURS DEVOILEES pérature d'im corps ne s'élève et ne s'abaisse que lorsque , eu égard à l'espace occupé par les mo- lécules de lumière, on augmente ou l'on diminue leur petite atmosphère sans apporter aucun chan- gement à l'espace primitif. De là il s'ensuit que l'équilibre peut être établi entre deux corps dont les lumineuses auront une quantité inégale de calorique , pourvu que la grandeur des pores, où elles se trouvent, varie dans une proportion con- venable. De la capacité des corps pour le Calorique. Ce que je viens de dire me conduit naturelle- ment à parler de ce qu'on appelle capacité des corps pour le calorique. On a observé « que pour » produire le même changement de température » dans des poids égaux d'eau et de fer, il faut » communiquer à Feau huit fois plus de caiori- » que qu'au fer » (i). Ni physiciens ni chimistes n'ont , à ce que je crois, donné une explication vraie de ce phéno- mène qui provient de ce que le fer, dans un poids donné, a huit fois moins de pores que l'eau. Mais s'il a moins de pores , il aura aussi moins de lu- mineuses ; par conséquent pour saturer celles-ci jusqu'à un certain point , il ne faudra pas autant de calorique qu'en exigent les lumineuses plus nombreuses d'un même poids d'eau. Ainsi, que l'on communique à un demi-lvilogramme d'eau une certaine quantité de calorique représentée par le nombre 8 pour élever sa température d'en- viron Go degrés, on n'aura besoin pour élever un poids égal de limaille de fer à la même tempéra- ture que de la huitième partie de ce calorique (9/1. (i) Voyez Libes , tom. II , n.° 7^5. (») Ibidem. DES PHYSICIENS MO^ER^'ES. 2d5 De celte moindre capacité du fer pour le calo- rique, qui prouve que ce métal a moins de pores que Teau , et par conséquent moins d'opaques dans un poids donné, il s ensuit que puisque les opaques du fer, quoique en moindre nombre que celles du liquide aqueux, pèsent cependant tout autant, il faut que la grosseur des molécules du fer soient à celles de leau environ comme 8 à r. Or c'est ce qui est encore mieux démontré par la densité ou pesanteur du fer comparée à celle de ce liquide; et je ne doute pas que si l'on substi- tuait un demi- kilogramme dor au demi -kilo- gramme de fer dont il vient détre fait mention , la proportion dn calorique entre l'eau et l'or ne serait plus de 8 à i comme à l'égard de l'eau et du fer; mais d'environ 19 à i ; puisque c'est à peu prés la proportion qui existe entre la densité ou pesanteur de l'or et de l'eau. Ainsi l'on voit que nos physiciens et nos chimistes se sont grande- ment trompés en croyant que le corps solide ou liquide le plus pesant devait avoir un plus grand nombre de molécules. Si les corps étaient des fluides élastiques, celui qui serait le plus pesant pourrait avoir plus de capacité pour le calorique qu'un beaucoup plus léger; parce que dans celui-ci il y aurait, dans un volume donné , moins de molécules- bases , et partant moins de pores et moins de lumineuses pour recevoir 1 ignigène communiqué. Nota. J'avais fini cet article lorsque j'ai vu dans un traité récent de chimie la preuve , quoique d'une autre manière, de ce que je viens de dire ; mais sans que l'auteur s'en doutât et qu'il en tirât le parti convenable. M. Leslie ayant couvert d'une feuille d'or une des boules de son thermomètre différentiel pour connaître les quantités de calo- rique continuellement lancées du feu dans une à56 ERREURS DÉVOILÉES chambre, trouva que cette boule absorbait envi- ron huit fois moins de calorique que lorsqu'elle était à nu. Mais pourquoi cela ? C'est que la feuille d'or a environ huit fois moins de pores que le verre, par lesquels le calorique pouvait pénétrer. Or , s'il y a moins de cauaux de communication ou de décharge, il y aura aussi moins de chaleur reçue. Enfin on sait que la proportion entre la pesanteur du verre et celle de l'or est environ de I à 8 ; et c'est précisément celle qui existe , sui- vant l'expérience de M. Leslie , entre les quantités de calorique reçues par la boule couverte d'une feuille d'or et la boule nue. Erreur de M. Brisson au sujet du vide qui se trouve dans Veau et dans les corps. La. dernière expérience dont je viens de parler me donne l'occasion de relever une erreur de M. Brisson qui , croyant , ainsi que les physiciens et les chimistes , qu'il y a dans les corps, même les plus compactes, plus de vide que de plein , pré- tend, dans son Dictionnaire de physique , d'après un calcul qu'on traite de rigoureux , mais qui n'est pas moins faux, et d'après la différence exis- tante entre la pesanteur de l'eau et celle de l'or, que , K l'étendue poreuse , qui se trouve dans l'eau » est par rapport à la matière de ce liquide , » comme 38 -j à i ». Et il s'écrie ensuite : « Qui » aurait jamais cru qu'il y eût si peu de matière » dans les corps? » Certes on pourrait bien aussi s'écrier : Qui croirait que , dans des siècles soi- disant philosophes , on fît des raisonnemens si peu logiques? Car quoique la pesanteur spécifique de l'or soit environ 19 fois plus grande que celle de l'eau , cela ne veut pas dire que la matière de ce liquide soit à l'étendue de ses pores comme I à 38 î- En effet , les molécules-bases de l'eau et DES PHYSICIENS MODEREES. 207 des corps compactes , adhérant ensemble , se touchent toutes par quelque point. Or, les vides qu'elles peuvent laisser par ce contact , ne sau- raient être plus nombreux que les molécules qui les forment, et Ton conçoit bien qu'ils doivent être nécessairement plus petits. Ainsi l'on voit combien il faut se méfier de toutes les explications que nos livres de sciences nous donnent des divers phénomènes ; explications qui sont trop fréquemment les antipodes de la vérité, malgré tous les secours que leur prêtent la géométrie et le calcul. Équilibre du Calorique. QcELQUEs physiciens pensent que « pendant le r> passage à l'équilibre de température entre deux » corps, l'un chaud, l'autre froid , et que Ion M suppose séparés , ces corps s'envoient conti- » nuellement l'un à l'autre des qiiantités de calo- » rique rayonnant qui tendent vers légalité ; et » que c'est au terme où elle a lieu que l'équilibre » se trouve établi. Déplus quwxïe. partie des rayons » envoyés par chaque corps est émise de son » intérieur , et qunwQ partie de ceux qu'il reçoit » s'y introduit. » (i) Ce que j'ai dit des atmosphères des lumineuses démontre combien est erronée cette opinion que les chimistes les plus modernes n'ont pas fait dif- ficulté d'admettre ; et l'on doit concevoir que les molécules de lumière qui ont le plus de ces particules atmosphériques , eu égard à la gran- deur des pores qu'elles occupent , doivent en céder à celles qui en ont le moins, sans rien recevoir de celles-ci. Il en est à peu près de ces lumineuses comme de deux vases contenant une (2) Voy. Haiiy, N" i5i delà 2= édit,,et i52 delà 3'. 17 2d8 erretjrs dévoilées quantité de liquide d'inégale hauteur , posées sur le même plan et communiquant ensemble par leurs parties latérales les plus basses. Dans ce cas , on ne saurait dire que ces deux vases se transmettent réciproquement une partie du liquide qu'ils renferment. On voit au contraire que le liq\jide qui a le pliis d'élévation doit se répandre sans compensation dans le vase où le liquide a le moins de profondeur, et que l'équilibre sera rétabli quand les surfaces des deux liquides seront sur la même ligne horizontale , quoique l'un des deux vases contienne plus de liquide que l'autre. Nota. C'est quelque chose de singulier pour moi que de voir tant d'erreurs accumulées dans nos livres , même les plus renommés ; et je ne puis expliquer ce phénomène scientifique qu'en pensant que la raison humaine dégradée depuis le péché de nos premiers parens, est obscurcie de si épaisses ténèbres qu'elles lui font prendre sans cesse le faux pour le vrai. D'après cela , quel fond peut-on faire sur cette folle et hautaine raison ? Idée singulière de M. de Ramford au sujet du calorique. — Réflexions sur la philosophie de Descartes. J'ai déjà dit que plusieurs physiciens niaient l'existence du calorique; M. de Rumford est de ce nombre. Avant lui Saussure et Pictet avaient fait des expériences pour reconnaître la marche du calorique. Ayant disposé deux miroirs concaves en face l'un de l'autre et à une distance d'environ 4 mètres oti \i pieds, ils firent rougir fortement un boulet de f«r, qu'ils laissèrent assez refroidir pour qu'il ne parut plus lumineux , même dans l'obscurité , et qu'ils placèrent ensuite au fo} cr d'un de ces miroirs , tandis qu'un thermomètre DES PHYSICIENS IMODERrfF.S. iBç) d'air avait été fixé à l'autre foyer. En six minutes le thermomètre qui avant l'expérience ne mar- quait que 4 degrés au-dessus de zéro , parvint a i4 degrés et demi; tandis qu'un second thermo- mètre suspendu hors du foyer à une égale dis- tance du boulet et de l'observateur monta seule- ment à 6 degrés. Ainsi par la réflexion du miroir le calorique avait élevé la température du premier thermomètre de 8 degrés et demi. Pictet , avant substitué au boulet un matras rempli d'eau bouil- lante , vit aussi le thermomètre monter , mais indiquant seulement une élévation de température d'un peu plus d'un degré. Enfin on se servit d'un matras plein de neige , et sur-le-champ le ther- momètre placé au foyer de l'un des deux miroirs comme dans les expériences précédentes , des- cendit de plusieurs degrés ; mais sa descente fut bien plus considérable, lorsqu'on eût versé de l'acide nitrique sur la neige. M. deRumford en répétant les mêmes expérien- ces obtint de semblables résultats; mais la con- clusion qu'il a tirée des deux dernières expériences est des plus singulières. Car après avoir avancé que le calorique ne peut pas avoir d'existence réelle, il ajoute, selon Libes, Traité élémentaire de Physique^ tom. II , p. 55 , que « la communi- » cation de la chaleur lui paraît analogue à celle » du son ; le corps froid , dans l'un des foyers , » oblige le corps chaud , le thermomètre, qui se » trouve dans l'autre, de changer de note. » Voilà donc un corps froid transformé tout-à-coup en maître de musique! N'est-ce pas-là quelque chose de bien merveilleux? Vivent, vivent messieurs les savans ! Nota hene. Cette idée de M. de Rumford ne serait-elle pas le pendant de celle de ce célèbre aveugle qui enseignait avec succès l'optique en aÔO EURECRS DÉVOILLES Angleterre , et auquel on demanda un jour s'il concevait ce que c'était que Téclat de l'écarlate. Oui , dit-il hardiment , l'éclat de l'écarlate est comme le son bruyant de la trompette. Cet aveu- gle jugeait à faux, parce qu'il voulait définir ce qu'il ne pouvait voir. Ainsi font quelques philo* sophes qui , s'imaginant que des torrens de lu- mière sortent de leur cerveau malade, veulent à tort et à travers disserter de nos divins mystères toujours inaccessibles aux sens charnels ; tandis que, avec leurs grands yeux ouverts, ils n'ont pas même su concevoir et expliquer les phénomè- nes physiques, chimiques, etc., qu'ils voyaient et qu'ils palpaient pour ainsi dire. Aussi l'homme qui est si ignorant malgré toute la science dont il s'enorgueillit , n'aurait jamais pu , par ses propres forces, avoir de vraies notions de Dieu et de la vérité, si cette connaissance ne lui avait été don- née d'en haut. Or, c'est pour avoir perdu cette révélation de vue, que le genre humain obscurci par ses viles passions se plongea dans les ténèbres de l'idolâtrie, et conçut de la divinité des idées si fausses , si grossières et si absurdes , malgré tout le secours qu'il prétendait tirer de sa science et de sa raison. Cette raison humaine est toujours la même : livrée à elle seule et repoussant tout secours divin , ce n'est plus qu'un guide qui nous conduit dans le précipice. ^*^ On voit combien Descartes, ce célèbre philo- sophe , a eu tort, et il en rougirait lui-même s'il revenait dans ce siècle , combien , dis-je , il a eu tort de vouloir tout soumettre , sans restriction , au domaine de la raison individuelle. Car cette idée est aussi absurde que celle de ses tourbillons et de sa matière première cubique sans aucune espèce de vide ; mais elle est plus dangereuse en et qu'elle ouvre la porte à toute sorte de folies et DES PIIÏSICIENS MODERKES. l6l d'erreurs ; parce que la raison de chaque individu ne peut pas être la même ; et que si chacun ne doit croire que ce que sa raison peut comprendre et lui suggère , il y aura autant de croyances que d'in- dividus, supposé qu'ils veuillent user pleinement du droit que Descartes prétend leur donner. Ce philosophe a eu le bonheur de demeurer toujours chrétien et catholique , parce qu'il ne ferma pas les yeux à la lumière que répandent nos livres divins ; mais s'il l'eût repoussée , et s'il n'eût voulu être éclairé et conduit que par sa propre raison , il aurait produit, en fait de reli- gion et de morale, des systèmes plus extravagans que ses rêveries physiques , et que , en suivant toutes les conséquences de sa philosophie , il aurait regardés et soutenus comme les seuls véri- tables. Or, c'est ce qu'ont fait, dans tous les temps, les novateurs qui ont pris leur raison pour leur unique guide. De la Combustion. La. combustion ne consiste pas seulement , comme le pensait Lavoisier , dans la combinaison des molécules propres d'un corps avec celles de l'oxigène ; mais elle dépend encore du dégagement de l'ignigène qui compose, en totalité ou en par- tie , l'atmosphère de ces premières molécules , et que celles-ci abandonnent pour prendre l'oxigène de l'air environnant , et eu former leur nouvelle atmosphère. Cet ignigène mis à nu se porte sur les corps voisins dont il élève la température , sur les opaques de la substance qui brûle , non encore dépouillées de leur ignigène , et dont il agrandit l'atmosphère pour la rendre susceptible de se décomposer; enfin sur les lumineuses de cette même substance. Alors se condensant autour de ces dernières, il leur donne la facilité de se 262 ERREURS DEVOILEES grouper ensemble et de devenir par-là resplen- dissantes. Ainsi, sans cet ignigène dégagé, point de calorique ni de lumière sensible de la part du corps combustible. Cette lumière sera encore plus éclatante , si la combustion a lieu dans le gaz oxigène; parce que ce gaz se décomposant totalement , laisse dans une entière liberté les lumineuses qui sont dans ses pores ; et leur per- met de se réunir , comme je viens de le dire : ce qui double la quantité des lumineuses qui s'illu- minent dans le même espace. Mais l'ignigène des corps combustibles ne peut quitter la molécule-base pour prendre l'oxigène de l'air ambiant, qu'autant qu'il a afflué sur cette molécule de nouvel ignigène pour étendre ses couches atmosphériques; car l'affinité entre l'opa- que et son atmosphère devient d'autant moins forte que cette atmosphère s'étend davantage ; et c'est ce qui arrive par le contact ou la présence d'un corps enflammé ou incandescent. Cependant il n'est pas toujours nécessaire d'avoir recours à ces corps pour faire entrer une substance très- combustible en déflagration. Dans quelques cas, on obtient cet effet quand on comprime l'air par une espèce de pompe faite à dessein : car la cha- leur qui se développe par la condensation rapide de cet air est si active , qu'un morceau d'amadou placé à l'extrémité inférieure et au dedans de cette pompe s'embrase à l'instant , en même temps qu'un trait de lumière jaillit au milieu de l'air condensé ; et si l'on se sert du fusil à vent dont on ait fermé le fond par un morceau de glace Irés-épais, et qu'on ait rempli d'un mélange de gaz oxigène et de gaz hydrogène, on aperçoit au premier coup de piston , ainsi que l'a observé M. Biot auteur de cette expérience , une lumière très-vive qu'accompagne une forte détonation DES PIIYSICIEJNS MODERNES. 2G3 provenant de la décomposition de ces gazfi), et par conséquent de la combustion du gaz hydro- gène. Mais ce dernier fluide , ainsi que l'amadou de l'expérience précédente, n'ont pu s'enflammer sans que leurs opaques n'aient reçu auparavant tout l'ignigène qui leur était nécessaire pour am- plifier leurs atmosphères au point de rendre nulle leur affinité mutuelle; et c'est réellement à ce moment qu'arrive la décomposition ou le chan- gement de ces atmosphères. Or, dans la pression dont nous parlons , l'ignigène est fourni à ces opaques par les lumineuses dont la contraction expulse une partie de leurs particules atmo- sphériques. Les corps le plus facilement combustibles sont ceux dont les opaques ont une atmosphère igni- gène des plus étendues , ou dont l'ignigène adhère peu aux bases. Tel est , dans le premier cas , le gaz hydrogène bien pur ; car alors il n'est pas besoin d'une grande quantité d'ignigène affluent pour faire atteindre aux opaques de cette sub- stance le point où l'affinité entre elles et leurs atmosphères cesse d'avoir lieu et se change en répulsion. Le calorique développé par le sciage des bois , l'écrouissement des métaux , et par toutes les opérations qui dérivent du jeu de la lime , des tarières et des filières , ou d'un frottement quel- conque , n'est pas proprement l'effet de la com- bustion ; mais il peut l'exciter , si l'action de ces instrumens est long-temps continuée , et que le calorique émis se porte sur des substances facile- ment combustibles. Dans toutes ces opérations, ce calorique provient en partie de l'ignigène des lumi- neuses , et en partie de celui qui compose l'atmo- (i)Hauy,]N°*224et225dela2«édit.,et 233 et 284 dela3^ 2G4 ERREURS DÉVOILÉES sphère des opaques du corps combustible et que le frottement enlève ; car on a vu que les opaques d'une substance pulvérisée ont moins de couches atmosphériques que lorsqu'elles forment un tout compacte et solide. Or, le frottement n'a jamais lieu sans détacher quelques-unes de ces opaques du corps auquel elles sont unies , et les dé- pouiller ainsi d'une portion de leur atmosphère ignigène. JSota, Les chimistes les plus modernes , après avoir adopté et soutenu l'opinion de Lavoisier sur la production de chaleur et de lumière lors de la combustion par la fixation de l'oxigène, ont fini par se douter qu'il s'était trompé, et ils ont pensé qu'il était probable que la majeure partie de la chaleur , qui se développe dans la combi- naison des corps et les rend incandescens, est due à l'électricité (i). Ces chimistes se trompent encore ; et ce que j'ai dit fait voir qu'ils ne con- naissent ni la nature des corps combustibles , ni celle de l'oxigène, et encore moins celle de l'électricité. Si la philosophie sait tout , comprend tout , comme Va prétendu M. Cousin dans ses Leçons de philosophie. Je transcrivais l'article qu'on vient de lire et que j'avais rédigé depuis long-temps , lorsque je vis dans le Journal des Débats du i8 avril 1828, que M. Cousin , lors de la reprise de son Cours de Philosophie moderne , avait avancé , dans sa première Leçon , que la philosophie dormait la raison de toutes choses^ quelle comprenait tout. Sans doute, les nombreux auditeurs, qui écou- taient ce discours , durent s'en féliciter, et se dire ( i ) Voyez Tliônard , Ti ailO de Chimie , iN° «3 de la 5* édil. DES PHYSICIENS MODERNES. 265 à eux-mêmes : Soyons , soyons vite philosophes , puisque alors sans beaucoup de peine nous sau- rons tout , nous connaîtrons tout. Quoi qu'il en soit , beaucoup de génies du premier ordre ne seront point de Tavis de M. le professeur qui a été ici trop munitique envers sa chère favorite ; car le prince des orateurs romains soutient posi- tivement qu'on ne peut concevoir rien de si ab- surde qui ne soit dit par quelque philosophe. JVihil tam absurde dici potest , quod non dicatur ah aliquo philosophorum.Ce&itucove le sentiment du célèbre Euler , et de Fourcroy , compté parmi nos plus habiles chimistes (i). On peut bien présumer que M. le professeur n'a été , sans doute , dans cette partie de sa leçon , que l'écho des idées d'autrui , et qu'il n'a point précisément , par lui-même , examiné la matière; car s'il l'eût fait, non point pendant une heure, un jour, un mois, mais durant des années entiè- res, il aurait reconnu que la philosophie de nos jours n'est pas plus heureuse que l'ancienne dans l'explication des phénomènes naturels, et qu'elle ne pourrait pas en citer deux qu'elle eût expli- qué d'une manière qui ne s'écartât en rien de la vérité : tant elle sait comprendre tout. Il est vrai qu'elle veut rendre raison de toutes choses; ce qu'elle fait en entassant suppositions sur sophismes qu'elle veut faire passer pour des vérités incontes- tables, tandis que ce sont autant d'erreurs mani- festes. Voilà comment elle sait moissonner dans les sciences , comme elle sait comprendre tout. (i)Voy. Fonrcroy, Connaissances chiiii.,tora I,p. i3i ,N'22. 266 ERREURS DÉVOILÉES LIVRE îsEUYIEME. DE l' E A U. Erreur des chimistes au sujet de la prétendue décomposition de Veau. J_j'eau est un des élemens qui subit le plus de métamorphoses ; elles sont si nombreuses et si variées, qu'elles cachent souvent sa présence aux yeux des chimistes les plus clairvoyans. Dans son état le plus naturel, ce liquide, comme on sait, couvre une grande partie de la surface du globe, en formant ou les vastes bassins des lacs et des mers , ou ces rivières plus ou moins considéra- bles qui serpentent dans nos plaines. L'eau est encore répandue en grande quantité dans l'atmo- sphère terrestre , tantôt sous la forme de vapeurs élastiques , tantôt sous celle de nuages et de brouillards. Enfin une partie de l'eau qui des rivières fdtre dans les terres , ou que les nuages versent en abondance du haut des airs , est absor- bée par les racines des plantes dans lesquelles elle se change en des substances ou solides ou liqui- des qui ont différentes propriétés. Les anciens, regardant l'eau comme une sub- stance simple , l'avaient rangée au nombre des élémens. Les chimistes modernes , trompés par une expérience mal réfléchie, l'ont dépouillée de cette prérogative , et ne l'ont plus considérée que comme un être composé. DES PHYSICIENS 3IOnER3(ES. 267 Si par être simple , on entend une substance qui n'ait absolument que des molécules unifor- mes, sans union avec une autre substance, il faut convenir qu'il n'existe dans la nature aucun être simple , si Ton excepte le gaz oxigène ; car tous ont leurs molécules-bases entourées dune enve- loppe atmosphérique , d'une espèce toute diffé- rente de celle de la base. D'un autre côté, si par élément on veut dési- gner une substance qui dans l'origine ait servi à la formation des corps naturels, dans ce cas il n'y a point d'élément ; parce que les molécules de tout ce qui compose cet univers ont été créées indépendamment Tune de l'autre par l'auteur de toutes choses, et de leur réunion il s'est formé , alors même ou darjs la suite , des agrégés plus ou moins composés. Ainsi par élément on doit en- tendre, non des substances qui aient concouru à la formation de tous les autres êtres , mais celles qui existent le plus généralement dans la nature ; et dans ce cas on ne saurait refuser à l'eau le titre d'élément. L'expérience qui a induit en erreur les chimis- tes est une de celles que fit le célèbre Lavoisier. Ce savant ayant combiné par un procédé ingé- nieux une certaine quantité de gaz oxigène avec du gaz hydrogène, obtint de l'eau par la combus- tion de ce dernier fluide élastique. Aussitôt il crut que le liquide aqueux n'était qu'un composé ré- sultant de l'union de l'oxigéne et d'un principe inflammable ou de l'hydrogène , sans se douter que la molécule de l'eau existait encore tout en- tière dans ce dernier gaz. En effet , voyons ce qui se passe dans la forma- tion du gaz hydrogène , et choisissons l'expérience la plus simple. Si l'on fait passer de l'eau en va- peur dans un canon de fusil rougi au feu , qu'ar- ^GS ERREURS DÉVOILÉES rivera-t-il? Cette eau s'échappera , et l'on pourra la recueillir par plus d'un procédé , sous la forme d'un fluide élastique éminemment combustible qui sera du vrai gaz hydrogène , et le fer sera oxidé. Dans ce cas la molécule de l'eau a cédé à celle du fer l'oxigène qui composait encore une grande portion de son atmosphère; car la vapeur aqueuse a déjà pris beaucoup d'ignigène , et la mo- lécule du fer lui a donné de l'ignigène qui formait sa propre atmosphère. On voit ici que les molé- cules-bases restent les mêmes , et qu'il n'est survenu de changement que dans les petites atmosphères; changement qui n'a pu anéantir la molécule de l'eau. Si ensuite par la combustion vous rendez à cette molécule son atmosphère primitive ou l'oxigène , sera-t-il surprenant qu'elle reparaisse sous sa forme naturelle ? On peut recueillir du gaz hydrogène de plu- sieurs autres manières; mais ce qui est indispen- sable, il faut toujours que l'eau y intervienne, et y joue le principal rôle ; car sans elle point de gaz hydrogène ; c'est-à-dire point de fluide élastique donnant de l'eau par la combustion. En veut-on la preuve ? La voici. Remplissez un autre canon de fusil de charbon de bois brisé et bien sec. Luttez exactement à l'orifice de ce canon un tuyau de pipe ou de verre, et liez à l'autre extrémité de ce tuyau une vessie de cochon vide d'air. Si vous faites chauffer à un feu violent le can(ui de fusil, cette vessie se remplira d'un gaz très-inflammable. Mais ce fluide pourra-t-il donner de l'eau par sa combustion avec l'oxigène ? Non certainement , mais seulement ce qu'on appelle gaz acide carboni- que; parce que la molécule aqueuse ne se trouve pas dans ce dernier gaz inflammable. Maintenant voulez-vous faire redevenir gaz in- flammable cet acide carbonique? Faites passer ce DES PHYSICIENS MODERSES. 269 dernier fluide un nombre de fois suffisant dans nn tube de porcelaine fortement échauffé et rem- pli de charbon bien sec. Dans ce cas vous obtien- drez encore un gaz pbjs léger que l'acide carboni- que, qui ne sera pas acide, qui tuera les animaux, n'éteindra plus les bougies comme ce dernier gaz; mais qui brûlera à la manière du gaz hydrogène et sans donner d'eau , et dont le produit aéri- forme ne sera encore que de l'acide carbonique (i) après sa combustion. Ainsi l'on pourra alternative- ment convertir ce gaz acide carbonique en gaz inflammable , et celui-ci en gaz acide carboni- que , sans qu'on puisse obtenir la moindre par- celle d'eau (2). C'est dans un pareil cercle que roule la molécule aqueuse dans ses différentes transformations; car avec l'atmosphère oxigène elle forme de l'eau ; et avec une atmosphère ignigène très-étendue elle devient gaz hydrogène qui se change encore en eau , quand on lui rend l'oxigène ; sans que dans toutes ces métamorphoses cette molécule aqueuse puisse s'anéantir ou se diviser. Les physiciens et les chimistes de tous les pays, ignorant l'existence des petites atmosphères au- tour des molécules-bases , se sont empressés de répéter avec plus ou moins d'exactitude l'expé- rience de Lavoisier ; et parce qu'ils ont trouvé , comme lui , que dans la combustion du gaz hydro- gène par le gaz oxigène on obtenait de l'eau d'un poids égal , si l'on veut , à celui des deux gaz em- ployés , ils ont embrassé son opinion , sans réflé- (i) Voyez A.det, Leçons de chimie, p. g5 de ledit, de 1804. (2) Nota. Le gaz acide carbonique abandonne au charbon une partie de l'oxigène qni entrait dans la composiiion de l'afrnos- phère de sa base, et qui le rendait acide; et en même temps il Ini enlève de l'ignigène qu'il ajoute à celui qu'il avait déjà ; et par la jonction de ce nouvel ignigène, il devient inflammable. 270 ERREURS DEVOILEES chir sur les résultats très-différens de la combus- tion des deux gaz combustibles dont je viens de parler; et qui auraient dû leur faire comprendre qu'un gaz ne saurait former de l'eau, si les molé- cules aqueuses n'y étaient contenues auparavant. Une autre considération que je ne dois p;is omettre, et qui pourra d'abord surprendre , c'est que l'expérience de Lavoisier et de ceux qui l'ont répétée, quoique prônée et regardée comme dé- cisive , est cependant inexacte ; parce qu'on n'a pas supputé le poids de l'ignigène ou du calorique qui se dégage pendant la combustion des deux fluides élastiques, et qui forme l'atmosphère très- dilatée de la molécule aqueuse dans le gaz hydro- gène , ainsi que celle des lumineuses existantes dans les pores des deux gaz. On me dira sans doute que cette supputation est impossible, parce qu'on ne saurait apprécier le poids du calorique qu'on ne peut coèrcer : mais dans ce cas doit-on faire valoir comme incontestable une expérience qui est réellement défectueuse par quelque en- droit ? Et si le poids absolu de l'eau résidu d'une combustion du gaz hydrogène par le gaz oxigène, égale celui des deux fluides employés , c'est que, dans ce cas , le poids spécifique de cette eau , beaucoup plus grand que celui de ces gaz, com- pense plus qu'il ne faut le poids absolu du calo- rique échappé. De ce que je viens de dire , il s'ensuit que la molécule aqueuse est dans son état naturel ou forme de l'eau quand elle a l'oxigène pour atmo- sphère ; mais qu'elle constitue le gaz hydrogène quand celte atmosphère est toute ignigene dans une très-grande proportion. Ce n'est pas seulement dans les laboratoires des chimistes que se forme le gaz hydrogène , on le retire encore , dans la saison chaude , des mares, DES PîiTSrCIF.NS MODERN^ES. T.'J l des égoûts et des autres endroits où se trouve un limon croupissant. ]Mais ce dernier fluide n'est pas si pur que le premier ; c'est-à-dire qu'il est plus pesant et qu'il a besoin de plus d'oxigène pour être saturé ou brûlé. Les physiciens n'ont pas rendu raison de ces différences remarquables , parce qu'ils se sont obstinés à ne pas reconnaître la molécule aqueuse dans le gaz hydrogène. Elles proviennent donc, ces différences, de ce que l'atmosphère des mo- lécules aqueuses du gaz hydrogène des marais a une moindre étendue que celle des aqueuses de l'hydrogène formé dans les laboratoires des chi- mistes. Or si l'enveloppe atmosphérique de ces aqueuses est moins étendue, celles ci seront plus resserrées, et par conséquent il y aura plus de molécules-bases dans un même espace ; donc ces bases étant plus multipliées formeront un poids plus grand , et exigeront une plus grande quan- tité d'oxigène pour être saturées, lors de la com- bustion. Ce n'est pas seulement dans le gaz hydrogène qu'est cachée la molécule aqueuse , elle l'est en- core dans les herbes , les fruits , les huiles , les vins , le miel , le sucre , les résines , les gommes , le bois, les feuilles, les racines et autres produits de la végétation , en subissant diverses modifica- tions, suivant l'atmosphère dont elle s'est entou- rée , d'après l'espèce de la plante où elle s'élabore. L'eau ne demeure pas toujours sous la forme qu'elle a prise dans l'acte de la végétation ; mais dans ce nouvel état , soumise à l'air ou au feu , elle se décompose pour constituer un nouvel ordre de choses, et donner des produits qui n'y parais- saient pas auparavant. Ainsi quand on distille à l'appareil pneumato - chimique la gomme, par exemple , on en retire successivement de l'eau , 2 "72 ERREURS DEVOILEES une liqueur rougeâtre et acide , un peu d'huilé brunâtre, du gaz acide carbonique, du gaz hydro- gène carboné , et on a pour résidu un charbon abondant (i). Enfin si l'on soumet de nouveau à la distillation la liqueur acide, on en retire aussi de l'huile ; et celle-ci , ainsi que Ihuile précédente , étant brûlées , produisent de l'eau. De l'Eau à l'état de glace. L'ÉTAT le plus naturel de l'eau est la liquidité , cependant elle peut devenir ou compacte, ou fluide élastique, indépendamment de toutes les formes qu'elle prend dans l'acte de la végétation. Lorsque la congélation d'une masse d'eau , exposée dans un vase à une température conve- nable, se fait assez lentement, on voit se former à sa surface de petites aiguilles triangulaires dont une des faces est de niveau avec l'eau. Ces aiguilles en se multipliant , s'insèrent les unes sur les au- tres , et le tout ne compose plus qu'un corps solide. Mairan présumait que cette disposition angu- laire dépendait de la figure des molécules de la glace ou plutôt de l'eau , qu'il croyait être de pe- tites aiguilles. M. Haùy pense au contraire qu'elles pourraient bien être des tétraèdres réguliers {i)* Mais si les molécules de l'eau dont se forme la glace avaient ces sortes de figures, cette glace ne pourrait jamais devenir fluide; puisque la fluidité exige des formes arrondies qui permettent aux molécules de glisser les unes sur les autres. Dira- t-on que la congélation doit altérer ces formes? On se tromperait sans doute; car il est humaine- ment impossible qu'un globule quelconque , formé (l) Voy. A.d<»t , leçons élcm. de chimie , pag. aôo. (i) Voyez Haùy, iV" 356 de la i^ édit. et 385 de la 3«. Î)ES PHYSICIENS MOnERlNES. 2^3 tout d'une pièce , puisse jamais perdre de ses dimensions. Cela n'a lieu que pour les corps composés de plusieurs parties. L'on voit donc que les figures des aqueuses groupées ensemble, lors de la congélation , ne proviennent pas de la form« propre de ces molécules ; mais qu'elles dépendent uniquement de leurs petites atmo- sphères qui, dans le passage de l'eau à l'état so- lide, ne conservent ni la même étendue, ni les mêmes proportions qu'elles avaient quand l'eau était fluide. Mairan se trompait également en croyant que l'eau ne se changeait en glace que parce que ses molécules insensibles perdaient leur mouvement en tout sens. J'ai fait voir ailleurs qu'un corps est liquide, non parce que ses molécules seraient agitées d'un mouvement continuel, comme on le croit faussement , mais parce qu'il a beaucoup plus de particules atmosphériques qiie dans l'éfat solide ; et que par conséquent il ne devient com- pacte qu'en perdant ces particules surabondantes. D'ailleurs, comment Mairan concevait-il que des aiguilles pussent avoir un mouvement en tout sens ? C'est ce qu'il nous a laissé ignorer. De la congélation du Mercure. Quoique le mercure n'appartienne pas à l'élé- ment de l'eau , je crois cependant pouvoir ici parler de sa congélation , pour la mettre en pa- rallèle avec celle du liquide aqueux. Le mercure est donc comme l'eau susceptible d'une véritable congélation , mais avec cette dif férence, que son volume diminue, au lieu d'aug- menter, comme celui de l'eau. On n'a pas encore connu la raison de cette différence, parce qu'on ignore que les molécules de ce métal liquide sont environnées d'une atmosphère étendue composée i8 2^4 ERREURS DÉVOILÉES d'ignigène. Celui-ci, mis en liberté, ne peut pas être retenu comme Toxigène de l eau , qui reste en partie engagé dans la masse aqueuse devenue so- lide; mais il s'écoule par les molécules de lumière qui, existant dans les pores du mercure, en sont le véritable véhicule. Ce métal , toujours liquide dans les climats chauds et tempérés, se congèle naturellement dans les pays où le froid est très- violent ; cependant il peut se fixer aussi, daus nos régions, par un grand froid artificiel. 11 com- pose alors une masse solide et brillante qui s'étend par la percussion, en rendant un son sourd, sem- blable à celui du plomb dont elle se rapproche beaucoup par sa dureté; et si l'on prend cette masse avec la main, on éprouve une sensation douloureuse , telle à peu près que la produirait une forte brûlure (i). Or, on n'éprouve celte sen- sation pénible que parce que le mercure congelé tend à reprendre, aux dépens de la main qui le manie , l'ignigène qu'il a perdu , et qui lui est nécessaire pour devenir liquide. La marche que suit le mercure, en se conge- lant, est la même que celle de l'eau. Les lumi- neuses des corps environnans , pltis froids que ce métal liquide , enlèvent aux lumineuses logées dans ses pores l'ignigène dont elles ont besoin pour rétablir l'équilibre. Celles du métal n'ayant donc plus une atmosphère aussi étendue qu'au- paravant, pressent moins les molécules métitlli- ques qui, par ce moven , se rapprochent insen- siblement un peu plus les unes des antres , en resserrant les pores; et par ce moyen occupant un moindre espace, sont forcées d abandonner peu à peu une partie de 1 ignigène qui forme leur atmosphère, et qui, leur devenant inutile, s'écoule, (i) Voyez Haiiy. article de la Congélation du Mercure. i)FS pnYsrciF.xs :\fonERxrs. 9-5 comme je viens de le dire , par l'intermédiaire des lumineuses. Cette dissipation de l'ignigène surabondant qui entoure ces deux espèces de molécules , est cause que le mercure finit par composer une masse solide. Or, comme cet igni- gène ne s'est pas arrêté dans ce métal congelé , comme l'a fait l'oxigène dans l'eau glacée , il s'ensuit que cette matière métallique n'a pas pu se dilater, comme la glace; mais qu'elle a dû se contracter et acquérir ainsi un peu plus de pesan- teur spécifique. Le célèbre Réaumur a observé que le fer, au lieu de se contracter, comme le mercure, ac- quérait au contraire un volume plus considérable en se refroidissant après avoir été fondu. ([) Cette dilatation du fer démontre que l'atmo- sphère de ses molécules propres n'est pas entiè- rement composée d'ignigène ; mais qu'elle est mélangée de quelques particules oxigènes qui , ne pouvant passer toutes au dehors , ni se joindre toutes aux ferrugineuses lors du refroidissement, séjournent séparées dans la masse et la dilatent comme il arrive à l'eau qui se congèle. Voilà pourquoi il est nécessaire de cémenter cette sub- stance avec des matières avides d'oxigène, si l'on veut lui procurer toutes les qualités dont elle est susceptible, c'est-à-dire la convertir en acier. De VÉvaporation. Les physiciens ne sont point d'accord entre eux sur les causes de l'évaporation. Les uns la croient produite par l'action dissolvante de l'air qui , disent-ils, dissout l'eau de la même manière et avec les mêmes circonstances que l'eau dissout les sels. Mais comment l'eau peut-elle dissoudre (i) Haùy,No» 371 delà a»édit.,et ,'^00 de la 3« ^7^ ERREURS DÉVOILÉ«-S les sels ? C'est ce qu'ils ignorent , et c'est ce que Dous expliquerons bientôt. D'autres physiciens attribuent cette évaporation au feu seul; et ils s'imaginent « avoir par leurs » travaux, prouvé d une manière irrécusable que )) la formation des vapeurs est entièrement indé- » pendante de l'action de l'air, et qu'elle est due » tout entière à la puissance du calorique, (i) » MM. Danton et Gay-Lussac ont embrassé cette dernière opinion qui est fausse, si on l'admet sans restriction; tandis que la première approche beaucoup du vrai. L évaporation s'effectue de deux manières , ou en plein air, ou eu vase clos. Dans les deux cas , ce sont les lumineuses qui, étendant leur atmo- sphère, soit par la chaleur de l'air ambiant , soit par celle d'un fourneau , sollicitent les aqueuses du liquide à étendre aussi leur enveloppe atmo- sphérique dont iignigène fourni également par les premières lumineuses, fait d'abord les frais. Si c'est dans un vaisseau clos qu'a lieu lévapo- ration , les aqueuses atteintes les premières par l'action continuée du calorique ainsi incorporé , ajoutent à l'oxigène qu'elles avaient déjà, mais qui n'était pas suffisant pour les faire passer à l'état de vapeur, une partie de celui que possède encore la masse liquide qui le remplace promp- tement par de Iignigène; car l'on n'a pas oublié, sans doute, qu'à l'égard de celui-ci les lumineuses logées dans les pores en sont le véhicule, soit pour le transmettre au-dedans de la substance qui en a besoin , soit pour l'expulser au dehors. Si l'on évapore le liquide à la température ordi- naire, la vapeursera d'abord peu abondante. Si l'on veut qu'elle augmente, il faudra élever la tempé- (l) Voyea le Manuel de Physique, N" io5. I DES PHYSICIENS MODERNES. 277 rature ; car alors l'ignigène , agissant plus forte- ment sur les aqueuses de cette masse , en dégage une nouvelle quantité d'oxigène qui se porte sur celles qui doivent s'évaporer; et plus la tempéra- ture s'élèvera , plus , jusqu'à un certain point , ce dégagement , cette absorption et cette évapo- ration seront considérables ; parce qu'alors il y aura , comme je viens de le dire, plus de parti- cules oxigènes disponibles pour saturer les aqueu- ses qui doivent passer à l'état élastique. Cependant il est aisé de voir que , dans ce vaisseau clos , l'évaporation (i) doit avoir un terme, parce que les aqueuses , n'abandonnant chacune que quel- ques particules d'oxigène, ne peuvent pas donner à un grand nombre d'entre elles tout l'oxigène que nécessite l'état élastique; parce que cet état exige beaucoup plus de particules atmosphériques que la liquidité. On conçoit bien que si le liquide est soumis à une forte pression , les lumineuses ayant alors moins d'aptitude à soulever ou à repousser les aqueuses de la surface , l'évaporation sera plus lente , de même qu'elle deviendra très rapide si cette pression est considérablement diminuée. Le dégagement d'oxigène dont je viens de par- ler, est prouvé par une expérience connue. Quand, on veut retirer l'air interposé dans une masse aqueuse , et qu'on fractionne les produits pour les analyser séparément, on remarque qu'ils con- tiennent d'autant plus d'oxigène qu'ils sont re- cueillis plus tard. Le premier recueilli en contient de 11 à 23 pour loo , le second de aS à 26, et le dernier de 33 à 34 ("2). Or, l'air de l'atmosphère (i) Il faut observer que ce n'est point de la distillation pro- prereent diie , que nous parlons ici. (1) Voyez Thtuard, tom. II, p. 11, 5« cdit. 2 --8 ERREURS DÉVOILÉES / n'en contient que 21 suivant les chimistes, qui n'ont pas entrevu que cet excédant d'oxigène ^ dont il est ici question , provenait de celui aban- donné par les molécules de l'eau , lorsqu'elle s'échauffait. Cet excédant a été enlevé par les aqueu- ses évaporées dont nous avons parlé précédem- ment , et qui ne sont pas interceptées , comme dans cette dernière expérience , par un tube plein d'eau , adapté au matras qui contient celle dont on veut retirer l'air. Maintenant on peut voir pourquoi « il se forme » dans un espace déterminé, pourvu que la tem- » pérature soit égale , autant de vapeurs , que » cet espace soit vide, ou qu'il soit déjà occupé » par un fluide élastique d'une densité quelcon- » que. »{i) Ce dernier phénomène a long-temps occupé les physiciens et les chimistes; mais il a été mal expliqué , parce qu'on s'est obstiné à regarder l'eau naturelle comme ayant un principe inflam- mable; et qu'on n'a pas vu qu'elle possédait des molécules-bases dont l'oxigène compose l'atmo- sphère ; et que pour qu'elle devienne gaz hydro- gène , il faut qu'elle se dépouille de tout cet oxigène , en prenant en échange Tignigène. Quand l'évaporation du liquide se fait à l'air libre, ce ne sont plus les molécules de l'eau , mais de l'air , qui fournissent l'oxigène nécessaire à la formation de la vapeur; parce que les aérien- nes les plus basses, communiquant avec les su- périeures, reçoivent facilement de celles-ci les particules oxigènes dont elles ont besoin pour demeurer élastiques et que les aqueuses leur avaient enlevées : au lieu que dans un vaisseau clos celte compensation ne pouvant exister, les (1) Voy«z Manuel de Pliysique,!^" io5. DES PHYSICIENS MODERNES. l'JC) aériennes conservent leur oxigène ; et c'est alors aux aqueuses à le fournir à celles de leurs sem- blables qui s'évnporent ; ce qui est d'autant plus aisé, que, dans ces aqueuses, il est remplacé en même temps par Tignigène qui afflue toujours là où il est nécessaire. Lorsque cette eau qui s'évapore éprouve l'action d'un fourneau , les aqueuses les plus voisines du foyer amplifieront d'abord leur atmosphère aux dépens du calorique émis ; et se soulevant comme dans les cas précédens , mais en plus grand nombre, elles arriveront dans l'air où elles enlè- veront à ses molécules nne partie de leur oxigène, en leur cédant en échange une petite portion du caloriqtie emprunté; et les aqueuses, de même que les aériennes, devenues ainsi plus légères, monteront dans une région plus élevée en entraî- nant avec elles les lumineuses qui , logées dans leurs pores , ont aussi pris une atmosphère plus étendiie. Or , c'est par ce troc bienfaisant qui s'effectue entre les diverses atmosphères, que l'air inférieur en se renouvelant nous délivre des mias- mes qui nous seraient nuisibles. Si les aqueuses n'enlevaient point cet oxigène à l'air libre , elles ne pourraient jamais devenir fluide élastique, et elles demeureraient sous la forme d'un brouillard très-épais, tant que cette absorption ne s'effectuerait pas. Ce brouillard n'aurait même pas lieu , si les aqueuses avaient une atmosphère fixe , c'est-à-dire non susceptible d'augmentation ; car elles resteraient dans l'état de liquidité , même au plus grand degré de cha- leur, comme la silice isolée demeure compacte malgré le feu le plus violent, parce que ses molé- cules ne peuvent que très-peu agrandir leur enve- loppe atmosphérique ; et que la force répulsive des atmosphères des lumineuses , qui sont dans les 200 ERREURS DEVOILEES pores , ne croît qu'à proportion que de nouvelles couches viennent, en certain nombre, se joindre aux atmosphères des opaques. Il n'est pas besoin de dire que l'eau échauffée, surtout si elle a été soumise à un grand feu , aura un goût d'empyreume , parce qu'elle aura été dé- pouillée, en s'échauffant , d'une certaine quantité d'oxigène , remplacé par de l'ignigène ; ce qui arrive aussi à l'eau distillée. Lorsque l'eau qu'on renferme exactement dans un vaisseau est échauffée à dessein de la changer en une vapeur élastique , alors comme la molé- cule aqueuse ne peut point s'emparer de l'oxigène de l'air avec lequel elle ne communique point , l'ignigène fourni par le fourneau lui forme une surenveloppe qui étend beaucoup son atmosphère : on doit dire la même chose de tout autre liquide. D'après ce qui précède, on voit que les vapeurs aqueuses doivent toutes contenir de l'ignigène en plus ou en moins grande quantité ; c'est-à-dire que cet ignigène y sera moins abondant dans les pays froids , un peu plus dans ceux qui sont tempérés , et beaucoup plus dans les climats chauds ; surtout quand la vapeur se formera ou séjournera au-dessus des plages brûlantes et arides. On conçoit bien aussi que si l'ignigène acquis donne aux aqueuses, qui s'évaporent, la faculté d'enlever autant d'oxigène qu'il leur en faut pour passer à l'état de fluide élastique , elles devront s'en dessaisir à proportion qu'elles perdront de cet ignigène : de là les vents ou faibles ou violens, comme je l'ai déjà démontré. DES PHYSICIENS MODEREES. Îi8l LIYRE DIXIEME. DE L\ TERRE OU DU GLOBE TERRESTRE. LiA seconde des substances matérielles que Dieu fit jaillir du néant lors de la création , même avant qu'il eût donné aux molécules , qui constituent la matière de la lumière, la propriété de transmettre la clarté et de s'illuminer elles-mêmes, c'est notre globe qui parut immédiatement après 1 ether, et qui est un composé de parties hétérogènes , les unes fluides , les autres solides de différentes den- sités. Ce globe que nous nommons la terre n'eut pas sur-le-champ la forme que nous lui s'oyons ; mais sa matière disséminée dans l'éther, ici en grandes ou en petites masses compactes , là en par- ties friables ou liquides, occupait un vaste espace. Dieu, voulant en faire la demeure de l'homme , réunit ces masses informes, et c'est alors que les eaux , comme plus légères , s'étendirent de tous côtés et couvrirent la surface de la terre, en for- mant une mer sans rivage. Ces parties dispersées , en paraissant dans l'éther au moment de leur création , et s'emparant de la place déjà occupée par ce fluide , s'étaient formées chacune une atmo- sphère proportionnée à leur volume : mais après leur réunion , il n'y eut plus qu'une seule grande atmosphère que l'Ecriture Sainte appelle firma- ment , et qu'il faut distinguer de ce qu'elle nomme ensuite firmament du ciel , qui n'est autre 282 BRREURS DÉVOILÉES chose que cette matière éthérée où sont placé» tous les corps sidéraux. De là il résulta qu'une partie de cette atmosphère qui environna toute la masse terrestre fut, par rapport à nous, au-dessus des eaux, et l'autre au-dessous. En effet la portion de cette atmosphère, qui couvre notre hémisphère, est au-dessus de nos têtes , et celle qui est vers l'hémisphère opposé est sous nos pieds ; et voilà, je pense , ce qu'a voulu faire entendre Moïse en disant que Dieu sépara les eaux qui étaient sous le firmament , de celles qui existaient sur le firma- ment. Ces divejses masses terrestres d'abord éparses sans ordre dans l'éther, puis obligées de se réunir précipitamment à la voix de leur Créateur , se placèrent suivant qu'elles se trouvèrent le plus près de ce qui devait former le centre de notre globe. De là ces couches variées que l'on trouve dans son sein , et ces cavités nombreuses qui pro- vinrent de la jonction imparfaite des grandes mas- ses compactes de forme irrégulière. Il arriva même que cette réunion ne pouvant se faire sans un choc violent, plusieurs parties furent brisées et laissè- rent des traces de ce grand événement (i). (i) Nota. Ce bouleversement et ces coucbes variées provenant de la réunion des diverses maiières terrestres dispersées ont fait penser à quelques géologues philosophes , que notre globe était le produit de diverses coucbes de ma'ières. qui se seraient suc- cessivement déposées sur sa surface dans la suite d'une infinité de siècles ; mais ce qui prouve que ces géolo{>ues se sont étrangement trompés , ce sont les nombreuses cavernes qui existent en mille endroits de cette surface; parce que si notre plobe provenait, en tout ou en partie , de ces d*'pôfs successifs , il aurait été impos- sible qu'ils eus'ient produit ces cavernes dont la plupart sonf très- vastes, très-élevées et très-profondes. En efft-t, des matières qui se déposent lentement ne sauraient jamais constituer que des ter- rein» unis , surtout quand ces matières, dans leur état f)rimitif , .sont ù demi fluides comme on le prétend. Ce que je dis ici est DES PHYSICIENS JVIODElllNES. 283 Notre globe enveloppé de la mer comme d'un manteau ne pouvait en cet état servir de demeure à riiomme. C'est alors que Dieu ordonna que l'élément aride parût ; et à sa voix le globe se comprima dans plusieurs points pour former des bassins immenses où pussent se retirer les eaux qui cachaient sa surface. En même temps les con- tineiis s'élevèrent portant sur leur dos ces collines et ces montagnes d'où devaient se précipiter les torrens et les rivières qui suivirent les routes si- nueuses que le ïout-puissant leur avait préparées. Ainsi ces masses colossales dont quelques-unes portent leur tête dans la région des nuages , sor- tirent du sein des eaux, non liquides, mais aussi dures que le sont ces rochers qui gissent encore à fleur d'eau dans le vaste océan. D'après ce que je viens de dire , on voit que Nevv^ton n'a fait qu'un roman , lorsque, pour faire concorder tous les phénomènes avec sa gravitation universelle, il supposa que toute la terre avait été d'abord fluide. Ont-ils mieux rencontré ceux qui ont prétendu aussi que parmi les montagnes, les unes avaient démontré soit par ces terreins nouveaux formés parles alluvions des fleuves et des rivières, soit par ceux qtie couvrent les laves qu'ont vomies les volcans enflammés: car, dans ces deux cas, on n'a jamais vu qu'il en soit résulté des cavités considérables et multipliées ; mais seulement des couches compactes et unies. Voilà donc comme l'on s'égare , quand méprisant les vérités que nous a apprises la révélation, on ne suit que ses folles idées qui font rêver à l'éternité de la matière. Or ceux de nos philosophes qui par une présomptueuse vanité sont entêtés de c^-s idées , parce qu'ils veulent être leur seul guide, ne ressemblent pas mal à des enfaiis cherchant à se dégager des lisières qui les retiennent; les- quels , une fois abandonnés à eux-mêmes, se croient fermes sur leurs pieds , parce qu'ils font quelques pas rapides ; mais dans l'instant même, ils se voient punis de leur présomption par une lourde chute. 284 ERREURS DÉVOILÉES été formées par le feu , et que les autres prove- naient des animaux marins du genre calcaire? Le feu détruit tout et ne produit rien de lui-même ; et d'un autre côté c'aurait été une merveille de voir ces animaux quitter leur élément aqueux pour s'élever en pyramide les uns au-dessus des autres à l'effet de former des mont.ignes et des collines. Ces diverses hypothèses n'ont été fabri- quées que parce qu'on ne connaît point les prin- cipes intimes qui distinguent les corps siliceux des substances calcaires. Pour plaire aux coryphées de la philosophie mo- derne , qui s'étaient établis les arbitres suprêmes des réputation littéraires, l'illustre Buffon inventa son roman des sept époques de la nature. Quel- ques astronomes se sont moqués de cette hypo- thèse , et ils ont eu raison , mais ils ont eu tort de déprécier la dignité de notre globe , et de le regarder comme moins excellent et moins ancien que les planètes. Il semble qu'ils ont toujours ignoré le récit que Moïse fait de la création , ou qu'ils ont regardé ce récit comme fabuleux. Ce- pendant cette narration s'accorde avec les phéno- mènes astronomiques, quoi qu'on en dise, et elle est d'ailleurs conforme à la tradition de quelques anciens peuples. Effectivement , les Arcadiens soutenaient que leur pays était plus ancien que la lune. Nos astro- nomes ont fait de vains efforts pour deviner ce qui avait pu donner lieu à une telle prétention , mais ils n'ont débité que des fables absurdes. Cependant ce n'était pas une énigme difficile à expliquer si l'on avait recouru à la véritable source, à la Genèse ; car on y voit qu'avant que la lune , le soleil et tous les astres existassent, la terre avait été tirée du néant , et avait été parée de tous ses ornemens pour recevoir celui que BF.S PHYSICIENS MODERNES. sSd Dieu allait en établir le maître. Ainsi elle avait déjà ses plaines, ses collines, ses montagnes, ses bois et sa verdure avant que la lune jaillît dans l'éther : et comme c'est une chose assez commune dans Tantiquité de prendre une partie pour le tout , les x\rcadieus , sans trahir la vérité, pou- vaient dire que leur pays avait une origine plus ancienne que celle de l'astre qui nous éclaire pendant la nuit. La masse solide du globe terrestre ou le qiia- trième élément n'est pas aussi simple que les trois précédens, mais il est composé de plusieurs sub- stances hétérogènes qui diffèrent en densités et en propriétés physiques , et dont les atmosphères n'ont point toutes les mêmes proportions ni les mêmes principes. Les métaux, par exemple, ont l'atmosphère de leurs molécules-bases , formée d'ignigène , et leurs oxides ou presque tous leurs oxides, ainsi que les diverses terres et autres ma- tières ont une atmosphère mixte ou mélangée d'ignigène et d'oxigène en quantité variable sui- vant les substances ; mais les molécules d'une même substance , qui n'aura jtas subi de décom- position ou de modification, serontentouréesd'une atmosphère uniforme. Je ne m'arrêterai pas davantage sur ce qua- trième élément, parce que mon dessein n'est pas de tout dire ; et que d'ailleurs je pourrai parler de quelques-unes de ses parties à l'occasion de l'examen que je vais faire du Traité de chimie de M. Thenard; mais je ne puis m'empêcher de dire un mot sur le mouvement journalier que les uns attribuent et les autres refusent au globe que nous habitons. ^86 FRRnURS DKVOILKrs Du mouvement de la terre sur son axe , désigné d'une manière assez claires ce me semble^ dans le premier chapitre de la Genèse. Chaque jour le soleil , se montrant du côté de rorient , s'élève jusqu'au méridien , puis conti- nuant son cours, il descend vers l'occident pour se perdre sous 1 horizon et revenir encore le len- demain vers l'orient renouveler à nos yeux le même phénomène. Est-ce réellement le soleil qui circule journellement autour de la terre, ou celle-ci , tournant sur son axe d'occident en orient, projette-t-elle cet astre en sens contraire? Dans ces deux cas les apparences seront toujours les mêmes; et pour décider la question, il ne suf- fit pas d'alléguer les raisons de la simplicité et des convenances, comme le font les jN"ewtoniens ; il faut que les faits parlent eux-mêmes. S'il n'y avait que le soleil et les planètes qui allassent ainsi d'o- rient en occident , tandis que les étoiles demeu- reraient à la même place , nul doute alors que les premiers astres ne tournassent chaque jour autour de la terre ; et que celle-ci ne fût parfai- tement immobile. Mais en supposant à tout le ciel étoile ce mouvement diurne , serait-il possible que la terre éprouvât cette immobilité au milieu de ce grand et rapide mouvement ; lorsque l'é- ther l'environne et adhère à son atmosphère ? Non , et en effet tous les corps sidéraux ne pour- raient simultanément embrasser la terre dans leur cours journalier et uniforme , qu'autant que le fluide éthéré où ils sont suspendus, tournant lui- même , les emporterait par son mouvement de rotation; comme on voit entraînés les petits corps plongés dans l'almosphêre d'un petit disque mé- tallique, flottant sur l'eau, quand on le fait tour- ner sans secousse. L'éther, tournant ainsi, devrait PES pnrsicFKXs Monrn.Nrs. 9.87 donc communiquer son mouvement de rotation à l'atmosphère terrestre, et celle-ci à notre globe; parce qu'un corps quelconque ne peut pas de- meurer en repos au centre d'une matière agitée circulairement , surtout quand cette matière sert à brider ce corps , comme le fait 1 éther à l'égard de notre atmosphère. De cette manière tout tour- nerait à la fois dans 2.4 heures , et rien ne paraîtrait déplacé dans le ciel étoile. Or pour que le dépla- cement journalier des astres ait lieu , il faut que la terre tourne sur son axe d'occident en orient, par quelque cause que ce soit, et indépendam- ment du mouvement total qu'on supposerait à l'éther, en laissant en arrière le soleil , les planè- tes et les étoiles. Dans ce cas le mouvement de rotation de notre globe devra être plus rapide que celui qu'on supposerait à la matière éthérée, et par ce moyen il en sera indépendant et n'en proviendra point , par la raison qu'une matière qui a reçu une impulsion ne peut pas communi- quer plus de mouvement qu'elle n'en a acquis. Donc si la rotation de la terre ne dépend pas de celle du fluide éthéré, qu'aurions-nous besoin de supposer le mouvement de ce dernier? Ce serait donner deux causes à un seul effet. D'après ce que je viens de dire , il est donc incontestable que c'est la terre qui tourne toutes les il\ heures , et non le ciel étoile. Pourquoi les Newtoniens n'ont-ils pu indiquer ces preuves qui me semblent si simples? C'est qu'ils n'ont jamais su que l'éther était la conti- nuation de notre fluide atmosphérique. Ceux qui refusent d'admettre le mouvement diurne de la terre , se fondent sur le phéiiomène que nous présentent les corps qu'on lance per- pendiculairement dans l'air et qui retombent au même endroit; tandis que, selon eux, ils devraient 288 ERREURS DEVOILEES rester en arrière , si la terre tournait sur ellef- mème. Mais ils ne font pas attention que l'atmo- sphère terrestre ne faisant qu'un tout avec le globe qu'elle presse , doit recevoir l'impulsion donnée à celui-ci et en suivre le mouvement qui est communiqué en même temps aux corps qu'elle renferme. Il en est de ces corps que l'atmosphère entraîne, comme d'un caillou qu'on laisse tomber dans une eau profonde et tranquille, et qui sui- vra constamment la ligne perpendiculaire malgré le mouvement de rotation le plus rapide qu'on pourrait supposer à la terre ; parce que ce mou- vement de rotation affecte toute la masse, et n'est point particulier à quelques corps séparés. Quoiqu'il soit évident que notre globe tourne sur son axe , comme Copernic l'a cru avec raison , mais sans en produire une preuve certaine, ce- pendant le soleil se lèvera, le soleil se couchera pour le savant comme pour l'ignorant. Si pour dire que le jour commence ou va finir on se ser- vait de ces mots , la terre tourne , on ne serait pas compris; ou bien, pour exprimer son idée, il fau- drait user de grandes circonlocutions fort ennu- yeuses. Ainsi dans tout pays, quand on voudra se faire entendre, on dira toujours le lever, le cou- cher du soleil et des autres astres ; quoique l'on sût parfaitement que ces corps sidéraux ne se lè- vent et ne se couchent point. Lorsqu'on trouve dans les livres saints, la terre est stable^ et autres phrases semblables, cela ne signifie pas que notre globe soit absolument sans mouvement ; mais seulement qu'il est assis sur des fondemens inébranlables, et qu'il ne quittera jamais la position qui lui a été assignée par le Créateur. La terre peut être ici assimilée à une statue qu'un habile artiste ferait tourner sur un pivot. Si la base sur laquelle cette statue serait «ES PHYSICIENS MOnERîîES. 28g pos^e , paraissait être à l'abri de tout accident, on pourrait dire, sans choquer le bon sens, que celle-ci est fixe ou d'une parfaite stabilité; quoi- qu'on sût bien qu'elle pivote sur elle-même : cela ne doit pas souffrir de difficulté. D'ailleurs lorsque Dieu parle dans ses saintes Ecritures ) ce n'est pas comme un docteur frivole qui enseigne de vains systèmes , une folle science , toutes choses qu il a abandonnées aux spéculations de l'esprit humain ; c'est au contraire commue un maître sage qui veut rappeler les hommes à la pratique des vertus , pour les obliger à se consi- dérer comme nn peuple de frères qui doivent se chérir mutuellement , s'assister dans tous leurs besoins , se consoler dans toutes leurs peines ; c'est enfin comme un ami tendre qui les invite à jouir de leur plus belle prérogative , celle de le connaître, de l'aimer, et de lui rendre le tribut d'adoration qu'il mérite à tant de titres comme leur créateur et leur bienfaiteur. Quoique les Livres saints ne fassent pas préci- sément mention du mouvement de la terre sur son axe , cependant quelques passages du premier chapitre de la Genèse semblent l'indiquer d'une manière très-particulière. En effet, on y voit que la vicissitude des jours et des nuits avait déjà lieu avant que le soleil, la lune, et les étoiles fussent créés. Or , l'Historien sacré ne peut pas entendre par-là que ces astres tournaient autour de notre demeure, et que leur présence constituait le jour et leur absence la nuit ; puisqu'ils n'existaient pas encore. D'ailleurs il annonce ensuite qu'au qua- trième jour Dieu plaça dans le firmament du ciel, c'est-à-dire dans l'éther, les corps lumineux qui devaient , dit-il , éclairer la terre et séparer le jour de là nuit. Ce n'est donc pas d'une marche quo- tidienne faite par tous ces astres autour de la terre J9 290 ERREURS DEVOILEES qu'entend Moïse par le soir et le matin des trois premiers jours. Ou ne peut pas dire non plus que la lumière matérielle , créée le premier jour , éclairât notre globe d'un côté et Tobscurcît de Tautre; parce qu'elle n'avait alors, comme ac- tuellement, d'autre attribut que celui détre le véhicule de la clarté , tant qu'elle serait dissémi- née dans les pores de l'éther. Dans ces p;;ssages , Moïse doit parler nécessairement d'un phénomène existant avant la formation des sphères célestes. Or , ce phénomène ne peut être que le mouvement diurne de la terre. Effectivement , Moïse se trans- portant en esprit aux temps qui précédèrent la créa- tion du soleil, devait considérer comme jour la partie du ciel sous laquelle le méridien d'Eden se trouverait au moment où cet astre, jaillissant dans l'espace, l'éclairerait de ses rayons; et comme nuit la partie opposée que ce même méridien rencontrerait en continuant son cours. Voilà , si je ne me trompe, la rotation de la terre démon- trée dans la Genèse en des termes précis, quoique indirects. C'est ainsi qu'en pesant attentivement les divers endroits de lÉcriture sainte, avec un esprit dé- pouillé de préjugés , on peut y découvrir plus d'une vérité astronomique ou physique, et éviter Lien des erreurs. Maintenant est-ce à bon droit que nos philosophes astronomes ou géomètres accuseront nos Livres saints d'avoir méconnu le mouvement diurne de la terre , lorsque eux-mê- mes, malgré leur science et toutes leurs préten- tions , n'ont pas su y lire ce même mouvement qui y est annoncé en termes précis, quoique le mot technique ne s'y trouve pas, parce que cela n'était point absolument nécessaire? DES PHTSICIENS MODERNES. -29 1 De r inclinaison de l'axe de la terre. Mouvemens extraordinaires du Soleil observés par quelques anciens peuples. Observations qui concordent avec ce que nous apprend la Genèse, Copernic eut raison d'enseigner que l'axe de la terre était incliné. Selon lui, les deux pôles ont cté inclinés à la fois : je pense au contraire que cette inclinaison n'a été que partielle, et produite par le seul déplacement du pôle méridional ; et qu'aux premiers jours de la création l'axe terres- tre était droit , et non oblique. Mais après le péché d'Adam , Dieu , pour punir la race humaine , changea la position du pôle austral et l'inclina vers le soleil arrivé au méridien , lequel , par ce mouvement, sembla fuir le pôle septentrional. Ce mouvement du pôle sud fit naître un nouvel ordre de saisons ; puisque alors le soleil, projeté au tropique du capricorne, envoya l'hiver régner sur le jardin d'Eden. Ce changement de saison lie put que déranger l'état de l'atmosphère , et Adam en éprouva bientôt la funeste influence. Voilà pourquoi Dieu qui , tout en le punissant , €ut pitié de sa misère, lui donna, ainsi qu'à sa compagne, des vèteraens de peaux de bétes pour les garantir de l'inclémence de l'air. Si au lieu de s'avancer vers le soleil , le pôle austral se fût incliné en sens contraire, cet astre serait tout de suite arrivé au tropique du Cancer poilr produire l'été de notre hémisphère, et ses rayons , échauffant plus perpendiculairement le pays dEden , y auraient augmenté la chaleur primitive , et nos premiers parens n'auraient pas eu besoin dans ce temps-là de vèteraens pour se préserver du froid. Mais quels méridiens éclairait le soleil, lors de l'inclinaison de l'axe vers cet astre? Ceux d'Éden. 292 ERREURS DÉVOILÉES Cet axe ne put s'incliner , comme je l'ai dit , sans que la partie de l'équateur coupée par ceS méridiens ne tournât vers le nord en s'éloignant de l'astre du jour. Or , par l'effet d'une illusion optique qui nous fait rapporter aux objets exté- rieurs le mouvement dont nous sommes affectés, surtout quand nous ne sortons pas du lieu qui se meut avec nous , le soleil sembla reculer vers le sud jusqu'à ce que le pôle austral se fût arrêté. Adam vit donc cet astre parcourir dans un même jour du nord au sud plusieurs degrés du méri- dien , et paraître pour la première fois dans le solstice d'hiver. Ce changement du pôle austral qui sembla faire reculer le soleil après qu'Adam eut donné la mort à ses descendans en mangeant du fruit défendu, ne pourrait-il pas expliquer la fable du soleil re- culant d'horreur à la vue du festin d'Atrée qui , dans un transport de haine, fit manger à son frère Thyeste les membres de ses propres enfans qu'il avait égorgés à l'insu de leur père. Quoi qu'il en soit, tous les descendans d'Adam n'ont pas perdu la mémoire de cette époque mémorable où le soleil à notre égard rétrograda en apparence vers le sud. Un peuple célèbre de l'Asie l'a con- servée soigneusement, parce que, plus qu'aucune des nations antiques, il a recueilli avec soin tous les phénomènes solaires auxquels il a toujours attaché la plus grande importance. Il dit donc , si ma mémoire est bien fidèle , qu'on vit une fois le soleil parcourir le méridien pendant plusieurs jours. Comme cette tradition s'est nécessairement altérée en passant de générations en générations, ce peuple aura confondu plusieurs degrés avec plusieurs jours. Peut-être même aura-t-il fait exprès ce changement pour donner de ce phéno- mène une idée plus extraordinaire , ce qui lui arrive assez ordinairement. DES PHYSICIENS MODERNES. 3()3 Enfin Bailly nous dit , dans son Histoire de V astronomie [).) , que les anciens Egyptiens assu- raient qu'on avait vu l'écliplique perpendiculaire à l'équateur; ce qui était encore vrai en le rap- portant au temps d'Adam. Ce peuple de l'iVfrique n'avait pas observé lui-même ce phénomène, mais il l'avait appris parla tradition, comme les Arcadiens avaient su par le même canal que leur pays ou le globe terrestre était plus ancien que la lune. (2) Ces Egyptiens, suivant le même auteur, ra- contaient à Hérodote qu'on avait vu deux fois le soleil se lever aux mêmes points de l'horizon oit il se couche maintenant. Bailly traite cette opinion de singulière et de fabuleuse , et il ajoute : « Nous « ignorons si ces fables renferment quelque vérité » cachée , mais on n'a pu la découvrir jusqu'ici. » Cet aveu n'est pas honorable pour la moderne philosophie. Et en effet , cette tradition des Egyp- tiens est conforme à ce qu'on trouve dans la sainte Ecriture, qui dit que Josué interrompit le cours du soleil , et qu'Isaïe fit rétrograder l'ombre de dix lignes dans l'horloge d'Achaz en faveur d'Ezé- chias. Or, d'après ce miracle d'Isaïe, le soleil, aux yeux des habitans de l'Egypte voisine de la Judée , parut bien se lever ou rétrograder de l'oc- cident vers l'orient par l'effet du changement opéré momentanément dans la rotation de l'axe , qu'Isaïe n'était pas obligé d'expliquer en faisant ce prodige. Donc les Egyptiens pouvaient dire avec quelque raison que cet astre s'était levé aux ( I ) Astronomie réduite , en î vol. in-8 , tom. I , p. 89. (1) Nota. Les Athéniens disaient aussi , d'après la tradition, qu'ils étaient aussi anciens que le soleil, ce qui est encore vrai, en le rapportant à leur pays; car l'époque de ta création de la terre précédait de trois jours celle de cet astre ; ce qui détruit les hypothèses absurdes par lesquelles on voudrait nous faire croire que notre demeure n'a été formée que par une éclaboussure du soleil heurté par une comète. 294 T:r.REriis dévoilées mêmes points du ciel où il se couche mainteuant. D'ailleurs ils purent s'appliquer à eux-mêmes ce qui ne convenait précisément qu'aux peuples qu'ils savaient être à leur orient; et qui effecti- vement avaient vu l'astre du jour , en rétrogra- dant , remonter au-dessus de leur horizon , après être descendu au-dessous. Quant au miracle de Josué , comme il n'était pas si récent , et que la tradition pouvait s'en être altérée en traversant l'espace de plusieurs siècles, les Egyptiens ont pu d autant plus aisément assi- miler ces deux faits miraculeux, que le soleil, d'après le commandement de Josué, en paraissant fixe au lieu où il était parvenu par le mouvement de l'axe de la terre , sembla avec quelque vrai- semblance devoir revenir sur ses pas. C'est du moins ce que devaient attendre avec anxiété les nations qui observèrent ce prodige. On voit donc qu'en scrutant attentivement les traditions ancien- nes qui paraissent, à nos modernes philosophes, les plus singulières et les plus inexplicables , elles attestent manifestement la vérité des faits consi- gnés dans les divines Ecritures. Je ne dois point passer sous silence une autre tradition rapportée par Bailly dans le même ou- vrage et regardée aussi par lui comme une fable. Les prêtres égvptiens racontaient donc encore , suivant cet astronome (i; , k que dans l espace de » II 340 ans on avait vu changer quatre fois le » cours du soleil. » Je ne m'arrêterai point au nombre des années que ces prêtres du paganisme assignaient à ces phénomènes, parce qu'on sait que les Egyptiens , à l'instar des Indiens et des Chinois , reculaient l'origine du monde afin de faire paraître leur pays plus ancien. Je dirai seu- lement que ces quatre fois dont parlaient ces (i) Astronomie réduite jXoux. I, p. 89. DFS PHYSICIENS MODERjN'KS. 29J prêtres , sont : la première , quand le soleil après le péché d'Adam s élança vers le sud par l'effet de l'inclinaison de Taxe terrestre ; la seconde , lorsque après ce mouvement qui semblait devoir faire parcourir les pôles à cet astre, celui-ci par le mécanisme de la rotation de cet axe reprit un autre cours de l'orient vers l'occident , en ne suivant plus comme auparavant la ligne de l'équateur , mais la ligne oblique des tropiques ; la troisième , quand Josué arrêta la marche du soleil, et avec lui la rotation diurne de la terre , ce qui annonçait avec quelque vraisemblance que cet astre allait prendre un autre cours ; et la quatrième , lorsque Isaïe fit rétrograder l'om- bre dans l'horloge d'Achaz. On voit clairement que de cette manière le soleil changea effective- ment quatre fois son cours apparent ; comme l'affirmaient les prêtres égyptiens. Ce qui me confirme encore dans l'opinion que l'axe terrestre n'a pas toujours été incliné , c'est l'usage pratiqué chez la plus haute antiquité de supputer le temps par les lunaisons , usage que les premiers hommes durent sans doute à Adam. En effet ce patriarche avant sa chute , devant voir le soleil parcourir constamment la ligne de l'équateur, n'avait point de moyen plus facile de connaître la marche du temps que par les néo- ménies ou retours de la lune. Il est vrai qu'il aurait pu diviser ce temps par les périodes an- nuelles des étoiles ; mais sa désobéissance lui en laissa-t-elle le loisir? Et dans ce cas il n'avait pas dû encore prendre pour mesure du temps , des astres dont l'expérience ne lui avait pas tait con- naître le cours périodique. D'ailleurs jouissant d'un bonheur tranquille , et n'étant point encore excité par cette curiosité qui nous dévore , il lui suffisait d'avoir un signe qu'il pût recouvrer dans un court intervalle de temps. Cif)6 ERREURS DÉVOILÉES Ne pourrait- on pas comparer certains philo- sophes modernes à ces peuples anciens si renom- més par leur savoirastronomique ? Ceux-ci s'étaient peu souciés de conserver les vraies notions de la divinité qu'Adam et puis Noé leur avaient trans- mises ; mais par un motif d'orgueil , ils avaient eu grand soin de recueillir et de transmettre à leur postérité ce qui regardait la science de l'as- tronomie : et pendant qu'ils s'enorgueillissaient de leur science profane , ils en vinrent à un tel excès d'aveuglement , qu'au lieu d'adorer leur créateur et le maître de la nature, ils prodiguèrent leurs adorations à de vils personnages, et même aux vices les plus honteux et aux plus stupides animaux. Que font malheureusement nos philo- sophes pour la plupart ? Dédaignant de s'enquérir des vérités divines que nous a enseignées la révé- lation , et de connaître et pratiquer ce qui regarde les devoirs de l'homme envers Dieu , ils saisissent avec avidité et enthousiasme les plus simples notions de la science humaine ; et alors infatués d'un vain savoir, on les voit s'écrier d'un air triomphant : Qui est semblable à nous ? quelle science peut aller de pair avec la nôtre? Et tout aussitôt expulsant Dieu de leur esprit ils mettent à sa place la matière brute créée qu'ils font sou- veraine de cet univers, et à laquelle ils accordent Tineéternitéqu'ils refusent à leur souverain Maître. Mais Dieu qui se rit du vain orgueil de l'homme, a semésurleurroute scientifique de fréquens écueils où toute leur science est venue faire naufrage , sans qu'ilss'en soient doutés encore. On l'a déjà pu voir en raccourci dans ce que j'ai dit seulement de la physique. Nota bene. J'ai promis ci-devant de revenir sur certaines propriétés essentielles de l'atmosphère terrestre; et c'est ce que je vais faire. DES PHYSICIENS MODERNES. 297 LIVRE ONZIÈME. DE l'atmosphère DE LA TERRE. JLi'ATMOsPHÈRE qui ciitoure notre globe est fluide , transparente , élastique ; et a la forme d'un verre lenticulaire, ou plutôt d'un verre plan- convexe par rapport à l'observateur qui considère les astres répandus sous la voûte céleste. La ma- tière qui compose cette atmosphère est, comme je l'ai déjà dit, la même que celle de l'éther, qui condensé autour de la terre ne jouit plus de toute sa dilatabilité. Cette condensation qu'on remar- que dans les régions inférieures de notre enve- loppe atmosphérique ne provient ni de la gravité, ni de la pression des couches supérieures ainsi qu'on le prétend ; elle n'a eu lieu que par le refou- lement de ce fluide lors du développement de la masse terrestre quand Dieu la tira du néant. Comme la matière créée ou non encore créée obéit sans délai à la voix du Tout-puissant qui l'appelle , la terre, ayant été nommée après l'é- ther , parut aussi immédiatement après ce der- nier ; et jaillissant au milieu de l'espace ne put s'y placer qu'en faisant reculer le despote inanimé qui l'occupait seul. Il est incontestable que toute matière élastiqr.e non isolée , c'est-à-dire circon- scrite dans des bornes, est toujours plus compri- mée du côté de la pression. Or les régions infé- rieures de notre atmosphère, étant plus voisines 298 ERREURS DÉVOILÉES de la surface comprimante, ont dû être plus con- densées que les régions supérieures. En effet, la pression que supportent les couches les plus bas- ses, se partageant de bas en haut entre un plus grand nombre de ces couches, devient peu à peu moins forte, et est enfin insensible à un certain éloignement. Or c'est ainsi que vers les confins de notre atmosphère celte pression ne se faisant presque plus sentir, sa dilatation diffère peu de celle de léther ; et celui-ci n'est plus enfin que notre air atmosphérique non comprimé. Si au-delà de ce fluide élastique refoulé , il ne se trouvait pas une matière qui résistât aux efforts de toutes les couches inférieures , les différentes zones de ce fluide se mettraient peu à peu en équilibre , et se dissiperaient ou du moins elles reprendraient une rareté uniforme sans adhérer à la terre , et dès lors il n'y aurait plus d'atmosphère. Donc cette atmosphère ne peut subsister avec le vide ; tout comme l'air renfermé dans une vessie placée sous le récipient d'une machine pneumatique, ne peut rester dans sa cloison ; mais se dilate et la rompt avec effort quand on fait le vide en pompant l'air de ce récipient. On n'a pas même besoin de faire le videpour connaître toute l'élasticité de notre fluide atmosphérique; car on a remarqué plusieurs fois qu'une vessie , à moitié pleine d'air au pied d'une haute montagne, se gonflait peu à peu à propor- tion qu'on s'élevait vers son sommet. Doue l'air atmosphérique ne pourrait être concentré autour de la terre, s'il n'y avait au-delà un obstacle pour le retenir. On ne peut voir qu'avec peine que des savans illustres, qui ne pouvaient méconnaître ces expé- riences , aient prétendu , pour soutenir la fausse hypothèse du vide , que , si notre atmosphère élastique ne se dissipe pas , ses dernières couches DES PIIYSICIEIVS MODERIVES. 299 doivent être sans ressort, (i) c'est-à-dire non élas- tiques. 11 me semble que c'est là un raisonnement anti-logique , et qu'ils auraient du au contraire conclure que puisque cette atmosphère restait coërcée autour de notre globe , il devait y avoir nne matière qui s'opposait à sa dissipation ; car leur sentiment revient à celui d'une personne qui , voyant un vigoureux coursier arrêté dans sa course par une barrière , soutiendrait qu'il n'a plus de jambes , ou qu'il a perdu ses forces. Nota. Ce faux raisonnement de l'auteur de \ Exposition du système du monde ne devrait-il pas former dans un esprit juste et logicien une démonstration contraire à celle qua voulu don- ner cet auleur ; car l'on doit dire : Notre fluide atmosphérique est très-élastique et cherche à se mettre en liberté quand il le peut; donc, s'il ne se dissipe pas , c'est que ses dernières couches sont bridées par une matière qui les contient dans leur poste. Des Atmosphères sidérales. Ce n'est pas seulement la terre qui possède une enveloppe atmosphérique , les corps sidéraux ne peuvent en être dépourvus ; et l'on doit d'autant moins douter de cette vérité physique, qu'elle est prouvée par plus d'un phénomène. Pour abréger, je n'en citerai qu'un ou deux. Un savant astronome ayant long-temps observé Mercure toutes les fois qu'il passait sous le soleil, eut enfin la satisfaction de le voir entouré d'un anneau lumineux comme celui qui environne la lune dans les éclipses annulaires ; et cet anneau moins brillant que le reste du soleil , annonçait que ce n'était qu'une lumière altérée par un fluide. (i) Voy. l'Exposition du système du monde , tom II. p. 122. 3oO ERREURS DEVOILEES Or ce fluide ne pouvait qu'être l'atmosphère de Mercure. Mais la planète qui indique de la manière la plus évidente la réalité de ces atmosphères, c'est la lune dans une éclipse annulaire de soleil. Nous aurons lieu d'en être convaincus quand nous re- chercherons quelle est la hauteur de l'atmosphère terrestre ; ainsi les preuves ne nous manquent pas : mais quand même nous n'en pourrions fournir aucune, la nature et l'élasticité de notre atmosphère démontreraient qu'aucun des corps sidéraux ne peut être privé d'une enveloppe at- mosphérique ; puisque ces corps n'ayant été créés qu'après la terre et le ciel éthéré , comme l'an- nonce l'auteur inspiré , il est certain qu'ils n'ont pu jaillir dans l'éther sans chasser ce dernier de la place qu'ils venaient occuper ; et ainsi ayant refoulé ce fluide élastique , ils ont dû se former une atmosphère à l'instar de celle de notre globe , et proportionnelle au diamètre des sphères qu'elles devaient envelopper. Les atmosphères de ces globes célestes , ainsi que la nôtre , sont permanentes et toujours les mêmes ; parce que les particules atmosphériques qui forment la petite atmosphère des molécules propres de l'air et qui sont la cause de leur élasti- cité, ne peuvent point abandonner celle ci quand elles ne sont pas voisines d'une substance plus avide qu'elles de ces particules atmosphériques : aussi ces atmosphères sidérales ne pourraient ces- ser d'exister qu'autant que Dieu anéantirait les globes qu'elles entourent. Dans l'état actuel des choses , ces atmosphères ne font qu'un seul tout avec ces corps , et leur surface élastique glisse dans l'éther sans rester en arrière. On peut se former une idée de ce mécanisme au moyen des expériences faites avec un petit disque métallique DES PEYSICIF.IVS MOnERNES. 3ol très-mince qu'on fait surnager dans une assiette remplie d'une eau limpide; (i) car si on approche de l'atmosphère , qui se forme autour de ce disque, une aiguille ou un fil d'archal plongé perpendi- culairement dans le liquide , on conduira le dis* que où l'on voudra ; et si l'on y fait bien attention on verra que celui-ci conserve toujours la même atmosphère , laquelle traverse le fluide aqueux , telle qu'une masse solide. Nota. Dans ces derniers temps quelques auteurs ont été forcés d'avouer que le vide de Newton était chimérique (2) ; et que l'éther, c'est-à-dire une matière, fluide élastique, existait réellement dans l'espace ; mais ils n'ont pas connu ou ils ont voulu ignorer que notre atmosphère et celles de tous les corps sidéraux étaient une portion de cet éther qui avait été refoulé \ et ils ont cherché à persuader , comme leurs devanciers , qu'elles étaient toutes un produit des exhalaisons des sphè* res qu'elles enveloppent ; et qu'à l'égard de notre atmosphère, elle avait été créée par le mouvement de la terre et par la chaleur du soleil (3) ; ce qui est une grande erreur. Notre Atmosphère amplifie le diamètre des autres à V horizon. Jdsques ici les physiciens n'ont reconnu à l'at- mosphère terrestre d'autres propriétés que celles (1) Pour poser ce disque sur l'eau , il faut se servir d'un fil d'ar- chal plié en cercle par un de ses bouts , et puis courbé à angles droits ; et si cette pièce vient à s'enfoncer dans le liquide , ou à être mouillée , on doit la frotter fortement avec un morceau de laine bien sèche. Si l'on avait de la peine à faire surnager ce dis- que , on pourrait le rendre un peu concave , ei l'expérience serait la même. (») Voir l'Astronomie en 22 leçons, pag. aSg. (b) Ibidem, pag. i56. 302 ERREURS DÉVOILÉES de la transparence et de l'élasticité ; cependant elle en possède encore deux bien essentielles, je veux dire, celle de pousser vers le centre les corps qui nagent dans son sein ou qui sont tangens de sa surface, et celle d'amplifier le volume apparent des astres. Cette dernière propriété se manifeste d'une manière évidente par le changement périodique du diamètre du soleil et de la lune , et ce phéno- mène, qui se renouvelle chaque jour, excite aussi chaque jour l'admiration de ceux qui l'observent. Ces deux astres , en montant sur l'horizon , parais- sent sous un volume très-amplifié , qui diminue peu à peu jusqu'à ce qu'ils aient atteint le méri- dien ; et de ce dernier point, en descendant vers le couchant, ce même volume augmente par de- grés comme il avait diminué. Cette propriété optique de notre atmosphère est non-seulement démontrée par le phénomène que nous venons d'indiquer , et qui ne se dément jamais ; mais encore par la faculté ampliative des substances diaphanes plan-convexes ou tout con- vexes , comme le seraient , dans ce dernier cas, une boule massive de verre , ou un globe de la même matière rempli d'eau. En effet quel est le corps de cette espèce , de quelque nature qu'il soit , qui ne montre les objets plus grands qu'à la vue simple ? L'atmosphère terrestre par son plein, sa configuration et sa transparence, appar- partenant à ces sortes de substances , ne saurait être privée de leur faculté optique ; puisque for- mant un tout séparé de l éther qui l'environne , et telle qu'un de ces verres convexes , elle est inter- posée entre l'œil de l'observateur et les globes célestes : mais elle ne posséderait plus cette qua- lité optique, si, étant partout d'une égale densité, elle avait la même rareté que l'éther; parce qu'a- DES PHYSICIENS MODERNES. 3o3 lors celui-ci , ne constituant plus avec elle qu'un milieu uniforme, ne formerait plus un corps dis- tinct ; et par conséquent il ne pourrait faire con- verger les lignes de lumière pour venir peindre dans l'œil un angle plus considérable. On peut donner une idée sensible du phéno- mène optique horizontal de notre atmosphère par une expérience bien simple. Si dans un verre rempli d'eau on plonge un corps quelconque, une plume par exemple , cette plume , placée un peu en deçà du centre , paraîtra plus grosse qu'au paravant , si on la regarde à travers la convexité du gobelet; mais sa grosseur apparente augmentera bien da- vantage , si on la porte à droite ou à gauche vers les bords qui figurent ici l'horizon , et qu'on la regarde très obliquement. Il est inutile de dire que le même effet aurait lieu si la plume étant hors du verre , notre oeil était au-dedans. C'est une vérité qui n'a pas be- soin d'être démontrée pour ceux qui ont quelque teinture de dioptrique. On doit concevoir la raison pour laquelle je place d'abord la plume en deçà du centre ; c'est pour représenter la position où se trouve celui qui observe un astre ; il n'est pas au point central de ce tout composé de notre globe et de son atmo- sphère ; mais seulement à peu près au milieu d'un de ses rayons. Mallebranche a tâché avant moi de découvrir la cause de l'ampliation horizontale , mais son opinion est erronée et choque le bon sens. Il pré- tend , ainsi que l'anglais Smith , que ce phénomène ne dépend que d'une fausse estimation des dis- tances, et que si la lune nous paraît plus grande à son lever qu'au méridien , c'est parce que nous la jugeons beaucoup plus éloignée de nous quand 3o4 ERREURS DÉVOILÉES elle se lève , que lorsqu'elle est fort haute suf l'horizon, (i) La défectuosité de ce raisonnement saute aux yeux ; car on aurait beau s'imaginer qu'un objet est fort éloigné , jamais cette croyance vraie ou fausse n'augmentera ses dimensions apparentes. On ne peut que s'étonner de tous les raisonne- mens futiles et même trop absurdes que compi- lent à l'envi et physiciens et astronomes pour faire passer pour vraie cette fausse explication de Smith et de Mallebranche qui fondaient mal-à-propos leur opinion sur l'expérience suivante. Si l'on regarde la lune à l'horizon à travers un verre enfumé , ou par le trou qu'on aura fait avec une épingle à un carré de papier , ou à une carte à jouer, cet astre ne paraîtra pas plus grand qu'à la vue simple lorsqu'il est arrivé au méridien , pourvu que, selon eux, la carte ou le verre soit si près de Vœil qu'il éclipse entièrement tous les autres objets et ne nous laisse aucun moyen d'exa- miner les distances fa) Quoique cette expérience soit vraie en partie , elle devient cependant très-fausse , si on veut la faire servir à rendre raison du phénomène de l'ampliation horizontale; puisque si cette carte, par exemple, amoindrit le diamètre apparent de la lune à l'horizon , elle le diminue de même au zénith ; ce à quoi n'ont point pensé nos astrono- mes et nos physiciens ; et cette diminution est d'autant plus sensible , qu'on écarte davantage (i) De la Recherclie de la vérité, tome I. (a) Haùy , traité élémentaire de physique 3.* édit. n." laSg. Voyez aussi Lalande, Abrégé d'astronomie a.* ^dit. pag. 584 , où l'on trouvera un article fort curieux pour le raisonnement anti- logique qui y règne d'un bout à l'autre. On peut voir aussi Fran- cœur , Biot , Delambre, qui ont adopté plus ou moins ce beau raisonnement. DES PHYSICIENS MOTîERÎfES. 3o5 cette carte de l'œil. Ainsi cette expérience ne favorise nullement l'opinion de ^Nîallebranche , elle y est plutôt contraire ; car l'on voit évidem- ment que ce n'est pas une fausse estimation des distances qui influe sur l'illusion optique dont il est ici question ; puisque, plus la carte percée est éloignée de l'œil , plus la grandeur de l'astre observé diminue , quoiqu'on ait alors plus de facilité à estimer les distances- Il en est de la lune ou du soleil comme d'un vaisseau qu'on aperçoit sur les ondes. Que je le croie ou plus loin ou plus proche , cela n'aug- mentera ni ne diminuera sa grandeur apparente; au lieu que si je le regarde avec un instrument d'optique , cette même grandeur croîtra d'autant plus que la lunette amplifiera davantage les objets observés, (i) Si les physiciens avaient répété au méridien l'expérience deMallebranche, ils auraient reconnu tout le faux des raisonnemeus que ce métaphysi- cien fait à ce sujet , et ils n'auraient pas prouvé qu'ils ne sont que trop souvent les échos des fausses opinions d'autrui. (i) Nota. A.vec la carte percée dont je viens de parler, il est facile de faire sur quelques-unes des plus grosses étoiles une expérience analogue à celle que j'ai décrite. Bien plus avec un peu d adresse on peut voir tout à la fois la luue ou l'astre qu'on observe , et à l'œil nu et à travers le petit trou fait à cette carte ou à ce carré de papier, et même à un pain à cacheter; ce qui fera mieux connaître la différence des deux grandeurs apparentes. Les astronomes ont cru pouvoir confirmer l'opinion de Malle- branche , en montrant qu'avec le micromètre l'angle de l'astre observé n'était pas plus grand à 1 horizon qu'au zénith. Quoique l'observation soit vraie, le résultat qu'on en tire est faux ; nous le verrons bientôt. 20 3oG ERREURS DÉVOILÉES V atmosphère terrestre dilate aussi le diamètre des astres vers le sud et même au zénith. Ce n'est pas seulement vers l'orient et roccident que notre atmosphère grossit le diamètre des astres ; elle l'agrandit de même à notre égard quand ils passent dans la région du sud. Effecti- vement , si le soleil, lorsqu'il est le plus près de nous, reculait dans l'instant vers le pôle austral, il paraîtrait d'une plus grande dimension , quoi- que sa distance ne fût pas diminuée, mais aug- mentée. Cet effet est surtout sensible quand on s'approche du pôle septentrional ; car plus on s'avance vers ce point , plus on voit croître le diamètre apparent du soleil ; et enfin cet astre qui, dans l'hiver, s'y montre quelques instans sur l'horizon vers midi, semble aussi grand qu'on le voit dans nos climats au levant et au couchant lorsqu'il est au même degré de hauteur. Par con- séquent puisque le soleil , la lune et les planètes à l'horizon seraient vus moins grands sans notre fluide atmosphérique , il est évident que celui-ci doit les dilater encore au zénith; parce qu'un corps ne saurait posséder la propriété optique vers un point sans l'avoir dans tous les autres. Si les astres sont vus moins amplifiés au zénith qu'à l'horizon , c'est qu'ils y sont aperçus sous un moindre volume d'air atmosphérique. De là il s'ensuit qu'à proportion que nous nous élèverions vers les plus hautes régions de notre atmosphère, nous verrions décroître le diamètre des astres. Ceci pourra surprendre; car quel est le physicien qui ne s'imaginerait pas que , dans le cas de cette élévation, ce diamètre devrait croître au lieu de diminuer. Cependant c'est là encore une erreur ; puisqu'il arriverait tout le contraire , jusqu'à ce que nous eussions atteint les confins de notre DES PHYSICIENS MODERNES. 807 atmosphère : mais après avoir passé au-delà , ces mêmes astres seraient soumis à la loi des distan- ces, c'est-à-dire que leur volume apparent croî- trait comme leur distance diminuerait , par la raison que nous serions avec eux dans Téther ou dans le même milieu , et que surtout on ne les observerait pas à travers une substance convexe. On a encore un exemple de ces illusions opti- ques dans la plume dont nous avons déjà fait mention , car en la plongeant dans l'eau vers le centre du gobelet, sa forme est amplifiée; mais elle se rétrécit peu à peu si on la ramène vers soi en la rapprochant des parois de ce corps vitreux, où elle est enfin réduite à sa grandeur naturelle. Ainsi la conclusion de ce que je viens de dire en dernier lieu , c'est que le soleil et la lune nous paraîtraient plus petits au haut qu'au bas de Fat- mosphère terrestre; tout de même sur la surface de notre globe on les verrait aussi moins gros , si celui-ci venait à être privé de son enveloppe atmosphérique. Le diamètre des astres est encore ddaté par V effet optique de leur propre atmosphère . Les astres ne sont pas seulement amplifiés à nos yeux par notre atmosphère , ils le sont encore par la leur propre. On peut concevoir une idée de ce double effet d'optique en considérant la plume dont nous avons déjà parlé, comme un corps sidéral entouré de son atmosphère , lequel doit être encore aperçu à travers celle qui nous entoure. Mais afin que la démonstration de cette vérité soit plus évidente, il convient de substituer à cette plume une boule d'ivoire d'un diamètre égal au demi-diamètre du verre qui doit servir à l'expérience. Alors on verra cette boule d'abord dilatée environ des trois huitièmes , mais en la 3o8 ERREURS DÉVOILA KS regardant avec un verre lenticulaire ses dimen- sions croîtront bien davantage. L'eau du gobelet où la boule est plongée , figure l'atmosphère sidérale , et le verre lenticu- laire représente notre propre atmosphère au-delà de laquelle se trouve l'astre observé. Si l'observa- teur était au point central de notre fluide atmo- sphérique , l'effet optique de celui-ci serait égal à celui qui est produit par l'enveloppe diaphane de l'astre, dout le diamètre apparent serait encore dilaté des trois huitièmes par celte illusion. Mais cet observateur n'est pas à ce point central ; il n'est réellement qu'au milieu du rayon composé du demi-diamètre de notre globe et de son atmo- sphère. Dans ce cas l'effet optique de notre fluide atmosphérique ne sera plus que la moitié de ce qu'il aurait été , c'est-à-dire des trois seizièmes , en faisant toutefois attention que cette dernière quantité doit se prendre sur tout le diamètre de l'astre déjà dilaté; ce qui en totalité agrandit ce diamètre des cinq huitièmes, ou tout au moins de la moitié. Ainsi dans la supposition où le soleil vu perpendiculairement au tropique du cancer aurait 3i minutes 3i secondes comme on le croit, ce diamètre apparent y serait réduit à environ 2 1 minutes, si cet astre et la terre perdaient leurs atmosphères. Ce que je viens de dire du soleil s'applique naturellement à tous les corps sidéraux, et prin- cipalement à la lune et aux autres planètes. Or, Newton n'ayant pas pensé à ce double effet d'optique a travaillé inutilement en calculant les masses des planètes et leurs prétendues attrac- tions. DES PHYSICIENS MODERNES. 3oC^ De la hauteur de V atmosphère terrestre^ et de celle de la lune , indiquée par une éclipse annulaire de soleil. Plusieurs physiciens ont cherché à connaître quelle était la hauteur de notre atmosphère. La Hire ayant égard à la longueur de la colonne de mercure dans le tube du baromètre et à la durée du crépuscule , avait prétendu que cette hauteur n'était que d'environ i8 lieues. Mairan , ayant en- suite observé l'arc lumineux qui accompagna la su- perbe aurore boréale du 19 octobre 1 726 , démon- tra que cette même hauteur surpassait 266 lieues. Mairan avait ici raison ; cependant au lieu de suivre son opinion qu'il avait éiayée de la géomé- trie et du calcul, on est revenu au sentiment de La Hire , et par ce moyen on a fait faire à la science un pas rétrograde ; et même plus que ré- trograde , puisqu'on a réduit encore cette hauteur à 12 lieues. Mais n'est-il pas étonnant que pour fixer la profondeur de l'atmosphère terrestre, les savans s'en tiennent uniquement à la durée du crépuscule et à l'élévation du mercure dans le tube du baromètre, tandis qu'il y a un phénomène astronomique , qui , par comparaison , peut l'in- diquer d'une manière plus précise ? Ce phénomène est l'anneau lumineux qui paraît autour de la lune dans une éclipse annulaire de soleil , et qui n'est autre chose que la lumière de ce dernier astre réfractée dans l'atmosphère de la lune. Comme en se servant de ces éclipses , il convient de choisir celles qui ont été observées dans le lieu le j)lus voisin du soleil, parce que ce phénomène lumineux y paraît dans toute son étendue, je vais rapporter les observations que fit en pleine mer Don Antoine de Ulloa commandant de la marine espagnole , et que Paulian a consignée dans son 3 10 ERRECRS DÉVOILtES Dictionnaire de Physique , huitième édition , ar- ticle Lune. « Cinq ou six secondes après l'immersion totale » du disque du soleil, dit cet officier, on com- » raença à découvrir autour de la lune un cercle » très-brillant de lumière qu'on pouvait fixer sans y> fatiguer la vue. Cette lumière augmenta à me- » sure que le centre du soleil s'approchait de celui 5) de la lune; elle devint de plus en plus vive et w brillante jusqu'au moment de la coïncidence » des deux centres ou du moins de leur plus » grande proximité. Ce cercle de lumière d'envi- y> ron deux doigts de largeur (i) parut alors dans » sa plus grande force et sa plus grande beauté. » Dès que les centres des deux astres commen- » cèrent à se séparer, on s'aperçut de la diminu- » tion de l'anneau. Elle suivit les mêmes progrès » que son accroissement, jusqu'à ce que les rayons » lumineux qui partaient de sa circonférence dis- » parurent tout-à-fait. Enfin cinq à six secondes » avant le commencement de l'émersion, l'anneau » lui-même disparut totalement. )) La couleur de la lumière de l'anneau n'était )) pas la même dans toute sa largeur. Près du dis- » que de la lune , elle était d'un beau rose qui y> s'altérait insensiblement à proportion qu'elle » s'en écartait. Elle devenait tout-à-fait blanche à M prendre depuis la moitié de la largeur de l'an- « neau , jusqu'à son extrémité extérieure. » Don Ulloa attribue avec raison ces variétés à l'atmosphère lunaire que les rayons du soleil ont dû traverser avant d arriver à l'œil de 1 observa- teur (2); et puis il continue ainsi : (1) Nota. Les astronomes partagent le diamètre de la lune eu douze parties qu'ils appellent doigts. (a) y. B. En exposant au soleil une assiette de faïence remplie d'une eau limpide sur laquelle on fait flotter le petit disque DES PHYSICIENS 3I0DERJNES. 3m R Environ cinq ou six secondes avant que Van- » neau lumineux eût paru et cinq ou six secondes » après qu'il eût disparu , on voyait, comn^e dans » la nuit close , les étoiles de la première et seconde » grandeur. Dans ce temps-là l'obscurité fut telle, » que quelques personnes qui se réveillèrent dans j> cet instant crurent avoir dormi contre leur or- » dinaire l'après-midi entière jusqu'à l'entrée de » la nuit ; et que les animaux qui étaient dans w différens endroits du vaisseau se plaçaient dans » les mêmes situations qu'ils ont accoutumé de » prendre quand ils veulent se livrer au som- « meil. » Ces observations sont d'autant plus précieuses, qu'elles servent à déterminer d'une manière cer- taine la grandeur des atmosphères sidérales et par conséquent de la nôtre, surtout quand elles concordent avec d'autres observations que je ferai bientôt connaître. Ainsi Don Uiloa en publiant ses observations a rendu un grand service à l'as- tronomie. En examinant avec attention toutes les parti- cularités de cette éclipse annulaire , on remarque : 1° Que pendant sa durée il a régné deux nuits métallique dont j'ai parlé ci-devant , on voit également au fond de 1 assiette un cercle brillant provenant de la lumière solaire, qui passe au travers de l'atmosphère de la petite planète. On peut observer même que la partie intérieure de cet anneau est d une belle couleur rose, tandis qne l'extérieure est blanche. Je dois prévenir ici que quoique j'aie fait avec succès à ( hoisy-le-Roi plus de cent fois cette expérience , elle ne m'a pas réussi ailleurs; car je n'ai pu obtenir comme auparavant cette couleur rose, mais seulement un cercle lumineux blanc. Je ne puis concevoir la cause de cette différence , excepté qu'elle ne provînt de ce que je n avais plus les mêmes pièces dont je m'étais servi à Choisy. Il faut dire aussi que le cercle lumineux formé par l'atmosphère de la petite planète était un peu projeté sur l'assiette à raison de l'obliquité du soleil qui dans ces expériences ne Téclairait point perpen- culairement. 3r:?. ERREURS DÉVOILÉES courtes, mais réelles; ce qui n'aurait pas pu ar- river si le globe de la lune n'eût intercepté en totalité l'éclat du disque du soleil ou de son at- mosphère , dans le cas où celle-ci aurait été lu- mineuse , comme quelques astronomes le préten- dent (i) mal à propos. 2° Que l'anneau lumineux de cette éclipse , comparé avec le disque de la lune , avait deux doigts de largeur. 3*^ Que la partie de cet anneau la plus proche du disque lunaire, étant d'une belle couleur rose, désignait une lumière décomposée par la réfrac- tion , comme le dit fort bien Don Ulloa. Mais si la couleur de cet anneau indiquait que ce n'était qu'une lumière décomposée ou réfrac- tée , le fluide atmosphérique qui a décomposé cette lumière de deux doigts de largeur , égale donc déjà la sixième partie de tout le disque de la lune. Mais sera-ce là la plus grande largeur de l'atmosphère lunaire ? Non assurément : cette at- mosphère sera encore plus étendue. On a vu pré- cédemment que , par un effet d'optique, notre (i) N. B. L auteur célèbre de VE.rposition du Système du Monde, émel cette dernière opinion, tom. f ,p. 54 de sa première édition , car je n'ai que celle-ci : tandis qu'à la page précédente il avait dit que l'anneau lumineus dont nous parlons éiait/ormé par la partie du soleil qui déborde le disque de la lune. Je laisse au lecteur à apprécier cette contradiction scieniitique , qui se trouve dans le même ouvrage , si elle n'est pas l'effet d'une dis- traction : mais je ferai observer que si cet anneau avait été ou l'atmosphère lumineuse du soleil , ou la lumière propre de son disque , parvenant vers l'observateur sans intermédiaire , il eût été impossible que leur éclat eût disparu denx fois pour produire deux nuits très-certaines , qui , suivant l'auteur cité , peuvent quelqiif^fois durer au-delà de cinq minutes; au lieu que des rayons réfractés ne sort pas visibles ou cessent de l'être lorsque leur foyer ne parvient plus à lœil de l'obst-rvateur. Ainsi ces éclipses annulaires prouvent d'une manière incontestable que la lune a une atmosphère, et une atmosphère très-conjidérable. DES PHYSICIENS MODERNES. 3l3 atmosphère et celle de l'astre observé dilataient des cinq huitièmes le diamètre vrai de celui-ci. Cependant ne comptons que quatre huitièmes , soit pour plus de facilité, soit parce que l'atmo- sphère de la lune est aussi un peu amplifiée par la qualité optique de la nôtre; mais en même temps donnons , par une espèce de compensa- tion , deux duigls entiers de largeur à l'anneau lumineux. Nous avons vu aussi qu'une boule d'ivoire mise dans un verre semblait être dilatée en empiétant en apparence sur l'eau contenue dans ce verre, et qu'ainsi l'étendue de ce liquide en paraissait di- minuée. Le même effet a lieu à l'égard de la lune et de son atmosphère. Celle-ci semble se rétrécir lorsque en apparence l'astre se dilate. Si nous retranchons maintenant du diamètre apparent de la lune les quatre douzièmes dont son diamètre vrai se trouve amplifié fi) par l'effet des illusions optiques, ce diamètre n'aura plus que huit doigts au lieu de douze que les astronomes lui accordent ; et par conséquent son rayon ou son demi-diamè- tre ne sera plus que de quatre doigts au lieu de six ; et ces deux doigts de largeur que nous au- rons justement retranchés à ce demi-diamètre, il faudra les restituer à l'atmosphère lunaire. Celle-ci devra donc avoir une hauteur pareille au rayon de la lune. Mais cette planète aura-t-elle seule le privilège d'avoir une enveloppe atmosphérique si étendue ? Point du tout. Comme les atmosphères de tous les corps sidéraux y compris celle de la terre ont la même origine, et n'ont été produites que par le refoulement de la matière éthérée , il est évident que leur largeur doit être aussi pro- (i) Nota. Ces quatre douzièmes du diamètre apparent équiva- lent aux quatre huitièmes du diamètre vrai. 3l4 ERREUBS DÉVOILÉES portionnelle à la masse de ces corps, et par con- séquent qu'elle égale , ou peu s'en faut , leur demi-diamètre. Ainsi d'après toutes ces considé- rations , on doit conclure que notre atmosphère a un peu plus de i4oo lieues de hauteur. Je montrerai bientôt deux autres preuves de cette élévation. Pourra-t-on trouver étrange que , d'après les phénomènes, j'accorde cette profondeur à notre fluide atmosphérique ; puisque des savans illus- tres ont donné à la lune , d après leurs calculs et leurs théories , une atmosphère primitive d'envi- ron 9000 lieues de hauteur. [Expos, du Sjst. du monde , tom. II , p. 126. j La différence qui existe entre leur opinion et la mienne , c'est que je me fonde sur des observations précises , et qu'ils ne peuvent en citer aucune en leur faveur. Nous différons encore en ce que je laisse fixe l'atmo- sphère lunaire , tandis que faute de l'apercevoir dans leurs observations, ils ont prétendu qu'elle s'était évanouie (i) ; mais je me flatte qu'à l'avenir (i) Nota. Voici encore une autre contradiction scientifique. L'auteur de Y E.rposition du Système du Monde , prétend ( tom. II, p. 126), que si l'atmosphère primitive de la lune n'a point été privée de son ressort, elle se sera portée vers la terre qui a pu ainsi Vaspirer. Mais en parlant en général du âuide atmosphérique des corps célestes, indiqué par les observations, il avait dit, page 122, que puisque ce fluide ne se dissipait pas dans l'espace, il était nécessaire qu'il e.ristât un état de rareté dans lequel ce Jluide fût sans ressort; et page i23, que c'est dans cet état quil doit être à la surface de l'atmosphère. Ainsi, selon ce géomètre astronome, le fluide atmosphérique sera tout à la fois élastique et non-élastique ; élastique vers la lune , et non-élastique vers la terre. Mais si ce fluide a pu obéir à la force de son ressort vers la lune, il y obéira de même partout ailleurs : il ne pourra donc point s être aggloméré autour de la terre , parce qu'un ressort ne perd pas sa qualité élastique en changeant de lieu. Donc 1 atmosphère terrestre n'a pas été formée aux dépens de celle de la lune. Mais pourquoi ce fluide atmosphérique est- il, DES PHYSICIENS MODERNES. 3l5 lorsqu'ils observeront quelques-unes de ces éclip- ses annulaires, ils penseront que Dieu ne pouvait pas produire des phénomènes qui manifestassent l'atmosphère de la lune d'une manière plus cer- taine; et qu'ils ne diront plus que le diamètre de celte planète n'est point augmenté sensiblement par la réfraction de son atmosphère^ [Expos, du Sjst. du Monde, tom. I, p. 55.) De la hauteur de V atmosphère terrestre , désignée par un autre phénomène. Comme les observations s'éclaircissent par d'au- tres observations , ce que je vais dire achèvera de démontrer que ce n'est pas à tort que je donne à l'atmosphère terrestre une hauteur égale ou presque égale au demi-diamètre de notre globe. Lorsque de la surface de la terre on veut assi- gner à la seule estime de la vue et sans le secours d'aucun instrument, un point dans le ciel aussi éloigné de l'horizon que du zénith, on le prend ordinairement vers le aSe degré de hauteur; de sorte qu'un astre arrivé à ce dernier point semblera avoir atteint le 45^ degré, tandis que la véritable élévation de cet astre observé avec un quart de cercle ne sera pas de 2/4 degrés. Cette différence qu'on remarque entre l'obser- selon ce géomètre-astronome, si élastique vers la lune, et qu'il ne l'est plus à la surface de notre atmosphère ? c'est que ne sachant pas l'apercevoir dans les éclipses de soleil où il est le plus sensible , il a fallu dire qu'il s'était dissipé par l'effet de son élasticité ; mais en même temps ne pouvant pas nier l'existence des autres atmosphères et principalement de la notre , et cependant ne voulant point convenir qu'un plein quelconque les empêchait de se dissiper, parce que ce plein dérangeait le mécanisme de la gravité universelle qu'on voulait à toute force faire prévaloir , on a été contraint d avancer une contre-vérité en prétendant que ce âuide atmosphérique était sans ressort à la surface de l'atmosphère. 3l6 ERREURS DÉVOILtES vation faite à la vue simple et celle qui a lieu avec le quart de cercle, a été jusqu'ici attribuée uniquement à une pure illusion d'optique ; mais il est aisé de faire voir qu'elle n'est due qu'à une cause réelle, la profondeur de notre atmosphère, et que dans cette occasion la vue ne se trompe pas plus qu'à l'égard de l'ampliation des astres qui sont à l'horizon. En effet, si l'on fait attention à \2i Jîg. i4 , du côté où le quart du cercle est tracé , on s'apercevra que si ,on voulait prendre le milieu de l'espace atmosphérique qui existe entre l'horizon apparent et le zénith, notre œil, pour procéder à cette opération , joindrait ces deux derniers points par la ligne la plus courte , qui est la ligne droite. Or , à cause de la grande profondeur de notre atmosphère , le milieu de cette ligne ne peut exister qu'entre le 23 et le q[\^ degré, et non vers le /j5e; comme on peut s'en convaincre par l'inspection de cette figure et par la note qui en donne l'explication à la lin de cet article. Ainsi dans ce cas la vue a jugé saine- ment et comme elle le devait , et il n'existe point de contradiction , comme on l'a cru , entre les résultats de l'opération soit de la vue soit du quart de cercle ; puisque, tandis que celui-ci doit in- diquer la véritable élévation de lastre , la vue n'a pour but que de désigner le point qui sépare en deux parties égales la ligne qui unit le zénith à l'horizon atmosphérique apparent. Ainsi ces deux opérations ne sont pas les mêmes. Si notre esprit les confond mal à propos, et s'imagine qu'étant à ce point milieu l'astre doit avoir achevé réellement la moitié du chemin qu'il a à faire en partant de l'horizon atmosphérique pour arriver au zénith , il se trompe , et c'est sa faute et non celle de la vue ; puisqu'il ne distingue pas deux effets tout dissemblables. Si notre atmosphère DES PHYSICIENS MODERNES. O I 7 n'avait que i8 à 20 lieues , comme le dit La Hire , il serait impossible que la vue assignât le 23 ou le 24« degré pour ce point milieu , elle ne pourrait indiquer que le loe, ou tout au plus le 12e degré; ce qui démontre évidemment la grande hauteur de notre fluide atmosphérique. On verra une autre preuve de cette vérité phy- sique lorsque je parlerai des observations que Bouguer fit avec le pendule sur les montagnes du Pérou ; et ces observations serviront à fixer d'une manière incontestable et plus précise cette même élévation. Note explicative d'une portion de lajig- i4' AhA est l'hémisphère terrestre. BdeB est l'atmosphère qui l'environne. dbe est la hauteur de cette atmosphère égale à peu de chose près au demi-diamètre de la terre. blg est la ligne de l'horizon terrestre apparent. ii est le quart de cercle avec lequel on prend l'élévation d'un astre parvenu au-dessus de l'horizon. Si l'on veut déterminer avec ce quart de cercle le milieu de l'espace que cet astre doit parcourir depuis son lever jusqu'au méridien , ce milieu sera sur le prolongement de la ligne bmM qui coupe vers m celle qui va directement de z en g^ parce que c'est le point qu'indique le L\Se degré de cet instrument. emng est la ligne qui unit par le chemin le plus court l'horizon atmosphérique apparent g avec le méridien z. Si l'on ne veut connaître à la vue simple que le point qui sépare en deux parties égales cette ligne ou la portion d'atmosphère, que nous pouvons observer , et qui va de l'horizon atmosphérique apparent vers le zénith , on le 3l8 ERREURS DÉVOILÉES prendra, ce point, en n, et non en /;z; et ce point ne saurait plus aboutir au 45^ degré du quart de cercle , mais seulement au ^3 ou au il\^. Réfutation de quelques objections qu'on pourrait faire^ sur la cause que j'ai indiquée de Vamplia- tion des astres. Je m'imagine tout ce qu'on objectera à ce que j'ai dit en parlant de l'ampliation des sphères célestes par notre atmosphère. Vous prétendez , me dira-t-on , que l'atmosphère terrestre aug- mente la grandeur apparente des astres quand ils sont à riiorizon ; mais d'où vient qu'au micromè- tre cette grandeur, dans cette dernière position , est à peu près la même qu'au zénith ? Je deman- derai à mon tour: A quoi servent les micromètres? A mesurer les angles, me répondra-t-on. Donc la lune , par exemple , quoique paraissant plus grande à la vue vers l'horizon , n'y doit pas sem- bler agrandie, étant mesurée par le micromètre , si l'angle qu'elle y formerait était le même qu'au zénith; mais elle doit y avoir un diamètre moin- dre si cet angle y est réellement plus petit. En effet , si l'on observe le cercle ac vers l'horizon où la clarté de l'astre commence à pénétrer dans notre fluide atmosphérique, on verra que l'angle abc ^ fig. i4» est un peu moins grand que celui dbe du zénith ; parce que la profondeur de l'atmo- sphère n'y est pas double de celle qui existe vers ce dernier point. Or c'est ce moindre diamètre que les astronomes ont remarqué en mesurant par le micromètre la grandeur de la lune à l'ho- rizon; car alors elle y a paru un peu plus petite qu'au zénith. Leur observation est donc bonne, et ne contrarie point celle qui se fait par le moyen de l'œil simple qui aperçoit un objet à travers un corps diaphane ; et qui le verra d'autant plus DES PHYSICIENS MODERNES. SlQ grand que ce corps sera plus susceptible d'amplifier les objets. Si eu égard à la position que nous oc- cupons, l'atmosphère n'avait pas plus de profon- deur à l'horizon qu'au zénith , la grandeur de Tastre ne changerait pas vers le premier point. Aussi cet astre qui serait \ers/'h , quoique à l'ho- rizon, ne paraîtrait pas plus grand par le micro- mètre et à la vue simple que s il était au méridien vers 6le. D'après tout ce que j'ai dit on voit que le micromètre et l'œil exercent des fonctions di- verses ; et pour que l'atmosphère terrestre n'eût pas la propriété d'agrandir le diamètre des astres, il faudrait qu'on put montrer un corps diaphane plan-convexe privé de cette propriété ; ce qu'on ne trouvera jauiais ; et je suis étonné que ces ré- flexions ne soient pas venues dans l'esprit de nos astronomes ; et que le micromètre leur ait fait prendre un faux résultat d'une bonne observation. Mais dira-ton peut-être, quand nous aper- cevons les objets au travers d'un corps diaphane, nous sommes en dehors de ce corps, tandis qu'en observant l'astre nous sommes dans le fluide dia- phane à travers lequel nous l'observons ; ce qui doit causer une différence dans la vision. Non , cette différence n'existe pas, puisque si nous som- mes dans l'atmosphère, l'objet est au dehors. Elle n'aurait pas même lieu si nous étions hors de l'atmosphère et que l'astre fût au dedans. Ainsi le micromètre ne saurait démentir la propriété optique de notre atmosphère , qui de même fait paraître plus étendues les constellations à Thori- zon ; car ce dernier phénomène dépend de la même cause que celle de l'ampliation du diamètre des astres, et il serait trop absurde de l'expliquer par une fausse estimation des distances. Mais ce n'est pas uniquement à l'horizon que le diamètre des astres paraît agrandi ; il l'est en- 320 ERREURS DÉVOILÉES core au zénith ; non-seulement à la vue simple , mais même au micromètre. En effet parmi les rayons parallèles qui partent d'un objet éclairé, tous n'arrivent pas dans l'œil ; mais si ion oppose à leur passage un corps diaphane plan-convexe, plusieurs de ces rayons, au lieu de passer outre, seront réfractés, et, convergeant naturellement par la courbure de ce corps , deviendront visibles et formeront une image plus grande que si cette courbure n'existait pas. Donc l'objet observé au- delà de l'atmosphère terrestre paraîtra agrandi même avec le micromètre et au zénith; parce qu'il y aura une plus grande quantité de rayons paral- lèles qui ne seront point sans emploi. JSota. Pour peu qu'on sache de dioptrique on ne pourra disconvenir que l'atmosphère terrestre étant convexe , ne doive agrandir le diamètre appa- rent des astres , même au zénith. Pour s'en convain- cre on n'a qu'à jeter un coup d'œil sur les figures i5 et 16. Les rayons qui partent du corps Afig. i5 et qui passent au travers d'un corps diaphane d'une surface plane hb , ne vont pas tous se réunir au point a. Ceux des extrémités ce passent en droite ligne sans se réfracter, et sont perdus pour l'œil de l'observateur. La grandeur apparente du corps A n'est donc pas augmentée. Mais il n'en est pas de même des rayons dd qui partant du corps BJig, 16 arrivent sur le convexe ee; car trouvant là un corps qui fait converger les rayons, ceux-ci y su- bissent une réfraction qui les réunit vers h. On voit donc que les rayons ce de ^^Jtg- i5 qui ne pouvaient arriver à l'œil en traversant le corps ^\di\\e bb fig. if>, convergent dans celui ee jîg. 16 et agrandissent l'angle optique , comme disent les physiciens ; mais cet angle s'agrandit encore , parce que, indépendamment de cette convergence, le convexe dun corps diaphane rassemble un plus DES PHYSrCIEl>rS MODERNES. yî i grand nombre des rayons extrêmes qui auraient été sans emploi : et comme on rapporte toujours l'objet observé au-delà des lignes visuelles, celles /i/", hg en s'écartant doivent nécessairement faire paraître l'objet agrandi. Il me serait facile de pousser plus loin ces ré- flexions , mais je pense que ce que je viens de dire est plus que suffisant pour ne plus faire croire que l'ampliation du diamètre des astres pro- vient d'une fausse estimation des distances ; et pour être persuadé que l'atmosphère terrestre in- flue sur la grandeur apparente de ce diamètre. Utilité de la pression des couches inférieures de notre atmosphère. Quelle est la densité de l'atmosphère de la lune et des autres globes célestes ? Elle ne peut être que proportionnelle à la hauteur de leurs atmosphères; c'est-à-dire que si une sphère a un diamètre double de celui de notre globe, la den- sité de son fluide atmosphérique vers la surface de celte sphère sera aussi double de la densité du noire près de la terre : mais elle ne sera que la même pour tous les corps sidéraux dans les cou- ches supérieures de ce fluide. La densité des couches inférieures de notre at- mosphère causée par la pression qu'exerce sur elles le vaste contour de notre globe , produit un effet très-utile; car elle empêche que tous les projectiles et les animaux qui s'élèvent dans les airs, ne restent en arrière par l'effet de la rotation de la terre. Que deviendraient les fa- milles des oiseaux quand les mères s'élanceraient dans les plaines aériennes? Elles périraient iné- vitablement en perdant leurs nourrices , qui ne pourraient rattrapper qu'avec peine leurs chers nourrissons une seule fois en vingt-quatre heures. 2 [ 322 ERREURS DÉVOILÉES Mais ceux-ci n'ont pas ce malheur à craindre. Comprimée par la circonférence de la terre, Tat- mosphère adhère fortement à celle-ci par les cou- ches inférieures, tandis que, par les couches supé- rieures qui jouissent de presque toute leur élasti- ticité, elle tient très faiblement à l'éther. Tout se passe donc dans les régions atmosphériques , comme si la terre était immobile, ainsi qu'on l'a dit avec raison avant moi. Le contraire n'aurait lieu qu'autant que le mouvement de rotation de- viendrait si violent, que notre globe tournerait sur lui-même en quelques minutes. Dans ce cas la vélocité de ce mouvement, surmontant la force avec laquelle l'atmosphère adhère à la surface du globe , celui-ci tournerait indépendamment de cette atmosphère , et laisserait en arrière tous les corps qui y planeraient. Quelques-uns des moyens les plus propres à faciliter la rotation de notre atmosphère , sont les forêts , les encaissemens des rivières , et surtout les collines et les montagnes dont la plupart des plus élevées , ont été placées à dessein , par la providence , du nord au sud , afin de captiver cette atmosphère et de la forcer à suivre plus fa- cilement le mouvement rapide de la terre. Un autre avantage que nous devons à notre grande atmosphère, c'est qu'elle tempère l'éclat et l'ardeur du soleil , que sans elle on ne pourrait supporter; puisqu'il serait trois ou quatre fois p;us ardent qu'au fort de Tété , et qu'ainsi toutes les plantes seraient bientôt brûlées. Propriété attractive des atmosphères , dont il na été parlé qu'en passant. — Faux raisonnemens de JSeivton. Voici donc une autre qualité que possède notre atmosphère , ainsi que celle des corps sidéraux , DES PHYSICIENS MODERNES. 30,3 et qui, ayant toujours été méconnue par les phy- siciens, a été une des principales sources de leurs méprises. On sait qu'un caillou jeté en l'air re- tombe sur la surface terrestre. Quelle est donc la cause de cette chute ? Kepler prétendit que le globe de la terre , tel qu'un aimant , attirait ce caillou qui , de son côté, tirait aussi la terre à proportion de son volume. Mais il n'en demeura point là. Il étendit ce principe à tous les corps de l'univers, et il crut que la gravité était l'affection qu'avaient ces corps pour s'unir ensemble , lors- qu'il régnait de l'affinité entre eux. Cette affinité était donc une espèce de parenté, et la force, qui les faisait tendre les uns vers les autres , était regardée comme animale (i). Cependant les pe- tites sphères avaient à redouter cette affection animale des grands corps sidéraux , et pour s'en garantir, elles étaient obligées de s'élancer dans l'espace sous peine d'éprouver le sort de ce cail- lou , qui , à cause de sa petitesse , ne pouvant pas lutter avec avantage contre la lourde masse de la terre , était entraîné vers sa surface. Mais si ces sphères plus petites avaient été abandonnées à leurs propres forces , elles auraient parcouru une ligne droite, et s'égarant dans leur course, elles auraient délaissé les astres dont elles devaient être les humbles suivantes : il fallait donc que ceux-ci , pour prévenir ce malheur , fissent usage , à leur tour, de toute leur force animale afin de retenir ces vagabondes. Ainsi ces deux forces se contre-balanrant , selon l'astronome allemand , de- vaient faire tourner à l'infini les planètes et la terre autour du soleil, la lune autour de la terre , et par conséquent les satellites autour de leurs planètes. (i) Bailly, hist. de l'astron. tom. II. pag, 112, hist. réduite. 32^ ERREURS DÉVOILÉES Newton , rêvant à ces idées philosophiques de Kepler , conçut son système de la gravitation universelle qui, dans le fond, ne diffère de celui de son prédécesseur, que parce qu'il est entouré de l'appareil imposant de la géométrie. Mais au lieu de cette affinité , de cette force animale , de cet amour que Kepler avait prêtés aux planètes, et qui étaient devenus surannés , Newton doua toute la matière d'une vertu attractive si puissante , qu'elle devait se faire sentir dans un instant indi- visible à des distances presque infinies ; et cette attraction était le lien puissant qui retenait, dans leurs orbites , les planètes qu'une impulsion quel- conque devait avoir lancées dans l'espace. De cette manière , la gravité , selon le savant an- glais , était lame de tous les mouvemens de l'univers. Les idées de Kepler étaient plaisantes, on pou- vait s'en amuser ; mais celles de Nev^ton étaient d'un autre genre : elles visaient, contre le gré de l'auteur, à exclure la providence divine du gou- vernement de cet univers pour substituer à sa place le règne de la matière soi-disant douée d'une propriété attractive , intrinsèque et inhé- rente à chacune de ses molécules, et qui agissait au-delà de leur propre sphère à des distances énormes. Newton fut affermi dans son opinion par des faits mal observés et par de faux raison nemens. Se promenant un jour seul dans un jardin , en méditant sur la pesanteur et sur ses propriétés, il vit tomber un fruit à terre. Il pensa que ce fruit serait resté suspendu à sa tige, si notre globe ne l'eût arraché de sa branche. La force attractive de notre globe lui parut donc manifestée parce seul fait. « Mais cette force , disait-il , ne diminue pas a sensiblement, quoiqu'on s'élève au sommet des DES PHYSICIENS MODERNES. 3ia5 » plus hautes montagnes (i) ; il est donc naturel » d'en conclure que cette puissance doit s'étendre » beaucoup plus loin ; pourquoi ne s'étendrait- » elle pas jusqu'à la lune? Mais, daris ce cas , il » faut que cette pesanteur influe sur le mouve- » ment de la lune ; peut-être sert-elle à retenir 3) cette planète dans son orbite >• (2). On voit par ces raisonnemens que Newton éta- blissait son système de la gravité sidérale sur des suppositions et des peut-être. Il est vrai que le calcul par des artifices bien ménagés vint donner une sorte d'existence légale à ces fantômes , en- fans d'une imagination féconde. Mais le calcul le plus sublime, basé sur des fondemens faux , peut- il tenir éternellement contre l'expérience et l'ob- servation? Cela n'est plus possible. Newton , en faisant ces Beaux raisonnemens, ne se mit pas en peine d'observer le phénomène de la gravité terrestre sous toutes ses faces. En effet, lorsqu'il vit tomber ce fruit à terre , ne devait-il pas se faire cette question ? Dans quel milieu gra- vite cette petite masse ? Dans l'atmosphère terres- tre aurait -il répondu. Donc cette atmosphère pourra, tout aussi bien que notre globe, influer sur sa chute. Voilà donc deux agens, devait -il ajouter , l'atmosphère et le globe de la terre qui , seuls ou réunis, peuvent être la cause de ce phé- nomène. Mais avant de décider que c'est le globe seul qui est cette cause, voyons s'il y a impossi- (i) ISota. Newton se trompait, puisque les expériences que Bouguer fit ensuite avec le pendule à Quito et au sommet du Picbincha , prouvent évidemment que cette force diminuait d'une manière très-sensible , relativement aux espaces parcourus ; et quelle aurait enfin cessé d'exister à moins de i5oo lieues de dis- tance de la surface de la terre ; ce à quoi on n'a point encore pensé , et c'est ce que je démontrerai plus bas. (a) Voy. l'Abrégé d'astron. de Lalande, n.° 997. 3-26 ERREURS DÉVOILÉES bilité et contradiction à dire que c'est plutôt l'at- mosphère terrestre. Or puisque cette impossibilité et cette contradiction ne se rencontrent pas ici , on peut bien croire que le fluide atmosphérique pousse vers la terre les corps sublunaires, surtout si d'autres phénomènes viennent à l'appui de cette assertion. Alors en réfléchissant sur les qualités des substances aimantées , il aurait reconnu qu'el- les perdent souvent leur vertu magnétique sans qu'elles cessent d'exister ; donc ce n'est pas pro- prement la masse magnétisée qui attire et repous- se ; mais une matière qui lui est jointe extérieure- ment, et qui l'environne; c'est-à-dire son atmo- sphère de quelque espèce qu'elle soit, et qu'elle peut perdre par mille cas fortuits Ci). On trouve un autre exemple de ce que je dis ici , dans les corps électrisés par le frottement , tels que le verre. Si l'on approche d'un corps de cette espèce , des parcelles de matière légère , elles seront d'abord attirées ; et quoique ensuite elles s'en éloignent à quelque distance , elles ne laissent pas d'y être adhérentes , en suivant tous les mouvemens qu'on voudra donner à ce corps électrisé. On ne peut pas raisonnablement soup- çonner celui-ci dètre la cause de ces attractions , de cette adhérence, puisqu'il n'avait aucune vertu attractive avant d'avoir été électrisé. C'est donc (i) Nota. Cette atmosphère de ralmant à laquelle Kepler n'a- vait jamais pensé , peut se dissiper , parce qu'elle n est pas faite à l'instar de celle de notre globe , qui n'a été formée que par le refoulement de la partie de l'éther obligé de se retirer en arrière et de céder la place a la masse terrestre quand elle jaillit du néant à la voix de son créateur. TSotre atmosphère ainsi formée ne pour- rait cesser d'exister qu'autant que Dieu anéantirait le globe qui lui sert de. noyau ; mais alors même cette atmosphère ne se dissi- perait pas : elle ne ferait que reprendre la place qu'elle occupait aij[)aravant. DES PHYSICIENS MODERNES. TilJ son atmosphère empruntée qui produit ces effets ; et il serait d'autant plus difficile d'en douter , qu'en approchant du visage ce corps ainsi élec- trisé , on sent une espèce de brouillard qui fait la même impression qu'une toile d'araignée, et cette impression paraît plus forte à proportion qu'on en approche le corps de plus près(i j. Mais on n'é- prouve plus ni cette impression , ni ces attrac- tions, ni cette adhérence , quand on fait perdre à ce corps son électricité acquise et par consé- quent son atmosphère électrique. Il est donc évident que les effets magnétiques et électriques ne se manifestent que par l'intermédiaire des atmosphères , et j'ai déjà fait voir que les substan- ces ne sont dures et compactes que par le moyen des petites atmosphères qui entourent chaque molécule des corps. (2) Les raisonnemens de Newton au sujet de la gra- vité qui se manifeste aussi sur les hautes monta- gnes, n'ont pas plus de force que ceux qu'il fai- sait sur la prétendue attraction du globe terrestre. Car on peut toujours demander dans quel milieu existent ces montagnes ? Si elles sont dans notre atmosphère, on doit absolument en tenir compte, et pour qu'on pût avec raison attribuer la chute des graves à la masse de la terre, il faudrait mon- trer ou que cette atmosphère n'existe pas , ou que la gravité a lieu sans atmosphère ; ce qu'on ne pourra jamais prouver. Par-là on voit évidem- ment que le savant anglais, en imaginant son hy- pothèse de la gravité universelle , n'a pas pensé un instant à notre fluide atmosphérique ni a celui (0 Voyez Faulian , Dict. de Phys.,toin. II , pag. 363, article Electricité. (2) Nota Ces petites atmosphères ont de l'analogie avec celles des corps électrisés et aimantés, SaS EltRECRS DÉVOILÉES des corps sidéraux ; et cette omission est si im- portante , qu'elle pourrait seule faire arguer de faux cette hypothèse, quand nous n'aurions rien de plus à lui opposer ; mais on a déjà vu que les phénomènes électriques et magnétiques déposaient contre elle; les expériences que je vais faire con- naître ne leur sont pas plus favorables, et prou- vent de la manière la plus évidente que toute attraction n'est effectuée que par le mécanisme des atmosphères. Expériences qui prouvent que les attractions et les répulsions ne dépendent que des atmosphères. J'ai déjà parlé d'un petit disque de métal fort mince qu'on peut faire surnager dans une assiette remplie d'une eau limpide , et autour duquel sarrange ce liquide pour lui former une vraie atmosphère qui dans ce cas est concave , et qui, ne faisant plus qu'un tout avec le disque , ne l'abandonne pas plus que si elle était un corps dense. Si l'on plonge perpendiculairement dans 1 eau et tout près de cette atmosphère une aiguille , un fil de métal ou tout autre corps cylindrique que l'eau peut mouiller, on fera aller ce disque où Ton voudra , parce que son atmosphère , diffé- rente de celles de ces corps cylindriques qui les ont alors convexes, est obligée de les fuir, ne pouvant point s'unir avec elles. Un morceau de cire d'Espagne frottée contre une étoffe de laine et présentée un peu de côté au-dessus de ce dis- que , produit un pareil effet , au lieu que cette rire, dans le même cas, attire un disque de liège, qui est encore attiré par l'aiguille et les autres corps cylindriques dont nous venons de faire mention , parce que leurs atmosphères sont sem- blables. Si Ton se sert de deux disques de la même espèce , I DES PHYSICIENS MODERNES. 829 ils demeureront en repos tant que leurs atmo- sphères ne seront point en contact , mais dès qu'elles viendront à se toucher , ces disques gra- viteront l'un vers l'autre et leurs atmosphères se réuniront. Si l'un des deux disques avait un diamètre double de l'autre, le plus petit parcourrait les trois quarts du chemin pour se joindre au plus grand. Il en arriverait de même à la terre si son atmosphère était à la proximité de celle d'un corps sidéral qui eût un diamètre double du sien. Que le diamètre de ces disques soit semblable ou non, ils reviennent l'un vers l'autre par le pouvoir des atmosphères quand on veut les sé- parer, pourvu toutefois que le mouvement com- muniqué n'ait pas assez de force pour vaincre l'adhérence de celles-ci, et les tenir éloignées à une distance plus grande que ce diamètre. Cette dernière expérience démontre combien est erro- née l'hypothèse de l'anglais Wisthon qui préten- dait que le déluge avait été causé par le choc d'une comète : car si celle-ci avait heurté la terre, elle y serait demeurée attachée , et on la trouve- rait soit dans les mers, soit sur la terre ferme. Ce serait en vain qu'on voudrait soutenir que la réunion des disques , dont nous venons de parler, dépend de leur attraction mutuelle, et non de leurs atmosphères , puisqu'ils resteraient sans mouvement et ne se réuniraient point, quoiqu'ils fussent très-proches , si l'on venait à les dépouiller de leurs atmosphères. Tout de même , si notre globe n'avait plus d'atmosphère , les corps graves abandonnés à eux-mêmes ne tomberaient point sur sa surface. Voici deux nouvelles expériences qui prouve- ront encore que les attractions ne dépendent que des atmosphères , et non de la densité des sub- stances comme l'ont cru les Newtoniens. 33o ERREURS DÉVOILÉES Si l'on remplit à demi d'eau deux verres sem- blables , et que dans l'un on fasse surnager un disque de liège, et dans l'autre un disque de métal , celui-ci se portera vers le centre , et le liège vers les bords. Pourquoi donc ? Parce que l'eau s'élevant vers les parois du verre , compose à ce dernier une atmosphère convexe comme celle du liège ; et ces deux atmosphères étant sembla- bles doivent se réunir ; tandis que le disque mé- tallique ayant une atmosphère concave, différente de celle qui entoure la circonférence intérieure de ce corps vitreux , doit fuir celui-ci , et par ce moyen occuper le point central. Maintenant, qu'on achève de remplir avec pré- caution les deux verres, jusqu'à ce que l'eau du centre soit plus élevée que les bords, il arrivera alors du changement dans la surface du liquide. Auparavant cette surface était concave, actuelle- ment elle est convexe. Cette dernière figure s'accor- dant avec celle de l'atmosphère du disque de liège , celui-ci abandonnera les bords où il s'était attaché , et par un mouvement brusque se portera vers le centre en montant au haut du convexe ; tandis que le disque de métal dont l'atmosphère est dissemblable descendra vers les bords. Pour- rait-on ne pas regarder ces deux expériences comme une preuve certaine que les attractions et les mouvemens centripètes dépendent unique- ment des atmosphères? Cette dernière vérité physique est encore mieux démontrée par d'autres expériences qui représen- tent tous les phénomènes de la gravité. En effet, veut-on voir représenté le mouvement centripète par la ligne perpendiculaire ? Faites tomber doucement près de l'atmosphère du dis- que métallique une petite lentille de métal fort mince ; elle se portera vers le limbe de ce disque, DES PHYSICIENS 310DERNES. 33 I de la même manière que les graves, abandonnés à eux-mêmes dans notre fluide atmosphérique , tombent sur la surface de la terre. Si Ton place sur le bord de ce disque une plaque de métal angulaire qui formera une espèce de plan incliné, et que l'on fasse parvenir sur sa pointe la petite lentille dont nous venons de parler , celle-ci descendra vers les bords du disque à linstar des corps globuleux ou liquides qui se trouvent sur le penchant d'un lieu élevé. Désire-t-on figurer en raccourci le mouvement accéléré? Qu on refasse les deux expériences pré- cédentes, et l'on remarquera que la petite len- tille , qui se mouvait d abord très-lentement en entrant dans latmosphère du disque , acquiert peu à peu plus de vitesse à proportion qu'elle s'en rapproche. On observe même un autre phé- nomène , c'est que dans un temps donné la petite distance parcourue par la lentille , le premier instant de sa chute , diffère suivant le lieu de l'atmosphère où on la fait tomber; c'est-à-dire que cette distance parcourue est plus grande près du disque qu'au haut de son atmosphère. Il en arriverait de même aux corps qui gravitent dans notre fluide atmosphérique ; la distance qu'ils pourraient parcourir la première seconde de leur chute serait bien moindre dans les couches supé- rieures que dans les inférieures; cela provient de ce que celles-ci ont plus de force attractive que les premières. Mais toutes les atmosphères produisent-elles un mouvement accéléré dans les corps qui gravitent dans leur sein ? Non , il n'y a que celles dont les couches ne jouissent pas de la même uniformité. En veut-on voir un exemple ? Qu'on fasse flotter presque à fleur d'eau deux planètes métalliques soutenues sur un petit disque de liège , qu'on 332 ERREURS DÉVOILÉES lestera avec des grains de plomb , afin qu'elles ne chavirent pas. Si leurs atmosphères sont réel- les, quoique insensibles à la vue, et qu'elles soient rapprochées l'une de l'autre, on verra qu'elles ne se réunissent que par un mouvement uniforme (i). Il en serait de même des corps qui sont dans notre air atmosphérique, si celui-ci avait partout la même densité. Le mouvement accéléré de ces graves dépend donc de ce que l'air des régions inférieures est plus condensé que celui des régions supérieures. D'après ce que je viens de dire on sent bien que cette accélération ne doit pas avoir lieu à l'égard des corps pesans qui tombent dans la mer, parce que les parties les plus basses de l'eau , n'ayant pas plus de densité que celles de la surface , ne peuvent pas avoir plus de force attractive. Propriété attractive des atmosphères , relative à la gravitation des animaux et aux lois déquilibre» — Expériences. Voici une expérience qui a rapport à la gravi- tation des animaux sur la terre. Ayez deux grosses puces et jetez-les vivantes dans l'atmosphère de la planète métallique en deux endroits opposés , c'est-à-dire à i8o degrés de distance. Si vous les avez lancées avec force dans ie liquide afin qu'elles s'y mouillent, et ne puissent pas s'échapper, elles descendront vers les bords de cette petite planète, et l'on observera avec étonnement les efforts qu'elles feront pour s'en éloigner : mais ce sera inutilement; car l'atmosphère, dans laquelle elles (i) Nota. 1° Si ces atmosphères n'étaient pas réelles, ces disques ne se réuniraient pas. 2* Si elles n'avaient point la même unifor- mité dans touie leur hauteur , alors il s'ensuivrait une petite accélération au momeut de leur joactiou. DES PHYSICIENS MODERNES. 333 se trouvent , les y tient comprimées. Le même effet se fait sentir aux animaux qui végètent sur la terre; ils y demeurent atrachés, et s'ils veulent s'élever un peu , ils retombent avec précipitation par la force comprimante de notre atmosphère. Enfin ces deux puces, ayant leurs pattes tournées vers le centre de cette petite planète , figurent merveilleusement les antipodes qui ont la plante des pieds opposée aux nôtres. Si aux deux puces l'on substituait une mouche, on apercevrait aussi qu'elle ne peut pas dépasser les limites de la petite atmosphère ; mais comme cette mouche est beaucoup plus grosse que les deux premiers insectes , et qu'il n'y a pas une trop grande disproportion entre elle et le disque, ses mouvemens feront tourner celui-ci indépen- damment de son atmosphère. De même si sur notre globe dont la surface serait aussi unie que le limbe de la planète métallique, il se trouvait un quadrupède qui eût de sept à huit cents lieues de hauteur , et une grosseur proportionnée à sa taille , cet animal en s'agitant serait capable de faire tourner la terre en sens divers , sans que l'atmosphère se déplaçât , parce que la haute stature de cet animal formerait comme une digue qui arrêterait le mouvement de rotation de ce fluide ; mais il n'en serait pas de même si l'animal demeurait en repos, puisque alors il suivrait le mouvement de la terre et de son atmosphère. L'expérience suivante va représenter ce qu'on appelle lois d'équilibre. Ayez une petite plaque de laiton, oblongue , presque pointue et assez mince pour qu'elle puisse se soutenir sur l'eau. Si vous l'approchez par sa pointe du disque mé- tallique, elle descendra vers celui-ci dans le sens de sa longueur; mais elle se renversera ensuite, parce qu'elle n'aura pas assez de base pour se 334 ERREURS Di^; VOILÉES soutenir et résister aux efforts de la petite atmo- sphère. C'est ce qui arriverait en effet à un bâton ou à une colonne très-élevée qu'on voudrait poser sans précaution ou sans appui sur la surface de la terre ? Propriété attractive des atmosphères par rapport aux vapeurs. Je vais montrer dans l'expérience suivante cora- rnent les vapeurs qui s'élèvent dans l'air, sont entraînées par le mouvement de rotation de la terre. Qu'on prenne de très-petits cubes de liège mouillés et sécliés dès la veille, et qu'on les fasse tomber dans les couches les plus basses de l'atmo- sphère de la planète métallique dont le limbe sera dans ce cas dentelé pour imiter les éminen- ces , les bois et les montagnes qui couvrent la surface du globe terrestre. Si ces petits cubes n'étaient pas assez secs , ils s'élanceraient avec rapidité hors de la petite atmosphère; s'ils l'étaient convenablement, ils s élèveraient à une certaine hauteur, et s'y tiendraient fixement, parce que la petite atmosphère , qui se formerait autour d'eux , leur donnerait assez de légèreté pour vain- cre la force avec laquelle l'atmosphère de la pla- nète les pousse vers les bords de cette dernière. Si Ton fait tourner lentement celle-ci , les petits cubes suspendus suivront son mojiveraent. Il en arrive tout autant aux vapeurs et à tous les corps qui nagent dans notre fluide atmosphérique. Toutes les expériences que je viens d'indiquer prouvent manifestement que sans atmosphère il n'v a point d'attraction ni de centre de gravité. Ainsi dans l'élher, c'est-à-dire hors de notre fluide atmosphérique , un pendule simple mis en mou- vement demeurerait suspendu là où l'aurait laissé DES PHYSICIENS JIODERNES. 335 ia fin du mouvement imprimé, un bâton mis debout ne se renverserait pas , une boule ne roulerait point sur un plan incliné , une masse lourde n'entraînerait pas une plus légère et ne se précipiterait point vers la terre , enfin uue figure de carton soutiendrait , sans s'écraser , un cbâteau de bois , par la raison que dans Téther rien ne gravite , et que la pesanteur dépend absolument des atmosphères , sources de toute gravitation. Explication erronée donnée par quelques savans au sujet des attractions et répulsions de ces petits corps qui flottent sur un liquide. A la place de ces petits disques de métal et de liège dont nous avons parlé , on peut substituer deux petites boules de cire et deux autres de liège. L'eau ne mouillant point les boules de cire leur formera tout autour une concavité à l'instar de celle qui entoure les petits disques de métal ; tandis que ce liquide s'élèvera autour des deux boules de liège, ainsi qu'elle le fait à l'égard des deux disques de la même matière. L'eau compose donc à ces boules une vraie atmosphère ; aussi présentent-elles dans leurs mouvemens le même mécanisme que les disques dont nous avons déjà parlé. M. Haûy ni les autres physiciens n'ont ja- mais pensé à ces atmosphères , parce qu'il ne leur est jamais venu dans l'esprit que notre atmosphère pouvait également influer sur la chute des graves. M. Haûy prétend donc , d'après un géomètre cé- lèbre, qu'à cause de l'enfoncement qui se forme autour des boules de cire, « les portions latérales M du liquide , qui agissent du côté opposé par » lequel les globules se regardent , devenant pré- » pondérantes , poussent ces globules l'un vers » l'autre, » tandis que les globules de liège autour 336 ERREURS DÉVOILÉES desquels l'eau s'élève sont tirés l'un vers l'autre par les forces qu'exerce le liquide intermé- diaire, (i) On voit donc que jNI. Haûy , et le géomètre dont il suit l'opinion , donnent deux causes di- verses à des effets qui sont semblables. Si ces savans distingués n'avaient pas été subjugués par certains préjugés , il est probable qu'ils auraient pu entrevoir le mécanisme des atmosphères dans les attractions mutuelles de ces corps flottans ; atmosphères qui , pour démontrer leur existence, se présentaient à eux d'une manière si sensible. Les expériences de Boii^uer faites sur les monta- gnes du Pérou avec le pendule , prouvent que la gravité ne dépasse point V atmosphère terrestre , et démontrent quelle est la vraie hauteur de cette atmosphère. Quoique Newton eût dû songer à l'atmosphère terrestre en imaginant son système de la gravi- tation universelle, on peut cependant l'excuser en quelque sorte , parce qu'il ne connaissait pas toutes les observations faites après sa mort. Mais comment les géomètres-astronomes et les physi- ciens qui ont fait ou connu ces observations , n'ont-ils pas su conclure de là que cette gravita- tion n'était point réelle , et que la pesanteur terrestre ne dépassait point notre atmosphère ? En effet, d'après plusieurs expériences entreprises avec le pendule sur les montagnes du Pérou , Bouguer, l'un des académiciens français qui allè- rent vers l'équateur mesurer un peu plus de trois degrés du méridien terrestre, reconnut que la pesanteur à l'équateur et au niveau de la mer , (i) Voyez Traité élém. de Phys. jN" 343 et suiv. de la a'édit., et N" 37» et suiv. delà 3«. DES PHYSICIENS MOT)ER>'ES. 887 exprimée par l'unité , n'était plus que de 0,9988 1 G sur le sommet du Pichincha élevé de i4(Jo4 pieds au-dessus de ce niveau (i); et qu'ainsi à cette haqteur , la pesanteur avait éprouvé une dimi- nution de 0,001 184. Or, en calculant ces quanti- tés, on trouve qu'à 900 lieues et demie d'élévation cette pesanteur devrait être réduite à zéro. Elle serait même nulle à 885 lieues et demie, si l'on se fondait seulement sur l'observation que le même astronome fit à Quito à 8796 pieds de hauteur; car la pesanteur y fut de 0,999249(2); ce qui indiquait une diminution de 0,00075 r. Mais la pesanteur n'est point circonscrite en deçà de 855 ou de 900 lieues : ses limites sont un peu plus éloignées de la surface de la terre. Effecti- vement ces deux observations de Bouguer , com- parées entre elles , prouvent qu'en s'élevant au haut de l'atmosphère, la diminution de la pesan- teur n'est pas proportionnelle à la dislance par- courue , et qu'elle devient de plus en plus moindre à égales distances. Car si cette diminution était uniforme , elle aurait dû être au sommet du Pichincha de 0,001246; tandis qu'elle n'a été observée que de 0,001 1 84- Or, en comparant les divers termes ensemble , on trouvera qu'au Pérou la pesanteur s'étend jusqu'à 14^0 lieues au-delà de Iri surface de la mer; et comme cette expé- rience du pendule a été faite dans notre atmo- sphère , il s'ensuit que lorsqu'elle ne pourrait plus avoir lieu par le raccourcissement successif et enfin total du pendule , ce dernier cesserait nécessairement d'être dans cette atmosphère. Donc celle-ci et la pesanteur ont les mêmes limites ; donc aussi , puisque l'effet de la pesanteur (i) Expos, du Syst. du Monde, tom. I,p. laS. (a) Ibidem. 2 2 338 F.RREURS DÉVOILÉES ne saurait se faire sentir sur le pendule au-delà de notre fluide atmosphérique , il faut conclure que hors des atmosphères, il n'y a ni attraction ni gravité. Ainsi cette observation de Bouguer , corroborée de tout ce que j'ai dit ci-devant de notre atmosphère, doit prouver évidemment à tout esprit raisonnable, que, puisque la hauteur de cette atmosphère et les limites de la pesanteur ne sont point au Pérou au delà de 1420 lieues, la gravitation terrestre ne doit pas s'étendre jus- qu'à la lune ; et qu'elle ne suit point dans sa diminution la raison inverse du carré des dis- tances. (1) Ce qui a empêché nos géomètres d'entrevoir ces derniers résultais lorsqu'ils ont parlé des ob- servations de Bouguer , c'est qu'ils ont voulu comparer la hauteur de Quito et du Pichincha avec le rayon terrestre ; cependant la nature des expériences de Bouguer le défendait , puisque ce (1) Nota. 1184 mlUionièrnes sont contenus 84/1 fois ^^ TTti dans l'unité ou dans 1,000000 ; donc à 844 77F f"^* 14604 pieds, la longueur du pendule serait réduite à zéro. Donc alors la pesanteur cesserait d'être sensible , si la nnoindre densité de 1 air de notre atmosphère suivait partout la même proportion que sur le Pichincha; mais comme cette proportion varie un peu quand on »Vlève, cette longueur du pendule et cette pesanteur ne seront pas sitôt restreintes; elles le seront un peu plus loiu en s affaiblis- sant très-sensiblement jusqu'à ce qu'elles aient atteint les confins de i'atm()s[ihere terrestre où elles cesseront lotalemeot ; et ces confins ne seront pas bien éloigné» , ainsi qu'on peut le connaître dans les calculs ci-apres : 0,000761 : 1,000000: :879GP'"'':i 17 12383?'^'''^, ou 855 •'""98"""" 5 p'"*'}. 0,001184: 1,000000:: i46o4'''": 123344 59 rflîj ou 900"- io43' iP' j- 8796?'-: i46o4P'::855"'98'5P'-: F4r9"-i434'5P\ Lei lieues étant de 79 83 toises. DES PHYSICIENS MODERNES. 339 n'est point au centre , mais à la surface de notre globe que cet astronome a fixé la base de ses opérations; c'est à cette surface qu'il a exprinaé la pesanteur par l'unité ; c'est enfin à proportion de son éloignement de cette surface qu'il calculait la diminution de la pesanteur ou qu'il raccour- cissait le pendule. Bouguer n'a donc pas eu égard au demi-diamètre de la terre dans l'évaluation de cette diminution ou de cet accourcissement , et on ne doit pas non plus le faire entrer , ce demi- diamètre , dans la théorie de la gravitation terrestre. Maintenant , qu'on s'évertue tant qu'on voudra pour commenter suivant sa fantaisie cette obser- vation de Bouguer ; qu'on entasse théories sur théories , calculs sur calculs pour faire prévaloir la gravité universelle imaginée par Newton , cette observation est là pour déposer contre elle , et démontrer, à la postérité , qui ne sera pas toujours newtonienne, tout le faux de ces théories. Mais ce n'est pas seulement cette expérience que Bou- guer fit sans pressentir sa future destinée , qui dément celte hypothèse favorite; tous les phéno- mènes qu'on invoque en sa faveur , et qu'on a mal expliqués, font écho, sans qu'on s'en doute, pour attester le néant de cette hypothèse. Raisonnement anti-logique de M. Biot au sujet des expériences de Bouguer. — Réflexions justes du Journal des Débats sur la valeur d'une opinion scientifique préconisée par des suffrages répétés. « A mesure que l'on s'élève au-dessus de cette » surface ( celle de la mer} il faut, dit IM. Biot , M { Jstronomiephysique , ae édit. tom. I , p. 199), » il faut raccourcir le pendule pour qu'il fa.sse le » même nombre d'oscillations , dans le même 340 ERREURS DÉVOILÉES » temps. Bonguer a fait sur cet objet , au Péroi) , » un grand nombre d'expériences. En prenant » pour unité la longueur du pendule à secondes, » à l'équateur, et au niveau de la mer, il a trouvé )) qu'à Quito , à la hauteur de 2867 mètres »( 8796 pieds j , C€tte longueur était 0,999249; » c'est-à-dire , moindre de prés de ~^. Sur le » Pichinclia , à 4744 mètres (14604 pieds) de » haJiteur, cette longueur était encore moindre; «elle se trouvait réduite à 0,998816 (comme » nous l'avons déjà vu). La pesanteur, toujours i) proportionnelle à la longueur du pendule , se » trouvait donc aussi réduite dans le même rapport. y> Ainsi la pesanteur diminue à mesure que l'on » s'éloigne de la surface de la terre. » Jusqiie-là c'est à merveille , et puisque selon cet auteur la pesanteur est toujours proportionnelle à la longueur du pendule^ il s'ensuit nécessaire- ment que cette pesanteur cessera ou n'existera plus, là où la longueur du pendule sera enfin réduite à zéro. Or , pour obtenir ce résultat , il ne faut point parcourir une distance immense , puisque, même d'après M. Biot , les différences dans la longueur du pendule qui a servi aux observations de Bouguer, sont déjà si sensibles à une distance si petite. La chose paraît assez claire; mais qui croirait que M. Biot en infère au contraire que « si l'on en juge par ces différences déjà sensibles à » une distance si petite , il est bien probable que la >i même force (de la pesanteur) s'étendtait aussi n indéfiniment en s' affaiblissant dans Vespace. » Certes, c'est bien faire là un bien faux raisonne- ment; car pour qu'il fût juste, il faudrait qu'à la hauteur où Bouguer fit ses observations, il n'eût as été obligé de raccourcir, sur le Pichincha , e pendule de 1184 millionièmes, mais à j)eine d'un seul millionième; et alors on aurait pu dire, F. DES PHYSICIE]VS MODERNES. 3^ t sr , à 4744 mètres de hauteur, le pendule doit être à peine raccourci d'une si petite quantité ou d'un millionième pour battre les secondes dans un même temps , sans doute la force de la pesan- teur pourra se faire sentir à d'assez grandes dis- tances, mais non cependant jusqu'à 3o millions de lieues. On peut donc voir sans un grand effort de génie que la conclusion de M. Biot est les antipodes de ce dernier raisonnement , et qu'en sa qualité d'anti-logique elle doit faire le pendant de celle de l'auteur du Système du Monde ^ lequel, comme nous l'avons vu , prétend qu'un corps éminemment élastique, tel que l'est notre fluide atmosphérique, doit être sans ressort au haut de l'atmosphère puisqu'il ne s'y dissipe pas. Voilà comment l'on raisonne dans ce siècle des lumières! Mais ces savans auraient-ils fait ces faux raison- nemens , s'ils n'avaient voulu à toute force faire dominer le principe de la pesanteur universelle si bien démenti par l'observation de Bouguer ? Et que devient maintenant la prophétie de M. Biot qui dit , tom. III ^ p. 2^5 : « Quel que soit » le progrès des sciences , le principe de la pe- » sauteur universelle est établi d'une manière » inébranlable , parce qu'il repose sur des faits » certains, et sa durée sera éternelle (i); » et en- suite à la page suivante il ajoute : « On ne peut » révoquer en doute la vérité déduite des faits par un » raisonnement rigoureux. » Nous venons de voir (i) N. B. L'épithète à' étemel attribué à tout ce qui n'est pas Dieu, est d un tmte présage et comme un signe de mort. C'est ce que l'on peut remarquer en réfléchissant attentivement sur l'His'oire ancienne et moderne, et même sur celle des temps les plus proches de nous. Ainsi, malheur, oui, malheur aux choses terrestres que rhomme,de son gré, saluerait du nom à! éternelles! Car toujours calcule mal, qui calcule sans Dieu, le seul être éternel. ^42 ERREURS DEVOILEES (le quelle espèce sont ces raisonnemens rigoureux ^ et sur quels faits certains reposent ce principe et cette vérité. Nos savaus , en se copiant les uns les autres depuis Newton , se sont flattés de corroborer et de faire regarder , comme incontestable, ce prin- cipe favori dont l'adoption était indispensable , dans les derniers temps , pour parvenir à quelque fauteuil académique. Ceux qui n'auraient pas fait une étude profonde de la science ou qui ne se- raient pas sur leurs gardes, pourraient bien se laisser tromper par cet assentiment presque uni- versel ; mais nous voyons dans le Journal des Débats du 27 novembre 1819 ce qu'il faut penser de ces témoignages répétés en faveur d'une opi- nion littéraire ou scientifique. « L'erreur, dit le «journaliste, en passant de plume en pkime , j) finit par devenir une vérité , et si après un ou » deux siècles, un homme de bonne foi s'avise j) de la relever, on lui oppose l'autorité de vingt » écrivains qui se sont copiés Tun l'autre , comme » si un suffrage répété vingt fois, pouvait compter » pour vingt suffrages. » Il est inutile de rien ajouter à ces réflexions , tant elles sont vraies ; mais on peut dire que l'ancienne Académie des sciences a rendu un îrès-mauvais service à l'astronomie, en encoura- geant de tout son pouvoir et par les prix nom- breux qu'elle proposait, le développement de ce prétendu principe de la pesanteur universelle, qui était devenu sa vie et comme sa déité. Le mécanisme de l atmosphère terrestre prouve que notre globe a été créé de rien. Je ne dois point finir ce qui a rapport aux atmosphères sidérales, sans faire une réflexion qui a échappé aux génies de Kepler cl de Newton ; DES PHYSICIENS 3rODER^•ES. 343 c'est que la condensation de notre atmosphère élastique autour de la terre , prouve de la manière la plus évidente que notre globe a été créé de rien , et convainc de fausseté les systèmes absur- des et impies de la matière éternelle , et de la production du monde par la rencontre fortuite des atomes. En effet , si la matière eût toujours subsisté , ou qu'elle eût dû sa création au hasard , le fluide élastique qui remplit les vastes champs de l'uni- vers, aurait été partout en équilibre avec lui- même ; c'est-à-dire qu'il n'aurait pas été plus pressé dans un sens que dans l'autre ; parce que la pression combinée suppose une action réfléchie dont ne sont pas capables le hasard ni la matière. Donc il n'y aurait point d'atmosphère autour de la terre et des autres corps sidéraux. De plus si ces globes avaient été formés de la matière fluide de l'éther , celui-ci aurait dû être comprimé for- tement pour en pouvoir construire ces masses conjpacles , et par conséquent il n'y aurait eu entre elles et 1 éther qu'un vide au lieu d'une atmosphère condensée. Enfin cette atmosphère si dilatable aurait-elle pu se montrer et subsister si l'univers n'avait été que le produit des atomes errans dans le vide? Non sans doute : on ne ver- rait plus alors au milieu de ce vide que des globes sans atmosphères. Et certainement si dans un vase on répand pèle-méle des matières compactes et un fluide élastique, la densité de celui-ci sera en éliquibre avec l'air qui environne le vase ouvert; et ces matières hétérogènes ne comprimeront pas ce fluide. Rien n'est plus vrai. Mais si après avoir disposé le vase de manière que ce même fluide ne puisse point s'échapper, on y introduit quel- ques corps denses , ou tout uniment une vessie , qu'on enflerait ensuite pour tenir lieu de ces corps 3:|4 ERREURS DÉVOILÉES denses ; ces corps ou cette vessie enflée presseront le fluide élastique contenu dans le vase , et sa densité cessera aussitôt d'être uniforme avec celle de l'air ambiant. Dira-t-on alors que le hasard a été cause de cette pression ? Point du tout; puis- que une pression de cette nature indique une action faite à dessein et avec industrie dont ]>eut seul être capable un être intelligent. Certes il est étonnant que les savans que je viens de nommer n'aient pas fait de telles démonstrations pour fermer la bouche aux partisans des hypothèses absurdes de la matière éternelle ou du concours fortuit des atomes qui, crochus et allant un peu de côté dans l'espace immense du prétendu vide, se seraient accrochés et auraient formé un ciel , un soleil, des planètes, des étoiles, des mers, des terres , des plantes , des animaux , et des hommes. N'a-t-on pas droit de rire de telles sot- tises qu'osent cependant nommer philosophiques ceux qui ont mis un bandeau épais devant leurs yeux pour ne pas reconnaître la Divinité dans ses œuvres admirables ? Enfin une dernière considération , laquelle a pour objet la création du fluide éthéré qui rem- plit les espaces célestes, c'est que puisque, d'après les phénomènes les plus évidens, il est manifeste que Dieu a formé sans matériaux les sphères célestes et la terre; de même ce Créateur tout- puissant a pu créer de rien la vaste étendue de î'éther ; parce que c'est un principe certain et in- contestable , qu'un ouvrier qui saurait composer de rien une seule molécule de matière , pourrait aussi en produire des millions d'autres qui n'exis- teraient pas auparavant. DES PHYSICIENS MODERNES. 345 De la résistance que Véther doit opposer à la marche des corps célestes- — Contradiction de trois célèbres géomètres au sujet de l hypothèse newtonienne. D'après ce que j'ai dit jusqu'ici , il est évident que noire atmosphère n'a été formée que lorsque la terre refoula la matière éthérée qui s'opposait à son déploiement. Or , si l'éther a opposé de la résistance à cette expansion de notre globe, il en opposera de même à la marche rapide des corps sidéraux, dont la masse ou le volume est, comme je l'ai démontré , doublé encore par leur propre atmosphère ; et cette résistance sera d'autant plus grande, que le diamètre et la vitesse de ces corps seront plus considérables. L'existence du fluide élhéré que l'élasticité de notre atmosphère indique de la manière la plus évidente, assimile donc les mouvemens des corps sidéraux à ceux des corps terrestres. Ceux-ci tom- bent bientôt dans l'inertie, si la puissance, qui les a tirés de l'état de repos , ne se renouvelle ; ainsi un bateau lancé à l'eau , une pierre qu'on fait tourner par le moyen d'une fronde , une méca- nique qu'on a montée, s'arrêtent avec la cessation de la force qui les faisait mouvoir. De même dans leur course rapide , à travers le fluide élhéré qu'elles divisent, les sphères célestes auraient dû depuis long-temps demeurer engourdies, si leurs mouvemens ne provenaient que d'une première impulsion ; parce qu'une cause purement méca- nique et abandonnée à elle-même, ne peut pas avoir un effet perpétuel dans un milieu résistant. Par la même raison , la terre n'aurait pas pu con- tinuer son mouvement de rotation sur son axe , puisque sa vaste atmosphère, pressée par l'éther qui conflue avec ses dernières couches , éprouve 346 ERREURS DÉVOILÉES un véritable frottement. Donc si ces divers corps, malgré la résistance opposée , conservent les mê- mes mouvemens depuis tant de siècles , ils ne peuvent pas être mus par des causes purement mécaniques , et par une force une seule fois im- primée ; mais il faut nécessairement qu'une puis- sance infinie et sans cesse active, préside à ces mouvemens par sa volonté toujours existante ; et comme on ne peut le contester, dans le système du plein , tel qu'est celui de l'étlier, tout argument des matérialistes contre la Divinité tombe de lui-même. Je sais bien que quelques géomètres réclame- ront contre ce que je viens de dire , et qu'Us prétendront que par les calculs les plus rigoureux , suivant ce qu'ils appellent la science sublime, ils ont prouvé que l'éther, s'il existe , ne saurait opposer qu'iuie résistance insensible à la marche des astres qui errent dans l'espace ; et que par conséquent il est tout simple que dans leurs mou- vemens ils continuent à suivre la première im- pression reçue sans qu ils puissent jamais s'arrêter. Mais qui ignore que les résultats que tirent de leurs calculs, ces géomètres, dépendent du prin- cipe d'où ils sont partis , et du point où ils se sont arrêtés; et que si d'autres géomètres admettaient des principes différens ou donnaient une plus grande latitude à leurs calculs, ils auraient un résultat tout opposé. On a plus d'ini exemple de ces anomalies géométriques produites par les mêmes géomètres qui ont trouvé le pour et le contre , selon qu'ils ont poussé plus ou moins loin leurs opérations algébriques , ou suivant l'hypothèse qu'ils avaient intérêt de défendre. Or, c'est ce qui est arrivé dans le dernier siècle au célèbre Clairaut qui trouva d'abord , par la théorie newtonienne , que la quantité du mouve- D£S PHYSICIEIVS MODERÙN'KS. 347 ment de l'apogée de la lune n'était qu'environ la moitié de ce qu'elle est par les observations. Ce géomètre était si sur de ce résultat, qu'il se hâta de l'annoncer dans une assemblée publique de l'Académie des sciences , sans prévoir quelles alarmes il allait répandre dans le can)p des New- toniens qui, par ce résultat, voyaient s'écrouler leur chère hypothèse de la pesanteur universelle. Clairaut ne put résister aux importunités de ses amis académiciens, et rougissant lui-même d'un résultat qui détruisait le système qu'il voulait faire triompher, il continua ses calculs, et pous- sant plus loin l'approximation de la série qui devait donner le mouvement de l'apogée, il s'ar- rêta précisément et tout exprès là où la quantité du mouvement parut conforme ni plus ni moins à la loi de la théorie newtonienne. Ce nouveau résultat fit couler le baume de la consolation dans le cœur des Newtoniens , qui cependant n'ont jamais prévu que l'atmosphère terrestre déposerait un jour contre leurs systèmes. Au reste , ce n'est pas seidement Clairaut qui , dans ce cas , fit une rétractation commandée. D'Alembert et Euler qui , dans le même temps , avaient aussi trouvé un semblable résultat par leurs propres méthodes, jugèrent aussi à propos de revenir sur leurs pas, tout honteux d'avoir déterré , malgré eux , une vérité qui accusait de fausseté leur hypothèse favorite, lisse corrigèrent, dit fort ingénument M. Bossut dans son Histoire des Mathématiques ^ tom. II, p. 386. Oui, ils se corrigèrent, mais comme des enfans craintifs qui n'osent point soutenir la vérité contre ses dé- tracteurs. La rétractation visiblement obligée de ces trois célèbres géomètres démontre combien peu l'o.'i doit faire fond sur ces sciences soi-disant exactes 348 ERREURS DÉVOILÉES qui savent si à propos enseigner le pour et le contre, et qu'on voudrait faire prévaloir contre des vérités d'un ordre tout divin, (i) L'éther au milieu de l'espace est comme une immense océan où , semblables à des îles sans nombre, sont parsemées les sphères célestes. Ces sphères demeurent fixes dans le lieu où les a placées la main créatrice ; et celles qui s'y meu- vent devraient se perdre dans l'espace, si la même main ne les retenait dans leur orbite. Car c'est un axiome certain en géométrie qu'un corps une fois mu , doit suivre une ligne droite , si aucun obsta- cle ne plie ou n'arrête sa marche. Or, l'obstacle que peut rencontrer une planète dans sa course provient uniquement de l'éther qui devrait en peu de temps anéantir son mouvement , et non l'infléchir vers un centre; car le mouvement cen- tripète n'existe point hors des atmosphères. Donc si une planète décrit une courbe autour d'un centre, cela forme un nouvel argument en faveur de la Divinité. Une sphère sans mouvement dans l'éther doit persévérer dans l'état de repos , parce que dans ce fluide rien ne pèse, et qu'un corps ne peut graviter vers un autre qu'autant qu'il est tangent de son atmosphère; et puisque les atmosphères des corps sidéraux ne sont pas voisines l'une de l'autre, il n'est pas étonnant que les étoiles restent (i) Nota. S'il n'y avait eu que Clairaut, ou d'Alembert, ou Euler qui eût trouvé un résultat opposé à la théorie newtonienne, sans doute on aurait pu penser que cet astronome s était mépris; mais que trois illustres géomètres, sans s'être communiqué If-urs idées, et contradictoirement au système qu'ils défendait-nt opiniâ- trement, aient obtenu le même résultat par diverses méthodes, c'est ce qui doit frapper tout esprit qui fait usage du bon sens commun , et lui démontrer que le concert unanime de ces trois savans prouve , malgré leur rétractation forcée , que le système de Newton est faux. DES ^PHYSICIENS MODERNES. 349 immobiles et ne se précipitent point sur la terre, ou la terre sur les étoiles ; ainsi que cela devrait arriver indubitablement dans le système de la gravitation universelle ; comme l'objectaient avec raison au newtonien Lalande quelques personnes sensées. Ce que je dis ici répond encore à une objection que fait le célèbre Bailly dans son Histoire de l'Astronomie. Ce géomètre voyant les deux hémi- sphères du globe terrestre inégalement partagés ; que vers celui du nord sont de vastes continens et de grandes masses de terre, tandis que 1 hémi- sphère austral est le séjour des eaux; et sachant que toutes les matières solides de ces continens sont plus pesantes que l'eau , a peiiie à concevoir comment ces deux hémisphères inégalement char- gés peuvent se faire équilibre. Cette difficulté dérive naturellement de l'hypo- thèse newtonienne; mais Bailly n'aurait pas fait cette objection peu physique et même absurde , s'il eût connu le mécanisme des atmosphères; car il aurait vu alors qu'atin qu'un des deux pôles pesât plus que l'autre , il faudrait qu'ils gravitas- sent dans l'atmosphère d'un autre corps sidéral. Or, comme ils n'y gravitent pas , ils doivent con- server la position qui leur a été assignée ; parce que dans l'éther toute position est indifférente ; et que tout y garde l'équilibre en quelque part et dans quelque sens qu'il soit placé. La pesanteur ou la gravitation des corps vers la terre, dépend donc de l'atmosphère terrestre, comme je l'ai déjà dit, et la densité dissemblable de ses couches, d'autant plus condensées qu'elles sont plus près de la surface terrestre , produit le mouvement accéléré qu'on observe dans la chute de ces corps. Une preuve convaincante que le mouvement 35o ERREURS DÉVOILJÉES accéléré des graves dépend de la densité dissem- blable des couches de notre atmosphère , c'est l'observation qu'on a faite qu'un corps tombe et s'élève dans Feau par un mouvement uniforme. Or , pourquoi ce mouvement qui ne change pas de vitesse? C'est, quoi qu'on en dise, parce que les différentes couches de l'eau, quelque profonde qu'elle soit , ont une même densité. Le corps sera donc poussé d'une couche dans une autre avec une force égale et qui ne saurait augmenter , puisque cette densité est constante, (i). L'air étant matière, les physiciens ont eu raison de dire qu'il était pesant; pourvu néanmoins que la comparaison de sa pesanteur spécifique se fasse dans une atmosphère telle qu'est la nôtre ; car si elle avait lieu dans l'éther, une bouteille pleine d'air , d'eau , ou de toute autre matière ne pèserait pas plus qu'une autre vide d'air. J'en ai dit ci- devant la cause. (i) Nota. On peut considérer un corps gravitant dans notre fluide atmosphérique, coname sounois à deux forces; lune d'im- pulsion qui provient de l'effort que fait la première couche du fluide divisé pour reprendre son équilibre ; l'autre de résistance provenant de l'obstacle qu'oppose à sa division la deuxième couche. Lorsque ces deux forces se compensent l'une l'autre , il n'y a point d accélération dans la chute de ce corps ; parce que celui-ci en pénétrant dans la seconde couche a cons'iraé toute la vitesse acquise : et c'est ce qui a lieu dans nn fluide dont la densité est partout la même. Ainsi cette deuxième couche ne poussera ce corps dans la troisième qu'avec une force cfjale à celle qu'a déjà employée la première; et ce mécanisme se renou- velant de couche en couche , la chute de ce coi ps ne saurait s'accélérer; parce que la force d'imp?ilsion est partout uniforme. Mais quand ce corps gravite dans un milieu dont l'élasticité va en croitsant, parce que sa densité augmente, alors la force d im- puNion, développée par la plus grande élasticité des couches inférieures, surpassant celle de la résistance, le grave arrive de couche en couche avec l'excès de la force acquise et coris-rvée , et par-la sa vitesse , saccroissant de plus en plus , il s'ensuit son accdération. DES PHYSICIENS MODERNES. 35 ï LIVRE DOUZIEME. Observations critiques sur quelques PARTIES du Traité de chimie de M. Thenard , de la 5.^ édition. Si le fer et les autres métaux sont des corps plus simples que l'air et que Veau. Texte. « Le fer est un corps simple ou un élé- » ment , parce que de quelque manière qu'il » soit traite, on n'en extrait que du fer Il est » démontré que l'air et l'eau , sont de véritables i) composés Les chimistes reconnaissent 5i » éiémens. L'hypothèse qui n'en admet que qua- » tre n'est plus soutenue que par ceux qui n'ont » fait aucune étude des sciences. » Torn. L pages I et 2. Orservatiox. Ceux qui regardent les éiémens comme de grandes masses de malière , et non comme des principes qtii auraient servi à la for- mation de diverses substances, peuvent bien sans erreur admettre quatre éiémens. Mais les chimis- tes modernes ne se trompent-ils pas en recon- naissant 5i corps simples qu'ils appellent éiémens, parmi lesquels ils placent les métaux , après en avoir expulsé l'air et l'eau? Car enfin qu'enten- dent-ils par corps simples? Sont-ce les substances qui n'auraient que les bases seules? Mais alors il n'y aura ni éiémens ni corps simples , puisque toutes sont composées de bases entourées d'une 352 ERREURS DÉVOILÉES petite atmosphère ; et si cette atmosphère n'em- pêchait pas un corps d'être simple , l'air et l'eau seront aussi simples que les métaux. Toute la dif- férence qui existera entre eux , c'est que ceux-ci ont l'ignigène pour l'enveloppe atmosphérique de leurs molécules-bases, et les autres l'oxigène et l'ignigène, ou l'oxigène seul. Or, j'ai démontré que cette dernière matière , ne passant point à travers les vaisseaux, pouvait être recueillie; tan- dis que l'ignigène ne saurait l'être, parce qu'il est d'abord soutiré par les molécules de lumière qui existent dans les pores de ces vaisseaux ; et puis absorbé par celles du fluide ambiant. Quoique l'ignigène ne se laisse pas emprison- ner comme l'oxigène , il ne s'échappe pas tou- jours , du moins entièrement , au travers des vaisseaux ; car il manifeste souvent sa présence en s'unissant à des substances qui en composent leurs atmosphères ; ce qui arrive surtout à l'eau qui se change en gaz hydrogêne , en cédant son oxigène à la matière métallique avec laquelle elle est en contact , et en lui enlevant en même temps de son ignigêne ; ce que nous prouverons par divers faits chimiques que nous fournira le Traité que nous examinons. Mélange de soufre et de plomb. Texte. « Faisant fondre dans un creuset 80 par- » ties de plomb et 20 parties de soufre, on ob- » tient un composé, dans les plus petits fragmens » duquel on trouve du plomb et du soufre. » Tom. 1. pag. 1. Or.sERVATioN. Il ne paraît pas que les chimistes connaissent la raison de ce fait chimique ; puis- que leurs idées sur les atomes sont inexactes , pour ne pas dire très-erronées. S'il faut moins de parties pesantes de soufre, car ici il doit s'agir DES PHYSICIENS MODERNES. 353 de poids , pour saturer une certaine quantité de plomb ; c'est que les molécules du soufre étant moins grosses et parlant plus légères que celles du plomb , seront aussi plus nombreuses que ces dernières dans un poids donné. Donc pour que ces diverses molécules, en confondant ensemble leurs atmosphères , s'accolent deux à deux , c'est- à-dire une de plomb à une de soufre , il faut que le poids absolu de la masse de plomb sur- passe à proportion celui de la masse de soufre pour fournir un nombre égal de molécules. Enfin le fait chimique dont il est ici question confirme à merveille ce que j'ai déjà dit que plus les corps étaient pesans, plus le diamètre de leurs molécules était communément considérable; et moins aussi existait-il de ces molécules dans un même volume : ce que les chimistes même les plus modernes n'ont pas connu encore. Nota bene. Je pense que d'après leur poids spécifique, il ne faudrait pas 20 parties de soufre pour saturer complètement ces 80 parties de plomb. En effet, suivant M. Thenard , Tom. I. pages 241 et 409, le poids spécifique du soufre est 1,99, et celui du plomb 11 , 352. Donc 11,352 : 1,990 : : 80 : i47Tfji- Fausse idée des chimistes sur la constitution des composés. Pour expliquer le phénomène de la transpa- rence et ce qui en dépend, Newton avait imaginé des molécules de plusieurs ordres. Les chimistes modernes ont embrassé la même opinion ; car , suivant M. Thenard , ils reconnaissent des atomes ou des molécules binaires, ternaires, etc. , pour former les corps composés ; mais ils se trompent. Les corps composés ne constituent pas plus que les corps simples des molécules de divers ordres; 23 354 ERREURS DÉVOILÉES car tous ont leurs molécules accolées les unes aux autres , comme des billes de diverses matières, qu on rassemblerait avec art dans un panier ou qu'on unirait ensemble avec un ciment. Ce en quoi ils diffèrent entre eux , c'est que dans les corps diaphanes , ces molécules sont rangées en droite ligne ; tandis que ce n'est plus de même dans les corps opaques. Enfin toutes sont entou- rées de particules atmosphériques qui, en nom- bre plus ou moins grand, servent à les unir sans changer leur figure propre qui est toujours ar- rondie ; ce qui ne saurait constituer plusieurs ordres de molécules. ^attraction moléculaire ou cohésion. Texte. « Tous les corps tendent à se combiner. » Nous ne pouvons expliquer cette tendance gé- » nérale à la combinaison , qu'en admettant l'exis- » tence d'une force inhérente aux molécules ou » atomes de la matière. Cette force, quelle qu'en » soit la cause.... nous l'ignorons absolument.... » Tom. I. pag. 4" Observation . L'aveu que fait ici M. Thenard est bien précieux; car il démontre, comme je l'ai déjà dit, que chimistes et physiciens ont méconnu l'existence et le mécanisme des petites atmosphè- res, auxquelles Dieu a donné la propriété de s'at- tirer mutuellement , et d'unir entre elles les mo- lécules qu'elles entourent. Ils ne connaissent pas mieux les causes de l'élasticité , de la mollesse , de la fluidité , de la gazéité , qui dépendent égale- ment de ces atmosphères. J'en ai parlé assez am- plement dans le cours de cet ouvrage. Dissolution des sels. Texte. « Comment se fait-il que le sel se dis- » solve dans l'eau?.... Pourquoi l'eau ne peut-elle DES PHYSICiENS MODERNES. 355 » dissoudre qu'une certaine quantité de sel ? » Tom. I. pag. 9. Observa-tiojv. La raison que M. Thenard donne de ces phénomènes n'est pas exacte. Si le sel se dissout dans l'eau, ce n'est point , comme le dit cet auteur, parce que la force de cohésion du sel est moins grande que son affinité pour Veau : et si l'eau n'en peut dissoudre qu'une certaine quan- tité , ce n'est pas non plus parce que, à mesure que l'eau dissout du sel , son action sur ce corps dimi- nue probablement à cause de V éloignement des atomes. L'affinité ne s'exerce point entre les molécules elles-mêmes, mais entre ces molécules et les at- mosphères réciproques ; et ce sont les molécules salines qui enlèvent , à celles de l'eau , une petite portion de leurs particules atmosphériques. Qu'il y ait , par exemple, deux sortes de sels dont l'un enlève à chacune des aqueuses 4 ou 5 de ces par- ticules, et l'autre une seule; certainement le pre- mier se dissoudra en plus grande quantité que le second. La raison en est fort simple. Mais si le sel ne peut s'emparer d'aucune de ces particules atmosphériques , il demeurera au fond de l'eau sans se dissoudre, et l'on pourra dire alors que l'eau a plus de force pour retenir son oxigène, que n'en a le sel pour le lui enlever. Echauffe-t-on l'eau , ses molécules s'incorporent quelques particules ignigènes et abandonnent tout autant d'oxigène que s'approprient, pour se liquéfier, les molécu- les salines non encore dissoutes. L'eau vient-elle à perdre par le refroidissement cet ignigène ac- quis , elle reprendra à ces dernières molécules salines , l'oxigène qu'elle leur avait cédé ; ce qui les obligera de se précipiter. Il en arrive de même si le liquide s'évapore , car alors ce dernier en- lève successivement tout l'oxigène prêté ; parce 356 ERREURS DÉVOILÉES qu'il en a besoin pour se changer en vapeur ou en fluide éhistique ; et tout le sel finit par se pré- cipiter , si l'évaporation continue jusqu'à sic- cité (i). Une dernière remarque à faire , c'est que les molécules salines dissoutes dans l'eau ne s'y trou- vent pas accolées aux aqueuses , comme le sont les molécules de soufre à celles du plomb, ainsi que nous l'avons déjà vu. Et pourquoi? Parce que ces aqueuses ne peuvent pas abandonner aux sa- lines autant d'oxigène qu'il leur en faudrait pour flotter en nombre égal aux premières ; et s'il est besoin, par exemple , de six ou huit molécules deau pour fournir l'oxigène à l'atmosphère de chaque molécule de sel, celle-ci se placera tout naturellement au milieu d'elles sans former ce- pendant avec les cessionnaires une molécule iso- lée ou d'un autre ordre : ce qui n'empêchera pas que la moindre goutte du liquide ne paraisse salée, parce que cette goutte est composée d'iin très-grand nombre de molécules d'eau et de sel. Pourquoi l'eau ne dissout pas Vhuile. Observa-Tioiv. m. Thenard , Tom. I. pag. lo , ainsi que les chimistes disent que cela provient de ce que l'affinité de ces deux liquides est extrê- mement faible. Mais d'où procède l'affinité? C'est ce qu'ils ignorent. Or on a vu que lorsque les atmosphères qui entourent les bases ne sont pas fiota C est par un semblable mécanisme que les métaux qu'on dissout dans un acide, se précipiient les uns les autres. Ceux qui sont plu* avides d^-s particules atmosphériques de cet acide , les erdeveiit à ceux qui le sont moins, en leur cédant l'ignigène qni formait leur atmosphère. Ces derniers se séparent donc et tombent an fond du dissolvant , parce que la nouvelle atmosphère qu'ils ont prise n'a pas assez d étendue pour leur procnrer la légèreté qui leur serait indispensable pour flotter dans le liquide. J)FS PnYSIClE>S 3I0UERKES. 35^ les mêmes, ou qu'il n'existe pas entre elles quel- que analogie, elles ne peuvent point s'unir ensem- ble ; et par conséquent il n'y a pas alors d'affinité , quoique les bases soient de la même espèce; puis- que j'ai déjà fait voir que la molécule- base de l'eau est la même que celle de l'huile : car ce dernier liquide peut redevenir eau, si en le brû- lant on lui enlève son atmosphère très-ignigénée pour lui en donner une toute composée d'oxigène. Enfin dans le fait chimique dont nous parlons , on trouve une nouvelle preuve que celte affinité ou l'attraction moléculaire ne s'exerce point de molécule à molécule sans intermédiaire, mais par le moyen des petites atmosphères. Si les acides ne contiennent que de Voxigène avec leur radical. Les chimistes sont bien persuadés qu'il n'existe dans les acides que le radical ou la base avec l'oxigène ; cependant il s'y trouve autre chose sans qu'ils s'en doutent ; car il y a aussi de lignigene qui concourt, avec l'oxigène, à former l'atmo- sphère de cette base. En veut-on la preuve ? Pre- nons pour exemple l'acide sulfurique mêlé avec l'eau. Si le mélange se fait à la température ordi- naire et en parties égales, il en résultera une cha- leur de 84 degrés. Or d'où peut provenir cette chaleur , sinon de lignigene émis du mélange? Mais comme l'eau n'a que l'oxigène pour l'atmo- sphère de ses bases, cet ignigène est nécessairement fourni par les bases de l acide qui en laisse échapper une partie , en s'emparant d'une portion de 1 o- xigène de l'eau. Tous les acides n'ont pas la même quantité d'ignigène , ils en ont plus ou moins , comme aussi ils possèdent plus ou moins d'oxi- gène ; et je n'ai pas besoin de dire que les aci- des dont la terminaison est en eux , et qu'on a 3l'»8 ERREURS DÉVOILÉES reconnus avoir moins d'oxigène, ont plus d'igni- gène que ceux qui se terminent en ique. Il faut remarquer aussi que cet ignigéne tient plus ou moins aux bases des différens acides , et par conséquent qu'il s'en dégage ou moins ou plus facilement. Des corps ou des fluides impondérables. — Réfle- xion sur V ignorance volontaire et inexcusable de beaucoup de nos philosophes , touchant Vame et la Divinité. Texte. « La qualité d'être impondérable rend » douteuse.... l'existence matérielle du calorique, » du fluide lumineux, du fluide électrique et du » fluide magnétique. » Tom. I, pag. 35. Observation. Ce que dit ici \\. Tbenard dé- montre que les idées des chimistes sur ces sortes de matières ne sont pas exactes ; car si ces trois pre- mières matières sont impondérables, c'est que nos moyens mécaniques sont trop bornés pour pou- voir en apprécier le poids dans toutes les occa- sions ; mais ce n'est pas une raison de nier leur existence qui se dévoile dans une infinité de cas. On a pu voir dans le cours de cet ouvrage que les molécules de lumière , obscures quand elles sont seules ou isolées, brillantes étant réunies, sont fixées dans les pores de tous les corps ; que le calorique ou ignigéne forme l'atmosphère de ces molécules de lumière ; et que le fluide élec- trique a pour bases ces mêmes lumineuses dont l'atmosphère n'est plus tout ignigéne , mais com- posée d'ignigène et d'oxigène. Quant au fluide magnétique , je n'en parlerai pas , parce que Je magnétisme n'a pas été l'objet de mes recherches; mais je dois dire cependant que le magnétisme animal me paraît une véritable chimère. Enfin le charbon dont l'atmosphère est composée d'igiii- DES PHYSICIEA'S MODERI«IES. 359 gène qui est le calorique , et dont les bases sont des molécules oxigènes , prouve que la matière calorifique est dans certains cas pondérable. JSota bene. Si nos physiciens , nos chimistes , nos savans enfin , malgré leurs études, leurs tra- vaux et leurs nombreuses expériences , doutent encore de l'existence de ces substances matériel- les qu'ils voient cependant, qu'ils sentent et qu'ils palpent même , est-il surprenant que , par un effet de leur orgueilleuse ignorance , quelques philosophes nient l'existence de Dieu et de 1 ame qu'ils ne sauraient voir ; ignorance qui est néan- moins sans excuse , parce que lame se fait con- njiître par ses actes ; et que Dieu , cet être tout bon , tout juste , tout-puissant se manifeste à notre esprit et même à nos regards par les mer- veilles innombrables qu'il a répandues dans cet univers ? De la Dilatation, Texte. « Tous les corps que l'on expose à une » température supérieure à la leur se dilatent, à » moins qu'ils ne soient suffisamment compri- » mes , etc. » Tom. I , pag. 48. Observatioiv. On attribue avec raison ce phé- nomène au calorique qui pénètre ces corps. Mais comment cette matière calorifique s'y place-t-elle, et par quel moyen opère-t-elle cette dilatation ? C'est ce que les savans n'ont pas encore entrevu , et c'est ce qu'il est facile d'expliquer d'après les principes que j'ai déjà fait connaître. Or, cette dilatation s'exerce par le mécanisme des atmo- sphères des opaques et des lumineuses. En effet, applique-t-on le calorique à un corps, il s'y insi- nue par l'entremise des lumineuses qui sont dans ses pores , et qui , le distribuant dans toute la masse , s'en servent pour étendre leurs petites 3Go ERREURS DÉVOILÉES atmosphères. Si dans le même temps les opaques refusaient d'en recevoir à leur tour , ce corps acquerrait bien une température plus élevée ; mais il ne se dilaterait point, parce que la force répulsive des atmosphères des lumineuses ne pourrait vaincre l'attraction que celles des opa- ques exercent entre elles. Pour affaiblir cette force attractive, il faut donc que les opaques élargissent aussi un peu leur enveloppe atmosphérique ; et c'est ce qu'aux dépens de ce calorique elles font jusqu'à un certain point, et suivant les différentes espèces de substances. Voilà donc le corps solide dilaté; mais demeurera-t-il toujours compacte? Oui , si les opaques n'ont pas d'aptitude à acqué- rir plus de particules atmosphériques ; car alors le plus grand feu ne pourrait les liquéfier; témoin la silice qui par l'attraction de ses opaques sur-" monte constamment la répulsion exercée pnr les lumineuses. Donc pour que le corps pi^sse à l'état de liquide, il faut que les opaques aient leur at- mosphère plus étendue que dans la compacité; et beaucoup plus , s'il doit devenir gazeux ; parce que l'attraction moléculaire s'affaiblit à propor- tion que les atmosphères des opaques s'agrandis- sent. Enfin une marche inverse aurait lieu, si le calorique était soustrait partiellement des corps. Ce que je dis ici d'un solide s'applique également aux liquides. Ces diverses quantités de particules ignigènes que les opaques d'un corps chauffé prennent sui- vant les différentes espèces , donnent encore lieu à plus d'un phénomène. Les physiciens ont d'a- bord remarqué que « les solides se dilatent moins » en général que les liquides , et ceux-ci moins que » les gaz » ( r). Ensuite , que les solides et les liqui- (i)Thenard , Tom. !, pag. /«S. » DES PHYSICIENS MODERNES. 36 1 des se dilatent tous inégalement (i); tandis que la dilatatif. Ces trois opinions , qui sont trois contre-vérités, n'appartiennent pas, il est vrai, a M. Thenard ; mais de la manière qu'il les présente , il semble les adopter. La première appartient à Symmer, les deux autres à Davy; mais j'ai fait voira l'article -É'/ec^r/aVé, qu'il n'y avait qu'un seul fluide électrique, qui, disséminé .sur toutes les surfaces, pouvait tantôt en être expulsé, et tantôt y être accumulé en plus grande quantité. A l'ar- ticle Calorique y j'ai démontré que ce calorique \ ' •^—^— - — — — (l) Thenard, tom. I,p. 128, li^o et \l\(ï. 366 ERREURS DÉVOILÉES était non un composé, mais une matière distincte, destinée à former et l'atmosphère ordinaire des lumineuses contenues dans tous les pores , et souvent celle des opaques. Enfin au chapitre des Particules atmosphériques , et ailleurs , on a dû remarquer que l'affinité chimique dépendait des atmosphères réciproques des opaques , quand elles avaient entre elles quelque analogie , ou qu'elles pouvaient se confondre mutuellement. Donc l'affinité qui est souvent très-énergique ne provient point de la force électrique qui est tou- jours bien faible par rapport à l'union des corps. Maintenant faisons quelques observations sur quelques phénomènes dépendans de l'électricité, et commençons par rapporter certains faits ob- servés. 1° Suivant M. Thenard , tome I ^ page i43 , « l'hydrogène ne se combine presque avec aucun » métal , tandis que l'oxigène se combine avec » tous , excepté l'or , le platine et quelquesaulres » Par conséquent l'hydrogène se dégagera presque » toujours à l'état de gaz à l'extrémité du fil né- » gatif , et l'oxigène ne se dégagera à cet état , à » l'extrémité du fil positif, que dans le cas où l'on » emploiera des fils d'or ou de platine. » 2° On n'opère pas sensiblement la décomposi- tion de l'eau pure, même au moyen d'une pile voltaïque très-forte, mais y ajoute-t-on une petite quantité de sel ou plutôt d'acide , elle acquiert sur-le-champ la propriété d'être décomposée avec beaucoup de rapidité. Oj 3° On doit se rappeler que nous avons dit que l'eau n'est pas , comme le prétendent les chimis- tes , composée d'oxigéne et d'hydrogène ; mais seulement de la base aqueuse avec une atmosphère (i) Voyez aussi Thenard, tona. II, p. 5. DES PHYSICIENS MODERNES. 867 oxigène; que les bases du fluide électrique avaient au contraire une atmosphère mixte , c'est-à-dire formée d'ignigène et d'oxigène , laquelle peut , comme toutes les atmosphères semblables, aban- donner, dans certains cas, plus ou moins de ces deux élémens atmosphériques (i) ; enfin que l'eau mêlée avec des sels ou des acides leur cédait une portion de son oxigène , en s'emparant d'une partie de leur ignigèue suivant les circonstances. Voyons actuellement comment se fait ce qu'on appelle la décomposition de l'eau par le fluide électrique. Lorsque ce fluide circule dans la pile voltaïque, il suit son cours sans rien perdre de ses particules atmosphériques; mais s'il rencontre un conduc- teur interrompu, il se trouve isolé et à la merci des substances qui auront plus d'attraction que lui pour l'un ou l'autre de ces principes atmo- sphériques. Si donc au sortir du fil positif le fluide électri- que rencontre l'eau que l'acide a déjà acheminée à la décomposition en lui cédant une partie de son ignigèue pour l'oxigène qu'il lui a enlevé, qu'arrivera-t-il ? Ce fluide achèvera cette décora- position déjà commencée , en fournissant aux aqueuses le surplus d'ignigène dont elles ont besoin pour passer à l'état élastique, et l'oxigène qu'elles abandonneront en dernier lieu , devenu libre , se portera en forme de bulles dans la cloche disposée pour le recevoir ; pourvu toute- fois qu'il n'ait pas été absorbé par le métal du fil positif, ou par les corps soumis à l'expérience. (i) Nota. Les chimistes ont remarqué que le jus de raisin, etc. ne fermentait point sans le con'act de l'air ou de l'oxigène, et qu'un courant voltaïque produisait le même effet, (Ai. Thenard, tom. IV, p. 319 ) Or, si le âuide électrique est capable de rem- placer icirosigène,c'est une preuve qu'il en contient lui-même. 368 ERREURS DÉVOILÉES Les bases du fluide électrique qui ont été dé- pouillées par l'eau d'une portion de leur ignigène, en resteront-elles toujours privées ? INon : en s'élançant sur le fil négatif, elles le reprendront en l'enlevant aux lumineuses sises dans les pores de cette eau ; car ces lumineuses sont comme des canaux qui continuellement alimentés par une eau vive donnent abondamment ce liquide à ceux qui communiquent avec eux et qui en ont moins. Le fluide électrique a donc cédé de son ignigène à l'aqueuse dont l'attraction pour ce principe était plus forte ; mais si sur son passage il trouve une matière qui ait plus d'affinité pour l'oxigène , cette matière le lui enlèvera en lui laissant l'ignigène; c'est ce qu'on peut voir par une expérience faite par Priestley , et qui a été répétée plusieurs fois avec succès. Ce physicien fit passer une étincelle à travers un cylindre de cristal rempli en partie de teinture de totirnesol et en partie d'air atmosphérique , et il observa que la couleur de cette teinture se changea en rouge, et que l'air, quoique sain auparavant , était devenu délétère. Dans cette expérience le tournesol a pris de l'oxigène et l'air de l'ignigène. Cet oxigène a été fourni par le fluide électrique à la teinture de tournesol qui a abandonné de son ignigène dont la molécule aérienne s'est emparée en lâchant une portion de son oxigène qui, devenu libre , s'est porté sur les molécules électriques pour reformer leur atmosphère. D'après ces deux expériences qui pourront servir à en expliquer beaucoup d'autres, on voit que le fluide électrique se des- saisit partiellement et momentanément tantôt de l'oxigène et tantôt de l'ignigène. Mais d'où vient que l'oxigène et même l'acide d'un sel se rend au pôle positif, et l'ignigène ainsi DES PUYSICIKNS MODERNES. 869 que le métal et l'alcali au pôle négatif? Ce que j'ai dit ailleurs des phénomènes électriques doit avoir déjà donné la solution de celui ci. En effet , j'ai fait voir que les substances élec- trisées se repoussaient mutuellement lorsqu'elles avaient réleclriciié positive , et que celles qui l'avaient négative attiraient les premières ou en étaient attirées. Or , les métaux , les alcalis et l'ignigène sont ordinairement dans le premier cas , et les acides ainsi que l'oxigène dans le second. Donc quand la pile voltaïque est eu activité , les acides et l'oxigène doivent se rendre au pôle positif; et les alcalis, l'ignigène et les substances métalliques au pôle négatif. Si l'on attache un fil de fer très-fin à l'extrémité de l'un des fils de laiton ou de platine adaptés aux pôles d'une très-forte batterie qu'on met en- suite en action , ce fil de fer , selon que l'a ob- servé M. Thenard, tom. I , p. i39 , brûle rapide- ment dans l'air ou dans le gaz oxigène, et rougit seulement dans le gaz azote. Dans ce cas l'ignigène du fluide électrique se portant sur le fil de fer dont la masse est très-petite relativement à l'af- fluence de ce fluide, suffit pour étendre l'atmo- sphère de ses ferrugineuses et de ses lumineuses; et par conséquent pour disposer les premières à la décomposition , si elles trouvent l'oxigène dont elles ont alors besoin; au lieu que si cet oxigène leur manque ou qu'il ne soit qu'en très- petite quantité et adhérant fortement à ses bases, comme dans le gaz azote, le métal ne pourra que s'échauf- fer et rougir, et non brûler. Enfin un fil d'or, placé dans l'air, s'oxide et se réduit en une poussière violette quand on y fait passer au travers une forte décharge électrique; parce que le fluide élec- trique agrandit l'atmosphère des bases de ce fil aux dépens de son propre ignigèue ; ce qui les ■A SjO ERREURS I>JÉV0ILÉE9 met dans le cas de pouvoir se décomposer et de prendre l'oxigène aux molécules aériennes en s'oxidant. C'est encore par un semblable mécanisme qu'une lame d'or s'inscruste entre deux verres en recevant la décharge d'une forte batterie élec- trique , avec cette différence que l'oxigène , qui oxide la feuille d'or, n'est pas fourni par l'air, mais par les molécules du verre ; car celles-ci ont une atmosphère mixte dont les principes ne sont pas toujours entièrement fixes. Le fluide électrique a cédé l'ignigène à la base du verre qui a abandonné à l'or de son oxigène; et l'igni- gène dont l'or s'est dessaisi , dans ce cas , s'est porté sur les lumineuses électriques pour leur restituer celui que les molécules du verre leur avaient enlevé. Cet ignigène libre, dont nous parlons, enflam- me la poudre à canon et l'alcohol , quand l'étin- celle électrique s'élance ou éclate au milieu d'eux; ce qui n'aurait plus lieu si le fluide électrique suivait Tin conducteur non - interrompu , parce qu'alors il n'y aurait point de dégagement d'igni- gène , supposé que le conducteur fût d'une gros- seur suffisante. Réfraction. La réfraction n'est point , comme le dit M. Thenard, tom. I, p. iiS , un effet de l'attraction, à distance , de la lumière pour les corps. C'est là proprement l'opinion de Newton que les chimistes et les physiciens ont adoptée , sans autre examen , sur la foi du savant Anglais. Voyez ci-devant mon article Réfraction. DES PHYSICIENS MODERNES. 3'Jl Métaux , Hydrogène , et Eau. — Fait chimique que selon nos chimistes on ne peut expliquer que difficilement dans la décomposition de l'Eau , etc. OiV trouve dans cent endroits du Traité de CJiimie àe M.Thenard , que l'eau nommée actuel- lement oxide d'hydrogène est un véritable com- posé , mais que le gaz hydrogène , les métaux et quelques autres substances sont des corps simples. Ce n'est pas seulement cet auteur, mais tous les chimistes modernes qui , s'étant copiés les uns les autres , affirment positivement que ces opinions sont des vérités incontestables ; et ils traiteraient d'ignorans et d'idiots ceux qui refuseraient d'ad- hérer à leur sentiment. Cependant tout ce qu'on a déjà vu dans le cours de cet ouvrage prouve évidemment que ces opinions admises et soute- nues par ces savans, sont autant d'erreurs ma- nifestes. Hé quoi! dfront nos chimistes, n'avons-nous pas décomposé l'eau en deux principes par le moyen de la chaleur et du fer ou de quelque autre métal ? N'avons-nous pas montré que ce liquide abandonnant son oxigène au métal , le changeait en oxide , tandis que son hydrogène ou principe inflammable s'échappait à l'état de gaz ? N'avons-nous pas reformé de l'eau en unis- sant cet hydrogène à l'oxigène ? L'analyse et la synthèse ont donc prouvé que nous avons dit vrai. Toutes ces expériences qu'on cite sont fort belles et font preuve d'un génie artiste et inven- tif , mais les conséquences qu'on en tire sont tout-à-fait erronées, parce qu'on n'a pas considéré sous toutes leurs faces les phénomènes invoqués; qu'on n'a pas plus tenu compte de l'ignigène ou 372 ERREURS DÉVOILÉES du calorique dégagé dans la réforraalion de l'eau, que s'il u'existait pas ; enfin qu'on n'a pas cherché à se rendre raison d'un fait observé inopinément dans le cours des travaux chimiques , et qu'on aurait dû pouvoir expliquer suivant les principes admis et préconisés. Or, voici ce fait tel que le rapporte M. Thenard dans son Traité de Chimie , tom. II, à la note de la page 349- Texte, v Tous les oxides de fer ont la propriété » d'être décomposés par le gaz hydrogène, depuis » le rouge naissant jusqu'à la température la plus » élevée. Il semble d'après cela , qu'à ces divers » degrés de chaleur, le fer ne devrait point dé- )^ composer l'eau. Cependant l'expérience a prouvé * » le contraire à M. Gay-Lussac. C'est un fait qui )i ne s'explique que difficilement. » OBSERVATION. M. Thenard a bien raison de dire qu'on n'explique ce fait que difficilement , mais dans les hypothèses préconisées ; et on peut ajouter qu'on ne l'expliquera jamais , tant qu'on s'obstinera à regarder l'eau comme composée d'oxigène et d'hydrogène, et les métaux ainsi que le gaz hydrogène , comme des corps simples , n'ayant absolument qu'une base ou le radical. En effet , si l'eau est un composé d'hydrogène et d'oxigène , que le fer à de certains degrés de chaleur sépjiràt l'un de l'autre en s'oxidant lui- même, ces divers degrés de chaleur devraient toujours empêcher ces deux principes de se join- dre pour revenir à l'état liquide; et par une con- séquence naturelle, ou les oxides de fer ne de- vraient point être décomposés par le gaz hydro- gène, ou le fer ne devrait point décomposer l'eau. Mais ce n'est plus de même quand l'eau n'est composée que d'une base avec une atmosphère oxigène , et que le fer a aussi, outre sa base, une atmosphère ignigène : car alors met on cette eau DES PHYSICIENS MODERNES. S^S en contact avec le fer à un certain degré de cha- leur, celui-ci troque une partie plus ou moins grande de son atmosphère contre celle de ce liquide. Cette eau est devenue par-là gaz hydro- gène ; mais la remet-on en contact avec l'oxide de fer à une température élevée qui les force encore à faire un nouveau troc , ces deux corps feront encore échange de leurs particules atmo- sphériques , et reprendront leur premier état. L'on voit donc qu'afin que le fer change l'eau en gaz inflammable , il faut qu'il ait lui-même l'igni- gène , principe inflammable ; et qu'enfin devenu oxide, il reprenne l'ignigène à ce gaz pour repa- raître sous la forme métallique, tandis qu'il res- titue à ses bases l'oxigène qu'il leur avait enlevé. C'est ainsi que l'on reconnaît que le fer et tous les autres métaux ne sont pas des substances ab- solument simples comme on le prétend , et que la base de l'eau ou la molécule aqueuse , est contenue tout autant dans le gaz hydrogène, que la base du métal dans son oxide. (i) Tous les métaux n'ont pas la même tendance à échanger plus ou moins de leurs particules (i) Nota. Que les chimistes réfléchissent mûrement sur cette expérience de M. Gay-Lussac, et ils ne diront plus que l'eau est un composé d'oxigène et d'hydrogène. Car enfin a-t- on jamais pu changer en gaz hydrogène leau renfermée seule dans un vase non jnétallique ? Nullement; il faut qu'elle y soif avec du fer ou autre matière analogue. Mais soutiendrait-on que ce fer n'a point d'ignigène ou de principe inflammable? On ne le pourrait pas , puisque le fer brûle étant allumé dans un bocal rempli de gaz oxigéne. Or, une substance peut-elle brûler sans avoir le principe inflammable ou l'ignigène? Assurément non. Donc le fer en prenant l'oxigène à l'eau lui a cédé de son principe inflammable qu'elle abandonnera quand on lui restituera son principe naturel ou l'oxigène. Certes dans tous ces cas peut- on voir autre chose que de mutuels échanges de la matière atmosphérique qui dans le temps présent enveloppe les bases ? 3^4 ERREURS DÉVOILÉES ignigènes contre l'oxigène de divers corps. Celte tendance varie selon les différentes substances métalliques. Les chimistes en avançant que l'eau était com- posée d'oxigéne et d'un principe inflammable , sans autre base , ont cru rendre leur opinion triomphante en faisant voir que dans leurs expé- riences , le poids du gaz hydrogène recueilli, et de l'oxigène fixé dans le fer égalait celui de l'eau décomposée ; et que l'eau produite dans la com- bustion du gaz hydrogène , était égale au poids de l'oxigène et de l'hydrogène consumés. Je n'at- taque point ces faits, mais les conséquences qu'on en a tirées , et qui ne sont pas exactes. Car ne devait-on pas avoir égard à l'ignigéne qui s'accu- mulait autour des aqueuses et des ferrugineuses fortement échauffées , lorsqu'on voulait décom- poser l'eau , et que ces aqueuses , en s'élevant à l'état de gaz , emportaient avec une partie de celui qui formait proprement l'atmosphère des molécules métalHques? Ne devait-on pas de même tenir compte du calorique qui s'échappait , lors- qu'on voulait recomposer l'eau , en brûlant le gaz hydrogène par le gaz oxigène ? Donc , dans ces expériences on n'a pas calculé tous les élémens employés; et si dans la combustion du gaz hy- drogène, par exemple , le poids de l'eau recueillie égale celui des deux gaz consumés, quoiqu'il y ait une grande perte de calorique ; c'est qu'à cause de la dilatation de ces gaz, les parties vides exis- tantes nécessairement entre des molécules arron- dies réunies, telles que le sont les opaques et les lumineuses avec leurs atmosphères , doivent être beaucoup plus grandes dans ces mêmes gaz, que dans l'eau et tout autre liquide où ces atmosphères sont plus pressées les unes contre les autres. Ainsi ces vides qui , dans les gaz oxigène et hydrogène DES PHYSICIENS MODERNES. 3']^ diminuent leur pesanteur absolue , compensent abondamment la perte de l'ignigène de ce der- nier , lorsque , en brûlant , il se réduit et se con- dense en eau. Or, c'est ce qui a trompé les chi- mistes qui cependant , en voyant que dans cette combustion il se perdait une grande quantité de calorique, auraient dû se douter que le principe inflammable n'était pas essentiel à la nature de l'eau puisqu'elle l'abandonnait. Qu'on n'aille pas m'objecter que ce calorique dégagé provient seulement de celui qui s'était placé entre les molécules constituantes des deux gaz hydrogène et oxigène , pour les écarter et les faire passer à l'état gazeux ; car j'ai déjà prouvé que ce calorique ne saurait écarter les bases d'un gaz qu'autant que celles-ci ont une atmosphère quelconque beaucoup plus étendue que dans l'état solide ou liquide. Donc point de gaz si les opaques n'ont cette plus grande atmosphère ; et point aussi de combustion , si de deux corps en contact, l'un n'a l'ignigène pour l'atmosphère de ses bases, et l'autre l'oxigène. Or, c'est cet igni- gène qui se dégage lors de l'ignition du gaz hydrogène. Il est bien vrai cependant que le degré de chaleur résultant de cette ignition est élevé par l'ignigène formant aussi l'atmosphère des molécules de lumière qui sont dans les pores des deux gaz , et qu'elles abandonnent en très-grande partie quand ceux-ci passent à l'état solide ou liquide. Mais toujours est-il vrai qu'il n'y a point de combustion si les opaques n'ont une atmo- sphère ignigénée et tenant peu aux bases. De même les bases ne peuvent exister sans de particules atmosphériques. Ainsi l'on voit que les chimistes n'ont émis leur fausse hypothèse de la composi- tion de l'eau , que parce qu'ils n'ont pas su dé- 3^6 ERREURS DÉVOILÉES couvrir ni le vrai mécanisme de la combustion , ni l'existence des atmosphères de toutes les mo- lécules-bases des matières. Enfin le gaz hydrogène n'est pas le seul qui brûle avec le gaz oxigène ; mais c'est l'unique qui, dans sa combustion , donne de l'eau , rien que de l'eau ; parce que c'est le seul qui ait pour bases les molécules aqueuses : phénomène sur lequel on aurait dû réfléchir, et qu'on aurait dû comparer avec celui que nous présente la com- bustion du gaz oxide de carbone. La base aqueuse est donc le radical du gaz hydrogène. D'après cela ne doit on pas trouver étrange qu'on ait donné à l'eau le nom de son dérivé en l'appelant oxide d'hydrogène ? Ainsi dans la chimie moderne le tout prend le nom de la partie. Sublime effort de génie d'un siècle des lumières ! Siècle très riche , si l'on veut , en expériences chimiques et physiques, mais aussi, bien fécond en raisonnemens absurdes. ISota. Le résultat de cet article doit être qu'il n'y a absolument de corps simple que le gaz oxigène , parce que sa base et l'atmosphère de celle-ci sont de la même espèce; que tous les autres corps ont une base particulière, environnée de particules atmosphériques , ou tout ignigènes comme dans les métaux et le gaz hydrogène , ou tout oxigènes comme dans l'eau; ou enfin plus ou moins mélangée de ces deux principes atmo- sphériques dans les autres divers corps solides, liquides ou gazeux du globe terrestre. Encore un mot sur le calorique. — Opinion erronée de MM. Dulong et Petit. Abandonnez le calorique latent comme une hypothèse inutile, nous ont dit deux physiciens- chimistes ; retranchez le calorique des parties DES PHYSICIENS MODERNES. 3'J'J matérielles des corps , nous crient à leur tour deux autres chimistes-physiciens. Beaux préceptes qui , s'ils pouvaient être suivis dans toutes leurs conséquences , laisseraient l'univers sans chaleur ni lumière , et aussi aride et plus pulvérulent qu'un monceau de sable , où tout demeurerait dans un engourdissement total ! Mais pourquoi refuse -t- on le calorique aux parties propres des corps , c'est-à-dire aux opa- ques ? M. Thenard va nous l'apprendre, Tom. I, p. 192. C'est parce qu'il est trop invraisemblable, selon MM. Dulong et Petit, de supposer» que la cha- » leur o« Vignigène existe dans les corps sous deux » états trés-différens ; et que celle qu'on regarde » comme unie aux parties matérielles, soit euiiè- » rement indépendante des chaleurs spécifiques, » puisque , assez souvent , les composés ont autant » de capacité pour le calorique que leurs princi- » pes constituans. » Mais en vérité qu'est-ce que cela peut faire au calorique que possèdent les parties opaques des corps indépendamment de celui qui réside dans leurs pores , uni aux molécules de lumière ? Si les molécules d'un composé sont d'égale dimension, les vides qui existeront entre elles, pourront être semblables à ceux des molécules des corps sim- ples qui le composent. Donc le calorique émis y trouvera pour se loger, le même espace que dans ces derniers. Donc aussi la capacité de ce com- posé pour le calorique devra y être égale , quoi- que les opaques aient de l'ignigène ou du calori- que à leur atmosphère. Ne semble-t-il pas que ces divers chimistes aient voulu , par le seul tact , se convaincre de l'exis- tence du calorique ; et que n'ayant point trouvé de chaleur libre en maniant un métal , ou en plongeant leur main, soit dans un gaz, soit dans 378 ERREURS DÉVOILÉES un liquide non minéral, ils ont pensé, en réflé- chissant chacun à sa manière , quoique dans un sens opposé , que le calorique n'existait point là où ils auraient cru devoir le palper , pour ainsi dire ? Ce que nous venons de remarquer dans l'article précédent touchant les atmosphères des opaques et des lumineuses des corps, nous prou- ve, contre le sentiment de ces chimistes, que le calorique ou l'ignigène existe réellement sous deux états différens dans un grand nombre de substances , et surtout dans celles qui sont com- bustibles. Enfin ces Messieurs pensent qu'il est probable que la majeure partie de la chaleur qui se développe, lors de la combinaison des corps, est due à l'électricité; opinion que semble parta- ger M. Thenard f i ) , mais qui n'est pas moins fausse. Nous ne nous arrêterons point sur l'épithète de matérielles données à certaines parties des corps inorganiques. S'imaginerait-on qu'il y en a aussi d'immatérielles ? Ce serait certes quelque chose de fort singulier que cette immatérialité existât dans les substances brutes , lorsque nos prétendus esprits forts ne croient voir dans l'homme que des parties matérielles. De la Flamme. Fausse opinion de M. Davy. M. Thenard nous apprend, Tom. I, pag. 198, que M. Davy prétend que la flamme est une ma- tière gazeuse chauffée au point d'être lumineuse. M. Davy se trompe, la flamme n'est point un gaz; c'est la réunion momentanée des molécules de lumière qui occupent les pores des corps. Mais comment a-t-elle lieu cette réunion? Le voici. J'ai dit ailleurs que ces molécules de lumière , dans leur état naturel , se repoussaient muluelle- (i) Voyez Traité de Chimie , Tome I. p. 193. DES PHYSICIENS MODERNES. 879 ment jusqu'à un certain point , parce que leurs petites atmosphères ignigènes, tendaient à se con- server dans presque toute leur expansibilité; mais que lorsque , par la décomposition des corps ou par quelque autre moyen, il affluait, sur ces atmosphères, de nouvel ignigène en plus grande quantité que ne comportait la grandeur des pores où elles se trouvaient , elles semblaient changer de nature en cessant de se repousser ; et se mêlant à la manière de celles des opaques d'une même espèce , elles étaient cause que ces molécules de lumière se réunissaient plusieurs ensemble pour former un globule , dont une de ces mêmes molé- cules formait le noyau, et dont la splendeur était d'autant plus vive que sa figure sphérique était plus parfaite. Quand ce noyau n'occupe pas pré- cisément le centre , ou plutôt quand le centre de toutes ces lumineuses agglomérées ne corres- pond pas en droite ligne au point central de ce noyau , la flamme ne saurait briller de cet éclat de blancheur qui la rend étincelante ; mais sui- vant que ce globule est plus ou moins régulier , elle devient rose et rouge , et prend ies autres couleurs du prisme jusqu'au violet où cette agglo- mération est plus imparfaite. Or cette régularité plus ou moins parfaite du globule lumineux dépend de ce que dans un in- stant donné il se dégage de la substance qui brûle, plus ou moins d'ignigène, dont une partie, s'ac- cumulant rapidement autour des lumineuses , les réunit comme je viens de le dire , et leur com- pose-une atmosphère commune qui est aussi plus ou moins grande et plus ou moins adhérente au groupe lumineur. On conçoit bien que de deux substances qui laisseront dégager leur ignigène avec une égale rapidité, celle qui sera dense donnera une flamme 380 ERREURS DÉVOILÉES plus vive que celle qui serait rare comme les gaz ; parce que dans le premier cas il y aura dans un même espace plus de ces groupes illuminés ; et c'est ainsi qu'en brûlant du gaz hydrogène dans le gaz oxigène , on n'obtient, selon M. Thenard, Tom. I, pag. J94 5 qu'une faible lumière; tandis que celle qui provient de la combustion du phos- phore dans le même gaz est si vive, comme l'ob- serve aussi le même chimiste, six lignes après. Mais si la substance n'abandonnait que très- partiellement son ignigêne , comme le soufre , par exemple , quoiqu'il s'allume facilement , la lumière qu'on obtiendrait différerait de celle du phosphore non-seulement en clarté, mais en cou- leur ; parce que cet ignigêne peu abondant ne serait pas suffisant pour donner à la fois aux lu- mineuses la quantité de particules atmosphéri- ques qui leur serait nécessaire pour composer , plusieurs ensemble, des globules réguliers. La flamme qui vient d'être formée serait per- manente, si cet ignigêne, qui est accumulé au- tour de ses globules , demeurait fixe ; mais cela n'est pas ainsi; car les atmosphères de toutes les lumineuses tendant à l'équilibre, celles du fluide ambiant enlèvent promptement , à celles de la flamme , Fignigène qu'elles ont en excès , et se le distribuent uniformément. De là cette rapide dés- union des globules illuminés, dont les molécules reprennent leur élasticité naturelle , et cessent d'être visibles , en se séparant : et si quelques flammes s'élèvent très-haut, comme dans un in- cendie, c'est que la quantité d'ignigène , qpi ac- compagne les globules illuminés, les dérobe quel- que temps à l'action attractive des lummeuses extérieures. C'est à cette dernière cause qu'est due , à ce que je crois , la facilité qu'a la flamme du gaz hy- DES PHYSICIENS 3rODERXES. 38 1 drogène de passer au travers d'une toile métallique qui interceptera celle de plusieurs autres sub- stances. Car l'aqueuse de ce gaz ayant une atmo- sphère beaucoup plus étendue que celle des opa- ques de tous les corps combustibles , l'ignigéne , qui compose cette atmosphère, fournit abondam- ment en se décomposant , ce principe atmosphé- rique aux lumineuses de la flamme, et les empêche de se désunir sitôt , en passant au travers de la toile, tandis que cela n'a plus lieu avec les autres substances combustibles dont les opaques , ayant moins de particules ignigenes , ne peuvent en fournir autant à leurs lumineuses que le gaz hy- drogène. Cette vaste atmosphère qu'a l'opaque du gaz hydrogène bien pur , produit un autre effet qui paraît singulier ; c'est qu'il peut brûler dans une atmosphère raréfiée qui éteindra la flamme d'un autre corps. Effectivement , M. Thenard nous dit , Tom. I, pag. 197 , que « du gaz hydrogène qui se déga- )i geait lentement d'une fiole surmontée d'un tube w de verre, ayant été allumé à l'orifice élroit de )) ce tube, et l'appareil ayant été introduit sous le » récipient d'une machine pneumatique qui con- )) tenait 200 à 3oo pouces cubes d'air , l'on vit la » flamme dont la hauteur était d'un sixième de » pouce s'élargir d'abord à mesure que l'on fai- » sait le vide , puis diminuer, et enfin disparaître » lorsque la pression devint sept à huit fois plus » petite, ou que l'air fut sept à huit fois plus rare » qu'il n'était primitivement. » Suivant M. Thenard, cette extinction provien- drait de ce que dans une atmosphère trop raréfiée il ne se produit pas assez de chaleur pour entre- tenir la combustion ; mais ce n'est pas là précisé- ment la véritable cause. C'est que cette combus- 382 ERREURS DÉVOILÉES tion cesse nécessairement quand les molécules opaques du corps qui brûle ne peuvent plus échanger leur ignigène contre l'oxigène de l'air ; et c'est ce qui a lieu lorsque, par une trop grande raréfaction , leurs atmosphères réciproques sont arrivées au point où elles ne peuvent plus se tou- cher que faiblement. Or comme l'atmosphère des molécules du gaz hydrogène pur est beaucoup plus étendue que celle des autres substances com- bustibles , il est évident que ce gaz pourra être raréfié plusieurs fois avant que les atmosphères des opaques du gaz hydrogène cessent d'être tan- gentes de celles des aériennes. Donc aussi jusqu'à ce terme , l'échange des particules atmosphéri- ques réciproques pourra avoir lieu et par consé- quent l'ignition continuer. Enfin c'est à cette raréfaction successive qu'il faut attribuer, comme on doit s'en douter, l'élar- gissement de la flamme du gaz hydrogène à me- sure que l'on pompe l'air du récipient ; car alors les opaques et les lumineuses de cette flamme, moins gênées doivent nécessairement occuper plus d'espace et lui donner plus d'ampleur. « L'expansion par la chaleur, loin de diminuer » la combustibilité des gaz, les rend, au contraire, » capables de faire explosion ou de s'enflammer » à une température plus basse, » suivant M. The- nard , Tora. I, pag. 199. Cet auteur n'en donne pas la véritable raison qui est celle-ci. En dilatant les gaz combustibles renfermés dans un vaisseau qui les empêche de parvenir à leur plus grande dilatation , la chaleur n'agrandit pas seulement l'atmosphère de leurs lumineuses, mais encore celle de leurs opaques , par l'addition de nouvel ignigène qui s'y concentre. Or, j'ai fait voir dans le cours de cet ouvrage, que plus les atmosphères des opaques , surtout celles des gaz , avaient d'é- DES PHYSICIENS MODERNES. 383 tendue , moins elles tenaient à leurs bases , et plus elles étaient susceptibles de se décomposer et par conséquent de s'enflammer et même de faire ex- plosion, si cela appartenait à leur nature. Un mélange de gaz hydrogène et de gaz oxi- gène s'enflamme par l'étincelle électrique ; une compression très-rapide fait le même effet , comme M. Biot l'a observé le premier. En effet lorsqu'on condense un gaz, on rétrécit les pores qu'occupent les molécules de lumière. Celles-ci ne pouvant alors conserver toutes leurs particules atmosphériques ignigènes , sont obli- gées d'en abandonner une partie. Si la pression est lente , le calorique ou l'ignigène qui forme l'atmosphère des lumineuses des deux gaz , s'é- chappera peu à peu dans l'air ambiant et ne pro- duira aucune combustion ; mais si cette pression est forte et rapide , cet écoulement de calorique ne pouvant avoir lieu tout à la fois , au même in- stant , les particules de celui-ci se portent en partie sur les aqueuses bases du gaz hydrogène, et, am- plifiant leur atmosphère, les obligent à troquer leur ignigène contre l'oxigène de l'autre gaz qui disparaît ; tandis que l'ignigène dégagé de l'hy- drogène , se précipitant sur les lumineuses , agran- dit de même leur atmosphère et les contraint ainsi à se réunir plusieurs ensemble pour for- mer la flamme ou l'état lumineux , comme je l'ai déjà dit. Carbone. Les chimistes modernes , donnant le nom de carbone au charbon pur , le mettent au rang des corps simples ; et M. Thenard partage leur opi- nion. Mais nous avons vu qu'à l'exception du gaz oxigène , il n'y a aucun corps simple ; puisque tous ont leurs molécules-bases enveloppées d'une 384 ERREURS DÉVOILÉES atmosphère dont les particules sont d'une autre espèce que ces molécules. Mais de quelle espèce sera l'atmosphère du carbone ? Sera-t-elle de la même matière que le calorique ou l'ignigëne ? Non , suivant ces chimistes ; car ils pensent que le calorique impondérable n'existe pas comme substance. Cependant s'ils eussent réfléchi atten- tivement sur les phénomènes, n'auraient-ils pas pu reconnaître que la matière propre du carbone ou celle qui se manifeste dans sa combustion , était identique avec celle du calorique que don- nent tous les autres corps combustibles en brû- lant. En effet , par la combustion dans le gaz oxigène , le carbone émet de la chaleur , comme le gaz hydrogène , le fil de fer , etc. ; auxquels nous avons reconnu une atmosphère ignigène; et enfin i! désoxide les oxides métalliques : ce qu'il ne pourrait faire sans avoir la même enveloppe atmosphérique que le métal ou l'oxide réduit. S'il ne brûle pas quand on le manie, c'est que, comme tous les autres corps, il ne fait sentir sa vertu ca- lorifique qu'autant que son ignigène est mis en liberté , et non quand il est condensé autour d'une base. Lorsque le carbone brûle dans l'air ou le gaz oxigène , ses bases abandonnent une grande par- tie de leurs particules ignigènes , et les rempla- cent par les oxigènes que leur fournissent l'un ou l'autre de ces deux gaz. Alors le carbone se gazéifie en se changeant en acide carbonique non combustible. Si perdant moins d'ignigène , et prenant aussi moins d'oxigène , il se trouve avoir un excès de ce premier principe atmo- sphérique , on aura ce qu'on appelle gaz oxide de carbone qui brûlera avec lumière ; parce qu'il pourra échanger , contre de l'oxigène , cet igni- gène excédant qui, se portant sur les lumineuses Ï>ES PHYSICIENS MODER^îFS. 385 les plus ptoches , ou plutôt sur celles qui sont dans les pores de ce gaz oxide qui brûle , en élè- vera la température et les fera devenir visibles en les excitant à se réunir , comme nous l'avons dit ; et ce dernier gaz redeviendra acide carbonique. On voit donc que dès que l'ignigène s'échappe en assez grande quantité, il y a chaleur et lu- mière , quoiqu'il ne soit pas toujours nécessaire que les bases se dépouillent de toute leur atmo- sphère comme celle du gaz hydrogène. Enfin. puisque l'ignigène qui forme la plus grande masse du carbone , se change en calorique , celui-ci n'est pas un simple mouvement , ainsi que le pensent certains chimistes ; mais une vraie sub- stance qui ne produit son effet qu'en devenant libre. De Vair atmosphérique et du gaz azote. Les chimistes ne s'accordent point sur la quan- tité d'oxigène que contient l'air atmosphérique. D'après ses expériences , Lavoisier le croyait com- posé de 27 à 28 parties d'oxigène sur loo. Schéele y en admettait davantage , et M. Thenard , ainsi que les chimistes de nos jours pensent qu'il n'est formé que de 21 d'oxigène et 79 d'azote. La différence assez grande entre ces quantités trouvées d'oxigène peut faire naître quelque doute sur l'infaillibilité des moyens employés pour parvenir à ces résultats. Nos chimistes soutiendront qu'ils ont opéré avec plus de précision que leurs prédécesseurs; cela est tout naturel : mais les uns et les autres pourraient-ils s'être flattés d'avoir dégagé , dans leurs expériences , tout l'oxigène que l'air peut contenir? Les matières décompo- santes peuvent bien avoir enlevé ar , 27 ou 28 parties d'oxigène , mais si leur force absorbante ne va pas au-delà , le résidu de l'air ou l'azote , 25 386 ERREURS DÉVOILÉES quoique conservant encore beaucoup de ce prin- cipe atmosphérique, sera pour nous, comme s'il en était totalement dépourvu. Les chimistes qui sont venus après Lavoisier ont considéré avec lui le gaz azote comme un corps simple, et l'air comme un composé; mais si les petites atmosphères qui environnent chaque base devaient faire perdre à une substance la première de ces qualités , ces deux gaz seront chacun un composé ternaire, et nonbinaire comme on le dit de l'air ; parce qu'il y a dans l'un et dans l'autre la base aérienne avec une atmosphère mixte ou formée d'oxigéne et d'ignigèue, quoique dans des proportions qui ne sont pas les mêmes. Cette atmosphère mixte se trouve aussi dans le gaz acide carbonique, par exemple. En vain vou- drait-on dépouiller celui-ci de tout son oxigène , il en conserverait toujours une partie. De même l'air ne pourra se dessaisir que d'une quantité déterminée d'oxigéne remplacé aussitôt par une partie de l'ignigène qui afflue de la substance combustible pour se placer parmi les particules oxigènes atmosphériques que conservent encore les molécules-bases de cet air. D'après ce que je viens de dire , on voit que dans le gaz azote il y a plus d'iguigène , mais moins d'oxigéne que dans l'air; et cet oxigène qu'a retenu l'azote produit les divers acides qu'on a observés dans certains mélanges où il entre comme élément. L'air atmosphérique ne se comporte point comme le gaz oxigène dans l'acte de la respira- tion et de la combustion ordinaire ; car tandis que ce dernier gaz se décompose rapidement, parce que son atmosphère tient peu à sa base, l'oxigène de l'air, adhérant davantage à la sienne, exige plus d'effort pour l'en séparer; et de cette manière DES PHYSICIKNS MODERTCFS. 387 son action énergique se trouve tempérée, ce qui est pour nous un grand avantage , lorsque nous respirons. Quoique dans son état naturel la base aérienne ait abandonné de l'oxigène , elle en peut cepen- dant recouvrer davantage par certaines manipu- lations , comme dans le protoxide d'azote; mais dans ce cas elle aura perdu à proportion de son ignigèue, qui sera alors moins abondant que dans l'air proprement dit. L'union de l'oxigène et de l'ignigène autour des molécules aériennes donne lieu à bien d'au- tres combinaisons du gaz azote, où l'oxigène pré- dominera encore ; et tant que les bases de ce gaz auront une enveloppe étendue , ces combinaisons seront dans l'état de fluide élastique , comme dans le peroxide d'azote. Mais , dira-t-on , l'acide ni- trique n'a-t-il pas plus d'oxigène que les gaz dont il vient d'être fait mention ? Pourquoi donc n'est-il pas comme eux fluide élastique ? Oui , il a plus d'oxigène , mais aussi il a moins d ignigène ; et si par divers procédés on lui rend cet ignigène dont il avait été dépouillé en partie , il repren- dra son état de fluide élastique. C'est ainsi qu'en traitant un métal par l'acide nitrique, une partie de cet acide est changée en gaz azote , ou en gaz oxide d'azote ; parce que le métal lui cède alors une partie de l'ignigène qu'il possède , tandis qu'il lui enlève une grande partie de son oxigène : et d'ailleurs les bases, ayant, suivant les combinai- sons , plus ou moins d'attraction pour les parti- cules atmosphériques , cela les dispose à être moins ou plus fluides , c'est-à-dire à céder moins ou plus facilement à l'action répulsive des molé- cules de lumière qui sont dans leurs pores. Veut-on que je cite un autre exemple du chan- gement d'état qui a lieu par le troc des atmo- 388 ERREURS DEVOILEES sphères ? Le voici. Lorsque par le moyen d'un verre ardent on chauffe au rouge le charbon dans le peroxide d'azote , il se produit un demi-volume d'azote et un demi-volume d'acide carbonique. Qu'arrive-t-il dans ce cas? La base du charbon excitée par la chaleur s'empare d'une partie de l'oxigène du peroxide, et lui cède une portion de son ignigène. Par ce moyen, l'un devient gaz carbonique, et l'autre gaz azote, ayant chacun les deux principes atmosphériques, mais dans des proportions différentes. Il est singulier que M. Thenard et les autres chimistes parlent toujours de la fixation de l'oxi- gène dans les métaux, et qu'ils ne fassent nulle mention de l'ignigène que ceux-ci abandonnent; omission si importante qu'elle a été pour ces chimistes la cause d'une foule d'erreurs. Nota. Je ne crois pas qu'on pense que l'acide nitrique, quoique très-oxigéné , ne contient point d'ignigène ; puisque en le mêlant avec de l'eau , il s'en dégage beaucoup de chaleur, qui n'est autre chose que l'effet produit par l'ignigène mis en liberté , et que remplace l'oxigène de l'eau. Le Chlore. Les auteurs de la nouvelle nomenclature chi- mique donnèrent à cette substance gazeuse le nom d'acide muriatique oxigéné, ce qui indiquait que c'était une matière dont l'oxigène faisait partie. Mais MM. Thenard et Gay-Lussac crurent tirer de leurs expériences cette conséquence , qu'ils appellent importante, que cet acide pouvait être considéré comme corps simple : hypothèse que presque tous les chimistes préfèrent maintenant à l'ancienne, suivant M. Thenard. (i) Mais si celte (i) Tome I, page 253. DES PHYSICIENS MODERNES. SSq opinion scientifique est évidemment fausse, cet assentiment presque général pourrait-il lui appli- quer le sceau du vrai ? Non certainement. Que peuvent-ils entendre , ces chimistes , par corps simple ? Une substance réduite à ses propres ba- ses , c'est-à-dire n'ayant que le même principe ou la même sorte de matière ? Mais toute base n'existe point sans son atmosphère. Je l'ai démontré. D'ailleurs si le chlore était dépourvu de particules atmosphériques, il ne pourrait paraître sous la forme de gaz, et il serait plus pulvérulent qu'un amas de poussière. Il faut donc que ses bases aient une atmosphère pour devenir fluide élasti- que. Mais enfin de quelle nature sera cette atmo- sphère? Toute ignigène, ou toute oxigène ? Non, elle sera mixte et formera une espèce de composé ternaire comme le gaz azote. On voit bien que MM. Thenard et Gay-Lussac n'ont jamais soup- çonné cette composition du chlore , lorsqu'ils l'appellent corps simple ; c'est-à-dire formé d'un seul principe. Mais s'ils ont pu méconnaître dans cette substance l'ignigène ou le calorique , parce que , selon M. Thenard , sa qualité d'être impon^ dérable rend douteuse son existence aux yeux des chimistes(i) ; comment n'y ont-ils pas aperçu l'oxigène , lorsque les phénomènes l'indiquaient d'une manière évidente ? Ils n'y ont admis cet oxigène que dans ce qu'ils appellent protoxide et peroxide ; ce qui est une grande erreur. Les phénomènes qui indiquent la présence de l'oxigène dans le chlore sont nombreux , et M. Thenard, sans le vouloir, va nous l'apprendre lui-même. D'abord le chlore a une saveur et une odeur fortes, ce qui annonce toujours que l'atmosphère (i) Tome I, page 35. SqO TiRREURS DÉVOILÉES des bases est mixte; il n'éteint pas tout-à-coup , comme d'autres gaz , la flamme des bougies qu'on y plonge (i) , d'où l'on peut conclure qu'il a de l'oxi- géne , et qu'il en peut aba*ndonner quelques parcel- les dans certaines circonstances; mais avançons. Dissous dans l'eau et placé dans le courant du fluide de la pile voltaïque , le chlore se rend au pôle positif (2); ce qui n'est propre qu'aux sub- stances qui possèdent un excès d'oxigène. Si on expose à une chaleur rouge ou à l'action directe des rayons solaires , un mélange de chlore et d'hydrogène , il s'enflamme et détonne tout à coup (3) : mais si le mélange se fait à la température ordinaire dans un lieu parfaitement obscur, il n'y aura ni inflammation ni détonation; il en résultera seulement un nouveau gaz qui sera acide et qu'on appelle hydro-chlorique (4)- Or , l'hydrogène ne s'enflamme point et l'acide ne se forme point sans oxigéne. Donc celui ci se trouve dans le chlore , puisqu'il est certain que l'hydro- gène ne le possède point. Le chlore , quand on le respire , provoque la toux et cause un véritable rhume de cerveau (5). Un violent vent de nord ne produit-il pas le même effet par la présence de son oxigène ? Le chlore décompose promptement au rouge obscur le gaz inflammable des marais (6); brûle rapidement le gaz hydrogène arséniqué (7); change les gaz hypo-phosphoreux et hypo-phosphorique en acide phosphorique (8) ; acidifie le gaz hydro- gène bi-carboné et forme avec lui l'hydro-car- bure fg); enflamme l'arsenic lorsqu'on le jette en poudre dans un flacon rempli de sa substance (1) Tom. I, p 253. (4) Ihid. p. 267. (7) Ibid. p. 5o4. (2) lùid. p. 25/,. (5) lùid. p. 264. (\S) II , p. 1 6g et i65. ;^3}/6.p.a56et257. (6) lùid. p. 441. (9)I,p- 4':J4. DES PUYSICIEjNS MODERNES. SqI gazeuse (i); de même le soufre en vive combus- tion continue de brûler avec flamme, lorsqu'au moyen d'une petite coupelle on le plonge dans un vase semblable (2) ; enfin le chlore met tout à coup en liberté, à la température ordinaire, l'iode des hydriodates neutres , ainsi que le font l'acide nitrique et l'acide sulfurique concentré (3) où domine 1 oxigène ; il charbonne certaines sub- stances végétales et passe à l'état d'acide hydro- chlorique(4); il désliydrogène en partie les huiles essentielles (5) ; enflamme l'éther (6) ; détruit les couleurs végétales et animales (7J ; fait passer à un état d'oxidation plus avancé les bases salines qui en sont susceptibles , et change les sels de protoxide d'étain , de fer, et de cuivre en sels de peroxide (8). Or , tous ces faits et bien d'autres cités par les chimistes , pourraient-ils avoir lieu sans le concours de l'oxigène? Certainement non. Donc le premier degré d'oxidation commence dans le chlore , et non dans son protoxide , comme ils le prétendent. Il ùnit raisonner de même à l'égard de l'azote, de l'iode, etc. Le chlore ayant une atmosphère mixte doit se comporter différemment suivant les circonstan- ces : tantôt il abandonnera une partie de son oxigène , comme cela a lieu dans les phénomènes dont nous venons de faire mention; et tantôt ce sera une partie de son ignigène qui se dégagera, quand ce gaz, en se chargeant d'une plus grande quantité d'oxigène , se changera en ces gaz qu'on désigne par le nom d'oxide; mais ensuite en re- prenant î'ignigène abandonné , il redeviendra vrai chlore. En effet , c'est ce qui arrive lorsqu'on (i)Tora.n[,p.^64. (4)Tom.IV,p.2. (7) //«^. p. 258. (ci)Toin. I,p.486. (5) 7è/^ p. 81 et 82. (8) Tom. III,p. Ao. (3)Tom.III,p.395. [ti] Ibid. ^. i4y. 3ç)2 ERREURS DÉVOILÉES approche un fer rouge ou des charbons incan- descens de Féprouvette qui contient ce qu'on nomme le chlore (i). L'Iode. M. Gay-Lusssac a prouvé le premier que l'iode avait une grande analogie avec le chlore (2) ; mais il n'a pas rencontré juste lorsqu'il a dit que ce corps pouvait être regardé comme simple. En effet, l'iode a, ainsi que le chlore, une atmo- sphère mixte , et l'oxigène , qui entre dans sa composition , ne pouvant se séparer de sa base dans les cas ordinaires , est pour les chimistes comme s'il n'y existait pas ; mais il fait bien con- naître sa présence dans la combinaison acide qu'il forme avec l'hydrogène , désignée par le nom d'acide hydriodique (3). Nota. Entre autres effets que produit l'iode, il déshydrogène en partie, comme le chlore, les huiles essentielles (^4)* Donc il a de l'oxigène. Le Fluor. Suivant M. Thenard , le fluor forme avec diffé- rens corps combustibles, de même que le chlore et Tiode , des genres d'acides , etc. (5) Mais si le fluor a tant d'analogie avec ces dernières substan- ces , il doit avoir comme elles une atmosphère mixte , plus ou moins mélangée selon la nature de sa base ; car sans ce mélange point d'acide. C'est ce que je démontrerai bientôt plus am- plement. Nota. Puisque le chlore , Tiode , l'azote , le fluor ont l'oxigène , il s'ensuit que les combinai- sons qu'ils formeront avec d'autres substances , (1) Tbenard , Tom. V , p. 14. (2) Tom. I , p. 2G5. (3)Tom. I,p. 266. (4) Tom. IV, p. 82. (5)Tora.I[,p.533. DES PHYSICIENS MODERNES. SqS auront aussi de Foxigène. Ainsi les chlorures, les iodures, les azotures , les fluures, etc., seront des composés à atmosphère mixte ; parce que dans leur union les différentes bases de ces com- posés confondent ensemble leurs particules atmo- sphériques. Du changement des couleurs végétales par les acides et les alcalis. Texte. « Les acides rougissent la couleur bleue » d'une substance appelée tournesol ; les alcalis » verdissent la couleur bleue de la violette, (r) » Tous les acides ne contiennent pas de l'oxi- » gène , il en est quelques-uns qui sont formés » seulement de deux corps combustibles. (2) » Observation. D'après celte dernière partie du texte , il est évident que M. Thenard et les chi- mistes ne connaissent point la vraie nature des acides et des alcalis ; et qu'ils ignorent absolu- ment par quel mécanisme ces changemens de couleur arrivent. En effet , se sont-ils jamais douté que l'ignigène ou la matière du calorique se trouve avec les bases des acides, comme avec les bases des alca- lis ? Cependant les phénomènes les plus simples auraient dû le leur faire pressentir; puisque lors- qu'on mêle de Teau à de l'acide sulfurique, nitri- que, etc. , il s'en dégage une grande quantité de chaleur. Dans l'acide, l'oxigène est prédominant; et dans l'alcali, c'est l'ignigène. Lorsque le tour- nesol est en contact avec un acide , celui-ci lui abandonne quelques particules de l'oxigène qui entre dans l'atmosphère de ses bases, et lui enlève tout autant de particules ignigènes. L'alcali , au contraire , cède à la teinture de violette de son (i) Thenard, Tom. I. p. 14, (2) îhid. p. 22. 394 ERREURS DÉVOILÉES ignlgène qu'il remplace par Toxigène de cette couleur végétale. Cela est si vrai « que Ton peut » faire reparaître par un alcali , ainsi que le dit » M. Thenard , Tom. IV , pag. 179, les couleurs » altérées par les acides, et par un acide les cou- » leurs altérées par les alcalis. » Qu'arrive-t-il donc dans ces derniers cas? L'alcali enlève à la matière colorée l'oxigène cédé par l'acide , et il lui restitue l'ignigène que celui-ci lui avait soustrait; et réci- proquement à l'égard de l'acide succédant à l'alcali. Ces changemens de couleur proviennent de ce que les particules d'oxigène ou d'ignigène four- nies ou enlevées par un acide ou un alcali, chan- gent la contexture primitive des atmosphères de ces matières colorées , lesquelles ne réfléchissent plus comme auparavant les rayons de la lumière; car j'ai fait voir, à l'article des couleurs, que les particules atmosphériques , dont chaque base est environnée, sont comme des prismes qui, inter- ceptant de différentes manières le rayon primi- tif, donnent lieu aux diverses couleurs des corps. En examinant comment se comporte le camé- léon minéral, qui est un composé de potasse et d'oxide noir de manganèse qu'on obtient par la fusion , il est facile d'apercevoir que , dans ces changemens , c'est à l'oxigène qu'est due la cou- leur rouge , et à l'ignigène la couleur verte des substances végétales qui sont affectées par le con- tact des acides et des alcalis. En effet suivant M. ïhenard , (i) « le caméléon qui contient le moins j) de manganèse et le plus de potasse, et par con- » séquent le moins d'oxigène et le plus d'ignigène y » donne à l'eau une teinte de vert pur. Celui qui, » au contraire , contient le plus d'oxide de man- » ganèse , et par conséquent aussi le plus d'oxi- (i) Thenard, Tome II, page 524. DES PHYSICIENS MODERNES. SgS » gène et le moins de potasse et d'ignigène , » colore tout de suite l'eau en pourpre ou en » rouge ». Lorsqu'un alcali fait revenir au bleu la couleur changée en rouge par un acide , c'est qu'il rend à la matière colorée la porlion d'ignigène que l'acide lui avait ravie ; tandis qu'il s'empare de l'oxigène qu'elle avait reçu de ce dernier; et réci- proquement à l'égard d'un acide qui , donnant à cette matière colorée l'oxigène qu'elle avait perdu, en échange de l'ignigène acquis qu'elle lui cède, la fait passer du bleu au rouge. Cette manière de se comporter des acides et des alcalis démontre qu'ils peuvent avoir plus ou moins d'ignigène et d'oxigène ; c'est ainsi , par exemple , que l'acide molybdique dissous dans l'eau devient acide molybdeux avec le zinc , l'é- tain, etc. (i) ; parce que ceux-ci lui donnent de l'ignigène et en reçoivent de l'oxigène par com- pensation. Il en est de même des autres acides en ique qui peuvent , avec plus d'ignigène et moins d'oxigène , être changés en des acides de la ter- minaison en eux , et réciproquement. Suivant l'auteur, en combinant ensemble dans de certaines proportions un alcali avec un acide, il en résulte un composé qui ne change ni la cou- leur du tournesol m celle de la violette; alors on dit que ces deux corps se sont neutralisés réci- proquement. (2) Observation. Si l'on a bien conçu ce que j'ai dit , on doit voir que l'acide et l'alcali en s'unis- sant font un troc mutuel du principe atmosphé- rique qu'ils ont en excès; et qu'ainsi chacune de leurs molécules-bases , se trouvant saturée égale- (1) Voyez Thenard, Tom. II. p. 671 et suivantes. (2) Ibid. Tom. I, note de la page ll^. 896 ERREURS DÉVOILÉES ment d'oxigène et d'ignigène , ne prendra plus rien à la matière colorée du tournesol ou de la violette, et par conséquent la laissera dans son état naturel. S'il y a des acides sans oxigène. — M. Berthollet auteur de cette opinion erronée. C'est pour n'avoir pas entrevu l'oxigène dans l'azote, le chlore, l'iode, le fluor, etc. , que les chimistes de nos jours ont cru qu'il existait des acides sans oxigène; tels sont , suivant eux, l'acide hydriodique , l'acide hydro - chlorique , l'acide fluorique , etc. etc. Ce n'était point là l'opinion de Lavoisier qui faisait dépendre de l'oxigène l'acidité d'une substance ou d'un composé. Il se trompait seulement en ce qu'il n'admettait pas dans les bases des acides l'ignigène ou la matière du calorique. Quand on mêle l'hydrogène avec le chlore, par exemple, ces deux gaz confondent ensemble leurs atmosphères ; le chlore cédant à l'hydrogène une portion de son oxigène et lui enlevant en même temps une partie de son ignigène. Lorsque ce composé se trouve en contact avec le tournesol , l'hydrogène qui n'a cédé que forcément de son ignigène , fait un nouveau troc avec la matière végétale en lui abandonnant une portion de cet oxigène acquis et s'appropriant tout autant de son ignigène. De là , modification dans la con- texture de l'atmosphère de cette matière, et enfin changement de couleur , comme il est dit dans l'article précédent. Si l'hydrogène uni au chlore trouvait ime substance qui lui fournît tout l'igni- gène soustrait par ce dernier corps, alors il s'é- chapperait des liens du chlore, et laisserait celui-ci dans son état naturel. Or c'est ce qui arrive dans plusieurs cas. DES PHYSICIENS MODERNES. Sq^ Veut-on se convaincre que ces gaz acides qu'on prétend dépourvus d'oxigène en contiennent réellement , on n'a qu'à voir ce que deviennent le potassium et le sodium dans le gaz fluo-bori- que rangé dans la classe de ces acides. Suivant M. Thenard , ces deux corps métalliques , à l'aide de la chaleur , s'embrasent dans ce gaz comme dans le gaz oxigène (i). Or, la combustion peut- elle avoir lieu sans oxigène ? En bonne physi- que, non. Donc le gaz fluo-borique contient beau- coup d'oxigène ; d'autant que le même auteur nous assure que , dans ce gaz, le fluor joue le même rôle que le chlore, l'iode, dans les acides hydro-chlorique , et hydriodique (2). Aussi rou- git-il fortement la teinture de tournesol (3). Ainsi l'on peut être certain que tous les corps qui exercent une telle action sur cette matière végé- tale, contiennent véritablement de l'oxigène qui se déplace dans ce cas; quoiqu'il échappe à l'a- nalyse des chimistes, dont les moyens ne sont pas toujours assez puissans pour isoler les deux es- pèces de particules atmosphériques qui accom- pagnent les molécules - bases de ces sortes de corps. C'est à M. Berthollet que l'on doit l'opinion qu'il existe des acides sans oxigène. L'hydrogène sulfuré qu'il croyait formé seulement de soufre et d'hydrogène fut la cause de son erreur. Quel- ques chimistes adoptèrent d'abord cette opinion, mais plusieurs autres et M. Davy surtout la reje- tèrent et admirent de l'oxigène dans l'hydrogène sulfuré ('4)- Ils avaient raison , car le soufre ne saurait se changer en gaz sans le secours de l'oxi- gène. Je ne sais si M. Davy a persisté dans son (i) Thenard, Tom. II. p. 534. (2) Ibid. p. 533. (3) Ibid, \J\) Ibid. p. xhl\. et suivantes. 398 ERREURS DÉVOILÉES sentiment ; mais il me paraîl qu'en général on regarde maintenant comme une vérité incontes- table, et M. Thenard n'en doute pas , que deux corps combustibles peuvent former un acide sans oxigène. Tant il est vrai que les erreurs introdui- tes par des hommes célèbres se propagent et s'af- fermissent rapidement. Si ÏM. Berthollet avait ré- fléchi sur la manière dont se comporte le soufre , lorsqu'il brûle ou qu'il se change en gaz, il aurait reconnu sans peine loxigène dans 1 hydrogène sul- furé. En effet , on sait quelle est l'odeur suffo- cante et insupportable que répand le soufre dans son ignition.(3r,sicetteodeurprovientderoxigène qui s est uni à l'ignigène que ce corps combustible à conservé , il n'y a pas de doute que l'odeur péné- trante et analogue à celle des œufs pourris qu'ex- hale l hydro-sulfurique ou l'hydrogène sulfuré , ne provienne encore d'une atmosphère mixte et facilement décomposable ; car tout ce qui a une odeur et une saveur fortes, possède une sembla- ble atmosphère , quoique dans des proportions différentes suivant la nature des substances. \oyons maintenant ce que devient le gaz hydro- sulfurique quand on le met en contact avec l'é- tain à une température élevée. Son volume ne change pas , mais seulement sa nature ; aussi est- il entièrement converti en gaz hydrogène , d'où le soufre est exclus. Dans cette expérience Tétain a donné de son ignigène à l'aqueuse de ce gaz , laquelle ayant abandonné au métal loxigène qu'elle possédait dans son mélange avec la molé- cule du soufre , s'est séparée de celle-ci en repre- nant son élasticité ordinaire. Mais pourquoi le soufre n'a-t-il pas continué à former un fluide élastique? C'est que les molécules de l'élain, en fournissant aux aqueuses l'ignigène qui leur était nécessaire pour devenir gaz hydrogène , n'ont pu DES PHYSICIENS MODERNES. SqQ recevoir de leur part assez d'oxigène pour com- penser la perte de leur ignigène. Le métal a donc été obligé de prendre l'oxigéne à la molécule de soufre. Or celle-ci , s'en trouvant ainsi dépourvue en partie, a cessé d'être fluide élastique, et s'est jointe à celle du métal pour former un sulfure. Si les molécules sulfureuses du gaz hydrogène sulfuré avaient été tellement dépouillées d'oxi- gène , qu'elles n'eussent plus que l'ignigène pri- mitif, elles auraient repris leur état ordinaire ou de véritable soufre ; et c'est ce qui leur arrivera toutes les fois qu'on leur ôtera l'oxigéne qu'elles auraient pris en se combinant avec d'autres corps. Ce que je viens de dire de l'hydrogène sulfuré ou de Thydro - sulfurique , a lieu également en plus ou en moins, pour tous les acides composés de deux corps combustibles qui , quoiqu'on en dise , ne sauraient manifester de l'acidité sans oxigéne uni à l'ignigène. ^'ota hene. Si l'hydrogène sulfuré pouvait être formé sans le contact de l'air ou de l'oxigéne ^ c'est-à-dire si du soufre, mis dans l'hydrogène pur, se changeait , avec ou sans le concours du calorique , en cet hydrogêne sulfuré ; alors point de doute que le soufre ne contînt réellement un peu d'oxigène ; quoique celui ci ne pût en être communément extrait. Il en serait de même du phosphore , etc. ; car, ainsi que nous l'avons vu, certaines substances retiennent si fortement le principe oxigénique , qu'il est impossible de le leur enlever totalement par les moyens ordi- naires. Ammoniaque. L'a^i^io^'iaque est un composé de gaz azote et de gaz hydrogène qui ont confondu ensemble leurs /JOO ERREURS DEVOILEES particules atmosphériques ; et comme l'azote a une atmosphère mixte , ainsi que je l'ai démon- tré , ce composé aura aussi une atmosphère mé- langée où Tignigène dominera, parce que l'hydro- gène y ahonde : et voila pourquoi ce composé verdit le sirop de violette. M. Davy le premier et M. Berzélius ensuite ont bien vu que l'oxigëne devait être un des principes du gaz ammoniac , mais sans savoir de quelle manière il y existait ; car ils n'ont aucune idée des petites atmosphères. M. Thenard n'adopte pas l'opinion de ces chimistes, et il pense que quoi- que l'ammoniaque joue souvent le rôle d'un oxide, elle est cependant dépourvue d'oxigène (i). Ce dernier sentiment n'est pas recevable , et M. Davy a mieux rencontré ; mais il se trompe en croyant que l'hydrogène et l'azote pourraient bien n'être que des oxides d'un même métal qu'il appelle ammonium^ et qu'en conséquence l'ammoniaque ne serait que l'oxide A'ammonium. M. Berzélius a adopté cette dernière opinion avec trop de confiance et a tâché de la faire prévaloir (2) ; mais l'ammoniaque n'est pas un oxide comme il l'en- tend : c'est un composé d'azote à atmosphère mixte, et d'hydrogène à atmosphère ignigène qui, se mêlant ensemble , modifient la nature des aé- riennes et des aqueuses qui sont ses deux prin- cipes constituans , indépendamment des particules qui forment leur enveloppe atmosphérique. Une substance, qui céderait de son ignigène au gaz ammoniac , le décomposerait en ses deux vrais principes, c'est-à-dire en gaz azote et en gaz hydrogène. Or, c'est cette décomposition qu'on opère lorsqu'on soumet le gaz ammoniac , en (0 Voyez Thenard , tom. II, p. 4 '9- (2) Ibidem. DES PHYSICIE^TS MOHERNES. 4^1 jjfetile quantité , à l'action d'un grand nombre d'étincelles électriques. En effet , j'ai fait voir ailleurs que le fluide électrique a ses bases envi- ronnées d'oxigène et d'ignigène ; mais une partie de l'une ou de l'autre de ces deux sortes de par- ticules atmosphériques les abandonne lors de la formation de l'étincelle électrique , selon que l'une ou l'autre a plus de tendance à se porter sur la subsîance soumise à cette étincelle , ou à en être attirée. L'ignigène de la base électrique se joignant donc de préférence à l'aqueuse de l'ammoniaque, lui donne ce qui lui est nécessaire pour redevenir gaz hydrogène , en laissant les aériennes bases du gaz azote (i). Lorsqu'on expose le gaz ammoniac à l'action du calorique et d'un des cinq métaux suivans , fer, cuivre, argent, platine , et or, il se trans- forme aussi en gaz azote et en gaz hydrogène. Et pourquoi ? C'est que, par la chaleur, les aqueuses qui entrent dans la composition du gaz ammo- niac , se trouvant avoir plus de force pour s'em- parer d'une portion de l'ignigène de ces métaux, que ceux-ci n'en ont pour le conserver en entier, l'absorbent peu à peu en partie afin d'étendre leur atmosphère , et se débarrasser des liens de l'azote en s'échappant en gaz hydrogène ; mais alors ces aqueuses ont abandonné à l'azote l'oxi- gène qu'elles en avaient reçu. Ce qui se passe dans ce cas est une vraie cal- cination plus ou moins forte selon la faculté qu'ont ces métaux à se dessaisir d'une portion de leur (i) Nota. L'oxigène et l'ignigène réunis, composant l'atmo- sphère d'une base quelconque, ne peuvent point, en se dégageant même à la fois , former un fluide particulier, lorsqu'ils sont en présence d'une matière qui les attire , parce qu'avant de s'unir à un noyau-base comme dans l'acide carbonique , ils se portent ou ensemble ou séparément vers la substance qui en est avide. 26 402 ERRET3RS DÉVOILÉES ignigène ; car j'ai dit ailleurs que dans la caïcina- tioii les bases étaient dépouillées d'une partie de leur atmosphère. Voilà pourquoi ceux de ces mé- taux qui abandonnent le plus aisément l'ignigène, tels que le fer et le cuivre , deviennent cassans , et non l'argent , l'or et le platine qui le retiennent plus fortement. Aussi une quantité de fil de pla- tine , par exemple, triple de celle des fils de fer, ne produit point le même effet que ces derniers à une température élevée. Donc ce n'est pas comme conducteurs delà chaleur que ces métaux agissent sur la décomposition du gaz ammoniac, ainsi que l'ont cru quelques chimistes; et si, dans cette circonstance , ces corps n'augmentent ni ne di- minuent de poids (i), c'est que dans le premier cas ils ne remplacent point par l'oxigène , l'igni- gène qu'ils abandonnent ; puisque cet oxigène , délaissé par l'hydrogène , est soustrait par razote('2 ); et que dans le second leur pesanteur spécifique est augmentée à cause d'une légère condensation qu'ils éprouvent : ce qui compense la perte qu'ils ont faite. Mais c'est par cette propriété d'être conduc- teurs de la chaleur , que les métaux plus ou moins échauffés facilitent la combustion de certains gaz mêlés avec l'air ou l'oxigène , et qu'en même temps l'ignigène dégagé de ces gaz en se portant en partie sur les molécules de lumière qui sont dans les pores de ces métaux , les illumine et élève leur température. (i) Voyez dans Thenard , ces divers phénomènes, tome I, pages A33, 434 et 435. (2) Nota. Dans le cas dont il s'agit ici .l'attraction que l'aérienne ou l'azote exerce sur l'oxigène est plus forte que celle des molé- cules métalliques; voilà pourquoi celles-ci ne s'oxideut pas. DES PHYSICIENS MODERNES. 4^3 Grandes masses de fer qu'on prétend être tombées du haut des airs. M. Thenard , en parlant des grandes masses de fer natif qu'on trouve en divers lieux dans les deux lîémisplières , et dont quelques-unes pèsent; 60, 800, et I 5()0 myriagrammes , tandis qu'une autre masse a 28 pieds cubes , nous dit positive- ment, Tom. I, p. 369, que « aujourd'hui l'on w est porté à croire que ces lourdes masses sont » tombées de l'atmosphère, et que cette opinion » est fondée sur la certitude acquise dans ces » derniers temps, qu'il tombe des pierres de l'atmo- » sphère, qui paraissent être de même nature » que ces masses elles-mêmes. » M. Thenard n'assure pas que ces masses de fer et ces pierres nous sont venues de la lune , comme le prétendent sérieusement , à l'égard de ces dernières, quelques géomètres français, même des plus célèbres (i); mais n'a t-il pas été trop crédule en paraissant adopter l'opinion que ces grandes masses de fer natif sont tombées du haut des airs ? Car quel volume >:S PHYSICIENS 3IODERJNES. /(OQ avoir fourni différens sucs et divers solides , finissent par se réduire , dans les analyses , en carbone, oxigène, et hydrogène, et enfin celui-ci en eau qui est son vrai élément î Or, cet état de choses, qui revient toujours le même, démontre que ces modifications si variées n'ont été établies et ne sont perpétuées que par une intelligence su- prême , et non par le hasard qui n'est pas deux fois le même, ni par une nature passive qui n'or- donne rien , mais qui exécute seulement avec précision tout ce que son Créateur lui a com- mandé. Les hommes et malheureusement ceux qui se sont élancés dans la carrière des sciences , cou- rent , pour la plupart , les yeux fermés dans ce monde de merveilles ; et au lieu d'exalter , avec un cœur pur et soumis , Texcellence de l'être infini qui les y a semées avec profusion, l'outra- gent et le méconnaissent , en attribuant à la na- ture brute une toute-puissance qui n'appartient qu'à lui seul : phénomène moral qu'a très-bien expliqué l'illustre et savant Bacon, quand il a dit qu'il est prouvé « qu'une légère teinture de philo- » Sophie peut conduire à méconnaître l'essence w première , mais qu'un savoir plus plein mène » l'homme à Dieu(i); » c'est-à-dire que peu de science ou un faux savoir peut rendre incrédule, mais qu'une science pleine et vraie nous rend adorateurs sincères de la Divinité. Or, puisque dans ce siècle qu'on appelle des lumières , il y a tant d'incrédules, il en faut conclure, qu'il y a aussi un grand nombre de faux et de demi-savans, une foule de gens qui n'ont que le vernis grossier de la philosophie. Ainsi quand un homme vous soutiendra qu'il n'y a point de Dieu , vous pouvez (i) Voyez le Génie du Christianisme, III* Partie. 4 10 ERREURS DÉVOILÉES penser, sans vous tromper, qu'un tel homme n'est très-certainement quun faux ou demi-sa- vant , qu'un faux philosophe ; quand même il s'enorgueillirait d'être habile artiste , profond mathématicien , sublime géomètre , grand physi- cien , excellent chimiste, géologue, minéralogiste, érudit , littérateur , poète , et tout ce qu'on voudra. Il faut rendre cette justice à M. Thenard , qu'il n'a pas employé une seule fois , ce me semble , dans son Traité de Chimie , le mot nature dans l'absurde signification que lui donnent nos pré- tendus esprits forts , dans le dessein pervers d'abuser de la crédulité des sots, et d'égarer une jeunesse imprévoyante qui ne résiste qu'avec peine au torrent des passions , et qui dans ce siècle paraît suivre de préférence ceux qui lui donnent les plus mauvais conseils. Les hommes probes et de bon sens devraient désormais bien prendre garde de n'employer ja- mais , dans leurs ouvrages et discours , le mot nature dans des acceptions qui en feraient le synonyme de divinité; ce qui induit en erreur les faibles et les ignorans , surtout dans des écrits religieux. Les uns le font sans y penser , les au- tres par une mauvaise honte qui les empêche de se montrer chrétiens et raisonnables, et plusieurs enfin pour orner leurs productions. jNIais que gagne-t-on à substituer la créature au Créateur, un être passif à un être tout-puissant , le mensonge à la vérité. Les mots Dieu , Religion , et Providence j ont-ils jamais déparé un beau discours? Non assurément. DES PHYSICIENS MODERNES. 4'* Observations sur la Théorie atomique. — Idée juste de M. Bellani de Monza. MM. Dalton et Berzélius ont cherché à connaître le poids des atomes des différens corps , le pre- mier par le poids de l'atome de l'hydrogène , et le second par celui de l'atome de Foxigène ; mais il ne peut être résulté de leur travail qu'un faux résultat, parce que, comme l'observe avec raison M. Thenard , Tom. I , p. ii3, « les poids relatifs » des atomes se déduisant des quantités pondéra- » blés des substances élémentaires qui s'unissent M ensemble, il doit y avoir toujours quelque chose » d'arbitraire dans la fixation de ces poids, parce » qu'il n'y a aucun moyen certain de découvrir » le nombre réel d'atomes de chaque espèce qui » entrent dans une combinaison. » Les chimistes qui ont voulu perfectionner la théorie atomique qu'ils trouvaient défectueuse , ont cru qu'il fallait supposer « que tous les gaz » élémentaires sous le même volume , sous la » même pression et à la même température , » contiennent le même nombre d'atomes (i). » Mais ce n'est là que substituer une erreur à une autre erreur. Et pourquoi ? Parce que le gaz qui aura l'atmosphère de ses bases plus étendue, sera plus dilaté , et ayant par conséquent plus de vides , aura aussi sous le même volume, moins d'atomes ou de molécules -bases qu'un autre plus con- densé. Tel est le gaz hydrogène comparé au gaz oxigène. Il est bon d'observer que les chimistes n'ayant aucune idée de l'ignigène ou calorique, comme matière des atmosphères , le confondent dans leurs calculs avec les bases ou noyaux qu'il en- (i) Thenard, Tom. I, pag. 172. 4l2 ERREURS DÉVOILÉES veloppe. Cependant il devrait en être distingué pour rendre leurs résultats exacts dans la fixation du poids des atomes. Mais cette distinction sera- t-elle possible ? Non : parce que Tignigène ne pouvant être recueilli comme l'oxigène , échap- pera sans cesse à leurs investigations. Donc ce sera bien en vain qu'on voudra fixer le poids réel des atomes. Voyons maintenant quel est le poids de l'atome ou de la base de l'hydrogène, et celui de la base de l'eau , tels que les a fixés M. Dalton. Ce chi- miste ou ceux qui ont fait valoir sa doctrine , prétendent que le poids de l'atome de l'eau est à celui de l'atome de l'hydrogène comme 9 à i. La fausseté de ce rapport est évidente , puisque de deux bases semblables ils font deux bases de nature diverse. En effet , l'atome noyau ou base du gaz hydrogène est le même que celui de l'eau. La seule différence qui existe dans ce cas , pro- vient de leur atmosphère qui est tout oxigène dans l'eau , et tout ignigène dans le gaz hydrogène. Or, l'atome de l'eau , considéré dans un état isolé, ne peut pas avoir changé de dimension et de poids en devenant gaz hydrogêne. D'après ce que je viens de dire, on voit mani- festement que les chimistes , ne distinguant point la base d'avec son atmosphère, agglomèrent les particules atmosphériques avec la base aqueuse dans la fixation du poids de cette dernière; parce qu'ils croient faussement que l'eau est composée d'oxigène et d'un principe inflammable, sans une base particulière. Voici une autre erreur encore plus grande dans le rapport qu'on croit exister entre le poids de l'atome de l'hydrogène et celui de l'atome de l'oxi- gène dont le poids serait pour celui-ci 8, et pour l'autre seulement 1. Car la particule oxigène étant DES PnïSICIENS MODERNES. 4^3 l"ewton. 022 Expériences qui prouvent que les attractions et les répulsions ne dépendent que des atmosphère». 028 Propriété attractive des atmosphères , relative à la gravitation des animaux et aux lois d'équilibre. — Expériences. 552 Propriété attractive des atmosphères par rapport aux vapeurs. 554 Explication erronée donnée par quelques savans au sujet des attractions et répulsions de ces petits corps qui flottent sur un liquide. 555 Les expériences de Bouguer faites sur les montagnes du Pérou avec le pendule , prouvent que la gravité ne dépasse point l'atmosphère terrestre , et démon- trent quelle est la vraie hauteur de cette atmosphère. 556 Raisonnement antî- logique de M. Biot au sujet des expériences de Bouguer. — Réflexions justes du Journal des Débats sur la valeur d'une opinion scien- tifique préconisée par des suffrages répétés. 55o Le mécanisme de l'atmosphère terrestre prouve que notre globe a été créé de rien. 5j|2 De la résistance que l'éther doit opposer à la marche des corps célestes. — Contradiction de trois célèbres géomètres au sujet de l'hypothèse newtonienne. 3^5 45*2 TABLE DES MATIÈRES, LIVRE XII. OBSERVATIONS CRITIQrtS SI R(JVELQrES PARTIES ' ■' .1 DU TRAITÉ DE CHIMIE DE M. THEXABD , DE LA 5°"= EDITION. 55l Si le fer et les autres mélaux sont des corps plus sim- ples que l'air et que l'eau. Jbid. Mélange de soufre et de plomb. 35a Fausse idée des chimistes sur la constitution des com- posés. 553 Attraction moléculaire ou cohésion. 354 Dissolution des sels. Ibid. Pourquoi l'eau ne dissout pas l'huile. 356 Si les acides ne contiennent que de l'oxigène avec leur radical. 557 Des corps ou des fluides impondérables. — Réflexion sur l'ignorance volontaire et inexcusable de beaucoup de nos philosophe? , touchant l'ame et la Divinité. 358- De la Dilatation. 559 Cause de l'état des corps et de leur changement. 562 Quelques corps augmentent de volume par la fusion. Comment ? 303 Sur le calorique latent. — Réfutation de l'opinion de MM. Desormes et Clément. Ibid. Capacité de l'eau pour le calorique. 564 Source du calorique; le calorique n'émane point du Soleil , comme on le croit. Ibid. Si le calorique et la lumière sont une modification d'un même fluide, comme on le dit. 365 De l'Électricité. Ibid. Réfraction. 5^0 Métaux 5 Hydrogène, et Eau. — Fait chimique que selon nos chimistes on ne peut expliquer que diffi- cilement dans la composition de l'Eau, etc. Syi Encore un mot sur le calorique. — Opinion erronée de MM. Dulong et Petit. 376 De la Flamme. — Fausse opinion de M. Davy. 'ôyS Carbone. 383 De l'air atmosphérique (t du gaz azote. 385 Le Chlore- 388 TABLE DES MATIÈRES. 4^^ L'Iode. 092 Le Fluor. Ibid. Du changement des couleurs végétales par les acides et les alcalis. SgS S'il y a des acides sans oxigène. — M. Bcrthollet auteur de cette opinion erronée. 596 Ammoniaque. 5g9 Grandes masses de fer, qu'on prétend être tombées du haut des airs. t^o'ô Eau oxigénée. 4o4 Eau dans l'acte de la végétation. — Providence divine. — L'ne fausse science égare certains savans et les porte à méconnaître Dieu. — Réflexions sur l'abus qu'on fait du mot nature. ^oQ Observations sur la Théorie atomique. — Idée juste de M. Bellani de Monza. 4^* Conclusion. 4^4 APPENDICE. Considérations sur l'hypothèse qui fait voyager la Terre dans l'Ecliptique. — Aberration. — ISutation. (\\Q Fausse hypothèse de Bradley , relative à la Nutation. 424 Comment on peut déterminer la distance des Etoiles à la Terre. 4^8 Si la Terre circule dans l'espace. 4^'^ Encore un mot sur la Nutation. 4^8 Note explicative de la Figure relative à l'Aberration et à la Nutation. 44^ Remarque importante relative à l'Astronomie. 444 mu DE LA TABLE. ERRATA. Page io3 ligne 19 repoussé, liset repousséc, Pâtre 129 ligne 25 Erasme , Baiiholio , fjsez Érasme BartLoliir, Page 167 ligne \l\ rotron unifoime Usez rolation uniforme Page 222 ligne 7 du sureau lisez de sureau Page 229 ligne 16 vous lui communiquerez de ce fluide cjue la résine tend à lui enlev-er , lisez vous lui communiquerez autant de ce fluide que la résine tend à lui en ravir , Pase 208 Usne 25 dans une autre. Usez vers une autre, Page 2 58 ligne 1'* posées sur Usez posés sur Page 097 ligne 11 d'autant que <ùe; d'autant plus que ATigaoD : Sitcii! aiD« , ioipriinrur libruire. / '• 1/ jcaifte rauon violet J'f h / d •f i . . Sportif^ itiaon jaune I ^mrh'e jùj . /, ,/;•/ '<-"■■ V i-&-&-m-&'&'&-&-^^-^-9'^-&-&-&-^i I I I I t—Ô> )-^^-^i'^'^^'^'€^-^-<^^^^^^^-^^-^^'--:^^-